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Sabrinelle Bédrane (Autre)
EAN : 9782367951522
96 pages
Chèvre-feuille étoilée (06/12/2021)
4.14/5   14 notes
Résumé :
Dans ce recueil de dix nouvelles inédites ou parues dans "Étoiles d’encre", revue de femmes en Méditerranée, et écrites de 1998 à 2021, Leïla Sebbar nous conte les femmes d’Algérie, protectrices, rebelles, amoureuses, femmes libres et les hommes qui les entourent.


Safia chante à l’ombre d’un grenadier. Elle n’est plus jeune ni belle. Je la vois se lever, venir vers moi : « Tu es la bienvenue dans ma maison. J’ai gardé pour toi la plus be... >Voir plus
Que lire après De l'autre côté de la mer, c'est loinVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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J'aime beaucoup l'écriture de Leïla Sebbar. Je la trouve fluide, pudique et riche en émotions. Pendant des années j'en ai fait étudier, lorsque les programmes me le permettaient, des extraits à mes élèves. Ce recueil de nouvelles ne fait que renforcer mon sentiment sur le talent de cette dame de Lettres. Il nous permet d'en savoir toujours plus sur ce pays dont elle trace les contours, dont elle ancre les paysages, les coutumes et les moeurs au fil de ses écrits.

Ici, comme souvent, elle laisse la parole aux femmes. Elle fait un panorama de chaque caractère, retraçant ainsi la réalité : il n'y en a pas un de semblable. Et pour adhérer au mieux à cela, différentes voix se font entendre. Nous découvrons ainsi, à travers les personnages féminins, tous ceux qui ont fait l'Algérie. Mais ce n'est pas tout, puisque nous suivons également une Algérie complexe, dont l'Histoire est constituée d'épisodes douloureux : colonialisme, guerres… Un thème est souvent présent, en lien avec ces moments sombres : le sort réservé aux femmes. Sans victimisation aucune, Leïla Sebbar met en évidence, très souvent, dans ses nouvelles, le viol. Mémoire de l'arbre m'a particulièrement marquée. de ce texte, commençant de façon très poétique, il ressort une noirceur inimaginable. La chute laissera l'imagination du lecteur oeuvrer pour en comprendre la finalité. J'ai également aimé La Maison bleue, rappelant, la chanson de Maxime le Forestier : « C'est une maison entre eucalyptus et cyprès, au pied de la colline » (P73). Là encore, il ne faut pas s'attendre à du bucolique ! Les textes de Leïla Sebbar dénoncent, pointent du doigt et donnent à réfléchir. Ils sont puissants. Ce petit recueil est un véritable coup de pied dans la fourmilière. C'est un coup de coeur pour moi.

Un grand merci aux Éditions Chèvre-feuille étoilée qui mettent en avant des textes de qualité.
Lien : https://promenadesculturelle..
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Ce court recueil de nouvelles de 91 pages à peine, se lit très vite. Il contient dix nouvelles écrites par l'auteur entre 1998 et 2021, pour certaines parues dans la revue "Étoiles d'encre", une revue trimestrielle parlant des femmes en Méditerranée, les autres nouvelles étant inédites.
L'auteur nous parle de l'Algérie, de son histoire et surtout des femmes qui y vivent ou y ont vécu, ainsi que de ceux qui les entourent, les pères, les frères, les enfants. Ils parlent toutes les langues, vivent en ville ou dans un petit village perdu du bled, sont nés ou pas sur cette terre, mais tous ont en commun de l'aimer.
Les femmes sont toutes différentes, rebelles ou dociles, parfois elles sont mères, elles veulent vivre et aimer, être libres et sont prêtes à tout pour cela.
Ce qui est important dans ce recueil c'est la parole des femmes, ce qui est dit ou pas, de leurs vies.
L'ambiance est très particulière. le ton est juste, à la fois nostalgique et douloureux, ou bien poétique, comme le titre d'ailleurs, et parfois drôle et plus léger. Ainsi, parfois, vous vous promènerez le long des boulevards, sous les oliviers ou dans les vignes, admirerez la couleur rouge des fleurs de grenadiers, sentirez l'odeur du bougainvillier...
