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Critiques de Louis Calaferte (163)
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Requiem des innocents

Je ne suis pas la seule à penser que ce Requiem des innocents ne constitue pas un chef d’œuvre et j’ai avec moi une opinion bien placée pour savoir de quoi elle parle. Louis Calaferte lui-même a écrit : « S’il y a deux livres de moi que j’abomine, ce sont les deux premiers, que je verrais disparaître avec plaisir » (Le spectateur immobile). Requiem des innocents fait évidemment partie de ces deux premiers livres. Essoufflé dès les premières pages, il semble révéler une discorde entre l’état d’esprit de Louis Calafarte au moment de l’écriture et le propos pourtant prometteur de son livre. La misère sociale donne l’impression de devoir se grimer pour constituer un aliment immédiatement disponible, comme si le lecteur ne pouvait pas fournir le travail d’interprétation tout seul.





Au moment-même de l’écriture, Louis Calafarte ne croyait peut-être déjà plus à ce qu’il écrivait ? L’enfant en lui s’en est allé, il essaie pourtant de le retrouver. Il fabrique une image crédible de sa jeunesse sans que celle-ci ne semble pourtant totalement authentique. La colère re-suscitée donne des coups de poings dans le vide et le sadisme se contemple avec satisfaction, comme un vice rare et bourgeois. L’acte de lecture du Requiem des innocents ne déroge pas à cette position faussement désenchantée.

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Hinterland

Au dos de l'Incarnation, déjà, l'éditeur (Denoël) présentait tellement bien le livre de Louis Calaferte que rédiger un commentaire plus intéressant me semblait impossible. Voici la quatrième de couverture de Hinterland :

« Il se tient tapi, à l’affût, là où l'atteignent l'offensive journalière, l'offense perpétuelle de la vie ; là où se produisent le traumatisme, le début de névrose, aux confins du réel et du cauchemar, - dans l'Hinterland, l'arrière-pays.

Il ne décrit ni n'explique. Il se contente de raconter des choses à demi inventées qui sont pourtant notre pain quotidien, la vérité souvent cachée de notre existence : terreur des foules agressives, angoisse de la solitude et de la culpabilité, obsession de se sentir sans cesse envahi, saccagé, grignoté à petit bruit...

On ne sait trop dans ce Portrait de l'adulte venant après le Portrait de l'enfant ce qu'il faut le plus admirer des dons hallucinatoires de Calaferte ou de la concision du discours distillé goutte à goutte comme une acide corrosif. »

Je ne sais pas qui a rédigé ces courtes invitations à la lecture, mais j'admire. Qu'ajouter ?

La couverture dit : Hinterland, récit. L'auteur veut donc insister sur l'unité de ce qui apparaît comme un ensemble de textes courts, disparates, dont le narrateur est souvent un adulte, mais pas toujours. En particulier, la description par une épingle des conditions de vie dans une pelote de ses consœurs est extraordinaire de sadisme mêlé de résignation ! Le lien entre ces chapitres serait la peur, ou au moins l'inquiétante étrangeté, dans un monde proche du nôtre mais que Kafka et Cioran ne renieraient pas. Et comme le dit l'éditeur : quelle imagination et quelle écriture !

La lecture est à déconseiller aux dépressifs et aux anxieux, mais m'a laissé stupéfait et bourré d'admiration.
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Requiem des innocents

La violence, la misère, la brutalité qui touchent les plus vulnérables. Un regard impitoyable sur la société, sa corruption, l’aliénation qu’elle génère.

Tout est dit dans les critiques, positives ou négatives de Babelio.

Sombre, puissant, servi par un style sec, aux phrases courtes.

Un premier roman signé par Louis Calaferte, qui s’est inspiré de sa propre enfance d’émigré italien dans un ghetto de Lyon, qui donne envie de découvrir plus largement son œuvre.

Rien n’a changé au fond…

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Septentrion

« Au commencement était le Sexe. Sauveur. Chargé d'immoralité. Il y a la Bête. Héroïque. Puissante. Et au-delà de la Bête il n'y a rien. Rien sinon Dieu lui-même. Magnifique et pesant. Avec son œil de glace. Rond. Statique. Démesurément profond. Fixe jusqu'à l'hypnose. Tragique regard d'oiseau. Allumé et cruel. Impénétrable de détachement. Rivé sur l'infini d'où tout arrive ».



