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Critiques de Marie-Hélène Lafon (1409)
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Histoire du fils

°°° Rentrée littéraire 2020 #37 °°°



Il est des romans qui vous embarquent par la force d'une histoire, animé d'un souffle qui traverse les pages. Ce n'est pas le cas de celui-ci qui reprend la thématique classique de la quête d'identité d'un homme et son inscription dans une lignée qui lui échappe en partie.



Il en est d'autres qui ont la grâce des mots. Histoire du fils est de ceux-là, il m'a enchanté dès le premier chapitre, superbe comme un matin dans la vie d'un enfant qui découvre le monde avec toute la sensualité et la douceur possible à cinq ans. Une ouverture comme un tableau qui en annonce d'autres. En fait, tout ce roman est une galerie de tableaux explosant la chronologie, faisant naviguer le lecteur sur cent ans de la vie d'une famille peuplée de pères et de fils, chacun ouvrant le paysage de Paris à Figeac en passant par Aurillac et le village cantalou de Chanterelle. La construction est remarquable, laissant le lecteur humer les secrets de famille, les ruminer avant d'en pleinement comprendre la portée.



Marie-Hélène Lafon écrit comme on peint. Ses phrases sont très travaillées, les mots choisis avec une intelligence pour donner force à ceux qui les entourent, tout comme la syntaxe, toujours précise. Elle ne cherche pas à étaler des belles phrases qui pourraient dévier le lecteur du propos, non, chaque phrase, dans son économie et sa concision, révèle les silences, les manques, les demi-teintes, les pudeurs, les zones d'ombre, les blancs d'une vie et d'une famille. Sans agressivité, sans racolage, avec douceur et ténacité, privilégiant la narration aux dialogues ( quasi totalement absents ). Une langue à savourer, remplie d'adjectifs justes, dont je me suis délectée à chaque instant pour les sensations physiques qu'elles offrent.



Ce qui est très puissant, aussi, dans l'écriture de l'auteure, c'est comment elle donne présence aux morts, aux absents, aux fantômes de cette lignée, à commencer par ce père non connu qui hante le fils du titre, André, abandonné par sa mère auprès de la famille de sa tante. Un abandon heureux puisqu'André a grandi aimé, choyé, entourée. Jusqu'à ce qu'il découvre qu'il a un père, un nom, une adresse, un métier.



«  Sa place d'homme était faite auprès de Juliette et d'Antoine,il aimait son métier qu'il n'avait pourtant pas choisi, il prenait de l'étoffe et des responsabilités, se dépliait, mais quelque chose, plus que quelqu'un, faisait défaut en coulisses, creusait un vide plus qu'un gouffre ; gouffre était trop abrupt, même si, à l'approche de la quarantaine et depuis qu'Antoine était là, André sentait que, loin, de se combler avec l'âge, comme il voulait à toutes forces le faire croire quand il avait vingt et trente ans, la faille allait s'élargir et se creuser ; le ver était dans le fruit. Il n'avait pas oublié les ratons laveurs de la main de fer qui lui croyait la poitrine certains soirs en dépit d'Hélène et des douceurs vivaces cultivées sous les platanes de Figeac. On irait donc à Paris, à Pâques, humer les traces du père. »



Tout est banal dans ce roman. Rien ne l'est pour dire ce qu'est une vie, sur comment on fait pour s'extraire de son destin et le fuir ou au contraire creuser un sillon tracé par ses ancêtres. Entre attachement et arrachement. Au final, Marie-Hélène Lafon parvient avec une densité et une limpidité superbes à dire tout cela en seulement 170 pages chahutant la linéarité chronologique, une véritable prouesse d'écriture sublimée par une qualité d'écriture rare.

Gros coup de coeur pour ce roman subtil à hauteur d'âme et d'homme qui me fait découvrir cette auteure.
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Histoire du fils

Un régal et une déception !

Lauréat du Prix Renaudot 2020, Histoire du Fils, le dernier roman de Marie-Hélène Lafon m’a parfois emballé mais plus souvent embrouillé et finalement déçu.

Pour réaliser une saga familiale d’une telle ampleur – elle s’étale sur un siècle, de 1908 à 2008 – il aurait fallu un énorme pavé de plus de cinq cents pages ! Or, rien de tout ça. En cent soixante-dix pages, avec son style soigné, peaufiné, travaillé sur l’établi comme Marie-Hélène Lafon aime le dire, elle tourne autour d’André, fils d’un père devenu vite invisible après son lycée à Aurillac (Cantal).

Fidèle à son habitude, l’autrice excelle à parler de la campagne, de la montagne, entre Aurillac et Figeac (Lot). Elle joue avec les odeurs, les parfums mais me perd vite en tant que lecteur avec une cascade de prénoms.

J’aurais aimé que l’internat au lycée, en 1919, soit plus développé mais l’autrice a choisi une autre option : elle fait des bonds dans le temps, débutant en 1908 pour un terrible drame familial, passant donc au lycée en 1919 puis sautant en 1950 pour revenir à 1934 et plus loin encore en 1923 puis 1935, 1960, 1962, 1945, 1984, 1974 et pour finir en 2008 devant des pierres tombales, dans le cimetière de Chanterelle (Cantal) où tout a commencé.

Entre frères, sœurs, neveux, petits-neveux, père, mère, cousins, cousines… Marie-Hélène Lafon m’a encore perdu dans ses dernières pages pour montrer toute l’étendue d’une famille, des liens tissés ou distendus entre les êtres.

Enfin, j’aurais vraiment aimé qu’elle creuse davantage ce personnage de Paul Lachalme qu’elle abandonne trop vite, laissant planer son ombre au-dessus du roman. Avec Gabrielle, il a eu un enfant, le fameux fils, André, qui cherchera à rencontrer ce père si énigmatique qui ne sait même pas qu’il a un fils…

Malgré ces quelques reproches, j’ai apprécié une fois encore l’écriture de Marie-Hélène Lafon et sa façon tellement précise de décrire nature et êtres. De plus, elle gagne sur les deux tableaux car elle connaît parfaitement le monde rural dont elle est originaire, et la vie à Paris où elle réside. Histoire du Fils est donc un roman bien dans la lignée de ses précédents livres.

Avec Antoine dans les dernière pages, je ressens une infinie tristesse en constatant ce choix de l’éloignement, de l’abandon des lieux de vie familiaux pour d’autres bien lointains, abandonnant toutes racines. C’est ce que nous a apporté la fin XXe siècle et ce qui s’est accentué au début du siècle actuel.


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Les Sources

Ce court roman d’une petite centaine de pages plonge le lecteur dans le décor champêtre du Cantal, au début des années 60. C’est là, dans une belle ferme, moderne pour l’époque, que vivent une mère, son mari et leurs trois enfants. Au fil des pages, Marie-Hélène Lafon dresse le portrait d’une famille d’agriculteurs en trois actes, où chacun va recevoir la parole sur une période allant de 1963 à 2021.



Une chronique familiale narrée à trois voix qui débute pourtant dans le silence. Sieste du mari oblige, tout le monde se tient à carreaux, surtout la mère, qui profite de ce petit moment de répit, avant que reprennent les brimades et les coups. C’est elle qui reçoit en premier la parole, elle qui subit quotidiennement la violence du mari, elle qui s’est retrouvée piégée dès son premier jour de mariage.



