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Critiques de Louis Calaferte (163)
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Requiem des innocents

« Je pense que rien au monde n’est plus féroce, vicieux, criminel qu’un enfant. » Cette phrase extraite de « Requiem des innocents » en dit long sur la zone et ses habitants. Louis Calaferte plonge le lecteur dans un territoire abandonné de la République. C'est Virginie Despentes qui m'a amené à cette lecture et j'ai retrouvé dans ce texte ce « quelque chose » qui lie intrinsèquement celles et ceux qui ont vécu parmi « les déchets, les sous-hommes », les crevards. Et ces expériences communes se retrouvent également dans le style littéraire des deux auteurs, un style brut, incisif, qui ne nous épargne pas. Une écriture qui vient des tripes. J'ai un peu retardé ma lecture pour m'épargner mais l'écriture est si belle, poétique, que l'horreur de certains faits, insupportables, demeure audible. Mais Louis Calaferte ne perd jamais de vue ce que chacun des protagonistes a de commun avec chacun de nous : ce qui nous lie et relie, l'Humanité.
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Rosa mystica

Un homme revient chez lui après 5 ans d’absence et redécouvre un univers passé au travers de récits, d’anecdotes, de souvenirs divers, en décrivant des sensations, en émettant des avis sur des sujets de société et en sélectionnant les gens qu’ils souhaitent revoir ou pas. Il accepte de s’occuper pendant le temps de ses vacances de sa filleule Geneviève. On retrouve dans cet ouvrage, toute la faconde de l’auteur, sa grande sensibilité s’exprimant souvent par des phrases riches en vocabulaire, parfois un peu longues, mais offrant un réel plaisir de lecture !
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Zéro

La poésie. La poésie et Louis Calaferte. Ni décors, ni dentelles, ni jolies façons, non, la poésie est ici toute crue. Avec son désordre, ses brûlures, ses beautés, sa colère, sa douceur.

Zéro. Point, seuil, niveau ?

«  Je parle ! Alors-debout ! ».

Voici donc l'impératif du verbe aimer. Oui, aimer. Que dit il d'autre  ? même lorsqu' il colère, tempête, contre cette fâcheuse face d'humains.

La passion selon Calaferte c'est : ne rien concéder, ne rien lâcher.

Il appelle au réveil, il secoue l'armature du verbe, à coup de gueule, à coup de désespoir parfois.

«  dites-vous bien que le génie est une teigne, je vous en parle d'autant mieux que j'en suis un . Je vous en parle du fond de ma solitude, bonnes gens, d'autant plus libre que j'en suis un. »

Seul et certain.

Ni dieu, ni fric. Ici, on ne vend pas monsieur, ici, on vit, on écrit. On forge.

« Je mets l'arbre dans le poème et tout à coup c'est le printemps ».

On écrit. Il écrit. Il écrit qu'il connaît «  des millions qui vont mourir de faim. »

Et il en souffre. Et nous en mourrons.

Non, il n'aime pas trop le bourgeois. C'est un fait. Faut dire, faut bien dire que Louis Calaferte a du apprendre très tôt qu'une vie ce n'est pas toujours le printemps.

Non il n'aime pas celui qui conserve, qui maintient, qui oppresse, qui comprime le plus faible de tout son gras.

« Frileux dans leurs petits gilets / Amenuisés dans leurs pantoufles/ Avec leur gosses qui sont laids/ leurs conjugales qui s'essoufflent/Et leurs bouts d'âmes en guenilles /Et plus c'est bête et plus ça copule et fourmille ».

Le portrait dans le vif du sujet.

Au clou couronne, médaille, et pension à la veuve.

Bim. Prends ça.

Alors , tout cela me direz vous, tout cela pour faire naître quoi ?

Oh..juste ...un peu de beauté, de fragilité, d'évanescence, tout cela, pour nous montrer autre chose que le noir de nos fumées , et nous murmurer tout bas à l'oreille :

«  Sortez de la hutte en béton/Venez voir le soleil candi/ il fait beau ! » ,

«  Venez voir ! C'est gratuit ! La coccinelle vient de naître ».

Oui, tout cela pour nous montrer ce qui n'a pas de prix. L'émerveille.

