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Critiques de Leïla Sebbar (129)
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Femmes d'Afrique du Nord : Cartes postales ..

J'achète des cartes postales coloniales depuis des années, surtout pour les messages que l'on peut y lire au dos, de la main de militaires ou de fonctionnaires mutés aux quatre coins de l'Empire. Certains sont laconiques, d'autres valent leur pesant de cacahuète, surtout lorsqu'il s'agit d'évoquer les femmes de « la-bas ». Les cartes postales représentant l'Asie sont les plus difficiles à trouver, et montrent des femmes « discrètes », les petites épouses locales de l'homme expatrié. Celles d'Afrique noire sont plutôt axées sur « l'ethnologie », des femmes étranges aux seins nus vaquant à leurs occupations. Pour l'Afrique du nord, les femmes âgées posent pour des scènes « typiques », en revanche les plus jeunes sont dénudées, adoptent des pauses lascives, cigarette aux lèvres.



La carte postale offrait au plus grand nombre et pour un prix dérisoire le rêve d'un Ailleurs, de l'Orient, celui que les romanciers et les peintres orientalistes avaient déjà représenté au cours des siècles précédents. Dans Femmes d'Afrique du Nord : Cartes postales (1885-1930),riche de nombreux clichés, la romancière Leïla Sebbar, Jean-Michel Belorgeye et Christelle Taraud analysent et commentent pour nous les portraits de femmes maghrébines dont la plupart étaient représentées pour coller à des fantasmes mis en scène par des photographes occidentaux...voilées et suscitant le mystère telle Shéhérazade ou dénudées pour une invitation très claire à l'amour. Cependant quelques clichés, exempts de connotation sexuelle, donnent à voir des femmes et des jeunes filles arborant des tatouages, des bijoux, de belles étoffes, Une petite partie du livre est consacré aux femmes juives, qui contrairement aux autres, ne sont pas voilées et n'adoptent pas de pause languissante. Les plus âgées (portant le chapeau conique ) sont qualifiées de « grosses juives ».



Construction de l'imaginaire érotique colonial, la petite carte postale, le "Bons baisers des colonies", imprimée à la gloire de l'Empire, avec ses mentions « Type », « tribu » et « race » est un témoignage fascinant sur une Afrique de fiction.
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De l'autre côté de la mer, c'est loin

J’aime beaucoup l’écriture de Leïla Sebbar. Je la trouve fluide, pudique et riche en émotions. Pendant des années j’en ai fait étudier, lorsque les programmes me le permettaient, des extraits à mes élèves. Ce recueil de nouvelles ne fait que renforcer mon sentiment sur le talent de cette dame de Lettres. Il nous permet d’en savoir toujours plus sur ce pays dont elle trace les contours, dont elle ancre les paysages, les coutumes et les moeurs au fil de ses écrits.



Ici, comme souvent, elle laisse la parole aux femmes. Elle fait un panorama de chaque caractère, retraçant ainsi la réalité : il n’y en a pas un de semblable. Et pour adhérer au mieux à cela, différentes voix se font entendre. Nous découvrons ainsi, à travers les personnages féminins, tous ceux qui ont fait l’Algérie. Mais ce n’est pas tout, puisque nous suivons également une Algérie complexe, dont l’Histoire est constituée d’épisodes douloureux : colonialisme, guerres… Un thème est souvent présent, en lien avec ces moments sombres : le sort réservé aux femmes. Sans victimisation aucune, Leïla Sebbar met en évidence, très souvent, dans ses nouvelles, le viol. Mémoire de l’arbre m’a particulièrement marquée. De ce texte, commençant de façon très poétique, il ressort une noirceur inimaginable. La chute laissera l’imagination du lecteur oeuvrer pour en comprendre la finalité. J’ai également aimé La Maison bleue, rappelant, la chanson de Maxime Le Forestier : « C’est une maison entre eucalyptus et cyprès, au pied de la colline » (P73). Là encore, il ne faut pas s’attendre à du bucolique ! Les textes de Leïla Sebbar dénoncent, pointent du doigt et donnent à réfléchir. Ils sont puissants. Ce petit recueil est un véritable coup de pied dans la fourmilière. C’est un coup de coeur pour moi.