Les textes sont courts (parfois 2 à 3 pages à peine) mais percutants. Les langues, les nationalités se mêlent pour ne former plus qu'une seule voix devenant au fil des pages, intemporelle.
L'auteur nous livre ici de magnifiques portraits de femmes, volontaires, protectrices, amoureuses, fortes ou farouches, mais libres.
Les nouvelles parlent toutes de ce besoin vital d'aimer que ce soit entre natifs de l'Algérie ou pas, que l'on soit algérien ou colon. Mais en filigrane, la guerre d'Algérie est passée par là. Il ne reste que la douleur de la séparation, de l'exil, de la perte de l'être aimé, et de cette terre qui ne sait plus à qui elle appartient désormais.
Au coeur du texte, les références littéraires ne manquent pas.
Le seul bémol est que peut-être ces beaux textes ne parleront pas suffisamment aux jeunes lecteurs qui ne connaissent rien, ou trop peu, de l'histoire de ce pays. L'histoire de la colonisation est abordée, la Guerre d'Algérie bien entendu, mais aussi la guerre civile des années 90.
Désormais, tous ceux qui ont aimé l'Algérie, qu'ils soient nés en France ou au pays, ne se sentiront plus jamais nulle part chez eux. Qu'ils soient nés d'un côté ou de l'autre de la mer, sont-ils condamnés à être pour toujours... des étrangers ?

La préface est de Sabrinelle Bedrane. Elle est intéressante car elle permet de mieux comprendre certaines nouvelles sur le plan symbolique, de se situer dans le temps ou dans L Histoire, et par rapport à la vie de l'auteur. Les superbes aquarelles qui illustrent la couverture, ou l'intérieur du recueil, sont de Sebastien Pignon.
J'ai lu avec grand plaisir ce recueil, reçu lors de la dernière masse Critique de Babelio. Il me donne envie de poursuivre ma découverte de l'auteur. Merci à l'éditeur et à Babelio pour leur confiance.

Plus de détails sur chacune des nouvelles sur mon blog...

Lien : https://www.bulledemanou.com..
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« Mère et fils »
La nouvelle qui ouvre le recueil prend place durant la décennie noire (1991-2002). Dans un village où ne restent que les femmes - les hommes sont partis faire la guerre - arrive une jeep conduite par militaire. À l'arrière, un jeune homme mort. Un groupe de femmes s'approche, l'une d'elle reconnaît son fils.
La narration est paradoxale. Un.e narrateur.ice omiscient.e qui pose des questions. le texte commence par « pourquoi », comme si, face à la violence de la guerre, il était impossible de comprendre. La religion, par la bouche de la vieille, tente de répondre à ces questions, mais en vain : les femmes « voudraient croire », mais elles n'y arrivent pas.
Guerre qui est partout la même, comme le rappelle l'allusion au « dormeur du val » de Rimbaud. Comme dans le poème, l'autrice commence par décrire le jeune homme « allongé » sans indiquer qu'il est mort et termine par « le cou blanc, fragile, est percé d'un trou minuscule ». Que ce soit en France ou en Algérie, les enfants morts se ressemblent.
En filigrane se lit aussi la violence faite aux femmes, encore plus forte durant les guerres. La narratrice évoque ainsi les jeunes filles qui « ne sont plus des jeunes filles » et que personne ne voudra épouser. La litote évoque clairement des viols.
« de l'autre côté de la mer c'est loin »
La nouvelle éponyme du recueil raconte l'histoire d'un enfant enlevé à sa mère française par son père algérien. Il refuse de rejeter tout un pan de son histoire, c'est-à-dire d'oublier sa mère. Cela se manifeste par une forte hostilité envers la femme de son père.
L'enfant fait face à deux silences : celui de son père, qui refuse de lui parler de sa mère, et celui de cette dernière, qui lui envoie des lettres qu'il ne peut pas lire. Il y répond en devenant lui-même silencieux « il parle presque plus, ni en français ni en arabe ».
Ce silence, c'est la femme du père qui le brise en se plaignant à lui du manque d'affection de son fils. Elle le fait sans jamais accuser le fils, mais en demandant des comptes au père, dont elle subit aussi le silence : « Mais pourquoi ? Tu ne m'as jamais rien expliqué [...] ». Elle s'identifie à la mère, d'autant plus qu'elle a elle-même un fils et réagit avec empathie. Elle se lie aussi au fils, qui la considère comme « une soeur aînée ». Ils sont tous deux dominés par le père et elle n'a pas sur lui l'autorité d'une mère.