Alors chez Louis Calaferte il y a la colère, l'indignation, mais il y a également ses gestes d'enfant, cette bouleversante candeur, de celle qu'on voit dans les yeux brûlants de certains gamins. Louis Calaferte revendique, défend la Poésie. La sève poétique coule dans son encre . Décapitez un fleur, coupez un chèvrefeuille, et tous les coups vous tuez un homme.

Zéro est un recueil très « remuant » qui met en lumière une colère, celle d'un poète qui ne veut pas nous laisser basculer dans les abîmes. Alors, oui, il gueule, il insulte, il secoue, mais à l'entendre nous secouer tellement fort on aime penser qu'il a du nous aimer véritablement , très sincèrement.



Astrid Shriqui Garain



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C'est la guerre

Attention, avec ce livre, vous allez vous prendre une claque par un gamin de onze ans...



Une écriture incisive, des phrases courtes qui vont à l'essentiel et qui donnent un certain rythme et une puissance à ce récit autobiographique mais qui alterne aussi avec des phrases plus longues pour expliquer les choses en profondeur.

On frappe et on discute ensuite...

Un récit haletant comme une course effrénée à travers l'Occupation.



C'est l'écriture d'un enfant de onze ans qui voit la guerre, qui entend la guerre, qui comprend la guerre, qui ne comprend pas la guerre. Il raconte, avec ses mots, le quotidien de cette période: l'exode, les tickets de rationnement, les "boches", le marché noir, les trahisons, la Gestapo, les Juifs, les combines, les arrestations, les femmes tondues...



Un livre que je conseille vivement pour le sujet, l'écriture, l'auteur.

Une pépite qui ne vous laissera pas indifférent.
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La Mécanique des femmes

On songe à « Monologues du vagin » d'Eve Ensler (1996). Mais La Mécaniques des femmes a l'antériorité et il n'a pas été écrit pour le théâtre. Comme la pièce de théâtre, c'est un patchwork de discours rapportés de femmes qui s'expriment sur leurs pratiques sexuelles. Ces témoignages anonymes sont en réalité plutôt des confidences volées par l'amant de passage qui se serait empressé de les noter sur un carnet. du moins ainsi imagine t'on la genèse de ce livre. Si les femmes qui s'expriment dans la pièce d'Eve Ensler sont des femmes de toutes catégories sociales et de toutes générations et portent un véritable témoignage conscient. Celles de la Mécaniques des femmes sont pour l'essentiel des prostituées de milieux divers et de toutes générations. Enfin, Eve Ensler est une femme, Louis Calaferte un homme. Eve Ensler porte la cause féministe ; quid de Calaferte ?

Une de mes premières interrogations devant ce texte, finalement assez mystérieux, fut de savoir à quelle époque ces filles parlaient t'elles ? Des années 50 à aujourd'hui ? Je n'arrivais pas à imaginer ces tableaux érotiques avec les couleurs de mon propre temps. On n'est peut être plus dans les heures chaudes de Montparnasse mais le Clichy d'Henry Miller n'est pas loin. On imagine toutes ces chaudes étreintes en noir et blanc ; ici, le sperme coule dans les caniveaux d'un Paris à la Doisneau. En tous cas on ne trouve pas le ton militant des années 1970 où la libre copulation est un instrument d'émancipation. Enfin, le SIDA n'y est jamais évoqué. le livre ayant paru en 1992 et l'auteur étant né en 1928, cette oeuvre est peut-être un dernier hommage ému d'un vieillard à sa jeunesse.

Une lecture superficielle se cantonnerait a voir là une série de croquis pittoresques pris sous la lumière glauque de la prostitution à l'érotisme avili. On a le sentiment de lire une sorte de carnet dans lequel l'auteur aurait ramassé dans les caniveaux et les recoins pisseux de la misère sexuelle toutes ces confidences et souvenirs exhalant les miasmes des toilettes des bistrots populaires ou des vestiaires d'usines ; mais aussi des parfums musqués imprégnés dans la soie et la fourrure. Un recueil, sans ordre apparent, de mots de prostituées anonymes. Pas seulement des prostituées car on y rencontre quelques adoratrices de la verge mâle dont elles entretiennent la turgescence comme les pythies le feu sacré ; l'auteur a le bon goût de ne pas les appeler nymphomanes. On le sent familier des hôtels de passe et des coïts furtifs derrière les portes. Il nous dépeint une sexualité sordide qui reste cependant – avouons le – excitante. Et tout le problème est là. Et le fond aussi ; car à mon avis, ce serait se méprendre que de lire la Mécanique comme une sorte de célébration de la prostitution ou une apologie de l'avilissement des chattes et des bites. Et la ressemblance avec les fanfaronnades à la Henry Miller est probablement fortuite. Je prendrai le risque d'une autre lecture.



