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Critiques de Lydia Bonnaventure (44)
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Frénégonde

Disons d'abord notre admiration devant une auteure qui révèle petit à petit différentes facettes de ses multiples dons et talents : qu'une historienne ayant écrit sur la La maladie et la foi au Moyen Âge soit capable de produire un vrai roman, et qui plus est un roman historique et policier, deux en un, voilà qui m'émerveille. Saluons ce qui est plus qu'une performance : c'est une réussite.

On se glisse avec plaisir dans l'histoire que d'autres avant moi, en de très bonnes critiques, ont décrite. Même si le sujet est dramatique - il s'agit d'élucider une affaire criminelle -, on retient avant tout de ce roman qu'il est beau et que sa lecture est savoureuse. D'abord parce que Lydia Bonnaventure nous brosse le portrait de personnages hauts en couleur, que ceux-ci aient réellement existé ou qu'ils soient sortis tout droit de son imagination. Avouons que, d'emblée, on ne fait plus trop la différence, tant les uns et les autres nous semblent plus vrais que nature, comme si tous avaient vraiment vécu ensemble.

L'apohicairesse Frénégonde, sœur jusque-là inconnue d'Hildegarde de Bingen, s'impose ainsi à nous, avec son caractère où l'auteure a dû mettre, comme en reflet, un peu - ou beaucoup - du sien, ou de ce qu'elle aimerait être : généreuse, "pétant la vie", n'ayant pas la langue dans sa poche et jurant plus souvent qu'à son tour, mais compétente et efficace en son art, celui de guérir maux et blessures avec les plantes médicinales les mieux adaptées au cas et à la personne.

Quelle femme et quelle trempe !

Tous les noms de saints et de saintes pourraient être employés "exclamativement" dans ses jurons. Ne la voit-on pas, dès le début, pousser un cri qui résonne comme un blasphème, en constatant qu'un vol a été commis dans son échoppe tandis qu'elle s'en était allée couper des herbes aromatiques dans son potager ? Et d'incriminer de suite les saltimbanques qui ne cessent de rôder autour de sa boutique et qui ne craignent même pas d'importuner les plus riches de ses clientes en leur faisant l'aumône.

Cette femme pas comme les autres a sans doute en horreur les gens qui ne savent rien faire de bien. C'est qu'elle a, avant tout, un grand cœur, et qu'elle est capable de soulager les maux des paysans qui travaillent aux champs ou à la vigne. Les épouses de ces besogneux viennent souvent la trouver et la solliciter tôt matin, leurs compagnons ayant passé une longue nuit à gémir de douleur.

Née à Bermesheim, dans le Palatinat, elle a migré à Alzey, ville protégée par un château fort dont la construction s'est achevée en 1118, l'année même où fut créé l'ordre des Templiers. Très tôt, elle a appris à connaître les vertus des plantes, soignant les maux de gorge de son père avec la menthe, le thym et le romarin. S'éprenant du fils du commerçant qui les lui vendait, Frénégonde avait surtout goûté le gentillesse de ce garçon, prénommé Eberhard, timide à souhait et visiblement troublé par elle, mais connaissant sur le bout des doigts l'art de soigner avec les herbes et recommandé par le médecin des lieux, Auderic. Un rendez-vous pour parler des propriétés de ces produits bienfaisants issus de la nature fut l'occasion pour nos deux tourtereaux de se rapprocher de très près et de se dire, sans mots inutiles, un amour fou et partagé, et heureusement approuvé par leurs parents respectifs. Court bonheur interrompu par la passion d'Eberhard pour les plaisirs équestres. Son cheval avait chuté dans une fosse creusée par des chasseurs, et, dans la culbute, le crâne du cavalier s'était fracassé sur une pierre. Toute la science connu de l'époque fut impuissante à empêcher la triste conclusion de cette chevauchée. Frénégonde venait déjà de perdre en peu de temps son beau-père et ses parents. Et voilà que c'était maintenant son époux chéri qui s'en allait. La foi chrétienne de la jeune femme en fut ébranlée et amoindrie. Seule consolation, Ebehard lui laissait un fils, Gottfried. Elle le destina à la profession d'apothicaire pour qu'il marchât sur les traces du défunt. Till, envoyé par Auderic, pour remplir dans l'intervalle l'office vacant, s'entendit avec Frénégonde pour la laisser tenir la boutique, décision reconnue par la confrérie des médecins. Plus tard, Till quitta Alzey pour Mannheim et Gottfried prit la relève.

Voilà pour l'entrée en matière de ce roman. Et l'intrigue ? Tout commence avec l'enquête de moralité entreprise auprès des membres de la famille d'Hildegarde de Bingen, qui est appelée à devenir la responsable de la communauté de sœurs dans laquelle est entrée, un choix qui est contesté par une rivale qui envoie une connaissance à elle interroger Frénégonde.

Nous ne dirons pas la suite, qui est forte, avec l'entremêlement de situations, à Alzey tout comme dans le couvent, où l'on fait d'un côté la découverte d'un blessé et de l'autre où l'on se met à supposer qu'une religieuse a été mystérieusement inhumée. Tout se noue là, et nous ne dévoilerons pas la suite, car l'on se prend au jeu et l'on suivra avec plaisir cette enquête jusqu'à son dénouement.



La romancière Lydia Bonnaventure, en écrivant Frénégonde, aura su nous faire partager son bonheur d'une écriture plus libre que celle de l'historienne qu'elle est et reste par ailleurs. J'en suis d'autant plus ému et admiratif que je rêve moi aussi, secrètement, de venir un jour au roman. Mais que je n'ai pas encore trouvé, comme Lydia, la recette ou la plante miraculeuse dont il me faudrait retirer tout le bénéfice, pour me muer, comme par magie, en auteur de fiction.



François Sarindar

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Frénégonde

Nom d'une pipe quelle sacrée bonne femme Frénégonde. Quel caractère !

On se prend tout de suite d'amitié pour une telle femme. Une féministe avant l'heure puisqu'elle est apothicaire au moyen âge.



Mais à côté de cette femme il y a également des personnages haut en couleur , même si aucun n'arrive a la cheville de Frenégonde.



Et puis il y a l'intrigue, assez intéressante. J'avoue avoir pensé a sœur Thérèse.com en lisant... parce que je m'imaginais bien Dominique Lavanant avec quelques kilos de plus dans le rôle de la dynamique Frénégonde. Et quand on imagine un acteur dans le rôle d'un personnage c'est que ça pourrait faire un bon film (enfin pour moi).



Il ne faut pas oublier l'écriture de Lydia qui est très agréable et qui nous emporte dans une autre époque et dans un autre lieu.

J'ai beaucoup apprécié les liens mis en fin d'ouvrage. C'est un bonus qui est important à mon sens, même si je n'ai fait que les survoler je pense que je vais m'y plonger avec beaucoup plus d'attention dès que le temps me le permettra.



Je regrette juste d'avoir attendu si longtemps pour ouvrir ce roman.
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La maladie et la Foi au Moyen Âge

À la lecture de cet ouvrage je me demande ce qu’il reste de cette peur ancestrale de la maladie et de la croyance en une malédiction, voire à une programmation volontairement édictée de l’affliction par quelques puissances divines. Bien sûr, dans notre monde contemporain la menace n’est plus tant appréciée avec une telle virulence. Mais pourtant ! Qui ne se demande pas ? Pourquoi moi ? Pourquoi maintenant ? De telle façon et avec quelle amplitude ? Lorsque la maladie s’empare de notre être et que nous sommes précisément sensibles et vulnérables. Quelque chose qui nous amène alors à douter, à culpabiliser même et dans tous les cas à nous interroger sur le thème de notre passage ici, sur terre. Sauf que là, c’est plutôt une pensée d’ordre philosophique, à moins que... à moins que ne subsiste un résidu de cette croyance qui nous amène à penser la sanction, le bannissement et je ne sais quelle autre pulsion qui vient alors agrémenter un sentiment engendré par la peur, l’inconnu peut-être...