Lors du second chapitre, plus court, Marie-Hélène Lafon nous plonge en 1974, au cœur des pensées de ce mari qui fait vivre sa ferme tout en détruisant sa famille. Un point de vue qui n’excusera rien, mais qui contribue également à dresser le portrait de cette France rurale de l’époque.



Le roman se termine en 2021, en compagnie de l’une des filles, devenue adulte, qui vient refermer les grilles de cette bâtisse que la fratrie s’apprête à vendre. Une dernière page qui se tourne sur tant de souvenirs et sur cette histoire familiale qu’il est grand temps de laisser derrière soi.



Derrière ce titre qui évoque les racines tout en y insufflant immédiatement une promesse de liberté, se dissimule le journal d’une femme battue, prisonnière d’un contexte social, menottée par l’orgueil et la nécessité de sauver les apparences. Un texte (trop) court, finement ciselé, qui dépeint avec grande justesse la dureté de ce monde agricole, ainsi que la condition féminine dans cette France rurale de l’époque.
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Les Sources

Les sources…polymorphes…Lorsqu'une union est à la fois source de vie et source de tragédie…lait et poison…eau chaude et eau glacée.





« Elle préfère le mot source au mot racine »…Oui, le titre du livre est bien trouvé, il y a sans doute dans le mot « source » une fluidité, un espoir de changement et de déviation, une promesse de vie, d'ondulation et d'irisation moins paralysantes et oppressantes, moins sombres, que le terme de racine qui maintient et rigidifie, sous terre…





La source…Source de vie, berceau de l'enfance, nouvelle racine qui permet à l'arbre familial d'avoir de nouvelles branches, terre natale là où tout commence pour les enfants et où éclosent les premiers souvenirs…Cette source, ondoyante, vivante, frétillante, celle-là même, ce premier lait, peut pour certains parents constituer le premier poison, la source ineffaçable du mal, du chagrin, de la douleur, là où tout se casse et se termine. Racines mortifères, asphyxiantes tenant à distance la joie et le printemps…

Comment est-il possible de vivre à la fois ce bonheur d'être parents et ce malheur de devenir moins que rien, juste un tas, un tas malaimé, humilié ? En donnant la vie avec quelqu'un de tyrannique et d'odieux qui transforme le bonheur primaire en drame viscéral. Qui rabaisse l'épouse la faisant passer du statut sublime de mère à celui pathétique de chose inutile, non aimable car laide et plus désirable du fait d'un corps déformé par trois césariennes successives, par les coups, par les mots aussi, surtout, qui font « autant de dégâts que les coups, peut-être même davantage parce qu'ils ne la lâchent pas et lui tombent dessus au moment où elle s'y attend le moins, quand elle pourrait être à peu près tranquille et penser à autre chose ». Un corps tel un morceau de viande. Une vache qui ne cesse de ruminer.



Telle est l'histoire de violence conjugale racontée avec pudeur par Marie-Hélène Lafon, une écriture au cordeau, précise et simple, allant à l'essentiel, sans circonvolutions ni fioritures, à l'image de sa terre natale du Cantal. Une écriture du terroir, âpre et fertile à la fois, sincère et dure, sans pathos ni grandiloquence.



Le premier chapitre s'ouvre en 1967 sur deux journées qui vont tout faire basculer. Nous sommes dans la tête d'une mère de trois enfants encore jeunes qui, tout en vaquant à ses occupations de femme au foyer - ménage, repas, bain des enfants, repassage – au sein de sa vaste ferme en pleine campagne ne cesse de penser à sa situation, à ses peurs permanentes, aux humiliations subies et ses quelques moments de respiration…lorsqu'il n'est pas là. Lui, son mari. Comment a-t-elle pu en arriver là, comment a-t-elle pu signer devant le maire puis devant le notaire, alors que des signes précurseurs auraient dû l'alerter, son propre père lui avait fait la remarque d'ailleurs, la veille de son mariage, certes elle allait vivre dans une belle ferme mais décidément il n'aimait pas la façon dont son futur mari portait le regard sur elle. Pourquoi n'a-t-elle pas écouté son instinct ? Comment peut-elle à présent accepter cela et tenir, sauver les apparences ?

Pourtant, malgré le milieu, malgré l'époque, malgré les rumeurs, malgré l'image de mollesse et d'incapable qu'elle finit par porter comme une seconde peau enveloppant son corps devenu gros à force d'y cacher ses craintes, elle va avoir le courage de dévier la source, de rompre les racines.



Le second chapitre se situe en 1974 et plonge cette fois dans les pensées du mari désormais seul dans la ferme. Ruminations paralysantes sur ses incompréhensions, sources d'insomnies, qui gonflent l'homme de violence larvée. La satisfaction d'avoir gagné du fait de cette notion qui jette l'opprobre sur son ex-femme : le fameux abandon du domicile conjugal. Même si il y les coups, c'est vrai, mais elle l'énervait tant, après tout, toujours à être molle et inerte, à ne rien savoir faire. Il aime les femmes à personnalité pas les chiffes molles. Oui, il a eu des faiblesses, il le reconnait, mais tant de travail, tant de fatigue…Ces pensées du père apporte beaucoup au récit et évite notamment tout pathos, tout manichéisme, même si d'excuse le lecteur ne lui en donnera pas.



Enfin, le livre se termine en 2021, par le retour à la ferme familiale de l'une des filles, Claire, désormais quinquagénaire, qui fait le tour de la bâtisse avant sa vente et dont les souvenirs affluent.



Un récit en trois actes à l'écriture tranchante qui sait brillamment instiller les pensées dans l'action, la suspendant quelques instants, les laissant venir pénétrer, perturber, tout envahir jusqu'à la pétrification. Soliloque incessant, vagues tempétueuses, entre et pendant les gestes, mécaniques. C'est un procédé que j'aime tout particulièrement, friande de ces soliloques comme le manie avec génie un auteur tel que Lobo Antunes (je sais, encore lui…).



« La corbeille à linge est presque pleine. Elle se tient dans l'allée du jardin et secoue la tête pour ne pas penser à ces six premiers mois de son mariage, de janvier à juin 1960, où elle habitait Soulages. Elle se souvient et ça cogne de tous les côtés. Elle a été enceinte tout de suite, Isabelle est née le 30 novembre 1960, onze mois jour pour jour après leur mariage. Les deux combinaisons, le chemisier, la jupe ; elle les dépose sur le dessus de la corbeille ; elle ne reconnait pas son corps que les trois enfants ont traversé ; elle ne sait pas ce qu'elle est devenue, elle est perdue dans les replis de son ventre couturé, haché par les cicatrices des trois césariennes. Ses bras, ses cuisses, ses mollets, et le reste. Saccagé ; son premier corps, le vrai, celui d'avant, est caché là-dedans, terré, tapi. Il dit, tu ressembles plus à rien. Il dit, tu pues, ça pue. Et il s'enfonce ».