Un grand merci aux Éditions Chèvre-feuille étoilée qui mettent en avant des textes de qualité.
Lien : https://promenadesculturelle..
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Une enfance dans la guerre

Après avoir visionné très récemment "le petit blond de la Casbah" d'Alexandre Arcadi, un film plein d'émotions et de tendresse, cette lecture en est , dans un certain sens, une prolongation et un complément.

Les photographies annexées à l'ouvrage agrémentent la lecture.
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Marguerite et le colporteur aux yeux clairs

Un petit livre que j'ai découvert dans une collection que je ne connaissais pas: Elyzad poche.

Couverture très jolie.



Marguerite passe tous les ans, un mois à la ferme de son beau-père avec sa famille. Son mari qui a changé depuis son retour d'Algérie, passe ses journées à la pêche . Elle reste à s'occuper des repas des journaliers espagnols, portugais ou arabes qui travaillent à la ferme.

" Les étrangers parlaient entre eux, mangeaient, riaient. Ils étaient bruyants mais joyeux. Avec elle, ils étaient polis, respectueux. Ils la regardaient à peine. Elle ne s'asseyait pas à la table avec eux."

Elle est fascinée, mais le beau-père veille.



Ces 117 pages sont tout simplement superbes. Une collection à découvrir!
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Le Pays de ma mère : Voyage en France

« C'est à ce moment du temps d'une vie où ma mère ne lira pas ce livre que j'entreprends une sorte d'exploration du pays natal de ma mère. »



Peut-être le plus touchant des livres de Leïla Sebbar, du moins parmi tous ceux que j’ai lu et ils sont nombreux.

Leïla Sebbar, on le sait, est fille des « amours rebelles » (Behja Traversac) d’un instituteur algérien et d’une mère française « de France » comme on disait à cette époque – et c’était tout dire, tant, dans cette Algérie coloniale de notre époque à toutes deux, la France se paraît de couleurs verdoyantes et magiques, l’inaccessible « Madame Lafrance » comme disait certains, celle de nos souvent improbables ancêtres gaulois. La petite Leïla et ses frère et sœurs passaient, eux, leurs vacances en Dordogne, petits enfants un rien exotiques dans la France profonde.

Jusqu’ici, Sebbar, partagée entre deux cultures, avait été fascinée par le pays de son père – ce père dont elle ne parlait pourtant pas la langue – par cette terre qu’elle évoquait sans cesse, y compris dans ses collectifs, y compris quand elle parlait d’autre chose, comme dans ce livre sur le métro qui est en fait un livre sur les émigrés, dans les sous-sols de la ville. Leïla Sebbar avait été captée par le pays solaire de son père.

Aussi ce livre est-il émouvant, bouleversant, parce qu’il est hommage posthume, qu’il est une de ces lettres d’amour que l’on ne peut écrire qu’après la disparition de leur destinataire. Une lettre vibrante de non-dits, Sebbar a toujours été très pudique et on sent qu’elle se tient au bord des choses : quelques portraits de famille, les écoles de France, les vignes, Jeanne d’Arc, les vêtements traditionnels des provinces de France – et cette Dordogne aussi verdoyante en été que les terres d’Aflou devaient être sèches, poétiquement évoquée dans les aquarelles de Sébastien Pignon. Un joyeux désordre d’images profondément ancrées dans notre inconscient collectif d’enfant des écoles de la République.

Puis le livre bifurque : « Paris, la première fois », ce Paris bouillonnant des années soixante/soixante-dix, « les années MLF », la jeunesse des femmes de ma génération, et Dieu qu’elles étaient belles, ces filles qui disaient leur colère dans les rues de Paris !