En tout cas, un ouvrage sérieux pour qui se passionne de l’époque médiévale et de ses ponctions, componctions.

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Frénégonde

Un polar dont l’action se situe au Moyen-âge, quelle belle idée !!!



Le personnage central, Frénégonde, est une féministe avant l'heure, au caractère bien trempé, tonitruante, qui règne en maître sur son échoppe. Apothicairesse ! Ou Dame apothicaire, comme on veut, un métier sympathique ! elle est tellement bien décrite qu’on l’imagine manipulant ses plantes et ses fioles. Elle a son franc-parler, une gouaille qui fait qu’on l’aime tout de suite.



Hildegarde a bien existé et Lydia Bonnaventure utilise le fait que certains de ses frères et sœurs ne sont pas clairement identifiés pour créer une sœur virtuelle, notre héroïne pour conter cette histoire. Les deux sœurs sont l'antithèse l’une de l’autre pour notre plus grand plaisir.



Tous les personnages sont fouillés, creusés, qu’il s’agisse de Thibald l’officier qui mène l’enquête, dont l’histoire familiale est riche de secrets, de souffrances, Hildegarde ou de Gottfried, le fils de Frénégonde, amoureux transi, la mère supérieure et le mystérieux jongleur, entre autres…



J’ai aimé cette atmosphère, la façon dont l’auteur emploie les mots, le vocabulaire, les tournures de phrases de l’époque, et la société du Moyen-âge, l’importance de l’Eglise, la vie quotidienne du monastère. On est loin de la parodie « des Visiteurs »… Qui parle de nos jours d’apothicairesse, truandaille, oblate, enfançon… Un retour vers le passé à ce rythme-là, et sans caricaturen j’en redemande, c’est vraiment un beau voyage et je me serais volontiers invitée à leur table.



Il faut quelques pages pour s’imprégner de la langue, et ensuite c’est une lecture savoureuse qui nous attend, dans tous les sens du terme car les ripailles sont fort sympathiques, et une fois qu’on est transposé en 1135, la magie opère…



J’ai lu lentement pour faire durer le plaisir, sans me demander qui était le coupable et pourquoi, en allant de temps en temps faire un tour sur le site de Lydia Bonnaventure qui a donné sur son site des photos de Alzey et de la région, car elle a visité les lieux ; par contre j’ai lu les cinquante dernières pages d’une traite ; en immersion totale.



Je retiens une scène hilarante : l’enivrement au vin de messe !



Un bon polar, une belle écriture, des dialogues assez truculents (certains échanges entre Frénégonde et Thibald en particulier) un sacré travail de recherche car tout est vraisemblable … j’espère que l’auteure va continuer sur sa lancée…



Note : 8,5/10
Lien : http://eveyeshe.canalblog.co..
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Frénégonde

Ah ! Ces familles nombreuses, que de surprises elles peuvent réserver ! Déjà pour retenir tous les prénoms, il y a de quoi s'emmêler les pinceaux, surtout ceux donnés au Moyen Age et en Allemagne.



Car cette histoire menée tambour battant se passe à Alzey (Rhénanie) au milieu du XIIe siècle. Hildegarde de Bingen, connue dans le monde entier pour ses visions, ses dons de musicienne et de guérisseuse par les plantes, est le dixième enfant des époux von Bermersheim. Ce que l'on sait moins, c'est la destinée de deux membres de cette fratrie. Sept sur dix sont entrés dans les ordres. Un est resté laïc. Alors que peut-on espérer des deux autres ?



C'est là que Lydia Bonnaventure se déchaîne. Elle crée une soeur, Frénégonde, tonitruante, passionnée par les plantes et par la vie, par son apothicairerie et ses patients, au point de passer le virus à son fils, Gottfried, né de feu son mari, Eberhard. Je vous disais, les prénoms, c'est déjà toute une histoire !



Coeur du récit : un vol a été commis dans sa boutique, crime que Frénégonde ne peut laisser impuni. En même temps qu'elle soupçonne une troupe de baladins qui s'exhibent à sa devanture et auxquels elle n'hésite pas à montrer qui est le chef, elle subit un interrogatoire serré sur sa soeur Hildegarde, offerte au couvent de Disibodenberg à l'âge de huit ans. Déjà là, il fallait trouver le lien. La suite montrera qu'il est tout à fait cohérent.



Puisqu'il s'agit d'un roman policier, il faut une intrigue (au moins), un mort (au moins), un suspect (au moins) et un enquêteur (au moins). Car, n'allez pas croire que la frénétique Frénégonde va se laisser amadouer par le policier, Thibald, ou qu'elle va le laisser seul mener sa petite enquête ! Non mais !



Les jongleries rebondissent, les chuchotis de couvents se font en tapinois comme il sied dans ces lieux, les complots entre religieuses pour la succession de l'abbesse créent le suspense, la fin est surprenante, le tout emmailloté dans la vie villageoise et couventine de cette période si religieuse. Là encore, les noms de saints sont invoqués à satiété par la vociférante Frénégonde qui, à n'en pas douter, doit être fort bien protégée.



Tous ces personnages s'animent de concert, ont une biographie fouillée, s'entretiennent avec ruse et détermination et de beaux duels verbaux donnent une gaieté pleine de fraîcheur à ce roman bien construit quoique parfois longuet. Ce que c'est quand même d'être la soeur inconnue d'une sainte ! Et ce n'est pas la seule surprise.



De temps à autre, je découvre les talents d'écrivains de Babéliotes et je suis rarement déçue. Je sais Lydia Bonnaventure historienne mais cela ne fait pas d'elle une romancière. Il me semble, cependant, que c'est un excellent début. En plus du quotidien au XIIe siècle, nous avons droit à des leçons de choses, à des conseils d'herboriste, à un vocabulaire devenu désuet, à des comiques de situations.



Bravo Lydia et remettez-nous ça quand vous voulez.

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La maladie et la Foi au Moyen Âge

- Week-end pascal oblige, je vais vous entretenir de la maladie du foie. Au Moyen-Age, donc, la maladie du foie - et plus précisément la crise de foie - était déjà largement répandue, surtout en raison des abominables tord-boyaux que buvaient les bonnes gens, et des piquettes infâmes qui remplaçaient l'eau potable - qui n'était pas courante mais qui pouvait vous la filer. D'après l'étude très précise qu'en fit la célèbre medieval-medicine-woman, Hildegarde de Bingen, dans son mémorable traité "De la tysane pour essuder les noires cyrrhoses, ou la byle estudiée", il s'avère que...

- Non, mais Gwen, le 1er avril, c'est passé, trop tard pour un poisson alors ton Hildegarde de Bidule, son pisse-mémé et toi, vous repasserez !

- Bon, ok, puisque vous n'avez aucun humour, parlons peu mais parlons bien de l'essai de Lydia Bonnaventure, "La maladie et la foi au Moyen Age". On reprend depuis le début...