Un roman court mais d'une puissance incroyable sur les violences conjugales, une lecture en apnée, témoin d'une époque où la résignation le disputait à la révolte et au changement, et pourtant, une violence, hélas, encore d'actualité.



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Histoire du fils

Je viens de finir à l'instant la ...seconde lecture du roman de Marie - Hélène Lafon, " histoire du fils " , oui , oui , deux lectures consécutives. Voilà qui est curieux , non ? En fait , ce livre , il me faisait un peu peur , je l'avoue .Un personnage , André , " abandonné " par sa mère et pris dans " l' omerta " maternelle , voire familiale , je connais ....Et oui , André et moi avons sous nos pas le terrible gouffre de l'absence . Vous comprendrez aisément que raviver une question à laquelle on a , toute sa vie , en vain , cherché à trouver réponse , a de quoi faire réfléchir à ce que vous allez lire , d'autant plus que le poids du secret de famille a été plus fort que vous et qu'aujourd'hui , la famille , disparue , vous lègue un héritage un peu lourd mais ... Lors de ma première lecture , je me suis surtout glissé dans les pas d'André et de sa mère , Gabrielle et j'ai été rassuré. Leur relation m'en a rappelé une autre ...Je ne vous dis pas laquelle , mais je comprends mieux , pour la partager avec André, cette hésitation entre le besoin et la peur de savoir . On transfère toujours son amour ailleurs quand vos géniteurs vous le refusent , par faiblesse , lâcheté ou autre chose ...à taire. J'ai adoré le cheminement d'André . Je pourrais relater de nombreuses réflexions faites par le narrateur concernant sa relation avec " sa mère " . Je préfère vous livrer ce passage de la page 135 :" André fait le bilan ; mère lointaine et intermittente , certes , et père fantôme ; mais il avait eu Hélène , Léon, les cousines , la maison , le jardin et toute la rue Bergandine avec ses platanes , et Juliette et Antoine . Il avait fait sa vie d'homme avec l'appétit d'être qui avait accompagné toute son enfance et ne le quittait pas , pas encore , à plus de soixante ans " . Une belle conclusion , une belle revanche , un beau " pied de nez " pour une rencontre salutaire . Loin de toutes ces niaiseries insultantes de bêtise que j'avais pu lire dans des ouvrages appelés " roman" , c'est une émotion forte qui m'a étreint . Quelques heures plus tard, j'ai été pris d'une violent , d'une incroyable frustration .Pour avoir trop regardé " mon nombril " j'avais oublié le reste . Un famille de notables du Lot . Une rencontre du fils , lycéen, avec l'infirmière du lycée , la différence d'âge , les intérêts divergents, la fuite , l'abandon . La vie à Paris , les retours occasionnels dans le giron familial . le paraitre . La " fausse " désinvolture....C'est superbe et dramatique , plein de l'odeur des confitures de prunes , du café, celle de la lessive , des gestes simples et plein d'amour , jusqu'à la fin des uns , des autres , et l'arbre généalogique qui s'inscrit, se grave dans le marbre des tombes .

Marie - Hélène Lafon ne décrit pas la vie rurale dans le Lot entre 1908 et 2008 , non . Elle s'immisce avec une extrême pudeur , avec tact , dans deux familles et en tire " le meilleur et ...le pire ". Au tout début, en 1908 , c'est le drame avec Armand . En 2008 , c'est l'espoir avec Armand . D'Armand à Armand , la boucle est bouclée .

Un roman extraordinaire , un secret familial porté par une plume alerte , vive , sans concession , parfois même brutale mais tellement poétique qu'elle vous transporte , pour peu que vous vouliez bien lui accorder crédit . Les séquences " temporelles " peuvent dérouter au premier abord , mais quel bonheur quand on peut maitriser cet " obstacle " extraordinairement efficace .Le prix Renaudot a couronné cet ouvrage , c'est juste récompense . La discrète ( ou réservée ) Marie Hélène Lafon a , si j'en crois les avis des amies et amis babeliotes , conquis un large public , il était temps . " Histoire du fils " et " Nature humaine" de Serge Joncour sont , pour moi , deux romans " majeurs " de cette année 2020 , mais , bien entendu , cela n'engage que moi . Vivement le retour des " salons du livre " pour les rencontrer et échanger . En attendant , prenez bien soin de vous .
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Histoire du fils

Marie-Helene Lafon nous revient dans son dernier opus avec l'histoire d'une famille de la petite bourgeoisie provinciale, sur trois générations. Elle débute en 1908 et traverse un siècle.

Le Fils de l'Histoire, c'est André, père inconnu et mère à double fond, Gabrielle qui décide de le mettre au monde à trente-sept ans, suite à un accident de parcours d'une liaison qu'il entretenait avec un jeune garçon de seize ans son cadet. André est élevé par sa tante, et ne saura rien au sujet de son père jusqu'au jour de son mariage. Voilà, une situation particulière et socialement compliquée pour l'époque, mais là n'est pas le sujet...... 



La plume de Lafon est comme un pinceau. Sans entrer dans les détails elle esquisse à grands coups de pinceau , anachroniquement, une histoire d'un siècle en 176 Pages,

La mère, La Parisienne « efficace » jusqu'à la mort, qui apparaît, disparaît, n'élève pas son fils, fait mystère de tout,

La tante et l'oncle en province , qui «  font montre de dispositions ...magnanimes et généreuses à l'endroit d'une femme qui leur a littéralement fait un quatrième enfant dans le dos » ,

André, le plus beau cadeau de la Parisienne,

Et son fils Antoine qui bouclera l'histoire à Chanterelle, Cantal, Auvergne, France, là où elle a débuté, et d'où Marie-Hélène Lafon est originaire. Donc elle parle encore et toujours de son pays, de sa terre.

Lafon est un de mes auteurs français de prédilection avec Adam, Gallay, Ferney et Blondel, donc je ne peux que conseiller la lecture de son dernier livre pour qui aime son style et ses sujets.





“1962, 1984, 1998, une vie entière à flairer les traces du père, de loin ou de près , à Paris ou dans le Lot....”



Un grand merci aux Éditions Buchet-Castel et NetGalleyFrance pour l'envoie de ce livre.

#Histoiredufils#NetGalleyFrance











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Histoire du fils

Quel beau livre ! Quel grand petit livre !

C’est l’histoire d’un siècle, d’un long siècle, d’une goutte d’eau dans l’éternité, où des hommes et des femmes se rencontrent, se croisent, s’aiment, se rejettent, s’oublient ou disparaissent trop tôt au gré des hasards, des caprices et des destins.

Ces bouts de vies fragmentées, lancées comme on lance des dés, avec leur fil commun, parfois si fort, parfois si ténu, nous fait sentir d’une manière saisissante la flamboyance et l’orgueil de la jeunesse, les rêves qui s’effilochent petit à petit, les cris des enfants qui emplissent les maisons, le poids de la famille et l’inéluctabilité de la mort…

Ce livre nous parle de ce retour à la terre des anciens comme un besoin vital, et de ces paysages immuables admirés tant de fois et de manière si différente du grand-père au petit-fils…

Il fait parler ces marronniers vénérables à l’entrée de la maison familiale qui ont bien des choses à raconter si on prend la peine de les écouter.

