Tout d'abord, on croit percevoir comme un vague souffle d'orientalisme, des prostituées qui se prennent pour des odalisques, Isabelle Eberahrd, taleb perpétuellement travestie traversant perpétuellement l'Algérie de ses fantasmes mais l'on comprend vite que parler des chambres, c'est surtout parler de la réalité des femmes, de leurs joies et surtout de leurs peines. Femmes arabes d'hier et d'aujourd'hui, jeunes filles des banlieues que leurs copains prostituent, prisonnières dans des contrées en guerre, filles d'un couple mixte, plus ou moins rejetées…Evocations un peu floues, poétiques et poignantes. « Comme un tapis du djebel Ammour, de recueil en recueil, se tisse inlassablement la voix des femmes arabes », pour citer Jean-Pierre Castellani (Diacritc, 21 mai 2019). Mais ce qui m'émeut le plus, chez Sebbar, ce sont les voix de vieilles femmes, les mères des jeunes filles djihadistes dans L'orient est rouge ou la Chibania dans celui-ci, elle qui part retrouver son mari mourant de l'autre côté de la mer, à Marseille. Femmes qui n'ont pas voix au chapitre, femmes usées par la vie, figures courageuses, obstinées, aimantes, infiniment aimantes. Plus que toutes, ce sont ces humbles paroles que L. Sebbar sait nous faire entendre, voix si modestes, si étouffées et si fortes, si fortes qu'elles sont plus fortes qu'un hurlement. Et dans ce recueil de nouvelles qui crée une fois encore un univers à la fois cruel et onirique, le style au scalpel de Leila Sebbar fait merveille, net, elliptique, presque froid – et qui justement, pas son caractère allusif même, crée un monde de poésie. Belle préface de Michelle Perrot, historienne, spécialiste de la chambre.
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J'ai décidé de lire ce recueil de nouvelles sans connaître quoi que ce soit de l'oeuvre de Sebbar. Je ne pense pas que ce soit la meilleure façon d'entrer dans son univers.
Bien que les histoires soient poétiques et somme tout relativement simples - on est plus dans l'évocation d'un lieu, d'un sentiment, d'une relation, que dans les scénarios complexes - j'ai eu du mal à comprendre l'ensemble de nouvelles.
Notamment, je me pose des questions sur les vestiges d'orientalisme. Et il en émane quelque chose d'étrangement daté.
Plutôt joliment fait, mais cela ma crée un malaise certain.
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Le prière d'insérer de l'éditeur résume parfaitement le livre : des courtes nouvelles (presque des vignettes) autour de la "chambre close" de la femme algérienne, celle du harem, de l'hôtel, de la prison ou de la maison de passe... Certains textes me semblent excellents, d'autres moins, mais l'ensemble se tient grâce à un style allusif, elliptique, impressionniste, toujours juste. On quitte "la chambre" avec un sentiment de tristesse devant ces vies empêchées, ces destins bouchés, ces nostalgies inconsolables, ces aspirations toujours démenties.
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Je suis la fille de l’étrangère, la Française qui habite la maison d’école, celle qui s’est mariée avec un Arabe. C’est une folle. Ses enfants sont des bâtards et ses filles, des filles de pute. Si l’une d’elles marche sur le chemin, ils l’enlèveront pour la niquer dans la grotte… Elle sait le geste obscène des garçons… et les cris âpres, les rires violents, obsédants, qui donnent au geste répété comme à l’infini le tremblement de la terreur et du meurtre d’amour, du meurtre sacrificiel.
Ma femme, tu sens bon, tu sens la mer sauvage et la montagne, le thym et le romarin, la menthe et le basilic de nos jardins, l'eucalyptus et le figuier, le miel... Tu es ma femme, tu es venue, je t'ai attendue...
La Bibliothèque francophone de Paris 8 vous propose une rencontre avec Leïla Sebbar, rencontre littéraire organisée par Ferroudja Allouache et Kamila Bouchemal ainsi que les étudiant.e.s de Master Création critique/Écritures du monde.
Retrouvez cette ressource et sa documentation sur Octaviana (la bibliothèque numérique de l'université Paris 8) : https://octaviana.fr/document/VUN0036_19