Vous n’en saurez pas plus, Leïla Sebbar ne vous racontera pas sa vie. Car, plutôt que de parler d’elle, et à force de nous parler de nous, Leïla a fait un livre collectif, donnant la parole, dans la première partie, à tous ses compagnons et compagnes « des deux rives » pour qu’ils racontent leur France, dans la seconde, à ses amies du MLF. Impossible de les citer tous et toutes, aussi n’en citerai-je aucun, mais c’est l’un des charmes du livre d’avoir fait de l’évocation du pays de la mère un recueil a mille (enfin presque !) voix, comme un chœur de murmures qui fait vibrer le passé.

Livre aux multiples facettes, bel objet réalisé par les éditions Bleu Autour, bourré d’images, photos et dessins, fac-similés de pages d’écriture. Un livre qu’on ne referme pas.

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Dans la chambre

Tout d'abord, on croit percevoir comme un vague souffle d'orientalisme, des prostituées qui se prennent pour des odalisques, Isabelle Eberahrd, taleb perpétuellement travestie traversant perpétuellement l'Algérie de ses fantasmes mais l'on comprend vite que parler des chambres, c'est surtout parler de la réalité des femmes, de leurs joies et surtout de leurs peines. Femmes arabes d'hier et d'aujourd'hui, jeunes filles des banlieues que leurs copains prostituent, prisonnières dans des contrées en guerre, filles d'un couple mixte, plus ou moins rejetées…Evocations un peu floues, poétiques et poignantes. « Comme un tapis du djebel Ammour, de recueil en recueil, se tisse inlassablement la voix des femmes arabes », pour citer Jean-Pierre Castellani (Diacritc, 21 mai 2019). Mais ce qui m'émeut le plus, chez Sebbar, ce sont les voix de vieilles femmes, les mères des jeunes filles djihadistes dans L'orient est rouge ou la Chibania dans celui-ci, elle qui part retrouver son mari mourant de l'autre côté de la mer, à Marseille. Femmes qui n'ont pas voix au chapitre, femmes usées par la vie, figures courageuses, obstinées, aimantes, infiniment aimantes. Plus que toutes, ce sont ces humbles paroles que L. Sebbar sait nous faire entendre, voix si modestes, si étouffées et si fortes, si fortes qu'elles sont plus fortes qu'un hurlement. Et dans ce recueil de nouvelles qui crée une fois encore un univers à la fois cruel et onirique, le style au scalpel de Leila Sebbar fait merveille, net, elliptique, presque froid – et qui justement, pas son caractère allusif même, crée un monde de poésie. Belle préface de Michelle Perrot, historienne, spécialiste de la chambre.

















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Marguerite et le colporteur aux yeux clairs

Dans la ferme familiale, Marguerite vit auprès d’un mari qui la néglige et parfois la maltraite. Comme chaque année des ouvriers saisonniers, Marocains pour la plupart viennent aider pour les récoltes.

Ces étrangers, Marguerite ne les a jamais vraiment regardés, son mari la surveille, elle les voit de loin, un peu troubles. L’un d’entre eux cependant attirera son attention par le respect et la courtoisie dont il fait preuve à son égard. Marguerite se surprendra à rêver d’une autre vie, de la mer, peut-être de l’amour.

Bien des années plus tard, après la mort de son mari, Marguerite rencontrera Selim le colporteur qui lui rappellera l’ouvrier Marocain



Ce texte très court plein de poésie trace le magnifique portrait d’une femme courageuse qui osera enfin profiter du magnifique cadeau que lui fait la vie en lui offrant l’amour du colporteur aux yeux clairs.

J’ai aimé cette histoire simple et douce, à lire d’une traite.







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Fatima ou les algériennes au square

Chronique des cités en banlieue parisienne dans les années 80.