Quelle galerie de personnages et de lieux sacrés… Léon le flamboyant et Gabrielle l’indépendante, la gaillarde incongrue ; le royaume de Chanterelle et le Cantal, pays perdu, pays perché ; le fantôme du jumeau et les guerres qui foudroient ; Léon le solide, le fidèle et l’infinie tendresse d’Hélène ; Armand le héros, si fier, si entreprenant, qui ne cessera jamais de courir après ce père absent tout auréolé de légendes et de secrets ; Antoine le dernier rejeton qui clôt cette longue histoire avant d’en entamer une autre, toute aussi hasardeuse, toute aussi balbutiante…

Phrases grises, phrases lumineuses, c’est raconté avec simplicité et rage, avec amour et tendresse… Elles coulent, elles palpitent, elles bouillonnent comme le sang dans le corps d’un homme.

N’allez pas le dire trop fort, mais je crois que je suis tombé amoureux de Marie-Hélène Lafon.



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Les Sources

Œuvre après œuvre, Marie-Hélène Lafon creuse son sillon et poursuit sa chronique d’une famille du Cantal, vallée de la Santoire. Avec un texte encore plus condensé et concis que les précédents, avec une économie de mots encore plus précise pour renforcer l’intensité d’une histoire au demeurant banale : une femme battue, humiliée, maltraitée par son mari, trois enfants encore jeunes, une décision à prendre, fuir le naufrage ou « tenir son rang ».



Trois voix, trois flux de conscience, trois temporalités, trois actes : 1967 la mère, 1974 le père, 2021 la fille du milieu en clausule.



Evidemment, la thématique des violences conjugales est un terrain périlleux qui peut sembler opportuniste en surfant sur la vague MeToo. Ce n’est absolument pas le cas tant on sent la sincérité de l’autrice. Jamais elle ne force les traits, jamais elle n’en fait des tonnes. Elle dissémine juste quelques informations parcellaires, restant sur le fil sans se vautrer dans l’exhibitionnisme pour dire le tragique que vit cette femme sans prénom, trop démolie pour en avoir un alors que tous les autres personnages en ont un, jusqu’aux animaux.



« Elle ne reconnait pas son corps que les trois enfants ont traversé ; elle ne sait pas ce qu’elle est devenue, elle est perdue dans les replis de son ventre couturé, haché par les cicatrices des trois césariennes. Ses bras, ses cuisses, ses mollets, et le reste. Saccagé ; son premier corps, le vrai, celui d’avant, est caché là-dedans, terré, tapi. Il dit, tu ressembles plus à rien. Il dit, tu pues, ça pue. Et il s’enfonce. »



Marie-Hélène Lafon est sans doute l’écrivain français actuel dont j’apprécie le plus l’écriture, sa précision grammaticale, l’exigence du vocabulaire, la justesse de sa ponctuation, le placement de ses verbes. Chaque mot est pesé, à sa place, forant progressivement à coup de roulis l’essence de ce qu’elle raconte. La fluidité de sa troisième personne du pluriel permet de s’adapter aux différents personnages tout en permettant une finesse d’analyse sans surplomb compassionnel de pitié. Ce livre est une aventure de la langue, une magnifique occasion de célébrer avec ferveur la langue française.



A la précision stylistique répond la précision temporelle. La mère parle depuis 1967, mai 68 et son vent de liberté ne sont pas encore advenus, encore moins dans les campagnes. Ses ruminations du premier acte forment un soliloque qui tranche avec le silence autour du drame qu’elle vit, son « orgueil » social qui la fait adhérer aux valeurs de son époque et être fière d’être propriétaire d’une ferme qui tourne au point de sa taire et subir. Lorsque le père a la parole, c’est en 1974, c’est le début du mandat de Valery Giscard d’Estaing qui voit en 1975 une loi instaurée le divorce avec consentement mutuel ( en plus de la loi Veil plus connue ). Il ne comprend rien à ce qu’il se joue et s’est joué dans son couple.



Quand le texte est si court, une centaine de pages petit format grosse police, la question se pose de savoir si l’auteur aurait pu aller plus loin et si cela aurait été mieux. Lorsque j’ai refermé le livre, j’étais un peu frustrée de la brièveté de la dernière partie centrée sur la fille, seulement quatre pages. J’avais envie d’en savoir plus, notamment sur le devenir de la mère.



J’ai lu une deuxième fois. Et non, finalement, il ne m’a pas manqué de pages. J’aime la douceur instantanée de ce dernier acte qui donne ampleur et perspective à la tension du premier et l’incompréhension du deuxième. J’aime les silences que Marie-Hélène Lafon ne cherche pas à combler, j’aime les béances du texte qui conservent ces mystères en remontant aux sources de Claire. A l’instar de cette surprenante citation en exergue ( Giono, Les Collines ) qui nous parle d’un sanglier qui « mord la source ».



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Les Sources

« …trois enfants, trois prénoms,trente-trois hectares, trente ans. »,

« Il dit , tu ressembles plus à rien. Il dit , tu pues, ça pue. Et il enfonce ».

«  Elle va avoir trente ans et sa vie est un saccage, elle le sait, elle est coincée , visée avec les trois enfants…. »,

Il , c’est l’animal, celui qui tourne autour d’elle et que malgré qu’il cogne et ses insultes, il faut qu’elle serve et laisse faire. Il , c’est le seul qui parle, le seul qui s’octroie le droit de parler et de la cogner. Elle, elle doit se taire par honte et convention sociale. Pourtant elle l’a su dès le début, quand il s’est déchaîné 15 jours après le mariage, elle s’est sauvée…elle n’aurait jamais dû revenir…..Nous sommes en 1967, dans un milieu rural, dans une ferme dans le Cantal, la région d’origine de l’écrivaine.Une de mes écrivaines françaises préférées , Lafon avec son dernier livre tape fort avec un sujet pourtant banal, la violence conjugale. Eh oui comme je me répète la forme est primordiale en littérature et le style de Lafon me plait à mourir. Avec une économie de mots tout est exprimé avec réflexions et émotions ou non émotions. En trois parties , cinq jours répartis sur trois années 1967, 1974, 2021, et trois narrateur en style indirecte, tout est dit en cent vingt pages. Aucune tendresse, amour encore moins, l’âpreté d’une liaison conjugale , d’une famille, des hommes, un frisson nous traverse tout le long de la lecture. On y entrevoie après mai 68, l’évolution de la femme au sein de la société et le triste compte rendu du déclin de l’activité agricole, qui signera aussi la fin d’une ère et d’un monde paysan attaché à sa terre qui disparaîtra à jamais . Quand à la source, les sources, l’oublie-t-on ? Les oublie-t-on ? C’est la dernière partie. J’aime beaucoup le style et les livres de Lafon, elle est vraiment unique avec ses sujets et ses personnages.

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Les Sources

Avec Les Sources, je retrouve Marie-Hélène Lafon dont je n’ai pas lu tous les livres… loin de là ! Pourtant, Les Pays, Joseph, Nos vies et Histoire du Fils, ces quatre romans parfaitement ciselés m’avaient convaincu du talent de cette autrice que j’avais eu la chance de rencontrer aux Correspondances de Manosque, en 2017, grâce à Dominique Sudre et à Lecteurs.com.