Je pénètre malgré moi une œuvre incomparable de la littérature française longtemps mise de côté par puritanisme — cause pornographie — comme Les Fleurs du Mal de Charles Baudelaire. Ce livre est une explosion des sens où le sexe voltige avec douceur avec les émotions de l’auteur et de son héros. Ce corps à corps sensuel des mots s’enivre de la puissance littéraire de Louis Calaferte perdu dans les humeurs de cet écrivain virtuel aux prises avec ses fantasmes, ses peurs, ses doutes, ses folies, sa débauche, sa phobie du travail. Lire ce livre, c'est comme manger un pigment fort des îles. La sève puissante coule dans vos veines pour vous brûler les entrailles avec malice et diablerie, ce roman autobiographique s'enflamme de ces impudeurs, cette vision des femmes respirent celle d'un homme amoureux de la gent féminine, surtout de leur chair, de leur plaisir, de leur désir, de cette envie de concupiscence, l'acte d'amour, le plaisir de la chair défendue.

Mais la folie rencontre la peur d'écrire, cette paralysie de ne pas pouvoir réussir, ce complexe des autres avec cette force d'attendre le bon moment d'écrire, de réaliser ce livre parfait, d'être dans la bonté des Dieux semant la grâce des mots et de l'inspiration. Nous voyageons dans l'univers d'un pique-assiette allant ci et là, d'amis, de maîtresse devenant gigolo aussi. Cette première partie est un tel délice, une mélopée de mots, de petits noms donnés à la maîtresse de notre héros gigolo, c'est un régal acide, sarcastique, machiste, vulgaire, ordurier…

C’est un roman indispensable à littérature française, Louis Calaferte vit pour l'écriture, il est submergé par cette force incontrôlable littéraire, il vit que pour cette passion dévorante, il s'enrage avec violence et passion dans cette folie où sa vie n'est que support pour cette dévotion de devenir écrivain...

Pour finir, je citerai Philippe Sollers :

« Ne pas avoir lu ou ne pas lire sur-le-champ Septentrion est foncièrement immoral »

Alors aller lire Septentrion !





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Septentrion

L'écriture étant ce qu'elle est, magnifique et désespérante, à l'image de notre monde ; je ne peux pas mettre cinq étoiles à un désastre ambulant. Absurde absurdité.



Profondément misogyne... Cela peut sembler vain de le noter puisque l'auteur est littéralement hanté par le sexe féminin mais il l'est "profondément".

C'est-à-dire comme tout un chacun, dans ce monde là, justement.

L'écrire, le vomir ainsi n'est pas à la portée du premier venu par contre. On est écoeurés et on n'aimerait trouver quelque chose à sauver mais il n'y a rien à sauver ou au contraire tout.. tout peut l'être, dans l'état d'âme nécessaire.



Qu'il s'agisse de théâtre ou de reproduction humaine, il faut vivre la répétition pour la prendre au sérieux. (Et bien que la distribution des rôles soit très différente entre les deux sexes, l'amer constat de l'écrivain concerne aussi bien les hommes que les femmes)



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Choses Dites

Choses dites, ce sont des Entretiens avec Pierre Drachline qui avaient été diffusés par France Culture en 1988 auxquels s’ajoute des extraits de textes de Calaferte. Un livre qui permet de faire connaissance avec l’auteur avant de se plonger dans la lecture de cette oeuvre foisonnante de vie. Mais comme le dit Louis Calaferte : «Tous les livres ne sont pas pour tous les lecteurs indifféremment. Chacun doit trouver les siens. Les trouve-t-il, c'est l'harmonie.» Que la rencontre avec Louis Calaferte à travers ces "Choses dites"mène ceux qui oseront la poursuivre à l’harmonie d’une profonde amitié. mais attention elle est aussi violente, et décapante, et nécessaire...



Pierre Drachline à propos de ces entretiens :

« Les relisant aujourd’hui, il me semble qu’ils n’ont rien perdu de leur vivacité. Puissent-ils, à l’instar des textes qui complètent ce volume, inciter des lecteurs à aller au plus près d’un monde où même l’amour a « la saveur du terrible ».