A la Courneuve, au début des années 80, les cités sont peuplées de beaucoup d’étrangers, de Portugais, d’Antillais, et surtout d’Algériens, des Algériens déracinés qui ont fait venir leur famille en France. Fatima fait partie de ces femmes illettrées -parce-que, au bled, l’école c’était pour les garçons- qui ont suivi leur mari dans un pays qu’elle ne connait pas et dont elle ne parle pas la langue : alors elle retrouve ses compatriotes au square et elles se racontent leur détresse, la précarité économique, le silence de l’époux, la violence qui frappe les filles assujetties à leur père ou à leur frère, les garçons qui échappent à leur autorité, les mariages forcés, la détresse des femmes qui n’ont d’autre choix que se taire et obéir à leur mari, la violence qui naît du racisme et de la pauvreté… Dalila, la fille de Fatima, blottie silencieusement contre sa mère, écoute les femmes dévider leurs histoires, leurs hommes, leurs enfants, leurs difficultés, pour tromper l’angoisse… et Dalila comprend ce que sera sa vie si elle reste chez elle.

Alors Dalila décide d’échapper à son destin et de s’enfuir.

Véritable document sur la vie quotidienne des familles immigrées dans les années 80, Les Algériennes au square retrace un quotidien souvent tu et ignoré parce ces femmes ne sortaient pratiquement pas de chez elles sinon flanquées de leur mari pour aller acheter un produit de première nécessité à Barbés. Trente ans plus tard, les problèmes ne sont pas forcément les mêmes mais le bilan reste sombre.

A noter le ravissant écrin des éditions Elyzad poche !

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Mon cher fils

Un livre intéressant et émouvant sur l’émigration, et ses conséquences : perte des traditions, déracinement et conflits familiaux. J’ai cependant eu du mal avec l’écriture hachée de Leïla Sebbar faite de mots déposés par petites touches, comme le ferait un peintre impressionniste, mais sans l’effet visuel d’un tableau. Il faut faire attention, revenir au besoin en arrière pour ne pas perdre le fil. Je m’en suis accommodé parce qu’il d’agissait d’un texte court,lui reconnaissant l’atout de la créativité.
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Marguerite

Marguerite c'est l'histoire d'une rencontre. L'éternelle rencontre entre deux mondes, deux cultures. C'est la rencontre de l'"Arabe" aux yeux bleus et de la "Française" aux yeux noirs. Leurs chemins ne se croiseront pas tout de suite loin de là mais ils finiront par se croiser , qu'importe alors le regard des autres, des bien-pensants que peut il contre l'Amour?

Ce bien joli texte écrit voila bientôt 20 ans n'a malheureusement pas pris une seule ride. Hier comme aujourd'hui ou aujourd'hui plus qu'hier devrais-je dire l'étranger, celui qui vient d'ailleurs, celui qui parle une autre langue est toujours aussi malvenu. A méditer sans réserves.

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Une enfance corse

Un excellent livre collectif qui nous mène sur les sentiers de Corse, il y a plusieurs décennies dans l'univers enfantin de chacun des auteurs. Comme tout livre collectif, j'ai été plus ou moins interpelée par les textes, cela tenant à ma réceptivité et aussi à la sensibilité de l'auteur proche ou éloignée de la mienne. Mais ce livre mérite d'être lu par le plus grand nombre de lecteurs, insulaires ou continentaux. Il permet aussi de découvrir de très grandes plumes corses.

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Le silence des rives

Je prends plaisir à découvrir les livres de cette maison d'édition. Auteurs, sujets, couvertures, tout est enchantement. C'est cette fois auprès de Leïla Sebbar que je plonge dans la lecture.

Le silence des rives a été pour moi une lecture difficile. Le rythme des phrases, les mots qui s'enchainent, la ponctuation sont singuliers. Le rythme ne m'a semblé ni contemplatif ni dynamique. C'est une ambiance qui se sert des mots.

Certaines directions dans le contenu, certains sens, parfois imagés comme parfois littéralement au premier degré s'accommodent dans une même phrase. C'est déroutant et singulier là encore.

Il m'a fallu une bonne moitié de livre pour trouver la mélodie sous mes yeux. Et me laisser embarquer auprès de ces soeurs, ces visiteuses, et comprendre l'exil.