Avec Les Sources, me revoici plongé dans la vie quotidienne d’une ferme du Cantal, près de cette fameuse rivière, la Santoire, près de laquelle Marie-Hélène Lafon a grandi.

Dans cette ferme de trente-trois hectares pour vingt-sept vaches avec un tracteur, plus un vacher, un commis, une bonne et une voiture, vit un couple et ses trois enfants : Isabelle (7 ans), Claire (6 ans) et Gilles (4 ans). Les parents se sont mariés le 30 décembre 1959. Cela fait donc huit ans mais seulement quatre dans cette ferme achetée un peu loin de leur lieu d’origine. Elle est située à 1000 mètres d’altitude et le lait produit par les vaches permet de fabriquer un excellent Saint-Nectaire, un fromage qu’ « elle » n’aime pas.

Tout pourrait aller bien mais je sens assez vite un malaise. Celle que l’autrice appelle le plus souvent « Elle », n’est pas vraiment à l’aise. Si elle se félicite d’avoir le permis de conduire, je ressens qu’elle peine à suivre le rythme de cette ferme du bout du monde, située à 90 km de leur lieu d’origine, près d’Aurillac, à une heure et demie de voiture.

Après trois grossesses très rapprochées, elle a dû se faire ligaturer les trompes mais elle prend du poids, se trouve trop grosse. De plus, elle se sent dépassée par le travail et redoute son mari qui impose sa violence.

La lecture est fluide avec des réflexions, des remarques, des pensées glissées au travers du déroulé d’une journée. Avec ça, il faut connaître un peu cet homme qui a passé vingt-sept mois au Maroc pour son service militaire. À Casablanca, il était jardinier d’un colonel, son chauffeur occasionnel aussi et elle sait qu’il avait, là-bas, une femme.

Le dimanche 19 mai 1974, la famille se rend chez parents et beaux-parents. Elle a un bleu au mollet plus d’autres blessures cachées par ses vêtements. Il a commencé à la battre quinze jours après leur mariage. Elle s’est enfuie mais est revenue. Pourtant, ce dimanche d’élection présidentielle, elle prend une grande décision !

Ensuite, Marie-Hélène Lafon laisse s’exprimer le mari qui donne son point de vue et détaille surtout les années qui ont suivi sans oublier de se plaindre de cette femme, « un boulet », qui a eu le courage de le quitter.

Marie-Hélène Lafon maîtrise parfaitement son récit, ne noie pas son lecteur sous des détails, détails que j’aurais bien aimé connaître. Elle laisse des zones d’ombre, s’attache au devenir des trois enfants, à leurs études, à ce qui va advenir de la ferme. Le mari déplore de ne pas voir un de ses enfants prendre la suite comme cela est de plus en plus fréquent dans le monde rural.

Les Sources, ces sources où Claire (59 ans) aime revenir, près de cette Santoire récurrente dans l’œuvre de Marie-Hélène Lafon ; ces sources sont importantes bien qu’elle n’y ait vécu que cinq ans et demi. Les violences conjugales qui ont brisé cette famille sont bien présentes, sont bien réelles mais l’autrice, sans développer davantage, en dit suffisamment pour que chacun prenne conscience de leur gravité et de la lutte qu’il faut mener pour qu’elles cessent définitivement.




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Les Sources

En une centaine de pages, quatre dates et trois chapitres, Marie-Hélène Lafon interroge la condition féminine en racontant la vie quotidienne d'une femme victime de violences conjugales.

Nous sommes en 1967, le samedi 10 juin précisément, dans une ferme isolée située dans la vallée de la Santoire. Trois enfants, Isabelle, Claire Gilles respectivement âgés de 7, 5 et 3 ans y vivent avec leurs parents.

La famille pourrait avoir une bonne vie dans cette ferme de 33 hectares, comptant 27 vaches. Ils possèdent un tracteur, une voiture, emploient un vacher, un commis et une bonne, des choses que peu d'agriculteurs possèdent dans cette France rurale des années 1960.

C'est la vie de la mère de famille que Marie-Hélène Lafon va s'attacher à décrire, la vie de cette femme qui a été heureuse dans sa jeunesse auprès de ses parents agriculteurs et qui, depuis son mariage il va y avoir huit ans, subit les violences répétitives de son mari. Son corps brisé par les coups, abîmé par trois césariennes est saccagé, dévasté…

Tout se passe à huis-clos et par honte, elle tait et cache ce qu'elle subit. Seuls ceux qui travaillent pour eux et que le père paie savent, mais leur rang ne les autoriserait pas à parler.

Sa vie devient de plus en plus intenable mais quitter la ferme, divorcer est rarissime et quasi impensable à cette époque. Elle rumine, elle ressasse jusqu'à ce déjeuner dominical chez ses parents, ce dimanche 11 juin qui sera un jour de grande bascule.

La nécessité de sauver ses enfants pour qu'ils mpuissent vivre et exister hors la peur lui donne la force de s'ouvrir à sa mère, mère qui entendra ses propos.

« Elle dit que c'est fini, qu'elle ne remontera pas, plus jamais. »

Cessation de la violence et nous voilà au dimanche 19 mai 1974, jour de l'élection du président Valéry Giscard d'Estaing auprès du père qui dort seul depuis sept ans depuis ce 11 juin précisément juste après la guerre des six jours. Les dates il les a toutes dans la tête… Et il ressasse… ce qui le dérange c'est cette drôle d'époque qu'on vit depuis mai 1968, le monde chamboulé avec « les femmes qui veulent prendre la place des hommes »…

Un jour de souvenirs et de questions.

Le roman se termine le jeudi 28 octobre 2021 avec le retour de Claire à la ferme ou plutôt dans la cour de la ferme avant le rendez-vous chez le notaire pour la vente de la maison, « la dernière étape, la dernière démarche, la dernière formalité ». Un retour à l'une des sources…

Inspiré librement de l'histoire de sa propre famille, Les Sources de Marie-Hélène Lafon s'avère un magnifique roman sur la condition féminine dans les années précédant mai 1968, récit ancré à nouveau dans ce Cantal que l'autrice connaît si bien. Elle restitue au plus juste la France rurale de ces années-là. Une nature belle, âpre, odorante et tactile.

Sans aucun voyeurisme ni aucun pathos, avec son style sobre, économe et tellement ciselé, elle parvient à décrire la souffrance aussi bien morale que physique éprouvée par cette femme qui vit avec la peur de son époux chevillée au ventre et qui parviendra malgré tous les impacts que cela aura forcément sur sa vie à le quitter.