A cette lecture un sentiment trouble guette le lecteur mâle moyen qui par comparaison - fouillant anxieusement sa mémoire - ne manquera pas de s'apercevoir qu'il ne s'est jamais senti désiré par une femme comme l'a pu l'être l'auteur (narrateur ?) de ce foutu bouquin. Puis, ce sentiment se tempère quand on commence à comprendre qu'il s'agit la plupart du temps de sexualité tarifée. Mais les anecdotes de « putains » se mêlent sans ordre à des dépucelages d'adolescents par des dames mures, évocation des premières règles, nuits de noces traumatisantes, portraits croqués sur le vifs (« Bouche si sage, dont on sait ce que peuvent être les caresses. »), fantasmes obscènes (« A ma mort, je veux qu'il y ait autour de mon lit tous les hommes qui m'ont sautée. Je suis sûre que la mort sera impressionnée et qu'elle m'épargnera » ) etc. On avance prudemment car on marche sur un sol glissant de foutre ; le plus gros gadin consistant a se faire une image du désir féminin sur cette seule base.

Alors on s'interroge. Les discours rapportés sont ils imaginaires ? On les croit volontiers inspirés par les rencontres d'un auteur ayant beaucoup fréquenté les prostituées ; en simple client ? en curieux sociologue amateur ? en écrivain en mal de sujets ? en visiteur humanitaire ? A-t-il noté ces mots de « filles » au jour le jour dans des carnets pour nous les restituer finalement pêle-mêle, sans ordre, sans plan ? Est-ce de la pure imagination ? A vrai dire l'éditeur (je l'ai lu dans l'édition L'Arpenteur, 1992 – aller vérifier dans l'édition Folio) ne nous en dit rien et je n'ai pas pris la peine d'entreprendre une recherche biographique pour me mettre au fait de la genèse de la Mécanique des femmes. Toujours est-il que ce florilège vous donne un puissant effet de vérité. Et malgré l'impudeur, l'obscénité, la puissance fantasque et débondée du désir tel que ces femmes l'expriment et quand bien même, hélas, ma propre vie m'ait préservé de telles expériences, je prend cela facilement pour argent comptant.



Bien entendu, (en principe) tout le monde sais fort bien qu'un clitoris dispose d'un corps caverneux et même d'une sorte de gland à l'instar d'une verge. Je ne suis certes pas très qualifié en matière de littérature érotique, aussi la remarque suivante paraîtra peut-être ingénue à d'autre. Je n'avais jamais lu de livre où les femmes bandaient autant. le verbe « bander » y est si souvent employé dans sa forme intransitive à la première personne que je croyais que c'était l'auteur qui parlait quand je devais bien admettre que c'était bien une femme qui bandait : « J'ai l'impression qu'à présent personne ne sait plus faire bander une femme. Toi, par exemple, qu'est-ce que tu ferais pour me faire bander, là, toute de suite ? » Est-ce que Calaferte est incapable de comprendre le désir féminin autrement qu'à l'aune du désir masculin, prend-t-il son désir pour la réalité féminine ? Pas sûr. Cette identité d'expression du désir semble ici révéler autre chose ; la dissymétrie des rapports de domination, la puissance invisible de la violence sociale sur le sexe de la femme. Une violence pas toujours symbolique que les prostituées se sont appropriées parce qu'elles sont payées pour la subir.

Si l'on découvre alors que les femmes peuvent avoir la bandaison joyeuse, on trouve aussi de brèves paroles comme celle-ci : « Je veux me salir l'âme ». N'oublions pas le titre du livre ; La Mécanique des femmes. Quelles révélations ce livre prétend-il apporter sur les femmes quand les propos rapportés émanent d'une frange plutôt marginale de la gente féminine ? La seule justification honnête à un tel projet serait que la prostitution représente en creux le désir masculin par la pression qu'il exerce sur la sexualité féminine ; exactement comme une machine emboutisseuse donne sa forme à la taule - par pression, pour donner un joli galbe à un capot d'automobile; pression démesurée et mécanique de la domination masculine.