Tout d'abord, je tiens à dire que ce qui est admirable avec cette étude fort bien documentée de la médiéviste Lydia Bonnaventure, c'est son traitement parfaitement équilibré entre la vulgarisation et l'érudition. (Je passerai en effet rapidement sur le style de l'auteur qui tient toutes les promesses de celui de LydiaB*). Pour avoir moi-même hanté les couloirs d'une faculté d'histoire, j'en ai soupé des essais arides et impénétrables qui n'intéressent que leurs auteurs - et, à l'extrême limite, leurs directeurs de thèse. Avec "Les Miracles de Notre Dame" du prieur Gautier de Coinci (1178 - 1236), Lydia Bonnaventure réussit le miracle de nous faire pénétrer dans un univers désigné d'un nom si laid - l'obscurantisme - qu'aucun être sain de corps et d'esprit, comme vous et moi, ne consentirait à en fouler le seuil.



Mais, d'abord, que sont ces fameux "Miracles de Notre Dame" ? Tout simplement un best-seller du XIIIème siècle. Comment ça vous ne connaissiez pas ? Bande de mécréants... Évoquer le Moyen Age et la maladie, vous conviendrez avec moi que ça suffit à donner la colique ; on frissonne rien que de penser à la lèpre, au mal des ardents, à la peste bubonique, à la simple infection qui vous envoie à la fosse, bref à toutes ces horreurs - dont certaines hélas ne sont toujours pas éradiquées en 2015 ; on se pâme avec raison en songeant aux "médecins" et guérisseurs, arracheurs de dents et barbiers, accoucheuses et apothicaires de tout poil. Cependant, si évoquer l'obscurantisme nous amène fatalement, pauvres néophytes, à stéréotyper le Moyen Age, à diaboliser le clergé, à tirer vers le bas le niveau d'hygiène (que l'auteur s'entend à réhabiliter, merci à elle) et à penser que c'est par le culte des reliques et la tradition orale qu'il s'est surtout répandu, depuis l'homélie du prédicateur aux contes des anciens à la veillée, il ne faudrait pas oublier que des écrits ont aussi existé et ont concouru à propager les associations mystiques et irrationnelles entre les maux humains et les entités divines. D'ailleurs, il est fort justement dit en 4ème de couverture : "Au Moyen-Age, la foi est omniprésente. On aime Dieu mais on le craint, on vénère la Vierge, les saints, on croit au pouvoir des reliques... De ce point de vue, la maladie est punition du pécheur, la guérison est récompense ou miséricorde". Cette vue de l'esprit (ni sain, ni saint) a donc en partie été diffusée par des textes à succès tels que les "Miracles" qui, à l'instar des hagiographies et à en croire le nombre impressionnant d'exemplaires actuellement conservés, étaient très populaires. D'autant qu'en ce qui concerne les miracles, le commun des mortels - même le paysan - pouvait y jouer un rôle. Si ça se trouve, vous et moi y aurions eu une place de choix si nous étions nés il y a huit siècles.



Lydia Bonnaventure développe son étude avec précision et concision car, oui, on aurait pu craindre le pire, comme l'analyse linéaire des 30 000 octosyllabes composant "Les Miracles de Notre Dame". Aucune crainte à avoir ici, l'angle choisi étant thématique, vous serez brillamment éclairés sur les rapports de la société à la maladie (les choses ont-elles réellement évolué ?), sur les maladies elles-mêmes et enfin sur leur symbolisme. Vraiment très instructif.



L'auteur le répète à de nombreuses reprises, Gautier de Coinci est un moralisateur, les messages qu'il souhaite transmettre à travers ses "Miracles" sont destinés à impressionner, à influencer et à convertir. Il vise toutes les catégories sociales - en cela, son oeuvre est réellement novatrice - et il nous offre, à nous lecteurs du XXIème siècle, un témoignage sur son époque et ses mœurs, une source précieuse d'enseignement sur une société encore connue essentiellement dans ses grandes lignes. Au-delà de l'obscurantisme porteur de nombreux clichés, "Les Miracles" de Coinci nous renseignent sur l'étroite relation - devrais-je dire connexion ? - entre l'homme et Dieu, entre la créature et son Créateur car la maladie n'était pas le seul aspect de la vie alors lié à la religion, la vie entière y était liée. Une conception de l'existence si différente de la nôtre que c'est un miracle qu'on arrive seulement à se la représenter. Gautier de Coinci et Lydia Bonnaventure nous y aident.





*Pour celles et ceux qui l'ignoreraient encore - serait-ce, Dieu, possible ? - la babelionaute LydiaB et l'auteur du présent essai ne forment qu'une seule et même personne.





Challenge de lecture 2015 - Un livre qui ne soit pas de la fiction

Challenge PETITS PLAISIRS 2014 - 2015
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Frénégonde

" Un petit roman sans prétention "

C'est l'auteure qui présente ainsi son œuvre .

Sa modestie l'honore .



Lydia Bonnaventure nous offre ici une immersion au 12ème siècle en nous contant les aventures de Frénégonde ,dame apothicaire d'un petit bourg du Rhin jusque là bien tranquille .



— "Par Sainte Gauburge " !



Frénégonde entre en scène .

Et, c'est parti pour suivre au pas de charge les aventures de la gente dame .



Elle hurle , elle vocifère , elle grogne mais qu'on ne s'y trompe pas , son giron avantageux abrite un cœur gros-comme-ça !

Ses chagrins , ses malheurs lui ont construit une carapace et la truculente Frénégonde, portée par l'amour maternel n'a plus peur de rien .

Mais, derrière notre héroïne , touchante et charismatique , ce sont des bribes de l'histoire du palatinat de Rhin qui apparaissent ; vie sociale , politique et religion alimentent une fiction qui se veut d'abord et surtout divertissante .



Un personnage principal à forte personnalité donc mais qui laisse aussi la part belle aux autres intervenants .

Un récit que j'ai trouvé bien articulé et surtout étayé par de solides connaissances sur la grande et petite histoire médiévale .

Ensuite, l'intrigue par elle-même reste à mon humble avis une trame comme une autre .

Pourtant , Frénégonde , quel personnage ! Je la quitte à regret .

Une lecture "sans prétention" peut-être " mais qui n'en demeure pas moins très agréable .







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La maladie et la Foi au Moyen Âge

Je redoutais de lire ce livre, car l’érudition de l’auteure, Lydia Bonnaventure qui une amie, rencontrée sur mon site préféré, me faisait craindre de ne pas être à même de tout bien comprendre. En fait, la lecture a été passionnante, très agréable et j’ai découvert beaucoup de choses, de notions qui je ne connaissais pas, n’ayant pas l’habitude de considérer la maladie sous cet angle-là. Déjà, le terme « Mal des ardents » que l’on appelle aussi le feu de Saint-Antoine ou le Feu Sacré, était relativement obscur pour moi car j’avais tendance à confondre cette maladie à la Lèpre, alors qu’il s’agit de l’ «Ergotisme » dont Jeanne Bourin décrit ainsi dans « Le grand Feu » en 1985:





Ce livre est composé de trois parties d’importance égale. L’auteure nous parle de la maladie au Moyen-âge et de ses relations avec la société. Puis elle aborde la description de ces maladies et pour finir, le symbolisme de celles-ci.



Les grandes « maladies » de l’époque sont le Mal des ardents et la lèpre, et les petites pestes, qui annoncent la peste noire qui arrivera un siècle plus tard. Elles se ressemblent car on trouve des signes cutanés dans les deux cas, des signes neurologiques qui peuvent terrifier le commun des mortels.



Lydia Bonnaventure nous explique que Gautier de Coinci a choisi le motif de la maladie dans ses écrits, car les épidémies, perçues comme diaboliques, ont marqué l’imaginaire de l’époque. On en parle dans la Bible qui sert de référence. Elles véhiculent toutes sortes d’idées reçues, car qui pourrait parler de cause biologique, à l’époque ? L’hygiène est présente, déjà, avec les plaisirs du bain (on dénombre vingt-sept « Bains publics, à Paris, à la fin du XIIIe siècle).



