Avec Les Sources, je retrouve Marie-Hélène Lafon dont je n’ai pas lu tous les livres… loin de là ! Pourtant, Les Pays, Joseph, Nos vies et Histoire du Fils, ces quatre romans parfaitement ciselés m’avaient convaincu du talent de cette autrice que j’avais eu la chance de rencontrer aux Correspondances de Manosque, en 2017, grâce à Dominique Sudre et à Lecteurs.com.
Avec Les Sources, me revoici plongé dans la vie quotidienne d’une ferme du Cantal, près de cette fameuse rivière, la Santoire, près de laquelle Marie-Hélène Lafon a grandi.
Dans cette ferme de trente-trois hectares pour vingt-sept vaches avec un tracteur, plus un vacher, un commis, une bonne et une voiture, vit un couple et ses trois enfants : Isabelle (7 ans), Claire (6 ans) et Gilles (4 ans). Les parents se sont mariés le 30 décembre 1959. Cela fait donc huit ans mais seulement quatre dans cette ferme achetée un peu loin de leur lieu d’origine. Elle est située à 1000 mètres d’altitude et le lait produit par les vaches permet de fabriquer un excellent Saint-Nectaire, un fromage qu’ « elle » n’aime pas.
Tout pourrait aller bien mais je sens assez vite un malaise. Celle que l’autrice appelle le plus souvent « Elle », n’est pas vraiment à l’aise. Si elle se félicite d’avoir le permis de conduire, je ressens qu’elle peine à suivre le rythme de cette ferme du bout du monde, située à 90 km de leur lieu d’origine, près d’Aurillac, à une heure et demie de voiture.
Après trois grossesses très rapprochées, elle a dû se faire ligaturer les trompes mais elle prend du poids, se trouve trop grosse. De plus, elle se sent dépassée par le travail et redoute son mari qui impose sa violence.
La lecture est fluide avec des réflexions, des remarques, des pensées glissées au travers du déroulé d’une journée. Avec ça, il faut connaître un peu cet homme qui a passé vingt-sept mois au Maroc pour son service militaire. À Casablanca, il était jardinier d’un colonel, son chauffeur occasionnel aussi et elle sait qu’il avait, là-bas, une femme.
Le dimanche 19 mai 1974, la famille se rend chez parents et beaux-parents. Elle a un bleu au mollet plus d’autres blessures cachées par ses vêtements. Il a commencé à la battre quinze jours après leur mariage. Elle s’est enfuie mais est revenue. Pourtant, ce dimanche d’élection présidentielle, elle prend une grande décision !
Ensuite, Marie-Hélène Lafon laisse s’exprimer le mari qui donne son point de vue et détaille surtout les années qui ont suivi sans oublier de se plaindre de cette femme, « un boulet », qui a eu le courage de le quitter.
Marie-Hélène Lafon maîtrise parfaitement son récit, ne noie pas son lecteur sous des détails, détails que j’aurais bien aimé connaître. Elle laisse des zones d’ombre, s’attache au devenir des trois enfants, à leurs études, à ce qui va advenir de la ferme. Le mari déplore de ne pas voir un de ses enfants prendre la suite comme cela est de plus en plus fréquent dans le monde rural.
Les Sources, ces sources où Claire (59 ans) aime revenir, près de cette Santoire récurrente dans l’œuvre de Marie-Hélène Lafon ; ces sources sont importantes bien qu’elle n’y ait vécu que cinq ans et demi. Les violences conjugales qui ont brisé cette famille sont bien présentes, sont bien réelles mais l’autrice, sans développer davantage, en dit suffisamment pour que chacun prenne conscience de leur gravité et de la lutte qu’il faut mener pour qu’elles cessent définitivement.
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