Les Sources de Marie-Hélène Lafon est un roman d'une extrême concision mais d'une grande puissance qui ne peut laisser insensible !
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Nos vies

J'ai été envouté par la petite musique de Marie-Hélène Lafon. Une petite musique qui m'a fait passer par bien des états, du rire à la tristesse, de l'espérance au dépit, m'a tourneboulé les sens, m'a rappelé mes longues traversées par temps clairs ou orageux… Car c'est de cela dont parle ce livre avec émotion, amour, et un poil d'ironie aussi : de nos vies. de l'inéluctabilité de nos vies ; de tous ces moments précieux qui les jalonnent et dont il ne faudrait jamais perdre une miette ; du temps long et de l'ennui mou ; du hasard et du destin ; du corps qui se fatigue ; des amis qui nous quittent ; des rires ébouriffants, des villes grises, des cafés du matin ; du père majuscule, indépassable, insubmersible, et des enfants qui s'éloignent ; de l'amour qui ensoleille et du chaud câlin muet ; des vieux en paix avec leurs fantômes familiers et des petits accommodements du quotidien…

La narratrice se nomme Jeanne. Elle est à la retraite désormais et vit seule. Elle a mené sa vie de main de maître, sans trop faire de concessions. En vivant au présent sans trop se préoccuper de l'avenir. Jeanne a quelques moments savoureux à se mettre sous la dent : son lumineux Karim, quelques amitiés inébranlables et de gros orages que, bravement, elle a su traverser.

Est-ce pour conjurer la solitude que Jeanne imagine la vie des autres, de ces silhouettes furtives, de ces inconnus qui passent, dans ce Franprix de la rue du Rendez-vous ? Qu'elle les flaire, les hume, les suit à la trace ? Qu'elle brode, enjolive, embellit, enguirlande la vie de Gordana, caissière au Franprix, à qui il a manqué une « étincelle pour être de la race de ceux qui foudroient » ? Qu'elle enrichit de multiples passés l'homme sombre qui, tous les vendredis, vient, ses courses à la main, mendier vainement le regard de Gordana ?

Jeanne raconte sa vie. Raconte celle des autres. Raconte nos vies. Un beau livre.

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Cézanne : Des toits rouges sur la mer bleue

Marie Hélène Lafon qui écrit sur Cézanne , j'ai pensé que vu son style , ce devrait être particulier. En effet ça l'est 😊 !



Lafon fait parler les tableaux de Cézanne , « Je suis plantée devant le Sous-bois, au Louvre, salle Mollien, et je suis dans le bois, sous les arbres, traversée de lumière pâle. L'air est tiède, c'est un matin d'été caressant et parfait. le vent bleu court dans les branches basses, le remuement des feuilles est tissé de pépiements d'oiseaux furtifs. Tout fait présence, le silence est habité, on arrête de marcher pour que cesse le vacarme des pas et du sang sous la peau. On sort de soi pour faire corps avec la merveille. »

Lafon épie la maman de Cézanne, Paul est le préféré de ses trois enfants.

Lafon s'immisce dans la tête et le coeur du père de Cézanne, ce marchand de chapeau devenu banquier fortuné qui aurait tant voulu que son fils poursuive sa propre carrière, mais se résignera même si c'est sur le tard à son choix de vie et même à son mariage incongru.

Lafon sympathise avec l'épouse Cézanne , qui a dû poser pour lui toute une vie « comme une pomme », comme il la lui imposait. Et le résultat est que sur les tableaux il y a la pomme non elle 😊, « elle y est sans y être », elle y est absente.

Lafon croque même son jardinier, Vallier, assis sous le tilleul des Lauves, absorbé dans ses pensées, alors que Cézanne vieillissant lutte contre le diabète…..



Lafon réussit avec 160 pages à nous rapprocher de ce peintre impressionniste dont le grand succès sera plutôt posthume, en arrivant à nous esquisser des fragments de son plus intime, ses tableaux et sa vie privée. Un exercice d'exploration et d'admiration réussi !



« On ne saisit pas Cézanne, on ne l'épuise pas, il résiste, on l'effleure, il glisse, il disparaît dans le sous-bois. On l'espère. On l'attend. »

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L'annonce

Il y a Annette, et sa vie tombée en mille morceaux dans une de ces petites villes hagardes du Nord d’où l’espoir et la fierté ont fui en même temps que les usines. Et son fils Éric, muré dans son silence, bout d’homme qui jette un regard étonné, sans concession sur ce monde des grands si violent, si méchant, si désespérément stupide et inconstant. Paul enfin, dans son Cantal profond, avec ses gestes immémoriaux, lents et mesurés de paysan qui se voit mourir de solitude, peu à peu, à tout petit feu.

Une petite annonce lancée comme une bouteille à la mer les réuniront malgré leurs mondes si éloignés, si dissemblables.

Que de courage et de renoncements il fallut à Annette et Éric pour déposer leurs maigres bagages chez Paul, dans cette vieille ferme pleine de présences aveugles.

Que de force d’âme, d’obstination, d’opiniâtreté, il fallut à Paul pour imposer ces deux intrus, ces deux horsains à une fratrie soupçonneuse et rassasiée de jours.

Pas de grande passion, pas de grand amour entre Annette et Paul, pas de grandes envolées lyriques, mais des tâtonnements, des pas prudents l’un vers l’autre, des caresses hâtivement données, mais cet acharnement muet à croire au bonheur malgré toutes les désillusions, malgré toutes les défaites, mais cette impérieuse nécessité de protéger le petit Éric des violents orages, de ne pas déjà ruiner toutes ses chances…

Marie-Hélène Lafon nous entraîne dans les méandres tortueux des vies bien ordinaires, des peurs, des espérances, des confidences et des petits mensonges. Elle nous parle de la vie de la ferme, de ses rites, de sa patiente et immuable régularité, de ces sentinelles épuisées d’un monde qui ressemble de plus en à une image d’Épinal… Elle raconte ces matins clairs et enchanteurs, ces diners en famille longs, parfois drôles, parfois périlleux, et ces nuits qui avalent les hommes et les choses. Elle sait décrire le sourire d’un chien, et la placidité heureuse des vaches.

Elle nous parle de la vie qui passe, inéluctablement…

On rit, on est triste, on est soulagé, on est pris aux tripes et au cœur… Marie-Hélène a ce don rare de nous ramener à l’essentiel, au primordial.









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Histoire du fils

Né à Paris en 1924, de père inconnu, André est confié par sa mère Gabrielle à sa famille du Cantal. Il est élevé par sa tante Hélène et le mari de cette dernière, au milieu de ses cousines, dans un foyer aimant que sa mère ne rejoint que le temps des vacances. Le mystère de sa naissance n’en creuse pas moins discrètement son trou noir dans la tête et le coeur d’André…





Comme autant de photographies aux teintes sépia, douze journées, évoquées dans le désordre, suffisent à Marie-Hélène Lafon pour dérouler un siècle. S'y inscrit l’histoire d’un homme, qui, dans l’affection d‘un foyer attaché à combler le vide d’un « père fantôme » et d’une « mère lointaine et intermittente », s’est construit à l’ombre d’un secret de famille, omniprésent mais toujours occulté dans une sorte de pudeur bienveillante. Une profonde mélancolie imprègne ce texte tourné vers le passé, celui de la reconstitution de toute une existence à partir de quelques bribes, dont l’évocation en pointillés permet peu à peu au lecteur d’en saisir le dessin d’ensemble, et surtout, d’y entrapercevoir les profondeurs cachées derrière les décennies de non-dits. Car peu est formulé mais tout se devine et se ressent, dans une narration qui, en relatant la surface visible des évènements avec la plus grande économie d’effets, parvient à faire prendre au lecteur toute la mesure des silences et des pudeurs, des blancs et des demi-teintes qui ont pavé la vie de trois générations.