Il s’agit donc d’une période de transition, où commencent à se côtoyer, les microbes, invisibles à l’époque, la notion de châtiment divin pour expliquer l’apparition de la maladie et le fait que celle-ci peut toucher n’importe quelle personne, quel que soit son rang dans la Société. On n’est plus dans le « tout religieux ». La péché était considéré avant comme la cause de la maladie, or on s’aperçoit que des personnes n’en ayant pas commis, sont atteintes. Le Prieur va ainsi dresser une hiérarchie dans les malades, en fonction de la classe sociale.



L’auteure ne se contente pas de traduire le texte, d’étudier la pensée de Gautier de Coinci, elle nous livre également une analyse approfondie du raisonnement n’hésitant pas à le comparer à d’autres auteurs de l’époque, d’autres « miracles », pour décortiquer la relation du malade avec la Société de l’époque, qui rejette ce qu’elle ne comprend pas, ce qui conduit à l’abandon des malades, au bannissement, à l’exil. Ils ont perdu leur identité, on les compare à des animaux (ours revient souvent, chien également), le pire étant l’excommunication.



D’un autre côté, que faire ? Quelle conduite à tenir dirait-on de nos jours ? Le chemin de la guérison passe ainsi par la confession, le repentir, la dévotion, les prières, le miracle.



Mais aussi, tourment, hideux, pourri, ours, loutre… avec des liens bien sûr avec le péché. Autant la maladie rime avec ces termes percutants, autant la guérison va être en lien avec des mots plus doux. La Vierge, substitut de la mère qui guérit, le lait, les gestes guérisseurs, tels le baiser et les reliques.



Quand à la partie consacrée au symbolisme, elle est excellente, revenant sur la notion de maladie-punition et à la possibilité ou non d’une rédemption.



Bref, une étude brillante qui met en évidence les notions de l’époque concernant la maladie et toujours, le côté dichotomie, qu’on retrouve, des éléments qui s’opposent ou se complètent, se répondent. Une opposition entre le réalisme et le symbolisme, bien mise en évidence par l’auteure, l’opposition entre les femmes pécheresses et la Vierge, et les miracles qui peuvent être accomplis par des humains guéris, qui ont trouvé un refuge dans la prière. De nos jours, les scientifiques ont reconnu l’effet positif de la prière, de la méditation de la pleine conscience (on utilise le terme « mindfullness », cela fait mieux, il y a moins de connotation religieuse dans la sphère laïque).



J’ai beaucoup aimé la légende sur la Vie de Sainte Marie l’Egyptienne, qui est retransmise dans son intégralité. Elle est très émouvante et montre le pouvoir de la foi, certes mais aussi du comportement pas nécessairement ascétique, la possibilité de transcendance.



La lecture de la vie des Maîtres (ou des grands Saints) est toujours très enrichissante, inspirante, surtout dans une époque où la spiritualité est réduite à la portion congrue, car le Dieu actuel est l’argent, où le matérialisme, le consumérisme, l’égocentrisme sont omnipotents…



J’ajouterai un petit mot sur l’exil, le bannissement et l’abandon, très bien étudiés par l’auteure : que se passe-t-il de nos jours, face aux personnes atteintes de maladies infectieuses, ou simplement de maladie chronique ? Certes, elles ne sont pas exilées géographiquement mais le vide se fait autour d’elles, la personne en bonne santé acceptant mal qu’on puisse être handicapé alors qu’on est jeune, ou pas dans un fauteuil roulant ? A-t-on vraiment progressé ? Je referme la parenthèse…



L’écriture est belle, les mots sont bien choisis, percutants lorsqu’il le faut, notre imaginaire se mêlant et s’imprégnant de celui de l’époque, le texte est léger alors que le sujet sort de l’ordinaire.



Pour un Essai dans le sens littéraire du terme, je dirais que c’est un coup de Maître… ce livre est passionnant, dans tous les sens du terme (là aussi). Lydia Bonnaventure a fait un très beau travail. Son étude est précise, documentée, tout est analysé, argumenté, aussi bien le texte (l’écriture) de Gautier de Coinci que son propos et la confrontation avec d’autres auteurs de l’époque. Ce texte est en fait le mémoire de maîtrise de l’auteure, mais je pense qu’il pourrait faire l’objet d’une thèse, vue la richesse du texte, la bibliographie, l’iconographie aussi (cf. les photos du manuscrit de Gautier de Coinci qui illustrent les chapitres.



C’est le premier livre de l’auteure et j’attends le suivant avec impatience. Je redoutais la lecture et en fait, ce qui a été plus redoutable encore, a été d’écrire une critique sur un ouvrage aussi brillant, (surtout après avoir lu la critique de Sarindar, sur Babelio.com, qui a mis la barre très haute…). J’ai livré mon ressenti, en insistant sur ce qui m’a le plus enthousiasmée, devant ce travail d’orfèvre. Amateurs du Moyen-âge, sa vie littéraire, son histoire, n’hésitez pas ce livre est un bijou à mettre dans touts les mains.





Note : 9,6/10




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Frénégonde

Nous sommes en 1135, dans le petit village d’Alzay. Tout de suite nous faisons la connaissance de Frénégonde, dame apothicaire qui semble ne pas avoir sa langue dans sa poche. Elle mène sa boutique d’une main de maître, son entourage n’a qu’à bien se tenir. Elle ne se soucie guère des convenances, pour notre plus grand plaisir.



Et nous voilà embarqués dans une histoire de vol, d’agression, puis d’un meurtre mystérieux.

Ainsi Frénégonde se dévoilera dans toute sa splendeur. Elle n’est pas seulement douée pour les plantes, elle est aussi une fine enquêtrice et saura prêter main-forte à l’officier Thibald. Tous les deux font la paire pour mener l’enquête, s’accommodant de leurs différences.



Dans ce polar médiéval pétillant, on se prend une tranche d’histoire tout en se prenant une tranche de rire, et on en redemande. L’histoire met en scène un personnage qui a réellement existé : Hildegarde de Bingen, une religieuse, ainsi que quelques membres de sa fratrie. Bien sûr Lydia Bonnaventure y a mis son grain de sel, ajoutant dans le chaudron des herbes de son talent, rendant l’histoire médiévale plus digeste et plus drôle.



J’ai vraiment été agréablement surprise à la lecture des aventures de Frénégonde et de Thibald. J’espère qu’il y aura une suite, ou tout au moins, une autre histoire dans le même goût, avec ce langage si dépaysant, ses personnages si attachants.

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La maladie et la Foi au Moyen Âge

Sombre et lumineux Moyen Âge : le premier quart du XIIIe siècle est une époque charnière, qui termine une ère de crainte inspirée par l'image du Dieu vengeur que l'on trouve dans l'Ancien Testament, comme une menace brandie sur la tête des pécheurs et qui insiste en même temps sur l'idée du salut donné aux hommes en la personne du Christ, par son supplice sur la Croix, par sa Passion et sa Résurrection, mais aussi par son enseignement et ses miracles, ce qui tempère et équilibre l'Ancien Testament par le Nouveau, comme une promesse d'accomplissement, et un moyen de rattrapage pour chaque homme, décidément marqué par le péché originel commis par Adam et Ève, père et mère symboliques d'une espèce, et coupable lui aussi individuellement de nouvelles fautes ajoutées, celui-ci rendant inévitables celles-là.