En réalité, ces paroles de femmes nous révèlent une érotique féminine autant qu'elles révèlent en creux le désir masculin qui l'a formée. "Je n'en attends rien. C'est seulement son désir qui m'intéresse. Ces pauvres types croient que parce qu'ils ont une queue et deux couilles entre les jambes ça les rend irrésistibles. Ils ne savent rien de l'amour, rien des femmes, rien des subtilités de la perversion." Une mécanique des genres qu'il est de plus en plus difficile d'appeler une érotique.
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La Mécanique des femmes

En un mot: désappointé, même si je ne regrette pas d'être allé jusqu'à la fin du livre



Pourtant, le style vif, amplifié par la succession de passages courts voire très courts, quelques belles phrases, m'ont incité/ invité à lire jusqu'au bout ces 160 pages.



Je m'aventurerai à reprendre un questionnement issu de la critique de Fredmartineau: plutôt un livre masculin que féminin, bien qu'écrit à la première personne par des personnages féminins?



Néanmoins, l'un des intérêts de ce livre est lié à cette prise en main par les personnages, sans faux semblants, de leurs désirs (sans revenir sur leur réalité féminine).



Peut être ceci est il exprimable autrement: une série de textes brefs, parfois crus, mais qui ne franchissent pas, me semble t il, la frontière de la provocation gratuite et inutile.
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Ci-gît - Onirographie

« Je suis né pour le désespoir et ma tristesse est sans raison »,

«  Je croupis dans des villes tristes parmi des condamnés bien habillés qui font des affaires, c'est lundi mardi mercredi jeudi...et le reste de la semaine » ,

«  Coupez la plus rose des roses et posez-la sur ma poitrine ».,

« toute ma haine vient de votre majuscule,Maman ».

Voilà, ci gît, ci-gît non pas le poème mais la nuit , cette nuit « sans jamais qu'on la nomme » . J'entends Poésie là où tant et tant de larmes furent versées, renversées.

Un pleur, une lamentation. « Les morts me parlent »  écrit il dans le recueil suivant.

Les morts...qui gît ?

Est-ce cette colère, cette enfance, cette terrible enfance qu'il sait nous rendre si proche, si chair ?

La douleur, la colère, le désespoir sont peut être inertes, mais ils parlent et s'en reviennent.

La Poésie ne se conçoit ouvertement que dans le partage, elle ne minuscule pas, elle ne réduit pas, elle fait partie du grand royaume des "consolances".

Et puis c'est un acte, un geste, une création. La création d'un autre langage. Celui qui naitra de sa propre terre. « Je suis poète », c'est une gifle, pas une caresse. Un crachat qu'il jette à la face du mal.

«  Je suis poète », voilà son arme.

Calaferte perfore les mots. Il ...  « entrelascive », il ….  « s'enlascine », il voit des « lassos solaires ciseler les lilas, on « l'envoutale », on « l'enlubrique », doucement dans sa nuit,…. on lui sourit.

Voyance/vision phénoménale. Pourtant, à aucun moment, même lorsque la nuit se fait profonde, à aucun moment on ne craint d'être happer par toutes ces ombres.

Dialogue et non emprise.

Parce qu'il est libre, survivant et combattant, on sent l'écriture de Calaferte solide comme un arbre.

« Tournesols des nuits aux doigts grands de l'enfant blême – Il tremble - il a peur – ou peut être est-il glacé – Viens – mon enfant -Ma chair Sang d'autrefois que j'aime – Et parle et pleure – dans tes hoquets noirs je sais que tu m'apportes le Poème . »

Rimbaud, Van Gogh, Calaferte…. Comment peut on ne pas aimer le Poème ?



Astrid Shriqui Garain
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Septentrion

On pense souvent qu'avec le temps, les années, les découvertes qui vous donnent une claque à vous dévisser la tête n'arrivent plus. J'ai eu cette sensation en découvrant Septentrion de Louis Calaferte. De la poésie à l'état pur. Une densité à couper le souffle. Un coup de poing, un coup de poing dans le ventre, un coup de bâton derrière la tête. Comme si l'on était né hier.



