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Critiques de Kafū Nagai (44)
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Une histoire singulière à l'est du fleuve

Dans les années 1930, un écrivain en panne d'inspiration flâne au gré des ruelles, des rencontres (et en particulier d'une rencontre), de la radio, des phonographes et des moustiques dans les quartiers populaires du plaisir à Tokyo, autour de Tamanoi, à l'est du fleuve Sumida.

Sans doute le chef d'oeuvre de Nagaï Kafû, si l'on en croit Alain Nahoum dans la préface.

Peut-être.

L'histoire est certes sympathique mais selon moi, pas transcendante.

Ce qui m'a le plus dérangée je crois, ce sont les descriptions des lieux, surchargées de détails géographiques très précis et plutôt ennuyeux à la longue.

En revanche, ce que l'auteur réussit très bien, c'est nous immerger dans une espèce de bulle à la dérive entre deux mondes, l'ancien et le nouveau qui se construit sous ses yeux, entre traditionalisme et modernisme. Finalement, le personnage central de cette histoire est sans doute ce quartier de Tokyo en pleine évolution, scarifié par les changements, au grand regret du narrateur. J'ai également été surprise par l'omniprésence de la crainte et la méfiance envers les forces de l'ordre et j'ai regretté qu'il n'y ait pas plus d'explications à ce sujet.

Toujours est-il que ce livre se lit agréablement, comme une flânerie nostalgique au détour d'une époque en voie de disparition. Alain Nahoum (eh oui, encore lui) précisera même que « cette Histoire singulière à l’est du fleuve nous apparaît comme une des rares formes de ‘littérature de l’exil intérieur’ ».

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Une histoire singulière à l'est du fleuve

Nagaï Kafû (1879-1959) est un de mes écrivains japonais préférés, une personnalité forte, un auteur subtil et inclassable. J'aime arpenter les quartiers de plaisir de Tokyo en constante évolution avec lui et je suis toujours en admiration devant ses magnifiques portraits de femme.

En 1937, il publie Une histoire singulière à l'est du fleuve (Bokuto Kitan). le narrateur anonyme est un romancier en panne d'inspiration. Comme Kafû, il aime déambuler dans les bas-fonds et il marche en direction du Tamanoi, une zone prolétaire sans charme située sur la rive orientale de la rivière Sumida. le narrateur entre dans une librairie d'occasion, en ressort avec un paquet ficelé qui lui vaut un interrogatoire au poste de police. En même temps qu'il marche en essayant d'échapper aux contrôles, le narrateur donne des extraits du roman intitulé « La Disparition » qu'il est en train d'écrire et fait son auto-critique. Il aperçoit Tamanoi avec ses alignements de maisons délabrées et puis la pluie s'en mêle, O-Yuki emprunte son parapluie et l'attire dans sa chambre infestée de moustiques…

On retrouve dans ce roman l'humanité de Kafû, son écriture sensuelle et mélancolique et l'attention portée aux détails, accessoires, costumes toujours révélateurs.

Mais cet ouvrage est singulier à plus d'un titre. Il mêle narration, dialogues, extraits de journal et poèmes. Kafû et les deux narrateurs essaient de fuir, de disparaître de la réalité. Ce thème omniprésent est mis en abîme. le narrateur anonyme qui ressemble à Kafû essaye d'échapper aux contrôles policiers dans un dédale de ruelles sordides. Il est camouflé dans une tenue prolétaire car la police est présente à tous les coins de rue et il n'est pas du tout acceptable de sortir de sa caste. Il noue une liaison paisible et forte avec une fille du peuple. Elle lui rappelle par ses costumes traditionnels, un Tokyo perdu. Il sait déjà que leur relation est vouée à disparaître. Mais elle lui permettra de poursuivre son livre. Taneda, le narrateur du roman dans le roman est un homme marié et père de famille. Il fuit aussi les convenances, la morale et l'ennui sans savoir où il va puisqu'il est abandonné par son écrivain. Écrivain qui tôt ou tard abandonnera la prostituée. Kafû fuit son époque militarisée et disparaît dans son travail solitaire d'écrivain. En s'affranchissant des codes du récit traditionnel et des convenances morales, il affirme sa liberté individuelle.
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La Sumida