Sombre Moyen Âge qui présente les maux physiques connus et éprouvés par les humains comme le signe extérieur de désordres intérieurs, d'actes mauvais commis contre l'homme et contre Dieu. Car l'apparition de maladies ne peut être que la conséquence de cet éloignement par rapport à Celui de qui vient toute vie, les hommes du Moyen Âge baignant dans cette atmosphère religieuse où l'Ancien Testament le disputait en importance et en influence au Nouveau, du moins selon le clergé religieux et séculier qui se réservait jalousement le droit de connaître les Saintes Écritures et ne délivrait au peuple des fidèles que ce qui lui servait à maintenir ce dernier sous l'autorité morale et spirituelle de l'Église. D'où le ton dogmatique et péremptoire, savant et accusateur, utilisé à l'égard des laïcs, et qui prend souvent la forme d'un discours moralisateur et didactique.



Mais quelque chose va bouger avec les Miracles de Nostre-Dame, œuvre poétique et "religieuse" de Gauthier de Coincy, un moine bénédictin né en 1178 et qui commença la rédaction de ce texte en 1214, l'année où Philippe Auguste remporta la victoire de Bouvines, dans la deuxième décennie d'un siècle qui allait être l'âge d'or du Moyen Âge, ère de prospérité et de retour de la confiance en l'avenir.



C'est le grand mérite de Lydia Bonnaventure, auteure du très beau livre intitulé La maladie et la foi au Moyen Âge, de mettre en évidence et de souligner l'importance des Miracles de Notre-Dame de Gauthier de Coincy pour traiter de cette question du rapport étroit établi par les hommes du Moyen Âge entre la maladie et la trahison de la foi ou son absence, mais aussi entre le recouvrement de la santé et la foi retrouvée ou redoublée. Lydia Bonnaventure a fait de ce texte le support de son analyse, tout en ne limitant pas à celui-ci les références qui permettent de comprendre l'univers mental des clercs du Moyen Âge et de percer à jour leurs intentions profondes tout en démontant le mécanisme de leur pensée, et d'un discours qui leur permettait d'imposer aux autres leur idéologie, car c'en était une.



Rien ne vaut l'étude de cas, quand il s'agit de dire en quoi un mal physique est le révélateur d'un état de péché, et Gauthier de Coincy ne se dérobe pas à l'exercice descriptif en donnant des exemples, et en décrivant les symptômes, non pour parler de la maladie pour la maladie, mais pour référer telle maladie ou souffrance physique à tel degré d'emprise du péché dans le cœur de l'homme, sachant que le cœur de l'homme est le moteur de ses choix : du bien comme du mal.

Gauthier de Coincy parle de ce qu'il connaît, et fait donc état des maux qui frappent en son temps, autour de lui : lèpre, mal des ardents, cécité, malformation, etc. Il ignore la peste, qui sévira surtout au XIVe siècle.

Et il y a des degrés de nuisance du mal. L'objectivité va en partie s'arrêter ici, et Gauthier de Coincy va redire comme tous ses prédécesseurs, ne se montrant pas moins aveugle qu'eux, que c'est la mort qui guette les Juifs parce qu'ils blasphémeraient en ne révérant pas la Vierge Marie et parce qu'ils auraient livré Jésus aux Romains pour qu'il soit sacrifié au lieu de le soutenir, les "faux" croyants ne pouvant que s'effacer devant les "vrais". Pour les autres, c'est leur comportement en matière de foi ou leur rejet des articles du Credo qui décide de la guérison ou de la progression de la maladie. Notons toutefois que la position sociale ou hiérarchique du malade n'est pas un gage de guérison et de salut. Il faut croire que, pour que l'intercession demandée à la Vierge Marie, médiatrice entre Dieu et les hommes, par l'enfantement de Jésus Christ, ou à des saints, ou que la vénération de reliques fonctionne, il est indispensable d'ouvrir son cœur à la grâce : ainsi en va-t-il dans le cas de Gondrée qui, atteinte par l'herysipèle ou mal des ardents, et qui a le visage défiguré, ne voit finalement sa face être réembellie et reféminisée que par le biais d'un songe où la Vierge se manifeste, sans doute parce que la "miraculée" a cru.

Mais notons bien ceci : le réflexe premier est celui de désigner le malade comme un exclu, un banni de la société, car dans cette société médiévale, pétrie de morale biblique, qui dit maladie, dit forcément faute et chute. Pour les bien-pensants, c'est l'occasion de rejeter ou de confiner. L'enfant n'est même pas épargné. On peut l'abandonner sur les marches des églises en se contentant de prier pour lui la sainte Vierge. C'est que l'enfant malade est de trop. Le souhait des parents est d'avoir une progéniture saine, bien portante, même si cette descendance doit être réduite en nombre d'individus. On ne se pose pas trop de questions dès lors que l'on se persuade que le malade est forcément marqué par un signe infamant. Par exemple, l'excommunication du vivant repoussé par la communauté des croyants se poursuit jusque dans la mort avec le refus de la sépulture chrétienne et l'envoi de la dépouille mortelle en fosse commune. On honnit avec le réprouvé toute sa lignée et tous ses ancêtres, car un mauvais fruit, se dit-on, ne peut venir que d'un mauvais arbre. On va parfois jusqu'à apparenter le malade à un empoisonneur - de puits notamment - et à un jeteur de sort : on en n'est que plus enclin à le chasser au loin. Ce n'est pas que la peur d'être contaminé qui agit pour pousser les individus "sains" à se séparer de gens gagnés par la maladie. Il y a avant tout, en profondeur, l'adhésion collective à l'idée dominante que "le mal touche l'homme qui a commis un péché" (page 46). Exemple : la lèpre "ronge le corps comme le péché ronge l'âme".

Tout est-il perdu ? Non, si l'on prie avec sincérité et si l'on se confesse tout en cherchant à se rédimer avec l'aide de Dieu. Si on se libère dans et par le sacrement de réconciliation, le pardon du péché entraîne la disparition du mal physique, du moins est-ce qu'on veut laisser croire. En même temps, on montre au sujet, avant qu'il se décide, ce qui l'attend s'il ne fait rien pour assumer le salut de son âme, et l'évocation du châtiment attendu, cet art d'entretenir de la frayeur est destiné à introduire le discours éthique.



On compare le corps qui perd ses fonctions à une souche desséchée où la vie ne peut revenir si l'on ne fait rien contre l'œuvre de mort du péché. Sinon, des odeurs pestilentielles - avec sueur, écoulements de pus que l'on qualifie de boue - préviennent la communauté que l'un de ses membres la corrompt par sa présence. Au maléfique on oppose la sainteté, qui a sa propre odeur vivifiante.



Heureusement, Gauthier de Coinci donne son opinion quand il lui apparaît que quelqu'un est injustement condamné, et cela se voit à l'utilisation du vocabulaire, par l'emploi de mots comme dolent ou souffrant, car ici il s'agit de prendre les victimes en pitié. C'est le devoir du parfait chrétien d'identifier où est le mal et où est le bien, et de ne pas se tromper.

Mais quels sont, pour ceux qui ont recours aux armes de la foi, les modes opératoires de la guérison physique s'ils ont un tel lien avec le vice et le péché et s'ils en sont la traduction apparente ? Il ne s'agit pas ici d'énumérer des remèdes ou des soins, mais de lancer un appel à Marie, Vierge et mère de Dieu fait homme, et cela souvent au creux de la nuit, dans les rêves, où tout est possible, notamment un attouchement pour le commun des mortels, et symboliquement l'allaitement au sein pour les clercs. Sinon, l'on a recours aux pèlerinages, aux reliques, à l'invocation des saints, à l'utilisation d'eau bénite ou d'huile sainte. Ou bien encore, on ajoute crédit à la réputation de personnes capables, à la suite d'épreuves endurées avec foi, d'intercéder pour la guérison des malades.