Un livre sur la création... la procréation, l'érection, la traction... le travail d'un homme qui se tue à la tâche. Pas le choix, question de vie ou de mort. Les phrases sont taillées au couteau. On peut y rester une journée, une nuit, sur une phrase de Calaferte. Les phrases s'enchaînent, passer une vie sur un paragraphe, une vraie mélodie, origine italienne, certainement. On glisse de digression en digression, sans jamais perdre le cap; elles décrivent un cercle, qui se referme sans cesse, à peine la place pour respirer. On se dit que l'on a jamais lu quelque chose comme ça. Peut-être chez Martinet, mais jamais aussi serré, aussi dense. Peut-être les chants de maldoror, moins éparpillé, avec une idée fixe : trouver un lit pour passer la nuit, trouver un con pour y enfoncer sa tige, tirer un coup, et trouver un crayon pour écrire ce que l'on a dans la tête. On ne sort jamais de cette ritournelle que nous fredonne Calaferte. On se dit que peut-être un livre suffit.
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Haïkaï du jardin

À rééditer de toute urgence. Calaferte utilise l'habile prétexte du haïku pour parler du jardin (peut-être même le sien) : on n’allait pas en faire un roman (Zola), un livre sur le jardinage (Muriel Stuart) ou un conte philosophique.

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Épisodes de la vie des mantes religieuses

Calaferte est un génie. De ceux qu'un lecteur croise rarement dans une vie. Dans les "Épisodes de la vie des mantes religieuses", il parle une fois de plus des nombreuses femmes de sa vie. Une géographie amoureuse complexe, particulièrement sexuelle, souvent dérangeante. Il y décrit notamment sa relation avec D., celle qu'il aime et qui chaque soir se transforme en mante religieuse : "Végétale, armée de tiges carnivores surmontées d'une infinité de petits dards aux aiguilles rétractiles, chaque nuit elle dort auprès de moi, me dévore doucement pendant mon sommeil."



Mais il y a aussi toutes les autres, femmes d'un soir ou putains aux seins flasques : "Je les voudrais prostituées à moi. Dans des rues étroites, puantes. Dans des escaliers d'hôtels borgnes. Pour des accouplements qui seraient des sacrifices. Les jeter ensuite dans les cuvettes des bidets. Je m'assiérais au bord pour les regarder se débattre, déchets animés, dans le tourbillon de l'eau siphonnée. Femmes froissées, femmes-miettes. La peau de leur sexe flottant à la surface."



Chez Calaferte, la chair est triste. "Images lubriques. Fange du sexe. [...] Forcer l'impossible. Être Dieu. S'anéantir dans la débauche, jusqu'au crime. Exacerbation du sexe. Désir d'échapper à la ruine intérieure." Il y a bien quelques moments d'apaisement ("T'envelopper dans mes bras, t'étreindre, te blottir contre moi, couvrir de baisers ton visage, tes cheveux, t'étouffer de tendresse") mais le désespoir lucide reprend vite la main : "Je me hisse sur sa froideur cadavérique. Ses lèvres pâles grimaçent. En vain nous nous essoufflons, l'un à l'autre impénétrables. Une nuit nous sépare."



Ce texte n'est pas un roman. C'est une succession d'aphorismes, de souvenirs épars, de bribes de poèmes en prose. C'est doux et violent, insignifiant et profond. Le rythme de chaque phrase oscille entre calme et fureur avec une force incomparable. Dans la préface, Marcela Iacub qualifie ces épisodes de hold-up, de coup de poing, de viol, de massacre. C'est un livre qui "nous secoue, nous torture, nous humilie. Nous pénètre, nous envahit, nous contamine, nous vampirise, nous corrompt." Et je dois dire qu'elle n'a pas tout à fait tort...