Kafû nous entraîne au début du XXème siècle dans ses flâneries sur les bords de la Sumida, dans les faubourgs de la ville basse de Tôkyô, ancien centre de la culture populaire à l'époque d'Edo. Kafû assiste non sans tristesse à la fin d'un monde qu'il évoque en un flot d'images poétiques : souvenirs d'estampes, de grandes courtisanes, anciens sanctuaires de plus en plus menacés par les usines, théâtres, etc. Ce court roman s'articule autour de quelques personnages. Ragetsu, ancien libertin rejeté par son père, est un maître de haïkaï. Sa femme O-Taki est une ancienne courtisane. Au début du roman Ragetsu rend visite à sa soeur cadette, O-Toyo, qui enseigne un style de musique traditionnel, le "Tokiwazu", et élève seule, après des revers de fortune, un garçon de 17 ans, Chôkichi. L'amie d'enfance de Chôkichi, O-Ito, s'apprête à devenir geisha. Ce qui pousse au désespoir le jeune homme dont nous suivons au cours du roman les errances. Un très très beau roman au style poétique.

Bonne année à tous

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Chronique d'une saison des pluies

Avec ce roman publié en 1931, Nagai nous dresse un double portrait, de femme, à travers son héroïne Kimie, mais aussi d'un Tokyo qui se modernise et vit encore un peu au gré des quartiers de plaisirs de l'ancienne Edo. On sent bien que l'auteur regrette les transformations à l'oeuvre, et le monde des geishas qui commence à s'éloigner…



Kimie est le symbole de cette évolution. D'abord recrutée pour exercer en maison de geishas, elle fait le choix quelques années plus tard, au moment où nous la découvrons, de l'émancipation en devenant barmaid. Tout en étant la maîtresse d'un écrivain marié, Kiyooka, elle ne se prive pas de nouer des relations avec d'autres hommes, sans jamais s'engager. Au fil de ses aventures à travers cette ville déjà tentaculaire, nous la voyons très active, au bras de l'un, se cacher et esquiver un autre, retrouver des amies barmaid, à la fois consciente des problèmes qu'elle peut créer et se créer, mais finalement assez désinvolte…Car la belle Kimie ne laisse pas indifférents les hommes qu'elle côtoie, ici ce sont eux qui la cherchent et dont elle titille la jalousie. Oh, de là à dire qu'ils souffrent, ce serait aller un peu loin, à cette époque les filles sont là pour divertir et donner du plaisir, ils ne sont pas vitalement attachés. Disons que Kimie a une attitude de femme libre et indépendante, espiègle, qui se joue des hommes. Nagai n'en fait pas un portrait de femme admirable et désintéressée, il semble bien à le lire qu'elle aime le sexe et la frivolité.



J'ai quelque peu regretté que l'histoire ne soit qu'une succession de ce type de rencontres et de jeux de cache-cache, sans véritablement de progression. La fin est assez ouverte et laisse comme un goût d'inachevé. Mais il n'en reste pas moins vrai que la psychologie des personnages et notamment de Kimie est remarquablement explorée, et les dernières pages sont comme une parabole d'un changement d'époque, lorsque Kimie réfléchit à abandonner purement et simplement cette vie pour repartir à la campagne, et que son vieux patron de la maison de geishas qu'elle a revu par hasard décide de se donner la mort, comme un symbole de la fin de cette époque « H(Edo)-niste ».



Nagai est véritablement le spécialiste du « monde des fleurs et des saules », comme l'imagerie populaire appelle les quartiers de plaisirs avec leurs maisons de geishas. Ses livres sont précieux pour ce qu'ils nous rapportent de ce monde déjà déclinant à son époque, ce dont il avait la nostalgie, monde aujourd'hui quasi disparu, même si une poignée d'authentiques geishas perpétuent la tradition à Kyôto. Sa lecture est aussi un grand plaisir, tant il nous offre de belles pages d'écriture au style classique, recherché et soigné. Une expérience à faire serait également de lire ce roman avec à portée de main un plan détaillé de Tokyo, tellement les noms de ses quartiers défilent au gré des pérégrinations de cette virevoltante Kimie ! Même si les transformations incessantes de cette agglomération gigantesque ont dû en faire disparaître...