Une envie de décrire pour ne pas oublier, garder trace des gestes ancestraux, des rites autour du mourant et de la mort. Je ressors de ces quelques heures d'un voyage. Oui. Ca a un goût de litanie. Oui. Mais je ne sais pas bien définir le fond. Je ne suis restée que sur les contours. C'est brute pour moi aujourd'hui. Peut être me manque t il trop de références, de contexte et d'explications pour apprécier pleinement ce roman et son écriture.



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De l'autre côté de la mer, c'est loin

Ce court recueil de nouvelles de 91 pages à peine, se lit très vite. Il contient dix nouvelles écrites par l'auteur entre 1998 et 2021, pour certaines parues dans la revue "Étoiles d'encre", une revue trimestrielle parlant des femmes en Méditerranée, les autres nouvelles étant inédites.

L'auteur nous parle de l'Algérie, de son histoire et surtout des femmes qui y vivent ou y ont vécu, ainsi que de ceux qui les entourent, les pères, les frères, les enfants. Ils parlent toutes les langues, vivent en ville ou dans un petit village perdu du bled, sont nés ou pas sur cette terre, mais tous ont en commun de l'aimer.

Les femmes sont toutes différentes, rebelles ou dociles, parfois elles sont mères, elles veulent vivre et aimer, être libres et sont prêtes à tout pour cela.

Ce qui est important dans ce recueil c'est la parole des femmes, ce qui est dit ou pas, de leurs vies.

L'ambiance est très particulière. Le ton est juste, à la fois nostalgique et douloureux, ou bien poétique, comme le titre d'ailleurs, et parfois drôle et plus léger. Ainsi, parfois, vous vous promènerez le long des boulevards, sous les oliviers ou dans les vignes, admirerez la couleur rouge des fleurs de grenadiers, sentirez l'odeur du bougainvillier...

Les textes sont courts (parfois 2 à 3 pages à peine) mais percutants. Les langues, les nationalités se mêlent pour ne former plus qu'une seule voix devenant au fil des pages, intemporelle.

L'auteur nous livre ici de magnifiques portraits de femmes, volontaires, protectrices, amoureuses, fortes ou farouches, mais libres.

Les nouvelles parlent toutes de ce besoin vital d'aimer que ce soit entre natifs de l'Algérie ou pas, que l'on soit algérien ou colon. Mais en filigrane, la guerre d'Algérie est passée par là. Il ne reste que la douleur de la séparation, de l'exil, de la perte de l'être aimé, et de cette terre qui ne sait plus à qui elle appartient désormais.

Au cœur du texte, les références littéraires ne manquent pas.

Le seul bémol est que peut-être ces beaux textes ne parleront pas suffisamment aux jeunes lecteurs qui ne connaissent rien, ou trop peu, de l'histoire de ce pays. L'histoire de la colonisation est abordée, la Guerre d'Algérie bien entendu, mais aussi la guerre civile des années 90.

Désormais, tous ceux qui ont aimé l'Algérie, qu'ils soient nés en France ou au pays, ne se sentiront plus jamais nulle part chez eux. Qu'ils soient nés d'un côté ou de l'autre de la mer, sont-ils condamnés à être pour toujours... des étrangers ?



La préface est de Sabrinelle Bedrane. Elle est intéressante car elle permet de mieux comprendre certaines nouvelles sur le plan symbolique, de se situer dans le temps ou dans l'Histoire, et par rapport à la vie de l'auteur. Les superbes aquarelles qui illustrent la couverture, ou l'intérieur du recueil, sont de Sebastien Pignon.

J'ai lu avec grand plaisir ce recueil, reçu lors de la dernière masse Critique de Babelio. Il me donne envie de poursuivre ma découverte de l'auteur. Merci à l'éditeur et à Babelio pour leur confiance.



Plus de détails sur chacune des nouvelles sur mon blog...