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Le printemps encore une fois

Calaferte a légué à sa mort tous ses manuscrits à la Bibliothèque Municipale de Lyon. Près de 5000 pages de carnets à l'écriture compacte. L'hommage qui lui est ici rendu rassemble lecteurs et amis autour d'une figure marquante de la littérature du XXe siècle. Auteur classé "subversif" après la censure de son détonnant Septentrion, Calaferte fait partie de ces auteurs dont on a trop peu parlé. Ecrivain complet (théâtre, poésie, romans, essais, carnets), on dit souvent de lui qu'il parlait vrai, qu'il exprimait pour nous l'intime, qu'il dénonçait les masques avec lucidité. "Moraliste plein de colère et de douceur", se côtoient en lui une fascination toute janséniste pour le divin et -sans que cela soit un paradoxe- un sentiment de l'absurdité de nos vies assez kafkaïen. A redécouvrir, et à ne pas oublier, assurément.
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Septentrion

j'ai été halluciné à la lecture de ce livre , par les descriptions sensuelles et sexuelles que fait Calaferte , avec une richesse de vocabulaire et d'images assez extraordinaires et qui donneraient presque l'envie d'être hétérosexuel ...
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Requiem des innocents

Une écriture rapide, des phrases courtes, un vocabulaire courant, voilà aussi ce qui fait la force de ce Requiem des innocents.

Premier livre de Louis Calaferte, cinquante ans après son écriture, il reste une claque reçue en pleine figure.

Décrire le malheur et la détresse qui habitent des pauvres, des moins que pauvres, dans la zone d’une grande ville, comme l’auteur le fait, nous force à ouvrir les yeux.

La crasse physique, la crasse intellectuelle, la crasse morale sont si épaisses que ces femmes et ces hommes peuvent sembler moins que des bêtes.

Et pourtant, quand la société ouvre les yeux, quand elle veut bien faire l’effort de se regarder en face, elle fait naître l’espoir et des sentiments nouveaux, presque inconnus chez le héros, l’auteur lui-même.

Et là, ces enfants qui n’ont pas d’enfance, deviennent des êtres sensibles, émouvants, à qui pour une fois on tend la main, pour les caresser, pas pour les battre. Présenté de manière crue, ce monde à la lisière du monde « normal » nous rappelle toute l’injustice qui règne autour de nous. Il nous rappelle aussi la spirale infinie que vivent celles et ceux à qui on ferme la porte. Il nous rappelle enfin que l’homme est toujours prêt à s’oublier, pour oublier.

Il nous crie, au visage, aux oreilles, que transposée aujourd’hui cette histoire reste vraie et qu’il est plus que temps de sortir la tête du sable.

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C'est la guerre

Un des livres de la valise contenant les ouvrages ayant contribué à forger la vocation des auteurs invités à la grande librairie du 6 juillet 2022.

C’est une belle découverte que ce témoignage à hauteur de l’enfant de onze ans qui vit, par ses yeux et dans son cœur la survenance de la seconde guerre mondiale, là où il habite. Une écriture brute et directe sortie tout droit de la tête de l’enfant qui livre un ressenti instantané et illustre de belle façon l’environnement, l’état d’esprit et les comportements des Français à ce moment là de notre histoire. On ne peut s’empêcher de remarquer que le poids accordé à la résignation, l’acceptation et la collaboration dans la narration est bien supérieur à celui de la survenance d’une résistance moins consensuelle ! Vue de l’esprit de l’enfant ou réalité ?
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Septentrion

Fait partie de ces livres dont on ne peut se détacher et dont on se dit en le refermant qu’il eut été dommage de passer à côté de cette lecture. Louis Calaferte, écrivain français mort à Dijon en 1994 à l’âge de 65 ans, a mis quatre ans pour l’écrire et il sera publié en 1963 avant de tomber sous le coup de deux interdictions du ministère de la Santé et du ministère de l’Intérieur durant vingt ans.



Il est vrai que la première partie est d’un érotisme torride et d’une rare exubérance. Le style est particulièrement soigné et me fait penser à un mélange de Charles Bukowski et de Céline, les points de suspension en moins.



C’est l’histoire d’un gros dégueulasse obsédé par les chattes, qui préfère se faire entretenir par une rentière nymphomane, Melle Nora Van Hoeck, la Hollandaise, plutôt que de retourner bosser à l’usine, afin de se donner le temps d’écrire.

Il n’écrira pas. L’engourdissement d’une vie bourgeoise confortable et sans soucis l’en empêche. A quoi bon ?

Mais Nora se transforme et devient bientôt comparable au « Fléau » de Paul Léautaud. Il ne la supporte plus. Le jour où elle lui demande de s’installer à demeure chez elle , ce qu’il ne saurait envisager, même en rêve, il vide son sac et claque la porte après lui avoir soutiré de force quelques derniers billets.