« Le franchissement de la ligne. » Louis Calaferte nommait ainsi cet instant où l’homme abdique et entre en agonie. La création fut le barrage qu’il établit face à la maladie. Écrire, peindre, aimer, en une tempête chaque aube éveillée, pour ne pas se laisser surprendre. Telle fut la leçon de vie de ce « mortimiste » (Le mortimiste, néologisme de Louis Calaferte, désigne une personne qui a une conscience aiguë de la mort et donc de la fragilité tragi-comique de la vie).

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Fac-similé

"Ce registre de la dérision teintée de nostalgie est l'une des expressions de ma personnalité et traduit ce qu'il me serait impossible d'exprimer sous une autre forme".



Fac-similé de Louis Calaferte. Des aphorismes à déguster sans modération ! Un régal de lecture où les mêmes mots font sourire, et réfléchir. Il y a une universalité dans ce texte. Une dimension à laquelle nous ne pouvons échapper : nous sommes des êtres mortels et toujours plus près de la mort...

Une mort parfois interpellée par l'auteur, chahutée...



Comme Les carnets de Cioran, Fac-similé est un dévoilement brut et parfois brutal de Calaferte. De l'homme. A travers l'aphorisme, il n'y a pas de forme. Une plutôt, l'écriture emprunte des formes multiples, elle est radicalement spontanée.

Dense par le contenu et par la forme, ce recueil l'aphorisme est d'abord réjouissant. Et parfois, épatant :



"Keske ce ke ça madame

Ke je vois dans les cieux

De vos yeux ?

S ke ce ne serait pas

Tout simplement

kesk'on appelle l'amour ?



J'ai vu un rhumatologue, qui m'a soigné pour les rhumatismes, un cardiologue, qui m'a soigné pour le cœur, un urologue, qui m'a soigné pour la vessie, un neurologue, qui m'a soigné pour les nerfs, un laryngologiste, qui m'a soigné pour la gorge.

Je n'ai pas osé aller voir un médecin légiste."



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Chants d'un autre monde

Ce court recueil de dix poèmes est pour moi une découverte. Je ne connaissais pas du tout cet auteur, même de nom. Ces chants d'un autre monde, publiés en 1955, sont un peu des rescapés, puisque l'auteur les a retrouvés deux ans après les avoir laissés chez un ami qui entre-temps est décédé. L'autre monde dont il s'agit, c'est la prison. Ces poèmes ont quelque chose de brut, ils sentent le vécu, qu'ils évoquent la promenade, le parloir, une exécution ou la sortie de prison. Ils ont souvent un rythme répétitif comme les jours qui se ressemblent… mais ce rythme répétitif, parfois lancinant, évoque aussi une chanson, comme une ballade ou une complainte. En tout cas cela m'a donné envie de mieux connaître cet auteur et de lire Requiem des innocents !
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Septentrion

Un écrivain en germe, un gigolo actif, un cerveau aigu et aiguisé sur ce qui l'entoure, et la faim, au sens premier et au sens dernier.

Un livre très puissant, une écriture déliée, en saccades, en points et contrepoints, crue aussi mais tellement parlante.

Une claque, quand même. Oui. Ca claque. Et les apprentis ou futurs écrivains feraient bien de prendre de la graine de ce germe-là.

Sinon, prenez Bukwoski, un peu de Knut Hamsun et certaines pages de Joyce et vous pourriez bien décrocher un Calaferte. Je ne peux parler que de ce que je connais et donc peut-être ne serez-vous pas d'accord. Dans ce cas, allez vous faire foutre, naaaan, j'déconne. Enfin au moins un peu.
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Septentrion

Petit détour par ce qui devrait être, un incontournable de la Littérature, la Grande. Louis Calaferte (1928-1994) est un écrivain français né en Italie, hélas, beaucoup trop méconnu de nos contemporains (l'était-il seulement des siens ?). Il est l'auteur de ce livre sulfureux, Septentrion, publié en 1963, mais rapidement retiré de la vente, car tari de roman pornographique. Censuré en pleine période de « libération des mœurs », il faudra attendre plus de 20 ans pour que Denoel le réédite, en 1984.