Rien de spectaculaire dans ce récit de l’ordinaire, mais la restitution profonde et sensible, dans une langue limpide et précise, de la trajectoire de vies enfuies, bâties autour des drames du quotidien, dans un sillon de joies, de tendresse mais aussi de souffrances parfois invisibles, et dont la seule trace perdure dans quelques photographies, des dates dans un cimetière et l’émotion des vivants.


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Les Sources

« Il dort sur le banc. Elle ne bouge pas, son corps est vissé sur la chaise, les filles et Gilles sont dans la cour. Ils sont sortis aussitôt après avoir mangé, ils savent qu'il ne faut pas faire de bruit quand il dort sur le banc. »



Dès l'incipit, la tension s'installe de façon insidieuse et incontestable. Ce « Il » ouvrant le récit, bien qu'allongé paisiblement sur le banc, se dresse de toute sa hauteur, droit comme un if projetant une ombre menaçante sur les siens, les trois enfants et leur mère. Même ainsi, livré au sommeil, « Il » continue à faire régner la peur, sa domination est absolue. « Elle » n'ose pas bouger, vissée sur sa chaise, tandis que « les enfants » réfrénant leur envie de crier, de courir, de sauter, jouent prudemment, raisonnablement dans la cour. Eux n'ont pas l'air terrorisés, ils sont juste vigilants, attentifs à ne pas faire de bruit. C'est « elle » qui est terrifiée, paralysée par la peur, au point de ne plus pouvoir, de ne plus vouloir bouger. Voilà. le roman pourrait presque s'arrêter là, à l'issue de ces trois phrases. Tout est dit. Avec un minimum de mots et une pudeur bouleversante, Marie-Hélène Lafon nous donne à comprendre l'essentiel.



Le récit se déploie sur trois courtes périodes distantes entre elles de plusieurs années et décennies : une partition pour trois voix, celle de la mère, celle du père, enfin celle de la seconde fille, Claire. Chaque voix a une tonalité singulière, une musique bien à elle. Des phrases courtes, hachées pour la mère, des mots qui s'égarent et se perdent, témoignant de son hébétude, de sa difficulté à rester concentrée, à rassembler ses forces pour agir. Des phrases longues et tortueuses pour le père, des mots qui débordent de toutes parts, traduisant une énergie bouillonnante, une colère prête à s'enflammer au moindre prétexte qui le tient éveillé des nuits entières. le récit de Claire quant à lui, fragile pont jeté entre deux rives opposées, entre deux voix antagonistes et irréconciliables, tend vers le neutre, une neutralité apaisée et sans parti pris.



Nous sommes le samedi 10 juin 1967, il dort sur le banc et elle a peur. Entre nostalgie et regrets, elle égrène ses souvenirs tout en songeant aux multiples tâches qui l'attendent, débarrasser la table du déjeuner, ramasser la lessive, prendre un peu d'avance avant la grande toilette des enfants. Elle s'exhorte à se lever mais reste pétrifiée sur sa chaise, incapable de bouger, les jambes coupées, se contentant d'observer ses deux filles et son dernier-né, Gilles, qui jouent dans la cour.

« Son corps pèse. Elle attend. »

Mariée depuis huit ans, « une belle ferme, trente-trois hectares, une grande maison, vingt-sept vaches, un tracteur, un vacher, un commis, une bonne, une voiture, le permis de conduire », elle aurait de quoi être fière, pourtant. Elle pourrait avoir une belle et bonne vie dans cette ferme si seulement…

Pourquoi les choses sont-elles ce qu'elles sont? Pourquoi la peur au ventre tout le temps, la nuit comme le jour ? Pourquoi cet avachissement de tout son être? Pourquoi le silence, pourquoi la soumission ?

« Elle est séparée de la joie du printemps ; elle s'en souvient, ça n'est pas si loin, 1957, 1958, dix ans à peine, mais elle est comme fendue en deux. Ils se sont mariés un 30 décembre, et elle pense souvent qu'elle est entrée, en se mariant avec lui, dans une sorte d'hiver qui ne finira pas. »



À cette peur, à ces regrets, à cet hiver qui ne finissent pas, répondent en écho à sept années de distance la colère et le dégoût du père. Lui, il voit loin et il bosse dur, il se défonce pour sa ferme, pas sûr qu'il aime beaucoup le genre humain en général, mais il respecte les gars et les filles comme lui, les forts, les endurants, les pugnaces. Les maîtresses femmes comme sa tante Jeanne, comme sa belle-mère ou comme Suzanne, son premier — et devine-t-on, unique — amour, qui savent ce qu'elles veulent et qui savent où elles vont. Pas comme elle, une « molle », une « nulle en tout », « toujours à tournicoter dans la maison et dans la cour, à tout commencer sans rien finir, à peine capable de commander la bonne qu'il payait, lui, parce qu'elle ne pouvait pas se débrouiller seule. »

Mais comment, rumine-t-il sans fin, « comment il avait fait pour s'embarquer avec un boulet pareil. Elle le rendait dingue, avec ses yeux de chien, et il cognait, il cognait dans le tas, ça c'est sûr. »



Claire, la fille en second, clôt le récit quatre décennies plus tard. Elle s'est beaucoup interrogée par le passé, elle a retourné ces questions tant et plus, mais aujourd'hui, à cinquante-neuf ans, « elle ne cherche plus à comprendre ce que représente pour elle cette cour rectangulaire perdue au fond d'une vallée minuscule ».

Ses sources, ses racines sont là, elle le sait, elle l'accepte.



« Elle a posé sa main droite ouverte sur le lichen roux de la façade, elle va partir, elle se souviendra de tout. Elle ne ferme pas les yeux, la lumière est douce. »
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Histoire du fils

Je dois vous faire une confidence : mon plaisir de lectrice, découvrir un auteur qui est capable de me « cueillir » "foudroyer" par un style qui sort des sentiers battus. C’est pour moi un moment de pur bonheur comme celui ressenti, cette année passée, à la lecture de Claude Simon, Sebald, Klaus Mann. Et puis les mots, je suis une amoureuse des mots. Trouver le mot juste, celui qui donne toute sa puissance, toute sa lumière à l’expression de la pensée. J’ai terminé l’année en beauté avec Marie-Hélène LAFON.



Marie-Hélène Lafon écrit avec ses tripes, elle communique avec ses personnages et avec son lecteur qui ressent le texte avec une acuité accrue. Elle m’a éblouie par la richesse de son écriture, simple, concise, mais d’une efficacité redoutable. Ses mots sont comme des neurotransmetteurs, ils infusent tout le texte, ils dispensent la vie, la passion, la sensualité. Ils sont visuels, animés. Ils palpitent, ils vibrent, ils sont charnels, ils nous emprisonnent délicieusement dans le récit. Marie-Hélène Lafon, votre écriture est comme je les aime, à mille lieux de celles qui sont inodores et sans saveur. J’ai fini la lecture les larmes aux yeux.



L’auteure parle de nous, de vous, de moi, du temps qui passe, de la famille, de nos personnalités différentes, des secrets de famille et elle en fait un prix Renaudot largement mérité.