Alors, c’est rapidement la rue, la cloche et les copains que l’on va taper de temps en temps pour disposer quelques jours d’une chambre miteuse au dernier étage d’un hôtel de passes.



Par bonheur, il rencontre Gaubert, un ancien copain tourmenté par le démon de l’écriture, une bonne pâte, qui forme avec sa femme un couple heureux, et qui accepte de le loger et de le nourrir pour lui permettre d’écrire.



Je n’en dirai pas davantage pour ne pas dévoiler l’issue de cette histoire très largement autobiographique.
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Septentrion

Septentrion est un excellentissime récit, plein de vie avec un rythme que j'ai particulièrement aimé. En effet j'ai ressenti une écriture par saccade presque musicale tant le jeu des phrases courtes et des phrases longues est harmonieux. Les descriptions de situations ou de lieux sont riches mais pas exagérées et laissent la part belle aux pensées de l'auteur qui possède un cynisme assez jubilatoire.

Pour ce qui est du côté "hot" du roman je ne l'ai pas trouvé choquant mais comme je le disais quand on a lu Sade on est peu choqué par le reste. Ce qui est surprenant c'est que le rythme du récit varie selon la situation sexuelle décrite. Rapide et saccadé quand la situation s'enflamme ou lascif et lent quand la situation est plus érotique que sexuelle. C'est du moins l'impression que ca m'a laissé et c'est je pense pour cela que cela peut paraître choquant. un sentiment d'intimité s'empare de nous et l'on se pense concerné par la situation à cause du rythme imposé qui nous accompagne.

Le style est magnifique, clair mi-courant-mi familier par endroits, soutenu et presque poétique dans d'autres. Cela fait du bien une telle richesse de vocabulaire.



Un excellent livre qu'il serait dommage de louper

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La Mécanique des femmes

Fragments de vie, de sexe, de corps, de peur et d’amour. Des fragments crus de femmes, dans la rue, un lit ou ailleurs. Les scènes s’enchaînent, dans des tonalités, des sensibilités différentes, mais toujours empreintes de liberté. Dans les actes et la parole, ni entrave ni bienséance, mais une pureté dans l’objectivité des situations.



Absence de jugement et de verni, une bite est une bite. Mais malheureusement, pas de clito à l’horizon, même s’il s’agit d’une « mécanique des femmes »… Calaferte nous parle donc de plaisir et s’emploie à ne censurer aucun désir. Il est sans hésitation impertinent, cependant il a beau reconnaître à la femme sa légitimité sexuelle et pulsionnelle, son point de vue est définitivement masculin et hétéro-centré.



Je garde cependant à l’esprit que ce texte date de 1963, qu’il a alors été immédiatement interdit, et qu’il s’agissait alors d’une véritable bombe. Bombe qui continue d’ailleurs à faire son effet aujourd’hui…
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Rosa mystica

Talent poétique mis au service d'un coeur sec, nombriliste et ratiocinateur. Une vision du monde bien passée.
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Septentrion

« Au commencement était le Sexe », annonce crânement le narrateur d’un livre qui ne fut autorisé, en 1963, qu’en édition « hors commerce ».



De chambres d’hôtel sordides en cafés sinistres, le narrateur de Septentrion mène une existence paisible jusqu’au jour où il rencontre la riche Mlle Nora Van Hoeck qui le dispense de travailler à l’usine et l’entretient sans scrupule. Cet amant choyé rêve de rédiger un livre sur lequel il fonde tous ses espoirs et refuse bientôt le « royaume d’insouciance qu’elle (lui) ouvre à deux battants » Puis, il devient à nouveau un vagabond désoeuvré. Il tente de solliciter ses amis.



Un des grands de la littérature française. Quand je vois que qui est publié chaque année et que je compare avec des gens comme Louis Calaferte, on ne peut être que profondément atterré. Lisez Septentrion.



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La Mécanique des femmes

Deux questions me pénètrent au terme de cette lecture :

1) Qu'en pensent les femmes ?

2) C'est incroyable que ce soit un homme qui ait écrit ça, on entend (j'entends) la voix d'une femme en permanence...

Ok, le point 2 n'est pas une question, allez vous faire foutre ! Comme pourrait le dire la voix de Calaferte !

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