La première question : comment un conglomérat de prête-noms gouvernementaux-littéraires, a t-il pu passer à côté d'un tel chef d’œuvre, pendant plus de deux décennies, ne s'arrêtant qu'aux mots « foutre », « con » (au sens vaginal du terme), ou « salope » ? Une faute de goût, au mieux, une faute professionnelle, au pire, au même titre que l'interdiction des Fleurs du mal par exemple. Et les mots sont bien pesés, car dans la tumultueuse histoire du roman français au XXème siècle, il y a deux Louis : Céline, et Calaferte. Dans sa composition, Septentrion pourrait faire penser au Voyage ; une œuvre fleuve, dans laquelle le personnage principal se laisse emporté au gré de ses pulsions, pour un livre qui semble écrit d'une traite, grâce à une plume qui coule sans jamais tomber dans la dissonance. Et quel style ! Une pure merveille. Chaque phrase vous collera une bonne gifle littéraire en pleine figure, et vous fera oublier très vite toutes les mauvaises choses que vos pauvres yeux auront pu ingurgiter jusqu'à présent. Dire que c'est méticuleux est un euphémisme, Septentrion est rédigé dans de la soie, chaque mot recèle du luxe verbal.



Le roman, probablement autobiographique, tourne autour des questionnements de l'écrivain, mais surtout d'une femme : la belle et nymphomane Nora Van Hoecke, rentière hollandaise, dont le narrateur s'évertue à combler les pulsions perpétuelles et inassouvissables, en contrepartie de l'argent qu'elle lui donne, et de la vie luxueuse qu'elle lui offre. Elle lui permet de bien manger, de (bien) baiser, et d'aller à l'opéra, choses que ce narrateur fauché n'a jamais pu s'offrir, lui qui s'enfermait dans les toilettes de son usine de piles, pour déguster des livres. Cependant, il tombe dans un paradoxe, car cette orgie de bien-être matérialiste l'empêche d'écrire. Trait important du livre, la relation que le narrateur entretient avec la religion. Sans cesse entrain de s'adresser à Dieu, l'implorant, l'insultant, blasphémant, il paraît délaissé, et semble agir comme un enfant qui n'aurait pas reçu assez d'amour, et qui ferait tout pour provoquer ses parents. Cette dimension est sans nul doute un élément central de ce bijou romanesque, un cri d'appel à Dieu, de la plus charnelle des manières.



Pour ne citer que Philippe Sollers : « Ne pas avoir lu ou ne pas lire sur-le-champ Septentrion est foncièrement immoral »
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La Mécanique des femmes

En 1963, Louis Calaferte publie Septentrion. Aussitôt interdit, ce livre est réédité en 1984. Pour celui qui l'aborde, sa fulgurance est intacte.

La mécanique des femmes, qu'il nous donne aujourd'hui, est comme la quintessence de Septentrion.

(...)

Voici le début du quatrième de couverture qui à mes yeux représente parfaitement ce livre.



Louis Calaferte avec ce livre La mécanique des femmes s'introduit dans les pensées intimes de la jante féminine, elles s'ouvrent au délice de la chair dans une multitude de petites histoires, un concentré de textes, des phrases solitaires où la magnificence de la quintessence féminine dans le sexe brule ses pages de cette impudeur et obscénité avec un délice exquis, avec ce regard juste sans vulgarité pour un plaisir de lecture.



Nous retrouvons le nectar de Septentrion, avec, la concupiscence de ces femmes, le désir de ces maitresses,la fornication de ces putes,découverte de la chair de ces pucelles, la passion du sexe de ces nymphomanes, le romantisme amoureux de ces jouvencelles, le fétichiste de ces bourgeoises, les souvenirs de baise de ces femmes matures, les fantasmes de ces préadolescentes .... Toutes ces femmes colorent de leur désir ces pages, un kaléidoscope sensuel embaument nos sens incertains de ce parfum à la saveur suave de ces anecdotes transpirant la folie du sexe dans les profondeurs cachées de ces corps féminins en proie à la luxure de la chair....

Le chant lexical reste sexuel comme le mot bite, foutre, sucer, branler, bander rythme l'écriture, épinent les émotions de ces fleurs épanouies dans cette prairie de tous les vices des plaisirs, coulent des flots de foutre pour assoiffer ces amazones jusqu'à l'extase ultime de leur envie.

Respire aussi la poésie des sens comme dans le film de Nagisa Ōshima l'empire des sens, l'ivresse du désir ultime comme dans Le Déclic de Milo Manara bande-dessiné culte ou l'érotisme d’Emmanuelle de Just Jaeckin



Il y a aussi l 'avortement, le début des règles, l'inceste féminin, l'initiation

adolescente, vieillesse, jeunesse, dépucelage, adultère, prostitution, nymphomanie, premier amour, fantasme.....venez découvrir la femme et ses envies ....