Lien : https://www.bulledemanou.com..
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Lorient-Québec. suivi de L'esclave blanche de..

La première histoire : Lorient- Québec raconte l'histoire d'un jeune Vietnamien, échappé d'un camp de prisonniers en Asie, et qui débarque à Lorient. Il déambule dans la ville avec la peur des policiers. Son rêve : rejoindre le Québec et y faire venir sa mère et sa sœur restées au camp.

Son rêve est grand, le Canada est grand, il pourrait devenir pêcheur, bûcheron, trappeur. Peu importe, ce qu'il faut c'est sauver sa famille. Et puis, le Québec, il a retenu ce nom, c'est facile à dire.

L'histoire est très courte. Elle nous fait ressentir à la fois la détresse et l'espoir de ce garçon. Je pense que le jeune lecteur aurait aimé connaître la suite de cette aventure émouvante d'un jeune garçon exilé loin de sa famille, sans ressources, hormis son seul courage.



La seconde histoire ,"L'esclave blanche de Nantes", ne m'a pas donné l'impression d'être une histoire qui s'adresse à un jeune lecteur.

Un musée à Nantes, un photographe un peu paumé, obsédé par les femmes sur les tableaux, les femmes grosses.

Une femme au teint cannelle et un peu grosse, cireuse de parquets dans ce musée. Elle semble tout droit sortie du tableau de la femme blanche; esclave favorite dans un harem. Elle attire les hommes.

" Amateurs d'exotisme... souvenir des belles négresses débarquées à Nantes, ou des métisses nées de ces unions secrètes..."

Ils se rencontrent. Ils se ressemblent un peu car ils semblent attendre quelque chose,ils vivent dans le provisoire. Elle ne veut pas être "négresse" cireuse de parquets toute sa vie, esclave des petits boulots. Elle, elle veut qu'on la remarque pour ce qu'elle est et non pour l' image qu'elle projette. Elle veut exister pour quelqu'un. Et lui,il veut trouver la femme du tableau en chair et en os. Rien de fascinant, l'histoire est un peu confuse, elle manque de sensibilité.



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Je ne parle pas la langue de mon père

De père algérien et de mère française, Leïla Sebbar retrace, au travers de bribes de témoignages divers, la vie de ce père, brillant instituteur, relégué sous le régime de Vichy et plus tard emprisonné pendant la guerre d'Algérie. Leïla Sebbar n'a jamais appris l'arabe, que parlait couramment son père, et elle va chercher à reconstituer, comme les pièces d'un puzzle, toute une partie de l'univers "arabe" dont elle avait soigneusement été tenue à l'écart par une barrière culturelle particulièrement étanche. Un beau récit, émouvant, dont le temps de la narration ne suit pas la chronologie des événements mais plutôt le cheminement chaotique de la mémoire. Des personnages sillonnent ce parcours, le père, bien sûr, mais aussi Aïsha, Fatima, le fils de celle-ci, emprisonné en compagnie de son ancien maître d'école. Un appel à mieux se comprendre, au-delà des frontières tant politiques que religieuses...
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Enfance des Français d'Algérie Avant 1962 (l')

"Toute enfance est une patrie perdue », dit l’un des 28 collaborateurs de l’ouvrage (l'historien J. Fremeaux, cité ici) et une patrie doublement perdue, puisque ces auteurs ont tous dû quitter brutalement cette patrie, en pleine enfance ou aux bords de l’adolescence. Tous les auteurs de ce recueil sont aujourd'hui des intellectuels vieillissants, universitaires, romanciers, nouvellistes, poètes ou conteurs, On ne trouve chez eux ni rancœur, ni rancune, mais toujours un questionnement où l’émerveillement de l’enfant se confronte au savoir objectif de l’adulte, et un étonnement d’avoir été déclarés coupables par l’histoire et de devoir juger leurs bonheurs innocents à l’aune de la réalité. On a dans ce melting-pot un panel d’origines diverses, françaises, espagnoles, juives, italiennes et même franco-musulmanes (la conteuse Nora Aceval et la directrice de l'ouvrage, Leila Sebbar), d’horizons politiques divers, de statuts sociaux divers : enfants de petits boutiquiers pauvres, de médecins, de fonctionnaires, d’instituteurs, de cultivateurs (colons) plus ou moins riches, même. La souffrance de l’exil est douce, maîtrisée, d’autant plus que la plupart des auteurs sont restés en contact avec l’Algérie et les Algériens, elle est un peu comparable, dit très justement un autre des auteurs (G.Morin, organisateur du Maghreb des livres), à celle des enfants de parents divorcés qui s’interdisent de juger et rêvent de réconciliation de leurs deux patries.