Châtiment ou salut, tout dépend de l'attitude de l'individu qui laisse agir ou pas la grâce en lui.

Et Lydia Bonnaventure de raconter de fort belle manière l'histoire - ou plutôt la légende - de Marie l'Égyptienne, dispensatrice de ses charmes auprès de la gent masculine, et qui, se voyant refuser la possibilité de vénérer la Vraie Croix, à son arrivée à Jérusalem, se mit à implorer la Vierge Marie de lui permettre de voir la Sainte relique. Une voix lui intima l'ordre de franchir ensuite le Jourdain et d'aller vivre dans le désert. Après des années, elle vit arriver un saint homme à qui elle présenta la requête de recevoir le corps du Christ. Zosime - c'est le nom du saint homme - revint avec une hostie consacrée et donna à Marie la communion. Il voulut revoir cette femme un an plus tard, mais il la trouva morte. Le viatique qu'il avait donné à Marie l'Égyptienne était un passeport pour le Ciel.

Comme le rappelle Lydia Bonnaventure, "la vertu s'acquiert à partir du mépris et de la fuite du monde" (page 100).



La maladie ou la pénitence peut être un "trébuchet" pour vérifier la force d'âme du personnage qui ne doit pas se montrer faible devant qui veut le détourner de ses devoirs. C'est à la base, dans le pied, que réside la force d'un homme. Si le pied est atteint, l'homme vacille. Que l'on songe au "talon d'Achille".



Même si Gauthier de Coincy renvoie à des explications fort anciennes, il ne tombe pas dans le piège de ceux qui pensent que toute maladie a ses racines dans le péché. Car l'on admet déjà de son temps que la maladie, quelle qu'elle soit, touche indistinctement l'homme qui fait le bien autour de lui, et celui qui fait le mal. Est-ce la trace d'un changement de mentalité et de perception des choses ? Peut-être. En tout cas, il y a bien une autre explication à l'origine de la maladie et l'on ne peut plus se permettre de s'en tenir à une lecture qui donnerait à penser que la maladie - qui montre que le "mal a dit" - appelle un châtiment.

On lui donne plutôt à partir de là une valeur de test, et on voit en elle une manière de vérifier la valeur d'un humain, et avant tout, en lui,

du croyant. "La maladie a pour fonction d'être un révélateur", note à juste titre Lydia Bonnaventure qui conclut en faisant remarquer que la peur du Jugement dernier et de la damnation éternelle - image de l'enfer plaquée au tympan du porche des cathédrales en guise d'avertissement - est là, et que l'on règle sur elle ses actes - ou, du moins, on essaye de le faire - pour échapper au couperet.

Redisons-le : l'Ancien Testament ne donne à voir qu'un Dieu vengeur, qu'un terrible Juge suprême. Les Évangiles, si le retournement se fait, si la conversion s'opère, indiquent à l'être humain une voie, un chemin de Lumière et de Salut. Et les trois vertus théologales : la Foi, l'Espérance et la charité sont les appuis uniques et indispensables sur ce chemin, le difficile mais passionnant chemin de la vie.

Merci à Lydia Bonnaventure d'avoir écrit ce magnifique petit ouvrage et fait ce rappel.



François Sarindar, auteur de : Lawrence d'Arabie. Thomas Edward, cet inconnu (2010)



Tout est-il













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Frénégonde

Au coeur du Saint Empire Romain Germanique, sous Lothaire III, en 1135, Frénégonde est une dame apothicaire qui tient boutique à Alzey. Elle est douée d'un caractère truculent mais bien trempé, à la fois volcanique et bienfaisant. le vol d'une de ses fioles par un saltimbanque la fait bondir à la poursuite de celui-ci. L'agression du jongleur provoque le déplacement du représentant de la loi, le sergent Thibald. Mais celui-ci a en même temps une deuxième affaire sur les bras, le meurtre d'un Soeur à l'abbaye de Rüdesheim...

.

-- Dame Ginette ! Okaaaay !

-- PAR SAINTE GAUBURGE ! Mon Jacquouille la Fripouille !

Ça fait du bien. Lydia Bonnaventure nous remet au temps des "Visiteurs".

J'apprécie d'autant plus les écrits de nos "e-amis" de Babelio que j'ai l'impression de les connaître un peu. J'ai eu le même sentiment quand j'ai lu le "Jeanne" de François Sarindar.

Pour faire simple, j'ai l'impression de démarrer sur un Jeanne Bourin, et de finir un peu avec un Agatha Christie : )
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Frénégonde

Un polar au Moyen Âge, j'avais hâte de voir ça. J'avais d'autant plus hâte que sachant que l'auteure connaissait bien le Moyen Âge, j'étais plus que curieux de voir comment elle allait sans sortir.



Je ne m'étais pas trompé en pensant que j'allais en apprendre beaucoup sur les us et coutumes de cette époque. Dès les premières pages, je me suis retrouvé "dans le bain" une immersion totale. Au début, tous ces informations m'impatientaient mais rapidement je m'y suis habitué et je voyais à quel point elles étaient nécessaires au bon déroulement des histoires parce qu'il y en avait plus d'une.



Comme pour toutes les critiques déjà mises sur Babelio, j'ai apprécié Frénégonde et ses écarts de toute sorte. Elle est une femme qui a du caractère. Autant elle peut détester et attaquer autant elle peut aimer et aider. Elle est sympathique même si elle est vulgaire.



Plusieurs autres personnages tout aussi bien campés que Frénégonde lui donne la réplique. Je pense entre autre à Thibald, l'enquêteur et à Hildegard, la soeur de Frénégonde.



Le vocabulaire ne m'a pas rebuté, à plusieurs reprises, je me serais cru avec la Sagouine et, grâce à l'Internet, j'avais réponse aux mots dont je ne pouvais pas deviner le sens.



J'ai adoré l'enquête comme telle. Très réaliste pour l'époque. Tous les indices nous avaient été donnés et c'est Frénégonde qui nous les a mis ensemble afin de démasquer le coupable.



Je ne dévoilerai pas les conclusions mais nous avons droit à quelques rebondissements.



Je remercie ma petite fille pour ce cadeau bien apprécié.
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La maladie et la Foi au Moyen Âge

Il se trouve que j’ai lu en même temps « La maladie et la Foi au Moyen Age», de Lydia Bonnaventure et «La légende de la mort » (en Bretagne) d’Antoine Le Braz (sur la recommandation de Couperine sur Babélio) et j’ai été frappée par les similitudes entre les deux ouvrages : même misère impuissante devant la maladie et la mort, même ignorance, même foi, seule l’intervention de forces surnaturelles pouvant sauver le malade. C’est peut-être l’évocation de ce monde de condamnés qui m’a le plus émue. Monde que l’on retrouve dans « La princesse de Clèves » où tout le monde meurt en pleine jeunesse, plus près de nous, dans « Les Thibault » de Roger Martin du Gard où Antoine Thibault est démuni devant ses malades à l’agonie, toute une souffrance qui modelait les hommes d’une façon dont l’Occident européen du XXI° siècle n’a plus idée.

C’est que « La maladie et la Foi » se situe au Moyen Age, au début du XIIIème siècle et dans une perspective hagiographique, celle des « Miracles de Notre Dame » du poète Gautier de Coinci, un moine qui finira sa vie comme Grand Prieur de Saint-Médard de Soissons. Or les « Miracles » font une très large part à la maladie, les guérisons spontanées étant toujours considérées comme miraculeuses.