Il faut lire le passage où il est question de Paul, adolescent, qui découvre les filles, qui s’ennuie dans son lycée et voudrait plus d’intensité dans sa vie de tous les jours, loin de Chanterelle. Nous sommes en 1919 dans le Lot. L’Armistice est passé par là et il fait froid à l’étude pour explorer Virgile. Paul n’a plus aucun secret pour nous, on vibre avec lui, on rêve avec lui.

Le portrait de Gabrielle aussi interpelle, curieuse femme et curieuse mère qui se dissimule derrière l’indifférence et des dehors trompeurs.



Mais c’est André qui va agréger tous les personnages en un récit d’une grande humanité, autour du vide que crée un père inconnu pour un fils inconnu.



Nous sommes entre Aurillac, Figeac, Chanterelle, Paris pendant tout ce XXème siècle. C’est beau, cela sent la terre, on entre dans cette famille que l’on va suivre pendant cent ans. On suit les vivants, les morts, les fantômes, ils sont tous là, leur présence ne nous quitte pas, on fait partie de cette famille dont chaque portrait possède sa propre personnalité avec ses failles que l’auteure nous trace avec finesse, avec amour. L’auteure peut parfois perdre, bousculer son lecteur par le choix des chapitres qui ne suivent pas l’ordre chronologique et par l’emploi des prénoms qui peuvent parfois créer un peu de confusion ; personnellement, je n’ai absolument pas été gênée.



Je voulais remercier ici Valérie Lambert qui m’a incitée à lire Marie-Hélène Lafon ce qui m’a permis de terminer l’année Babelio en beauté. Je reprendrais l’expression de Valérie « par cette écriture qui trace des sillons comme un paysans du Cantal ».



Très bonne et heureuse année 2023 à tous en espérant que cette nouvelle année apportera la Paix dans cette Ukraine dévastée.

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Histoire du fils

Le fils, c'est André. L'enfant de Gabrielle et d'un père inconnu. Le quatrième enfant dans le dos, comme a dit son oncle, Léon. Car, même si l'enfant est de Gabrielle, il n'aura vu sa mère qu'en de rares occasions durant les premières années de sa vie. Elle aura préféré rejoindre Paris et le laisser à sa sœur, Hélène, et son beau-frère, Léon. Bien qu'épanoui, aimé, choyé, tendrement entouré de ses trois cousines, ce père, qu'il ne connait pas, prend une place de plus en plus importante au fil des ans...



D'avril 1908 à avril 2008, Marie-Hélène Lafon raconte trois générations auvergnates. Par le biais de dates-clés (un tragique accident, une rencontre, une révélation, un portrait ou simplement des instantanés de vie), elle tricote et détricote, sans chronologie, l'histoire de cette famille décomposée et recomposée. Au centre, André, fils de Gabrielle et de père inconnu. Autour de lui, ses ascendants et descendants, ses oncle et tante et autres cousines. Mais ce sont bien les personnages féminins, puissants et omniprésents, qui sont le socle de ce roman. À partir de courts chapitres qui s'emboîtent, l'auteure tisse une saga romanesque d'une puissance et d'une originalité incroyables et se joue des destins de chacun. Sa plume, concise, brute, tellurique, profonde, dépeint parfaitement les émotions et les sentiments.

Un roman certes court mais intense, presque vertigineux...
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Histoire du fils

Le roman commence en avril 1908 et se termine en avril 2008, soit cent ans plus tard et c'est par le récit de douze journées non chronologiques que Marie-Hélène Lafon nous conte la vie de ce fils André, né en 1924, de père inconnu. Sa mère Gabrielle ne l'a pas élevé mais l'a confié à sa soeur Hélène et son mari Léon qui l'aimeront comme leur propre fils. Ce n'est que lorsque André épousera Juliette que Gabrielle révélera à cette dernière l'identité de ce père.

Cette fresque familiale ancrée au coeur du Cantal traverse deux guerres. Elle est comme autant de morceaux qui reconstitueraient la généalogie de cette famille, avec tous ses silences et ses secrets.

Ce qui m'a marquée c'est la différence de caractère entre ces deux soeurs que sont Hélène et Gabrielle et l'opposé de ce que fut leur vie. Opposition également entre ce foyer aimant composé de Hélène et Léon et ce couple formé par Gabrielle et Paul. J'ai été frappée également par la capacité d'André, ce garçon laissé aux bons soins de sa tante par sa mère, à s'adapter à cette situation.

Se posera plus tard pour lui la question de savoir de qui il est vraiment le fils. L'est-il de son père biologique absent et de sa mère qui l'a en quelque sorte abandonné aux bons soins de sa frangine ou de ce père et cette mère d'adoption qui l'ont élevé dans un cocon de tendresse comme leur propre enfant ? Que dire également de ces non-dits familiaux, comment le manque pourra-t-il être comblé, combien de temps faudra-t-il pour cela ? Quelle est également la capacité de résilience de chacun ? En tout cas, beaucoup de questionnements tout au long de ce livre.

Difficile, en lisant Histoire du Fils, Prix Renaudot 2020, de ne pas être hanté par la scène inaugurale magnifique avec ses senteurs et ses couleurs mais dont le dénouement dramatique aura des répercussions sur plusieurs générations et permettra peut-être en partie d'expliquer certain comportement.

C'est un récit sur la filiation très intéressant que nous livre Marie-Hélène Lafon, avec de très belles descriptions de personnages et de paysages.

Néanmoins, j'ai été quelque peu gênée dans ma lecture par le fait qu'il n'y ait pas de suite temporelle. J'aurais préféré un récit linéaire sans rupture dans la chronologie.
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Joseph

Le Cantal : ses fermes, ses vaches, ses petits bals, et puis Joseph.

Joseph : sa mère, son frère, ses patrons, le fils d'un de ses patrons, Sylvie, son travail d'ouvrier agricole, et puis ses souvenirs.

Car il est près de la soixantaine, Joseph, et il se souvient. Ou du moins, NOUS plongeons en apnée dans ses souvenirs.

Et il en faut, du souffle ! Pas pour supporter l'histoire, qui est une petite histoire bien banale mais pourtant unique : le frère jumeau qui s'en va à la ville, se marie et ne revient plus, la mère qui s'en va rejoindre le frère jumeau pour aider, la copine qui s'en va avec un autre, et Joseph qui s'en va en cure pour son alcoolisme puis qui revient, puis qui s'en va de ferme en ferme, au gré des patrons et du travail...

Le souffle, il en faut vraiment pour lire le style en continu, ce flot de souvenirs quasi sans chapitres, ces pages sans paragraphes, ces paragraphes sans ponctuation commune.

Ce jet continu de morceaux d'une vie qui s'imbriquent l'un dans l'autre, qui appellent d'autres morceaux d'autres vies, m'a forcée à une attention sans faille.

Si vous acceptez de perdre le contrôle, Joseph vous prendra par la main et vous emmènera boire un verre au café du coin, passer devant chez la Simone en lui faisant un petit coucou, lire le journal laissé par la patronne, nettoyer l'étable et puis vous laissera, simplement, pour se reposer enfin et essayer d'être heureux.



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