La belle-mère met des mots sur ce que ressent l'enfant, lui permet de communiquer avec son père. Elle est couturière, il y a dans le texte une métaphore filée liée au métier : elle coud un lien entre père et fils comme elle lui avait cousu des vêtements et comme elle tentera de coudre un autre lien entre les continents pour permettre à l'enfant de voir sa mère. Son discours libère la parole du fils, qui est alors capable de dire qu'il veut voir sa mère, au lieu de le montrer par des actes d'hostilités envers la femme de son père et par son silence.
La narration externe n'empêche pas de suivre le point de vue de l'enfant. Cela se ressent dans l'écriture. Il y a des ruptures, le texte saute d'une idée à l'autre, la ponctuation ne suit pas les règles grammaticales. Ces procédés se retrouvent dans le discours de la femme qui semble réécrit à travers ses souvenirs.
« le monologue de la prisonnière »
« Je l'aimerais toujours. »
La troisième nouvelle s'ouvre sur cette phrase sans contextualisation, comme une affirmation de l'universalité de l'amour. Nous comprenons sans cela le sentiment de la narratrice.
le texte se compose de deux parties. Dans la première, la narratrice raconte sa vie en prison et parle de la femme qui lui rend visite. La seconde est un dialogue, probablement avec la même visiteuse.
le discours est une forme de maïeutique, d'accouchement. Alors qu'au début de la nouvelle la narratrice disait faire semblant d'être arabe, elle admet maintenant l'être (“Il aurait eu peur de m'aimer, moi, une arabe…”). Elle abandonne l'identité qu'elle s'est inventée pour accepter la sienne. le lecteur est étonné au début du texte : pourquoi faire semblant d'être arabe ? Et comment indiquer un faux nom sur le registre d'une prison ? Il comprend ici l'histoire de la prisonnière.
le dialogue commence néanmoins par la tentation d'un mensonge : « « Orpheline, c'est ça ? » « Oui. Orpheline... » ». En tuant son père, la narratrice a cherché à le devenir. Orpheline, elle aurait été libre. La famille est une instance de contrôle, surtout à reformuler la partie masculine, le père et les frères. La famille représente aussi la religion, ce qui lui permet de juger son amour et de le condamner.
L'histoire s'immisce à travers la visiteuse, de France et d'Algérie : « Elle a fait l'école en Algérie, avant l'indépendance », « Mon père est mort dans le maquis, du côté de bordeaux, c'était l'occupation ». S'incrustent aussi des textes qui servent de référence commune ou illustrent leur différence : Roméo et Juliette, les plus connus des amants maudits auxquelles se réfère la narratrice, Montaigne qu'évoque la visiteuse cultivée et, référence plus populaire, les romans Harlequins que lisait la prisonnière. Des romans dans lesquels, si les amoureux traversent des épreuves, ils finissent toujours par connaître la fin heureuse qu'elle n'aura pas.


« Safia, tu es revenue »


« Ce que je savais de toi, si peu. »
Dans cette nouvelle, une narratrice sans nom part du peu qu'elle sait d'une jeune femme pour la transformer en une légende qui traverse plusieurs décennies d'histoire.
le texte s'adresse directement au personnage de Safia, mais plutôt à la manière d'un discours que d'une lettre. La langue est en effet celle de l'oral.
Safia est une orpheline. C'est un personnage marginalisé qui ne va pas à l'école et joue avec les garçons : elle n'est pas intégrée à la société et ne respecte pas les codes liés à son genre. Elle est donc un objet de curiosité pour la narratrice, fille de colon, d'un milieu social et d'une culture différente.