Lydia Bonnaventure distingue deux types de maladies, celles survenant au cours d’une épidémie, et qui sont une épreuve pour les croyants sincères et celles envoyées comme punition divine. Les deux maladies reconnaissables dans les « Miracles … » sont la lèpre et le « mal des ardents », dû à une moisissure de l’ergot de seigle et dont les formes hallucinatoires ont été connues à Salem (le mal des fameuses sorcières) et plus près de nous, il y a une cinquantaine d’années dans le petit village de Pont-Saint-Esprit. En fait, les maladies décrites se ressemblent beaucoup, l’ergotisme apparaissant souvent ici sous sa forme gangréneuse. Les descriptions de quelques vers en sont toujours frappantes : « Une partie de son visage était si vide à cause du feu d’enfer, de sa grande violence, qu’elle n’avait point de visage, ni nez, ni bouche » (p. 30), «Son corps souffrait le martyre. Sa jambe et son pied avaient pourri … il puait tant que sa puanteur tuait les gens » (p. 60) L’ergotisme convulsif peut, d’autre part, se confondre avec certaines formes d’épilepsie. En fait, la classification des maladies, pour un homme du XIIIème siècle, est aussi floue qu’ignorés les moyens de sa guérison. Dans un appendice, L.B. évoque d’autres maladies de l’époque, comme la peste et les écrouelles, qui, dit-elle, n’apparaissent pas chez Gauthier.

La maladie atteint toutes les classes sociales, tous les âges, les deux sexes, croyants et « impies » (le Moyen Age ne brillant pas par sa tolérance, les juifs ne seront pas guéris) et pour lutter contre elle, il n’y a qu’une seule arme, celle d’une foi sans faille, d’une confiance absolue dans la Vierge Marie, gage d’une guérison spectaculaire.

L’œuvre se poursuit par une excellente partie plus stylistique, portant sur la description des maladies (complaisance et subjectivité) et revient ensuite à l’anthropologie par l’étude des types de guérisons, châtiments et rédemption.

Au total, un livre passionnant, issu d’une recherche universitaire, érudit, mais présenté avec tant de simplicité et de clarté qu’il peut s’adresser à un très large public intéressé par les religions, l’histoire de la maladie, le Moyen Age ou même par la découverte d’un grand poète, dont les nombreuses citations en ancien français, suivies traductions, montrent bien le talent d’écriture, par ces croquis qui font penser à Jérôme Bosch ou à Jacques Callot.

Ah ! si toutes les thèses étaient aussi intéressantes !

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Frénégonde

Voici un petit roman politico-médieval fort sympathique.

Aves son personnage tout en truculence, la bruyante Frénégonde, Lydia Bonnaventure nous entraine dans une enquête au sein d'un couvent.

J'ai apprécié cette promenade au Moyen-âge, légère par le ton et riche par le contenu.

Je ressors de ma lecture en ayant appris plein de choses, sur les apothicaires, sur la justice d'époque ou encore sur la vie dans les couvents…

À découvrir !



Challenge Multi-défis 2017
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La maladie et la Foi au Moyen Âge

Lydia Bonnaventure fait partie de mes amis. À chaque fous qu'elle appréciait une de mes critiques ou une de mes citations je voyais dans le petit carré la couverture de son livre. De la vraie publicité subliminale. J'ai résisté pendant les premiers mois puis j'ai commencé à me dire qu'il me faudrait lire ce livre.



À chaque fois, mon esprit me renvoyait la même excuse : "Tu n'aimeras pas. C'est une thèse de doctorat."



Maintenant, je peux affirmer que tout ce qu'il a des thèses de doctorat, ce sont les qualités. C'est-à-dire que toutes les affirmations sont appuyées par des preuves et une multitude de citations. L'auteur nous offre même le luxe de nous donner les citations dans leur écriture originale avec bien entendu traduction par la suite.



Si vous êtes habitués à lire autre chose que des romans, vous allez aimer.



Les informations contenues dans ce livre ne se limitent pas à la maladie et la foi comme le montrent les citations que j'ai déjà mises sur Babelio. D'ailleurs, Lydia Bonnaventure nous offre une telle quantité d'informations pertinentes, qu'après lecture, mon livre était rempli de "post it."



Par contre, je tiens à préciser que ce n'est pas un livre de vulgarisation. C'est une étude pointue et, même si elle nous fournit beaucoup d'informations sur le Moyen Âge, elle est centrée sur les liens très précis entre les maladies et leur interprétations à travers le prisme de la foi.
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Frénégonde

Hildegarde de Bingen dans un roman policier.

C'est drôlement audacieux comme idée. Audacieux et culotté de mettre en scène la sainte religieuse, cette femme remarquable du XIIème siècle dans un polar !

Et pourtant, Lydia Bonnaventure l'a fait et elle l'a bien fait !



Profitant des oublis de l'Histoire, l'auteure a créé de toutes pièces une sœur à Hildegarde : Frénégonde, dame apothicaire.

Frénégonde, personnage principal de ce roman se trouve mêlée à de mystérieuses histoires de vol et de cadavre retrouvé dans le jardin de l'abbaye de Disibodenberg où vit Hildegarde, sa sœur bénédictine.





D'une écriture alerte, dynamique et enjouée, ce roman est à l'image de Frénégonde, personnage haut en couleur aux réparties franches. On se régale de sa vivacité, de ses emportements, de ses jurons !

Je vous l'avoue, en tant que piètre lectrice de roman policier, j'ai nettement préféré l'atmosphère bon enfant qui se dégage de ce roman à l'intrigue policière qui lui sert de fil rouge ...



...et ressenti l'envie de retrouver Frénégonde dans d'autres aventures !



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La maladie et la Foi au Moyen Âge

Je remercie chaleureusement Lydia B de m’avoir permis la lecture de cet ouvrage fort intéressant .

Dure période que le moyen-âge lorsque survenait la maladie, peste, lèpre, mal des ardents, que l’on n’avait aucun moyen de soigner par des remèdes, et dont on ne connaissait pas les causes. Mais durant cette période, on craint et on adore Dieu, on se prosterne devant la vierge qui intercède, on prie devant des reliques, on espère les miracles. L’Eglise véhicule des idées et invite les foules à prier, obéir aux commandements, respecter les règles de vie garantissant alors une organisation de la société répondant aux règles qu’elle a instaurées et cherche à entretenir la foi des fidèles en menaçant et en apportant un message d’espérance par la promesse d’un paradis.

La maladie et la foi au Moyen-Age explique alors, à travers l’ étude des « miracles de Nostre Dame » écrit par le moine Gautier de Coinci qui vécut de 1178 à 1236, que foi et maladie sont liées : la maladie pouvant être la conséquence d’une punition divine infligée au pécheur, voire à son enfant pour punir le pécheur, qu’à chaque manquement peut correspondre une maladie. L’auteur des « miracles de Nostre Dame » ne s’en tient pas aux descriptions des maladies propres à impressionner le lecteur, il insiste également sur les conséquences des actes, du manque de foi chrétienne (les juifs ne sont pas épargnés), et cite des cas de personnes qui contractent une maladie et guérissent miraculeusement grâce à l’intercession de la vierge, personnes qui à leur tour auront le pourvoir de guérir d’autres malades.

Cet exposé, travail de recherche pointu et très bien documenté s’appuie sur des textes anciens de Grégoire de tour, la bible et un certain nombre d’ autres écrits anciens, à lire sans faute si l’on aime cette période historique.


Lien : http://1001ptitgateau.blogsp..
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Frénégonde

Lydia B.