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La saison des pluies

J'adore Kafu et ses magnifiques portraits de femmes. J'avais lu et adoré Chronique d'une saison des pluies aux éditions Picquier, traduit par Marc Mécréant. Je viens de me procurer La saison des pluies aux éditions Cambourakis, traduit par Roger Brylinski.

En comparant très rapidement les deux traductions, je remarque que la version présente est plus courte ( 20 pages de différence), moins explicative que la première, souvent plus familière. Voici la dernière phrase du livre:

Kimie se leva d'un bond, appela à grands cris, comme hors d'elle-même, à n'en plus finir, sa vieille logeuse.

Kimiyé se leva d'un bond et courut à l'escalier pour appeler la vieille.



Le livre est une chronique des quartiers de plaisirs durant une saison, à Tokyo, au début des années 30. Nous suivons Kimiyé, jeune serveuse de bar ( entraîneuse, prostituée) dans ses déambulations : tramways, ruelles infestées de rats, bars à enseignes lumineuses, taxis criards, garnis miteux, hôtels de passe, maisons de rendez-vous où se côtoient geishas de toutes catégories, serveuses, bourgeois, nouveaux riches etc. Kimiyé a choisi de fuir sa famille provinciale qui voulait la marier. Elle refuse d'être entretenue par Kiyoka, riche écrivain populaire. Elle n'éprouve aucune honte et brûle la chandelle par les deux bouts, ce qui ne l'empêche pas d'être très pragmatique. Le narrateur adopte aussi, par séquences, le point de vue de Kiyoka, jaloux comme un pou et celui de la fiancée flouée de celui-ci. Une femme moderne, occidentalisée mais dépendante...

Le style est élégant, jamais vulgaire, plein de finesse et de sensibilité.















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Une histoire singulière à l'est du fleuve

C'est pour fuir le son des radios et des phonographes de ses bruyants voisins que Tadasu Ôe se rend à l'Est de la Sumida, dans les vieux quartiers populaires de Tokyo. Il vient aussi y chercher le silence et l'inspiration pour terminer son dernier roman. Un soir de pluie, O-Yuki, une prostituée des bas quartiers, s'invite sous son parapluie et il la raccompagne chez elle. L'écrivain prend alors l'habitude de lui rendre visite, heureux de retrouver chez elle un peu de la ville d'antan. Alors qu'il écrivait l'histoire d'un professeur, Taneda Junpei, marié et père de famille, embourbé dans un mariage qui ne le satisfait plus, sa rencontre avec O-Yuki lui donne l'idée de jeter son héros dans les bras de Sumiko, une prostituée avec laquelle il envisage de s'enfuir.



Une promenade nostalgique dans le Tokyo de 1936. La ville tentaculaire continue de s'étendre et de se moderniser. A l'Est de la Sumidagawa, les quartiers de banlieue résistent. Ici la crasse règne, les canaux attirent des nuées de moustiques virulents, ouvriers et prostituées vivotent bien loin des radios qui indisposent le célèbre écrivain Tadasu Ôe. La promenade est aussi clandestine. Pour déambuler dans ces bas-fonds, observer ses habitants et se fondre dans le décor, l'auteur se camoufle dans des vêtements d'homme du peuple. Quand il entame une liaison avec O-Yuki, il ne lui dit rien de sa vie et se laisse aimer par cette femme au charme suranné qui lui rappelle le Tokyo d'un autre temps.

Amoureux de sa ville et fin observateur des métamorphoses qu'elle subit, Nagaï Kafu se livre ici à une double mise en abyme. Un écrivain, Kafu, écrit l'histoire d'un écrivain, Ôe, qui écrit l'histoire d'un professeur, Taneda, tous les trois déambulant dans le quartier de Tamanoi, les deux derniers se rapprochant d'une prostituée miséreuse.

Un livre très court mais troublant, envoûtant, attachant. C'est un plaisir de suivre Kafu dans ses descriptions d'un Tokyo aujourd'hui disparu et qui, en 1936, était seulement en voie de disparition.