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Satori

Satori désigne dans le bouddhisme zen l'éveil spirituel.

Satori est un cri, le cri d'une poésie violente, éructante, d'un homme qui veut sortir de sa gangue, cri qui va grandissant , une éruption, une catharsis.
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Septentrion

Après avoir fait un petit tour des critiques, je partage l'avis et l'enthousiasme de ceux qui ont apprécié ce Septentrion et ses fulgurances poétiques. D'accord pour le parallèle avec Céline, voire avec San Antonio, quoiqu'ici on ne sente pas le procédé. Je le trouve, pour cet ouvrage en tout cas, supérieur à Bukowsky. Malgré le langage extrêmement cru, je ne vois pas de misogynie, c'est-à-dire une détestation morbide comme celle de Céline pour les Juifs. Il exprime dans un torrent impétueux tous les sentiments que lui inspirent ses corps à corps avec les femmes - et le spectre est très large, du langage ordurier à de la pure poésie, comme toute la scène dont on a publié des extraits en quatrième de couv.

Si vous détestez P. Sollers, il ne faut en aucun cas en tirer prétexte pour vous priver de cette lecture, qui détonne et détone avec les torrents d'eau tiède du gros de la production actuelle. Plutôt que de se pencher sur les nuances de grey, mieux vaut opter pour des couleurs plus crues, plus vives, plus vivantes, qui viennent vous chercher à l'intérieur de vous-même, quitte à en être troublé.
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Mémento mori

MEMENTO MORI de LOUIS CALAFERTE

Un chef de gare débordé avec des wagons manquants ou qui n’arrivent pas.

Un acteur qui fût célèbre faisant visiter des théâtres transformés en abattoirs.

Une bagarre entre deux groupes qui commence dans la cour de l’école, dure plusieurs jours, on amène des sièges puis des lits de camps pour suivre la bataille qui se termine avec un seul survivant.

Une Limace rêve de servir dans une riche maison de bonne réputation, mais à quoi pourrait elle bien servir?

Un homme blessé vient mourir sur le seuil de notre porte, nous avons fait semblant de ne rien voir ni entendre, complices meurtriers par omission.

Le chien se demande pourquoi il obéit, ne mord pas la main qui ne lui donne que des os et des viscères, non ne vous inquiétez pas, je resterai un chien bien obéissant.

L’homme dit n’avoir vu qu’une petite fille, on lui dit qu’il n’y a que des vieillards ici, il demande son chemin, on lui dit que la petite fille va lui montrer.

Un homme saute dans la rue, bondit, suivi par une foule hilare, se retourne et crie »ne voyez vous pas que je suis un kangourou? »

Dialogues de sourds à l’hôpital, il lui parle douleurs, piqûres, chirurgie, elle lui répond portée de chats qu’il va falloir noyer.

La mort avait l’air suspecte, de nombreux scientifiques constatèrent qu’en fait elle était banale, par contre ils furent mal à l’aise lors de mon dépeçage avec la bille d’agate noire qu’ils trouvèrent dans un lobe de mon cerveau.

Un homme m’invite à venir sur une place de la vile constater que les femmes de moins de 20 ans se jettent dans la circulation et se font déchiqueter, il ne comprend pas pourquoi on ne nettoie pas la chaussée.

Il n’y a qu’une façon de vivre sans risque, c’est l’enfouissement ou la peur.

Comme je m’étonnais auprès du chef de gare de voir des hommes se reposer sur la voie, il me dit que c’étaient ceux qu’il ramassait dans les wagons, des gens qui n’avaient pas mesuré les difficultés du voyage.

Quelques soient nos décisions, le destin s’accomplit, aussi le mieux est encore de s’en tirer par le sommeil.

Il se demande comment rentrer chez lui, on lui a volé son trousseau de clés ou il l’a égaré, il sourit, heureusement chez lui il n’y a ni portes ni fenêtres, sinon il aurait dû déranger des amis.