Une fois partie d'Algérie, devenue écrivaine, elle raconte Safia. Elle prétend s'adresser ici directement à celle-ci, mais elle dit : « Je ne veux pas que les soldats te fassent du mal », signifiant que c'est elle qui invente la vie de Safia. Il semble néanmoins que son personnage ai aux yeux de la narratrice une forme de vie en dehors d'elle puisqu'elle écrit aussi : « où étais-tu à ce moment-là ? En vie ? » et plus loin : « J'ignorais ces talents ». Comme hantée par Safia (c'est aussi elle qu'elle entend dans la rue dans les discussions des mères arabes), personnage, mais aussi femme réelle, elle invente son histoire en suivant l'influence qu'a laissée en elle cette jeune fille à peine connue des années plus tôt. Safia est d'ailleurs l'un des rares personnages du recueil à être nommée. Leïla Sebbar ne donne des noms à ses personnages que lorsque ceux-ci ont un sens dans le récit. Safia « « Choisie » en arabe […] C'est moi qui t'ai choisie [...] ». Il semble que Safia a, elle aussi, d'une certaine manière choisi la narratrice pour raconter son histoire.
« Safia, tu es revenue » est une histoire d'espoir. Safia traverse L Histoire et en ressort plus forte. Même la prison a été pour elle un lieu positif, où elle a découvert une forme de sororité, elle qui n'a toujours été qu'en compagnie des garçons. Elle y a aussi appris à lire et à écrire. La fin du texte ressemble à un rêve, où Safia est à la fois jeune (la jeune fille que la narratrice a connue) et vieille (la femme qu'elle est devenue). L'orpheline devient une figure mythique « Safia la rouge », avec qui la paix est revenue en Algérie après la décennie noire.
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"La maison bleue"

"C'est une maison entre eucalyptus et cyprès, au pied de la colline”: dans cette nouvelle, poignante et mystérieuse, il est question d'une maison bleue. Tantôt refuge, tantôt maison de correction, voire de castration des femmes, elle fait pourtant l'office d'une maison au coeur de ragots de villages : "Ils ne verront plus les femmes de la Maison bleue, la belle maison réquisitionnée après le départ des étrangers".
Revenons au début de cette nouvelle. En premier lieu, il est d'abord question d'une simple description du lieu dans sa propre matérialité et dans sa propre utilité : "Il faut marcher longtemps sur le sentier, terre et cailloux, jusqu'à la mer. Un sentier réservé aux marins, aux pêcheurs jeunes et moins jeunes". Il est également question de légendes contées autour de la maison par les marins et les passants "les pêcheurs ne racontaient plus les belles histoires qu'ils inventaient, avec quel argent auraient-ils approché les femmes assises au bord de la fontaine, derrière les hauts cyprès ?"
Dans une seconde partie il est question d'une simple balade ainsi que d'une discussion entre une vieille dame et une jeune fille venant la voir et partageant des moments avec elle, même si la vieille femme est jugée folle, bizarre par le village : "Une vieille femme faisait la prière de l'aube face à la mer, on la disait folle, on avait peur, on l'évitait, sauf la jeune fille intrépide qui l'accompagne pour la prière au bord des vagues". La femme lui raconte alors ce que la maison abrite une vie de privation et d'esclavagisme pour les femmes y habitant, rencontrant des hommes aux hasard de salons et étant persécutées par une femme riche visiblement maîtresse des lieux. Ont apprend alors la malheureuse vie des résidentes du lieu: "Celles qui n'obéissent pas, les rebelles, elle les fait enfermer dans une chambre noire, creusée sous la maison. Elles sont battues à coups de fouet, on entend leurs cris, des cris de bête qu'on égorge, ces cris, je ne les ai pas oubliés". Ça amène à penser que cette vieille dame faisait partie de cette maison: "je ne les ai pas oubliés".
Cette nouvelle est une des plus marquantes du recueil. C'est ce drame qui est mis en avant: à savoir l'histoire poignante de femmes battues et traitées comme des prostituées. Cette nouvelle peut alors être comparée avec d'autres récits traitant de femmes battues et mises en escalavage tel que La case de l'oncle Tom de Harriet Beecher Stowe ou encore La couleur des sentiments de Kathryn Stockett.
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Une dizaine de fils rouges qui s'entrelacent pour former une route à travers l'espace et le temps. Voilà comment peut être perçu de l'autre côté de la mer, c'est loin. C'est une invitation à parcourir un pont littéraire entre les mondes, à plonger profondément dans les eaux de la mémoire et de la migration, à explorer les recoins de l'identité et de la quête de soi. le lecteur est convié à marcher aux côtés de celles et ceux qui ont franchi l'océan à la recherche d'une nouvelle vie.