L'écriture de cet auteur classique est tout à fait abordable et très évocatrice, on sent la chaleur moite, on aperçoit au loin une femme en kimono se pressant sous la pluie, on explore les ruelles sombres, on rencontre les petites gens de ces quartiers oubliés. Magnifique.
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Du côté des saules et des fleurs

Kafū Nagai peut être considéré comme le chantre des quartiers de plaisirs, ce monde flottant des saules et des fleurs. Dans nombre de ses ouvrages, il en dépeint les réalités, même dans ce qu'elles ont de plus triviales. Son oeil vif et acéré repère les us et coutumes de ce monde singulier mais également ce qui sort de l'habitude.



Dans ce roman, il se focalise sur l'univers des geishas, l'une d'elle en particulier, Komayo. Cette jeune femme fut épousée par l'un de ses admirateurs lorsqu'elle officiait dans le quartier des plaisirs. Son mari étant mort, elle préféra reprendre son rôle de geisha plutôt que de continuer à vivre dans une belle-famille peu cordiale.



Autour de Komayo gravitent clients, acteurs de théâtre et tous les habitués de l'ukiyo, le monde flottant. Kafū Nagai recourt à une écriture toute en subtilité et finesse, non sans quelque ironie à l'occasion. Sa connaissance de l'intérieur de cet univers apporte à ses propos et à son intrigue toute sa véracité. Son pinceau trempe également dans une encre teintée de nostalgie car le romancier sent l'évolution qu'est en train de vivre le Japon à la charnière entre le XIXème et le XXème siècle. A l'image d'autres confrères contemporains comme Tanizaki ou Sôseki, il regarde avec mélancolie et regret disparaître des spécificités séculaires et proprement nippone au profit d'une occidentalisation de la société et du pays.



Kafū Nagai fait partie de ces témoins remarquables et de ces auteurs classiques d'un Japon en pleine transition. J'ai aimé découvrir avec Du côté des saules et des fleurs son style, et compte bien lire d'autres de ses ouvrages qui figurent au catalogue des éditions Picquier (merci à elles pour les splendides découvertes orientales qu'elles permettent).
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Le Secret de la petite chambre

Dans ce recueil, les éditions Picquier ont rassemblé deux récits « érotiques » écrits semble-t-il, les preuves ne sont pas absolues, par deux grands noms de la littérature japonaise autour de 1920.



Dans le secret de la petite chambre, Nagai Kafû met en scène un Japonais qui a acheté une ancienne maison de rendez-vous (elles commencent à disparaître à cette époque) et y découvre un texte qui narre dans le détail les ébats d’un homme avec une prostituée.



Le second récit, la fille au chapeau rouge, est plus long et apparaît davantage structuré, plus intéressant. Un Japonais qui étudie en France et a décidé de faire un court séjour en Allemagne entend bien en profiter pour satisfaire ses besoins sexuels avec des femmes du pays. Il repère une jeune femme dans la rue, et ils font affaire une première fois nuitamment dans un parc, moyennant finance. Il croise ces jours-là d’abord fortuitement un ami japonais, lui aussi bien accompagné. Ils vont deviser de ces bons plaisirs, et le deuxième va organiser pour le premier une seconde rencontre avec la jeune femme, plus confortable, à l’hôtel.



On est frappé dans ce second récit par le nombre de Japonais qui déambulent à Berlin. Dans ces années 1920, de nombreux Japonais étudient et voyagent en Europe, ils sont avides d’Occident, en ce début de l’ère Shôwa qui a succédé à la période Meiji de modernisation effrénée du pays.



Pour le contenu, il est riche en ébats particulièrement détaillés, le lecteur est au cœur de l’action avec le narrateur qui se raconte à la première personne dans ces scènes de sexe. L’érotisme frise la pornographie, mais les traducteurs français, chevronnés, ont su y faire pour varier le vocabulaire anatomico-sexuel, et le style reste de qualité, accréditant la thèse d’écriture de ces textes par des écrivains de renom.