Au Moyen Âge, il fait un froid de loup, les gens se disent « m’amie »et « que nenni », des miséreux en haillons meurent de faim au bord des routes tandis que de belles dames sans mercy marivaudent dans les vergers et que des pendus se décomposent aux abords des villes. Rien de tel dans l’aimable Moyen Âge de Lydia Bonnaventure, bonne spécialiste, cependant, dont l’essai sur la maladie et la mort dans les miracles de Notre Dame de Gautier de Coinci réussit à être à la fois profondément humain et d’une bonne teneur scientifique. Le Moyen Âge qui nous est présenté cette fois-ci est particulièrement aimable et très proche de nous : nul pittoresque dépaysant, au contraire, une volonté de montrer que les hommes et les femmes du XIIe siècle ont les mêmes joies et les mêmes peines, les mêmes gourmandises et les mêmes jalousies que nous. C’est ce que j’ai particulièrement aimé dans cette histoire policière très éloignée des thrillers modernes (ici, pas de pics à glace fichés dans des yeux ou de donzelles écorchées vives – juste une aimable substitution de cadavres, un prétexte à nous délecter de cette histoires de bourgeois, d’apothicaires et de couventines). Frénégonde est une maîtresse femme, apothicaire de son état et les hasards de son enquête vont l’amener à retrouver sa sœur, qui n’est rien moins que la grande Hildegarde de Binguen, grande figure du mysticisme médiéval, voyante, musicienne, herboriste, un des plus hauts personnages féminin de cette époque. Ramenée, elle aussi, à ses dimensions humaines de petite fille arrachée trop tôt à sa famille. Et son couvent est plein de charme : jardinage, culture des simples et succulente cuisine rustique – juste ce qu’il nous faudrait pour un délicieux régime détox ! Quelques petites nonnettes glissent même des yeux doux à un bel argousin ! La vie comme on l’aime quoi !

Il résulte de tout cela un livre aimable et généreux, un voyage dans le passé qui se savoure tranquillement, de personnage en personnage, sans trop se soucier de la solution de l’énigme, au bonheur de vivre et d’aimer.

Joliment écrit, sans trop de « médiévismes », avec des dialogues charmants parce que complètement modernes, étonnants de fraîcheur. Un livre bonheur, pour des moments de pur plaisir.

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La maladie et la Foi au Moyen Âge

Qu'ajouter d'intéressant aux si brillantes critiques "babéliennes" du livre-phare de Lydia BONNAVENTURE ?



Depuis l'année de la parution de l'ouvrage (2011) et au nombre de 18 à ce jour [*], la plupart extrêmement denses, "pointues" et inspirées (notamment cet intéressant parallèle avec les sources de nos terreurs cntemporaines) : je pense qu'il nous faut TOUTES les imprimer et les lire, à l'appui de cette Thèse passionnante...



"Les Miracles de Nostre Dame" de Gautier de Coinci (1178-1236) valaient largement la peine d'être exhumés, "traduits" de cet ancien français aujourd'hui si étrange... et surtout commentés par notre amie, diplômée de l'Université de Perpignan en Lettres modernes et brillante connaisseuse de notre "exotique" français médiéval.



Vertige à ressentir pour nous dans la conception médiévale des maladies...



Nous repassons en boucle la célèbre scène des "flagellants" dans le magnifique "Le Septième Sceau" d'Ingmar BERGMAN (1957)... Les baladins font silence et s'écartent...



La mort rôde tout alentour, la maladie foudroyante est épreuve ou punition divine.



La puanteur s'empare des corps : la gangrène du "mal ardent" (l'ergotisme, cette intoxication gravissime due à un parasite de l'épi de seigle - champignon noir tel un bubon pesteux)... mais aussi la lèpre, dont on découvrira six siècles plus tard l'origine infectieuse (Mycobacterium leprae, ce bacille intracellulaire découvert par le médecin norvégien Hansen en 1873).



Et l'horreur lépreuse défigure : nous nous souvenons ici de la scène impressionnante du Roi lépreux dans "Kingdom of Heaven" de Ridley SCOTT (2005).



Les convulsions sont, elles, oeuvre directe du diable : anachronisme que j'introduis ici en me remémorant ce très mauvais film qu'est "L'exorciste" de William FRIEDKIN (1973) où revint d'entre les ombres, dans les studios hollywoodiens - en la personne de l'acteur suédois Max Von Sydow - un des visages contemporains de l'héroïque chevalier - représentant de Dieu - qui, dans un noir et blanc somptueux, affrontait la mort en jouant aux échecs avec Elle dans "Le Septième Sceau" , 26 ans plus tôt...



Sait-on que parmi les alcaloïdes de l'"ergot" du seigle se trouve l'acide lysergique, qui servira de "matrice" à la fabrication du fameux L.S.D., hallucinogène de synthèse ? Convusions, hallucinations, "folie" (pharmaco-psychose) : autant dire "diableries"...



Le premier livre - bref et percutant - de Lydia BONNAVENTURE est habilement construit en trois parties ("Maladies et sociétés"/"La description des maladies"/"Symbolisme et choix des maladies") et nous donne à ressentir.



Un moine malade est devenu "pestiféré" : "Il puait tant et empestait l'air", celui qui "pue comme une loutre", "l'ours pourri, le lépreux" ne trouve plus aucune place dans la communauté humaine.



Les malades sont chassés "comme un chien de basse-cour" - parfois sur fond de jets de pierres, abandonnés à eux mêmes, condamnés à une mort certaine...



Cependant, "La Bonne Dame" sait intervenir quand le réprouvé demande pardon pour ses (supposées) "fautes"..., refaçonne les traits détruits, libère du mal des ardents, voire punit ceux qui l'ont injustement mis au ban de la société...



Mais "La Bonne Dame" se révèle extrêmement sélective : ni " l'hérétique" ni "le Juif" ne peuvent attendre la moindre mansuétude, le moindre de ses "pardons"...



Une phrase -- entre autres -- peut terrifier dans le Manuscrit de Gautier : "Personne n'eut pitié de lui, ne s'en soucia guère."



Si l'on désespère de l'humain, nous resterait la Foi en l'immanence (bien aléatoire) du "Divin"...



Que de résonances contemporaines en ces mille raisons de désespérer ou d'espérer...



Alors, un grand merci à vous, Lydia, pour ce passionnant travail de défricheuse !



[*] un "détail" important réactualisé en ce 4 février 2017...
Lien : http://www.regardsfeeriques...
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Frénégonde

Voilà un roman médiéval qui ne ressemble à aucun autre ! Bien sûr, c’est d’abord une mine d’information sur la vie au douzième siècle et le métier d’apothicaire, ainsi que celle dans les couvents de cette époque, où le personnage d’Hildegarde de Bingen a réellement existé. Lydia Bonnaventure, en médiéviste accomplie (déjà auteur de l’essai : La Maladie et la Foi au Moyen Âge) se fait un plaisir de nous dépeindre cette société bigarrée, comme s’il elle y avait toujours vécu. Ensuite, c’est une intrigue, une enquête menée tambour battant, qui nous entraîne sans férir jusqu’à la dernière page. Mais surtout, et c’est là que réside toute la magie de l’affaire, on ne peut que se réjouir avec l’ambiance qui s’associe à ce personnage truculent de Frénégonde ! Est-ce d’avoir été si longtemps imprégnée de littérature médiévale et, surtout, de l’étude des fabliaux, que l’auteur nous restitue cette gouaille joyeuse et parfois délirante qui rappelle tant le théâtre populaire de l’époque ? À moins qu’elle ne s’inscrive automatiquement dans le genre qui en découle, mêlant humour et pamphlet, dans la veine d’un Marcel Aymé. Cela donne un très agréable voyage dans le temps et je souhaite longue vie à cette enquêtrice hors du commun dont j’espère bien suivre de nouvelles aventures ! Merci chère Lydia pour ce moment d’évasion hors pair…
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