Memento Mori se présente sous forme de courts récits, de réflexions, de pensées autour de la mort, souvent absurdes ou décalées, imprégnées en même temps de poésie avec en prime la beauté du style de Calaferte, un pur bonheur de le lire bien que le sujet soit bien sombre. Homme souviens-toi que tu vas mourir!
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La Mécanique des femmes

Qu’est-ce que la littérature? Bien des choses, évidemment, mais un peu ça aussi. C’est-à-dire prendre quelques mots: «Un ruban mauve.» (p.12), «Un pantalon, un pull-over rouge.» (p.66) qui ici ne disent rien, mais entre les paragraphes de Calaferte, "ses" mots sont chargés d’une tension sensuelle, passionnée, érotique. Des concentrés d’images, denses. On les voit et les respire. «Fenêtre de la chambre ouverte sur la chaleur de la nuit.» (p.74). Ces images sont toutes en suggestion. Ce sont les souvenirs et l’imagination du lecteur qui sont sollicités et qui permettent de se transporter.
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Septentrion

Un livre qui ne peut laisser indifférent qu’on pourrait détester pour sa misogynie patente, ou encenser pour sa verve romanesque d’une grande richesse en idées, en vocabulaire, en spontanéité qui s’exprime de façon frontale, sans réserve et souvent avec un humour décapant et réjouissant. Ses délires sont parfois excessifs, on a le sentiment qu’il se laisse dépasser par son appétence pour les mots et son imagination délurée et débridée, mais hormis ces quelques « hors piste », on est subjugué par la puissance du texte et du style. La crudité et la cruauté du discours sont d’un réalisme saisissant qui exprime de façon courageuse ce qui pourrait être fait, seulement pensé ou tu par la gente masculine.
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Requiem des innocents

Un seul regret: ne pas m'être plongée plus tôt dans l'univers de cet écrivain. Je connaissais de nom ,bien sûr, mais là,le choc!

Le requiem des innocents: une autobiographie : une enfance malmenée, misérable,miséreuse, nauséabonde,sordide,dans un quartier de Lyon, pas de mots pour décrire. Un roman coup de poing ,qui vous prend aux tripes! du coup ,j'ai commandé son recueil de poèmes : Rag-Time ,que j'ai eu beaucoup de mal à dénicher.Un peu tardivement ,dommage , Louis Calaferte sera un de mes écrivains coup de coeur. ⭐⭐⭐⭐⭐
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Septentrion

"Au commencement était le sexe".

Il y eu d'abord deux romans : Requiem des innocents et Partage des vivants, puis Septentrion. Rien qu'avec ces titres on capte différents aspects de ce dernier : violence et poésie, émotion et crudité. Calaferte a écrit un livre marquant, unique, comme le fut en son temps le Voyage au bout de la nuit de Céline. Le livre est autobiographique, il revient sur ses années d'errance où il commença à se confronter au travail de l'écrivain. Son écriture est limpide, d'une pureté, d'autant plus choquante quand il parle de sexe ; elle est aussi ciselée, faites de phrases très courtes, comme en syncope, et qui démontre un conflit permanent avec la société, sur laquelle, ces traits brefs et rapides, sont autant de crachats bien ajustés. L'écrivain est un homme qui réclame sa liberté à tout prix, refusant de rester là où on aurait voulu qu'il soit : à l'usine où il se sent exploité depuis l'adolescence. Et cette envie qui le ronge et le pousse à écrire un livre est comme une faim insatiable, aussi forte que sa revendication à pouvoir penser librement, refuser ce que d'aucun éprouve comme allant de soi, et enfin pouvoir librement baiser. Son écriture est

une déflagration (terme employé par Jean-Pierre Pauty pour le tire de sa biographie). Romancier, poète, dramaturge, essayiste, il a tenu aussi un journal, sous le titre des Carnets (16 volumes!), il ne faut pas perdre de vue que Septentrion, malgré son style et sa force, ne nous donne à lire qu'un aspect d'une oeuvre immense et prolifique, malheureusement encore trop peu connu. Je ne suis pas certain qu'il ait été véritablement censuré en 1963, plutôt retiré de la vente suite à une condamnation pour pornographie (l'éditeur de l'époque n'ayant peut-être pas voulu le réimprimer

suite au scandale suscité), il aura fallu attendre 1984 pour qu'un éditeur ait le courage de la rééditer chez Denoël. Si quelqu'un connaît le fin mot de cette sombre histoire...
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Requiem des innocents