C’est plutôt un bon moment de lecture, quoique sans grande originalité. En outre, l’époque était différente…Autant dire que l’homme est le macho triomphant, le grand dispensateur de plaisir pour une femme qui n’attend que ça, et qui forcément prend son pied. Nos narrateurs ne doutent guère…

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Voitures de nuit

Me suis-je lassé des écrits de Kafu ou c'est l'écrivain qui, se répétant sans fin sur les relations entre les geishas et leurs amants finît par me décourager ? J'apprécie toujours autant la toile de fond de ces récits, ici l'après-tremblement de terre de 1923 qui ravagea la région du Kanto. Mais les petits arrangements entre les hommes et les femmes sur fond de destruction et reconstruction de Tokyo ne m'intéressent plus. Où se trouve la fraîcheur de « La Sumida » que j'avais tant aimée ? Cette impermanence qui se lisait à l'ombre des cerisiers en fleurs sur les bords du fleuve. Il me semble avoir lu quelque part (Pierre Faure?) que Kafu, pour ne pas être inquiété pendant la dictature militaire dans les années 30, a continué à écrire, mais seulement de ces histoires de geishas qui plaisaient à tout le monde. Ce qui lui évitait d'écrire le véritable fond de sa pensée sur les militaires et la guerre qui arrivait. Une forme d'auto-censure.
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Voitures de nuit

J'avais adoré Chronique d'une saison des pluies. Je retrouve avec le même plaisir l'écriture élégante et moderne de Kafu et ses formidables portraits de femmes. Sans aucun misérabilisme ni aucune complaisance mais avec une profonde humanité, il raconte le quotidien précaire des prostituées, geishas, serveuses de café,... leurs parcours chaotique, leur destin ...dans les années 30 à Tokyo. En arrière plan, les ruines et la misère d'une ville qui vient de subir un terrible tremblement de terre (1923) et qui s'européanise jusque dans ses bas fonds.

La présente édition Cambourakis 2020 contient six nouvelles. La première est un bijou avec des scènes d'anthologie.



1)Une femme en chambre garnie ( 84 pages)

Nous suivons d'abord Nagashima, un publicitaire quinquagénaire, qui entretient sa maîtresse payée au mois. Jaloux, iI l'épie devant la porte grillagée du logis. C'est à travers son regard et ses souvenirs de bourgeois possessif que nous faisons connaissance de Kikuko, puis à travers les yeux intéressés des entremetteurs et des clients et enfin à travers le point de vue sensible et compatissant du narrateur. Elle apparaît insaisissable, capricieuse, indépendante, pragmatique mais à mesure que le

récit avance, profondément seule. A la fin Nagashima réapparaît, content de lui.



2) L'hortensia ( 22 pages)

Tsuruki Dayu rencontre SôKichi dans un temple à son grand étonnement. Celui-ci était un ancien joueur de guitare et un homme entretenu par une dame. A présent, il est marié et propriétaire d'une modeste maison de geishas. Il se recueille devant la tombe de kimika. Une geisha de médiocre réputation, pour laquelle il vécut une folle passion au point de vouloir la poignarder...



3) Voitures de nuit ( 10 pages)

Le narrateur peste devant les transformations de son Tokyo nocturne. Les taxis automobiles ont remplacé les pousse-pousse ; les chauffeurs, les coolies. La prostitution aussi a changé. Deux anecdotes viennent corroborer sa nostalgie et sa colère.



4) Un soir au café ( 12 pages)

Le narrateur rapporte une histoire entendue dans un café de Ginza, quartier qui ne brille pas par son raffinement. Tsuta, une serveuse de vingt ans raconte son enfance minée par la jalousie du père envers la geisha qu' il a épousée.



5) Un amour non partagé ( 20 pages)

Le narrateur, un dramaturge, se souvient de son amour secret pour une actrice, elle même amoureuse de l'un de ses amis. Une nouvelle très réussie sur les occasions manquées, les illusions perdues et les retrouvailles vingt ans après.



6) Cheveux bouclés ( 33 pages)

Nakada, 45 ans, rentre ivre d'une maison de rendez-vous où il a accompagné son directeur. Sa femme O-kyô, qu'il méprise, l'attend. Elle a l'habitude. Nakada se fait du souci pour kyotarô, le fils, pas encore rentré et pour sa fille Masako, 16 ans, qui ressemble beaucoup à une des filles de la maison de rendez-vous,. En rentrant dans sa chambre, il se souvient tout à coup d'une grosse bêtise où "l'avait entrainé, vingt ans auparavant une des élèves de l'école de fille où il enseignait". Une nouvelle intéressante avec différents points de vue et un ton légèrement ironique.