Leïla Sebbar, écrivaine incontournable de la littérature contemporaine, nous emmène dans un récit riche et profondément humain. Ses mots sont des passerelles entre les continents, entre les générations, entre les cultures. À travers une prose emplie de la personnalité de ses personnages, elle leur donne vie, nous faisant découvrir des histoires qui sont à la fois uniques et universelles. Chacun d'entre eux porte le fardeau de l'exil, de la séparation, mais aussi l'espoir de trouver un endroit où ils pourront enfin s'enraciner.
Ce recueil explore les thèmes de l'identité, de la famille, de la perte et de la recherche d'appartenance, rappelant que la distance géographique ne peut jamais dissoudre les liens du sang, ni éteindre le feu de la mémoire. Les femmes présentes dans chaque nouvelle portent avec elles les cicatrices de l'histoire, mais elles sont également les gardiennes de la tradition, du langage, et de l'héritage culturel. Et elles partagent entre elles et avec nous tout cela à travers l'arborescence créée par la cohabitation de ces textes.
À travers les pages de ce roman, nous sommes poussés à réfléchir sur la condition humaine, sur la richesse de la diversité culturelle et sur l'importance de l'ouverture aux autres. Malgré les différences apparentes, nos histoires sont tissées des mêmes fils d'émotion, de courage et d'amour. Alors on a l'impression que l'histoire se répète. le chemin devient de plus en plus long et la réalisation que 23 ans n'ont rien changé n'en devient que plus terrifiante.
L'oeuvre transcende les frontières géographiques et linguistiques pour toucher le coeur de chaque lecteur. C'est un appel à la compréhension mutuelle, à la compassion et à la solidarité. En explorant les expériences de ceux qui ont bravé l'inconnu pour trouver un foyer, nous sommes confrontés à notre humanité commune et à notre responsabilité envers ceux qui cherchent refuge et compréhension.
En refermant ce livre, le lecteur est invité à méditer sur les récits qui l'habitent, à considérer les ponts qu'il pourrait construire et les barrières qu'il pourrait abattre. Ce recueil est un miroir tendu vers notre propre existence, nous incitant à réfléchir aux rencontres qui forgent notre identité et aux histoires qui forgent notre humanité.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
« Orpheline, c’est une orpheline… » Ce mot je l’avais lu dans les livres illustrés de la collection Rouge et or, les miens, ceux de mes sœurs, je les lisais tous, orphelins et orphelines, Rémi, Heidi, Perrine… Je les retrouvais d’un roman à l’autre, presque toujours des séries jusqu’à la mère retrouvée par miracle, rarement le père. Ainsi, une orpheline en chair et en os, toi, turbulente et intrépide, tu pouvais vivre la nuit, le jour, sans surveillance, libre de tes gestes et de tes cris, de tes amis aussi. Des garçons toujours. Et ils ne t’insultaient pas. Tu jouais avec eux sur le stade, dans la rue le long des cyprès du domaine, dans les wagons abandonnés de la vieille gare où nous allions par effraction, pas dans les wagons, seulement sur la petite esplanade cimentée de la gare, je ne t’ai pas rencontrée au bout de cette route, la seule goudronnée ou encore chemin de terre ? Jamais je ne t’ai vue seule, marchant comme mes sœurs et moi, vers le village ou le long de la voie ferrée, lorsque nous ramassions des asperges sauvages, très minces et très vertes, pour l’omelette du soir. « Orpheline ».