A lire, même si les contributions sont d'inégale qualité, pour mieux comprendre ces hommes et ces femmes.

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Sous le viaduc - une histoire d'amour

Sous le viaduc



« Est-ce ainsi que les hommes vivent ? » demandait Aragon.

« Le viaduc » c'est celui de métro aérien du boulevard Blauqui (Paris 13ème), où se réfugie toute une population d'exclus, et où vit le plus souvent ce couple de marginaux, Lui et Elle, que la narratrice, « piétonne de Paris », a repéré un jour en arpentant son quartier. Sous forme de journal assez impersonnel sur deux années (2010 et 2013), Sebbar donne à voir une géographie urbaine dans un périmètre précis, celui du treizième, Café l'Alouette, Librairie Blanqui, HLM de la rue Vergniaud, BNP, Havane café, poste de la rue Tolbiac, le G20, la librairie Blanqui 13, le dispensaire Hahnemann Homéopathie, le café restaurant Au réveil samaritain, le Marché Blanqui, le Chicco Burger, l'hôpital de la Santé, même, devenu lieu de promenade dans ses jardins charmants, que j'ai pratiqués moi aussi. Elle photographie ainsi toute une humble population, ces gens que l'on rencontre tous les jours et qu'on finit par connaître, celle qui marche vite malgré son poids, la femme à la fenêtre, l'homme aux mots fléchés, celui qui chante Aïcha, l'homme au chien et la foule des exilés plus ou moins intégrés, les nourrices antillaises, les Chibanis et les Kabyles, les Bangladais marchands de légume à la sauvette, les femmes roms et même quelques Mongols. Et enfin, sous le viaduc, les SDF et en particulier ce Lui et cette Elle, lui et ses canettes de bière, elle, aux yeux bleus comme une poupée ancienne, aux pieds nus, qui montre sans pudeur son derrière et se shoote au néocodion. Une histoire se dessine, rythmée par les passages de la Propreté de Paris, qui rafle leurs sédiments, par leurs changements de vêtements et les séjours de elle à Sainte Anne. Un regard complètement extérieur, on dirait d'entomologiste, servi par ce style allusif et sans fioritures propre à Sebbar. Un regard qui fige ces êtres dans leur anonymat, leur solitude. On ne connaîtra leur nom, Jean Luc et Isabelle, leur humanité, que deux ans plus tard, lorsqu'ils auront disparus, que la mort pour lui et sans doute l'anonymat d'un hôpital psychiatrique pour elle, les auront emportés.

Est-ce ainsi que les hommes vivent ? »

Un livre inclassable, difficile, mais fort et très humain.

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L'Orient est rouge

Un livre magnifique et dérangeant. Sur fond de djihad, d'intégrisme ambigu, de séductions et de déceptions, de violence et de mort, douze nouvelles racontent l'insoutenable.

Je pensais, sur la foi de la quatrième de couverture, que ce recueil ne traitait que de fugues en Orient, mais en fait il s'organise en deux versants.