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Une histoire singulière à l'est du fleuve

Kafu en observateur attentif et sensible crée d'une rencontre fortuite entre un écrivain vieillissant et nostalgique et O-yuki, une prostituée, un récit envoûtant. Il s'attache aux moindres détails, des gestes, des lieux, d'une ville (Tôkyô à la fin des années trente) dont il trace une géographie secrète, un monde intérieur. la fin du récit s'apparente à une sorte de monologue, au ton de plus en plus poétique, où semblent l'emporter des sentiments de solitude et de fugacité.
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Chronique d'une saison des pluies

Magnifique portrait de femme

Le livre est une chronique des quartiers de plaisirs durant une saison, à Tokyo, au début des années 30. Nous suivons surtout Kimie, jeune serveuse de bar ( entraîneuse, prostituée) dans ses déambulations : tramways, ruelles infestés de rats, bars à enseignes lumineuses, taxis criards, garnis miteux, hôtels de passe, maisons de rendez-vous où se côtoient geishas de toutes catégories, serveuses, bourgeois, nouveaux riches etc. Kimie a choisi de fuir sa famille provinciale qui voulait la marier, elle refuse d'être entretenue par Kiyooka, riche écrivain populaire, Elle n'éprouve aucune honte et brûle la chandelle par les deux bouts tout en étant très pragmatique. Le narrateur adopte aussi par séquences le point de vue de Kiyooka, jaloux comme un pou et de la fiancée flouée de celui-ci, une femme moderne, occidentalisée, mais dépendante...

Le style est élégant, jamais vulgaire, plein de finesse et de sensibilité.

J'ai lu ce livre dans l'édition Picquier poche, traduit par Marc Mécréant.
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Interminablement la pluie

Nagaï Kafû (1879-1959) fait partie avec Natsume Soseki et Ryûnosuke Akutagawa de la trilogie des grands écrivains , fondateurs de la littérature japonaise moderne.

On trouvera dans ce petit ouvrage, indispensable à tout admirateur de la culture japonaise,

outre les trois récits de Kafû présentés dans ce livre, "En eau profonde" "Feu d'artifice" et "Interminablement, la pluie ...", récits qui sont extrêmement représentatifs du style de cet auteur, un remarquable essai de son traducteur, Pierre Faure.

Cet essai, intitulé « La difficulté d’écrire au Japon, de la fin de Meiji à la seconde guerre mondiale » est le complément nécessaire pour comprendre la forme d'état d'esprit qui motive Kafû dans ce livre ainsi que la plupart des écrivains japonais du début du XXème siècle.

Les circonstances historiques très répressives qui ont été alors celles du Japon y sont exposées avec la plus grande clarté et donnent quelques clés indispensables. Pour tous ceux qui veulent approfondir leur connaissance de cette remarquable culture, la lecture de cet essai est fortement recommandée. Ils y trouveront en effet, l’éclairage qui manque, sur les motivations et la psychologie de ces très grands auteurs et la forme particulière qu’ils furent dans l’obligation de donner à leurs œuvres.

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Chronique d'une saison des pluies

Avec ce récit, on est bien loin de la nostalgie qui imprègne les personnages de "La Sumida". Nous sommes plongés dans les années 30 et les temps ne sont plus au regret d'une "époque enchanteresse". On entre dans la vie de Kumie, serveuse de bar fréquentant le monde de la nuit, celui des geishas, de la violence et de l'alcool. Avec ses compagnes, elles enchaînent les relations sans lendemain.

Inutile de chercher la tendresse et la mélancolie que l'on retrouve dans d'autres romans de Kafu. Ici, l'époque est sombre, tous comme le monde qui nous est dépeint. Les relations y sont triviales et sans espoir.

A lire pour la description de l'ambiance de cette époque.

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La Sumida

Avec Kafu, et plus précisement La Sumida, il me semble que l'on touche à l'Essentiel, au Sublime. Je ne raconterai pas l'intrigue, qui, d'ailleurs, tient en très peu de choses. L'essentiel est ailleurs. Ce que kafu nous dit, c'est son ressenti face à la transformation et l'industrialisation foudroyante de Tokyo à l'ère Meiji. Le jeune protagoniste ne parvient pas à suivre ce changement qui se déroule sous ses yeux. Toute la rive gauche de Tokyo, jusqu'alors préservée, où il allait en compagnie de son amie lors de leurs promenades amoureuses sous les cerisiers disparait brutalement. Les illustrations et cartographies de l'édition Gallimard sont à cet egard très instructives et permettent de bien se rendre comte de cette transformation.