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« De l’autre côté de la mer, c’est loin » est la nouvelle qui m’a particulièrement le plus touchée et marquée que ce soit du point de vue de l’histoire, des rôles ou des caractères des personnages. À première vue, le titre de la nouvelle est « la Mère et le Fils » tandis qu’au fil de la lecture on s’aperçoit qu’il s’agit en réalité de la belle-mère. L’auteure a peut-être voulu nous montrer que la mère biologique de l’enfant n’est pas présente alors elle a attribué ce rôle de mère à “la femme du père”. Cette entrée dans la nouvelle nous laisse croire que le fils interrompt le récit afin de s’insérer dans la narration. Ainsi, la ponctuation au début de la nouvelle stimule les pensées de l’enfant, dans son raisonnement et dans le fil de la réflexion. On a l’impression que l’enfant n’est pas si présent que cela hormis le fait que les sujets de conversation le concernent, c’est-à-dire qu’on est projeté dans l’échange qu’il y a entre la conjointe et le père et ce n’est qu’à la fin que l’enfant, en prenant la parole, va en quelque sorte marquer sa présence. Une des choses qui m’a touchée dans cette nouvelle est cet énoncé : « elle viendra ta maman, bientôt, on sera amies elle et moi, tu verras, toi tu seras son petit garçon, et elle ta seule mère… » qui, à première vue, laisse penser qu’elle dit sûrement cela pour se valoriser aux yeux de l’enfant et qu’elle accepte qu’elle ne sera jamais sa mère dans son cœur. Il y a une sorte d’insistance: « toi tu seras son petit garçon, et elle ta seule mère… » où elle a conscience de la place qu’elle a et que ça lui fait mal d’avoir ce statut où elle n’est pas sa mère biologique d’où les points de suspension qui s’en suivent juste après. Elle craint que son mari lui retire l’enfant comme il a su le faire avec la femme française. S’il l’a fait une fois, il peut très bien le reproduire avec elle.
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Comment un être dépourvu de parole peut-il témoigner de l’horreur de la guerre ? De la violence des hommes ? Et de la souffrance des femmes ?
Dans la nouvelle “Mémoire de l’arbre”, Leïla Sebbar met en scène le corps d’un arbre qui est le témoin d’un horrible crime. Un arbre incapable de protéger celle qui avait élu cachette entre ses branches. Il nous raconte avec précision le moment où la vie de cette fillette bascule. Il est le spectateur d’une scène d’une violence inouïe qu’il parvient à ressentir. Mais avant tout, il est, malgré son immobilité, le narrateur qui met en lumière les violences sexuelles exercées sur les femmes. « Après tout, c’est pas une femme, c’est une chienne, on la laissera aux chiens et on partira », cette citation montre l'atrocité dans laquelle vivent les femmes mais aussi les filles comme celle dont il est question dans cette nouvelle. Considérée de la même façon que le serait un gibier. Cette enfant est laissée pour morte aux pieds de l’arbre, témoin impuissant. Aux yeux des soldats elle n’était qu’un moyen d’assouvir leurs besoins sexuels, un pantin doté d’un cœur.
Ce texte fait partie du recueil De l’autre côté de la mer, c’est loin qui est une oeuvre féministe dans laquelle sont dénoncées les abus faits aux femmes en Algérie. Les nouvelles abordent avec poésie et beaucoup de violence l’oppression des hommes, la quête féministe des femmes, ainsi que l’attrocité de la guerre.
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Elle dit aussi qu'elle est arrivée seule, à dos de mulet, avec ses bagages et que la pluie d'orage, un déluge, a failli l'emporter au fond du ravin. Les hommes, les anciens l'ont accueillie, les femmes l'ont aidée dans sa maison d'école, vide, les enfants, garçons et filles l'ont mise à l'épreuve, elle a résisté, ils l'ont adoptée, elle a même appris la langue de la montagne. Peut-être ma grand-mère a récité les fables de la Fontaine ?
Pour elle, les tisserandes ont fait le plus beau tapis et un burnous d'homme, l'hiver il neige, elle dit qu'elle n'a pas eu froid, parce que dans ce village on l'aimait et elle aussi elle a aimé cette vie.
in "Le monologue de la prisonnière" p.26
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Il apprend l'arabe, l'espagnol, les jeux des garçons, le "sigle", pourquoi ce nom-là pour jouer aux roseaux taillés avec un petit couteau bien aiguisé ? Les osselets, les "pignols", des noyaux d'abricots, on les frotte sur une pierre et on siffle, le "carrico", une planche sur roulements à billes qui dévale en hurlant des pentes abruptes.
in "Elles font le boulevard" p.59
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Vidéo de Leïla Sebbar
La Bibliothèque francophone de Paris 8 vous propose une rencontre avec Leïla Sebbar, rencontre littéraire organisée par Ferroudja Allouache et Kamila Bouchemal ainsi que les étudiant.e.s de Master Création critique/Écritures du monde.
Retrouvez cette ressource et sa documentation sur Octaviana (la bibliothèque numérique de l'université Paris 8) : https://octaviana.fr/document/VUN0036_19
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