Lire ou relire le Requiem des innocents, c'est entrer au royaume des invisibles. C'est plonger à travers les tripes du monde, c'est écouter au soupirail des villes, c'est comprendre que tout cela malheureusement, bien évidement, n'a jamais pris fin. C'est un monde la misère, c'est un enfer la pauvreté. Un miroir. Un mouroir. Une couveuse. Mais ça vit, ça grouille, ça court, ça bouffe, ça cogne, ça baise, ça survit. C'est une force colossale, un instinct de survie phénoménale. Un vortex. Si tu y entres, oublie le vernis. C'est du brut. Pas le temps. Jamais le temps pour celles et ceux qui y échouent , ceux qui y sont nés. ça vous fabrique des mâchoires de loups, des regards de vitrail, des mots qui cognent aux portes du ciel, et qui défoncent les grilles de l'enfer. faudrait juste s’asseoir. Regarder, écouter, et lire. Lire les phrases ou les visages , c'est pareil. Voilà c'est ça ce requiem un livre de peaux. Une écorche de peaux.

ça vous colle à la peau, comme une odeur. Et tu as beau dire, méchamment faire, t'as beau tirer sur les manches de ton blouson, tu sais que ça ressort toujours. Tu viens de là. T'oublie pas. Tu y crèves ou tu t'en sors. Tu l'écris. Tout ce qui en ressort , tu le délies, tu renoues, tu tisses, tu écris. Y pas de mérite. Aucun. Un hasard? Un destin ? Une logique? un système ? Là où il y a de la faim, y a pas de plaisir, mais du désir, de l'envie, de la rage, du mépris, et de l'amour qui sent l'humain, pas un amour qui sentirait le pardon. . Les innocents avaient leur cimetière, Calaferte a composé leur requiem.

C'est terriblement beau, c'est une dégaine d'écriture.

Fred Deux avec La Gana, Louis Calaferte avec son requiem. ça s'oublie pas.



Astrid Shriqui Garain

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La Mécanique des femmes

Publié en 1992, "La mécanique des femmes" est une oeuvre de l'écrivain français Louis Calaferte, auteur de nombreux recueils de poésies et carnets comme de pièces de théâtre ainsi que du très contesté "Septentrion".

Comme le suggère son titre, "La mécanique des femmes" dévoile une série d'instantanés présentés sous la forme de récits ou de dialogues abordant la sexualité féminine.



Narratrices de courts récits de vie ou initiatrices d'un dialogue avec le sexe opposé, les femmes sont ici présentées comme pleinement actrices de leur vie sexuelle.

Ni fausse pudeur ni sentiments. Calaferte semble vouloir inverser les codes habituels en assignant à ces femmes une sexualité instinctive, "bestiale" et un mode d'expression habituellement réservés aux hommes, tant et si bien que l'on peut se demander si l'auteur n'a pas simplement transposé ses fantasmes dans la bouche de ses héroïnes.

Il n'est d'ailleurs pas rare de lire au fil des pages qu'une femme "se branle" ou "urine debout".



Volontairement provocatrices et demandeuses, toutes s'abandonnent et cèdent immédiatement et sans retenue au moindre de leurs désirs.

Les récits se déclinent en témoignages portant sur des thèmes tels que la mort, la solitude et la perte de désir au sein du couple, la crainte ou le refus de l'enfantement.



Les dialogues, assez répétitifs et introduits par quelques phrases plantant un décor pour ainsi dire théâtral, dépeignent des femmes qui s'approprient les désirs masculins, allant ainsi au devant de leur peur des hommes, anticipant leurs fantasmes, forçant une intimité afin de gagner leur respect voire leur affection.



Je dois bien avouer avoir poussé quelques cris d'effarement en découvrant certains textes dont le propos (autant vous prévenir tout de suite que certaines scènes traitent clairement de pédophilie) et le langage m'ont paru trop crus.

Certaines images étaient tellement poussées à l'extrême qu'elles me paraissaient grotesques et m'ont en ce sens, bien fait rire. Je pense à la scène du chausson à la crème pour ceux qui l'ont lu ou encore à cette version remaniée d'Amélie Poulain.



Choc, rires, pleurs, beaucoup d'émotions fortes et quelques jolies phrases ciselées capturant l'instant.



Une lecture inégale mais intéressante et loin de me laisser sans réaction. A recommander toutefois à un public averti...
Lien : http://contesdefaits.blogspo..
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