Ce récit est à apprécier dans les petits détails de cette vie quotidienne japonaise qui régissait alors la société. Alors que son oncle et sa tante semblent s'accomoder de cette transformation urbaine et sociétale, le jeune homme (Kafu ?) n'y parvient pas. D'autant plus que son amie, elle aussi, semble en avoir pris son parti puisqu'elle préfèrera devenir geisha plutôt que de vivre avec lui.

Un récit tout en nuances, à apprécier pour la decouverte d'un Japon disparu. le concept de "ma" me semble bien s'inscrire dans ce récit. En effet, il s'agit de prendre conscience du "vide" qui sépare les individus ou les choses. L'essentiel, ce ne sont pas les choses en elles-même mais ce qui les sépare, un peu comme dans l'ikebana où le vide entre les fleurs est plus important que les fleurs en elles-même. C'est, je pense, cela qu'il faut apprécier dans la Sumida, pour pouvoir en saisir toute la finesse.
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Du côté des saules et des fleurs

Udekurabe

Traduction : Catherine Cadou



Deux-cent-vingt-trois pages de plaisir pur, telle est la définition que je donnerai de ce roman qui, par petites touches précises, relate quelques événements décisifs dans la vie de la geisha Komayo.



Je l'ai pris hier au soir, assez tard, car j'avais des insomnies ... et je ne l'ai plus lâché, enthousiasmée par la tendresse, par l'authenticité et aussi par le talent ébouriffant dont faisait preuve son auteur.



"Du côté des saules & des fleurs" dépeint en effet l'univers du quartier chaud de Tokyô, vu cette fois-ci, non pas exclusivement par l'oeil d'une héroïne geisha (comme nous pouvons le rencontrer dans "Geisha" de l'Occidental Arthur Golden, ou encore dans "Le Miroir des Courtisanes" d'Ariyoshi Sawako) mais aussi par celui des patrons de la maison où elle exerce et par celui de ses clients, bien sûr. Bien mieux, le caractère de ces derniers et leurs motivations sont scrupuleusement analysés par un représentant de leur propre sexe, qui les juge sans les charger mais en toute impartialité.



Autre qualité de ce livre : il rappelle, magnifiquement, à toutes celles et à tous ceux qui, à un moment ou à un autre de leur existence, ont vécu et travaillé dans l'univers des plaisirs, cette excitation qu'il y a par exemple à commencer à travailler quand les autres se claquemurent chez eux pour dormir. Le bruit, les lumières, la gaieté, celle que l'on feint comme celle que l'on ressent réellement, la fatigue, le dégoût, la conscience de sa marginalité, le désir parfois de la troquer contre une vie bien tranquille, et puis à nouveau cette excitation qui monte, qui monte et vous emporte dans un tourbillon qui vous épuise et qui, pourtant, vous place au-dessus de tout, y compris de vous-même, voilà tout ce que Kafû a placé dans son roman.



Certes, l'intrigue se déroule à Tokyô, dans les années vingt (probablement). Mais le génie de l'artiste et son amour pour ce petit monde qu'il connaissait si bien sont tels que, au delà du décor aux portes coulissantes, sous les kimonos de cérémonie et dans les nuages du vin chaud, c'est le demi-monde dans sa réalité universelle qui prend corps sous les yeux du lecteur.



Ajoutez à cela ces descriptions poétiques que seuls savent faire les Japonais - mais Kafû était vraiment doué pour ça - et une entière franchise sur les "prestations" réclamées aux geishas (et qui incluaient bel et bien la relation sexuelle). Lorsque Komayo doit quitter son amant de coeur pour se rendre aux rendez-vous fixés par un client, puis par un autre, Kafû exprime sa lassitude et son dégoût avec une sensibilité et une justesse toutes féminines. Faut-il qu'il ait été à l'écoute de ses amies geishas et prostituées pour parvenir, lui, un homme, à un tel degré d'empathie ! Et quel talent !