Dans le premier, introduit par une prédication enflammée contre les odalisques de Delacroix (les Femmes d'Alger), appel exalté au meurtre et à la destruction de l'oeuvre, dénonciation hystérique de l'art, du bonheur et de la femme, six nouvelles se placent effectivement du côté de ceux (et plus souvent celles) qui sont séduits par l'appel, et donc plutôt dans le monde occidental. Sur un thème sulfureux, l'engagement de toute une jeunesse pour le djihad, ce sont des récits tout en tendresse. Une tendresse à la Sebbar, bien sûr, bourrue, incisive, comme le style de ces textes, avec des phrases elliptique et des conclusions évasives, mais une immense tendresse pour ces filles brillantes, rêveuses, malheureuse, engagées, folles, bernées ou pour ces humbles mères aimantes et dépassées (j'aime particulièrement celle de « Les jumelles, bergères savantes et folles »).

Puis, après l'histoire d'une jeune femme muette, séquestrée en elle-même, qui se libère pendant le « printemps » de Tunis, le regard se déplace vers l'Orient et les quatre dernières nouvelles ne parlent plus du sacrifice romanesque de cette jeunesse enflammée, mais, avec une écriture plus souple, plus foisonnante, de la réalité de ces terres tragiques, de la fuite des chrétiens, guidés par des prêtres aussi intransigeants (ou presque) que ceux d'en face, des enfants sans mère, bâtards de chefs de guerre qui se baptisent émirs, des guerrières kurdes, des poètes assassinés, des jeunes prisonnière sous leurs voiles noirs, « esclaves sans nom, sans famille, sans maison, pas d'ancêtres, pas de descendants, des bêtes qui avaient la forme de femmes avec ce qu'il fallait pour le plaisir des guerriers, chaque soir, chaque nuit et plusieurs fois jusqu'à l'aube » et de Palmyre, champ de ruine. A mes yeux, le récit le plus emblématique, dans cette seconde partie, est celui du simple désespoir de « L'homme qui pleure » d'avoir dû s'enfuir en abandonnant sa vieille mère, trop âgée pour supporter le voyage : « Ma mère, je l'ai tuée ».

Sous la tendresse, une dénonciation de silex. Ne rêvez pas, jeunes filles, l'Orient est vraiment rouge, rouge sang.



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La jeune fille au balcon

J'ai découvert complètement par hasard Leila SEBBAR et j'ai adoré ce petit recueil de six nouvelles. Je l'ai d'ailleurs trouvé d'actualité notamment avec la première "La jeune fille au balcon" qui m'a fait songer à la Tunisie actuelle. En effet, j'ignorais totalement qu'il existait un mouvement islamiste en Algérie dans les années 90. Je pensais que ce mouvement était relativement récent (années 2000) au Maghreb ou resté cantonné en Iran/Afghanistan. En réalité, il n'en est rien. La pression que mènent les Islamistes sur la société algérienne est effrayante. Les hommes et les femmes ne peuvent pas se côtoyer en public, des rumeurs disent que des jeunes filles sont enlevées pour être mariées de force à des djihadistes, des directeurs d'école subissent des pressions pour que garçons et filles soient séparés, la musique interdite, le couvre feu, la pression pour que les femmes portent le voile, etc... : une vraie dictature. Je me suis sentie très proche de cette jeune fille car seules quelques années nous séparent. Elle veut qu'on la laisse lire, écrire et penser comme elle veut. Bref, c'est cette nouvelle qui m'a le plus marqué et ému. Il faut absolument que je trouve d'autres romans de cette auteure.
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Les femmes au bain

Prenons notre temps et allons au hammam retrouver les femmes au bain. Dans cet endroit clos, humide, elles se racontent des histoires, les ragots, leurs rêves, les amours illicites, défendus. Elles parlent de l’exil, de l’intégrisme…..

On retrouve dans ce livre le thème cher à l’auteure : les femmes, ses sœurs de l’autre côté de la Grande Bleue. La tourmente de l’intégrisme, la peur de l’homme.

Ici, son écriture suit le débit des paroles des femmes tantôt bavarde, tantôt rêveuse et voluptueuse.

J’aime son écriture, j’aime ses livres, je ne m’en lasse pas.


Lien : http://zazymut.over-blog.com..
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