Fabuleux. Kafû : un auteur à lire. Absolument. ;o)
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Le Secret de la petite chambre

Il y a deux histoires dans ce livre, toutes deux axées sur l'érotisme La première est banale, convenue, sans grande imagination et terriblement timide en comparaison de ce qu'on peut lire de nos jours. La deuxième, plus consistante, évoque une improbable rencontre entre un japonais en goguette et une allemande. Encore ici, rien pour émoustiller vraiment, les scènes suggestives manquent de rythme, tombent à plat. De plus l'auteur se lance dans une comparaison farfelue et machiste entre les femmes occidentales et les femmes orientales, genre philosophie de magasins à quatre sous . . . Faut croire que, si ces récits sont représentatifs, la conception japonaise de l'érotisme m'échappe !
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Chronique d'une saison des pluies

Ce court roman évoque les destins croisés de plusieurs personnes, toutes liées à la nuit, barmaids, geishas, protecteurs, tout un petit peuple qui s'anime.

Il y a un côté "Balzac" dans les situations et surtout dans les descriptions des personnages, dans leur médiocrité, leur lâcheté, dans les stratagèmes mis en place (par Susumu) écrivain qui se repose sur ses lauriers et veut conserver Kimie, la barmaid comme maîtresse.

On passe quelquefois d'un personnage à l'autre comme du coq à l'âne, s'intéressant provisoirement à un personnage qui disparaît 3 pages plus loin ou au contraire en faisant sortir du bois un personnage surgi du passé, bref, j'ai trouvé ce récit un peu fouillis avec l'avantage certain de nous faire découvrir la vie d'un quartier de plaisir et de s'apercevoir que les japonais peuvent se révéler bien médiocres.
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La Sumida

Réagissant à la modernisation du Japon durant l'ère Meiji, Kafu écrira un roman court qui met en scène divers lieux du vieil Edo qui va disparaitre. A la manière des artistes d'estampes, il propose des vues célèbres, les Meisho dans lesquelles évoluent tout le peuple joyeux ou inquiétant de la capitale.

A travers ces vues, le lecteur suivra l'histoire du vieux Ragetsu qui sera le témoin des amours et malheurs de son neveu Chokichi : le vieux libertin d'une époque révolue accompagne un jeune homme que l'art passionne mais que sa mère veut transformer en fonctionnaire bien sous tous rapports.
Lien : http://flolunaire.blogspot.f..
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Chronique d'une saison des pluies

Kimiyé, arrivée à Tokyo après avoir quitté le domicile parental pour éviter d’être mariée contre son gré, est serveuse dans un des plus fameux bar de Ginza. Libre et légère, elle vogue de clients en clients au gré de ses envies, ce qui n’est pas du goût de tous ces messieurs.



L’auteur dépeint une femme indépendante qui n’en fait qu’à sa tête, une personnalité « insolite et originale », secrète, « la personne la plus charmante, la plus aimable du monde mais aussi la plus indéchiffrable et ne livrant rien de sa pensée profonde » qui se retrouve parfois dans des situations rocambolesques par sa frivolité.



J’ai adoré ce personnage, son pragmatisme, son détachement impertinent, et tous ceux qui gravitent autour d’elle. Kiyooka, l’écrivain fortuné, client régulier de Kimiyé à qui elle refuse le statut de protecteur, jaloux comme un pou, qui vient oublier, dans le monde interlope de Ginza, une vie étouffante. Tsuruko, l’épouse bafouée de Kiyooka, intelligente, occidentalisée, mais coincée dans sa condition d’épouse et affectivement dépendante.



J’ai été charmée par le style de l’auteur, sa plume précise, élégante, le ton ironique, un brin amer, et l’atmosphère de rêverie évanescente qui se dégage de sa nouvelle. Le temps d’une promenade mélancolique, il m’a transportée dans les quartiers de plaisirs du Tokyo début XXeme, dans l’étroitesse de ses allées d’où émanent les diverses effluves des commerces, au son des socques de bois sur les pavés et du bruissement des étoffes.



L’erotisme discret et la plume sensuelle de Kafu, jamais vulgaire, nous invite dans son univers poétique qui dresse un portrait ambivalent, entre modernité et tradition, tendresse et cruauté, d’un Japon révolu dont il est nostalgique. Une très belle découverte !
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