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Critiques de Naguib Mahfouz (309)
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Impasse des deux palais

C’est une grande œuvre que cette Trilogie du Caire, et le premier tome, Impasse des deux palais, donne le ton. Ça faisait un certain temps déjà que je me promettais cette œuvre importante, fruit du travail du prix Nobel Naguib Mahfouz (premier et seul écrivian arabe à avoir reçu cette distinction jusqu’à maintenant). Je ne m’attendais pas à une œuvre aussi magistrale. Anecdote : quand je suis allé à la bibliothèque l’emprunter, j’ai reculé d’un ou deux pas en constatant l’épaisseur du bouquin, à laquelle je ne m’attendais pas du tout.



Impasse des deux palais donne d’abord l’impression d’être une intrigue familiale, une simple saga, mais non ! Ça ressemble beaucoup plus à un grand roman social. Les comparaisons entre l’auteur et Zola ou Hugo ont toute lieu d’être. Les descriptions (autant celles des individus, de leurs vêtements et demeures, des lieux, du contexte socio-historique, etc) sont minutieuses, précieuses et surtout utiles. Exit les longs passages ennuyeux !. Tout au long de ma lecture, je m’imaginais me promener dans les rues du Caire, suivant les pas des personnages. Ici, une ruelle, par-là une place à l’ombre de ce qui était autrefois un palais, là-bas les rues animées de marchands qui crient et encombrées de suarès (wagons tirés par des ânes, ancêtres du tramway), etc. Lors d’une réception, on servit du moughat et du konafa. À cela s’ajoute précision historique. On peut aussi croisier ou faire référence aux poèmes de Sharif Radi qu’à Adbou al-Hammuli et Muhammad Othmân, ministres membres de la délégation envoyée à Londres, à Dahane, un marchand de kebab renommé, qu’à Mohamed Abdou, grand réformateur musulman. Les notes en bas de page étaient d’un secours grandement apprécié. Pourtant, malgré tous les termes arabes qui m’étaient inconnus pour la plupart, jamais je n’ai senti de lourdeur ni de longueur.



Le roman s’ouvre avec Amina, qui se promène seule dans sa grande maison puis qui observe la ville, à travers le moucharabieh. Il lui serait impensable d’oser sortir le nez à l’extérieur ! Prisonnière dans sa propre maison (quoique, en bonne épouse musulmane, obéissante à son mari, elle ne se considère pas comme prisonnière), elle se remémore sa jeunesse, son mariage, sa vie de famille et ses enfants, sa relation avec son mari autoritaire, voire tyrannique, Ahmed Abd el-Gawwad. Puis viennent les enfants : Yasine, né d’un premier maraige du père, jeune vingtaine, qui commence à découvrir le monde, les femmes (incluant la belle luthiste, les prostituées et même les servantes…), Khadiga au long nez et la belle Aïsha, Fahmi, aux convictions nationalistes, et l’écolier Kamal, comique et influençable. À cette famille viendra s’ajouter une galerie de personnages comme les employés, les voisins, la famille élargie, les futurs gendres et brues, etc. Tous, avec leur agenda distinct, permettant de lever le voile sur différentes facettes de la soiété cairote-égyptienne-musulmane.



Naguid Mahfouz, c’est du grand art. Sa façon de narrer l’histoire permet au lecteur de s’immiscer dans la tête de chacun des protagonistes, d’avoir accès à ses pensées les plus profonde, permettant ainsi de comprendre les situations du point de vue de chacun. C’est précieux, parce qu’il est tellement facile de juger quand on aborde un problème sous un seul angle… L’auteur jète un regard sans pareil sur la société égyptienne du début du siècle dernier : les rôles et responsabilités du mari et de la femme, les mariages, les célébrations… ainsi que les visites chez les prostituées où l’on boit de l’alcool… Plusieurs ont dû critiquer sévèrement cette œuvre à cause son contenu licencieux qu’ils auraient préféré ignorer. Dans tous les cas, cet enchainement d’événements de la vie quotidienne peut laisser croire qu’il s’agit d’un livre où il ne se passe rien. En effet, les actions sont assez rares. Elles commencent à se resserrer dans la dernière partie, alors que l’occupation anglaise affecte de façon directe les relations entre les personnages.



Et c’est tout le génie de Mahfouz : présenter LeCaire et l’Égypte à un moment charnière, permettant d’insérer son histoire dans la grande Histoire. Le roman commence alors que la Première Guerre mondiale fait rage. Le pays n’en vit pas les conséquences directes, le front est loin, surtout en Europe. Le seul désagrément est la présence des troupes anglaises et australiennes sur le territoire. Un irritant, rien de plus. Mais, une fois la guerre finie, c’est toute autre chose. Alors qu’on se presse à accorder l’indépendance aux nations européennes qui étaient soumises, le reste du monde doit continuer à subir le joug occidental et l’Égypte n’y fait pas exception : l’Angleterre proclame unilatéralement le protectorat. Les manifestations se multiplient alors que les troupes anglaises prennent peur et répondent par les armes. C’est sur cette période troublée – et une note tragique – que se clot magistralement le premier tome de cette Trilogie du Caire. À suivre…
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Rêves de convalescence



Les nuits cairotes de Naguib Mahfouz



“Pour quelle raison n'apparaît-elle donc pas dans mes rêves ? Pourquoi ne l'a-t-elle pas fait au moins une fois, une seule, depuis qu'elle s'en est allée ? Je veux m'assurer, oui, qu'elle a bien existé”. Ce livre paru à la fin de la vie du Prix Nobel de Littérature Egyptien n’en est pas vraiment un… C’est un recueil de textes publiés dans une revue égyptienne pour laquelle Mahfouz s’astreint à noter ses rêves de la nuit passée et à les mettre en forme littéraire.



“Je n’ai plus qu’une envie, une seule : me retrouver chez moi.” Le lecteur découvre alors les thèmes qui hantent ou à tous le moins qui habitent les nuits de l’écrivain, entre cauchemars, sensualités et angoisses politiques. Mais aussi la façon, universelle, dont le surnaturel, le fantastique et l’incohérent modèlent nos phases de sommeil paradoxal… et, en la matière, nous ne sommes pas à un paradoxe près !



“Le moi qui rêve est un moi distrait” Henri Bergson. En effet, des détails incongrus du quotidien, des souvenirs falsifiés font le terreau d’une illusion plastique et mouvante où les visages changent, les identités se succèdent, les objets disparaissent, les lieux se dérobent sous nos paupières dans la plus grande banalité, sans que cela ne paraissent nous choquer durant notre rêve… ce n’est qu’au réveil qu’une amertume, mélange de soulagement et de regret, nous enveloppe à mesure que nous regagnons l’étroitesse du réel…



"Il se fait comme ça, entre les rêves et la conscience éveillée, des échanges mal définis: une sorte d'osmose, peut-être, on ne reconnaît pas que cette pensée vient encore du sommeil... elle a traversé la membrane..." Louis Aragon.



Les rêves et les nuits sont aussi une purge des angoisses de la journée, on se réveille comme on vient au monde, vierge et inconscient des problèmes du monde, un peu comme le ressentait Roland Barthes : « parfois, m’endormant sur un souci, dans la primeur du réveil il a disparu : minute blanche, miraculeusement privée de sens, mais le souci fond sur moi, comme un rapace, et je me retrouve tout entier, comme j’étais hier. »



Bien sûr, nous n’aurons pas la signification des rêves de Naguib Mahfouz, ces quelques cinquante-cinq songes nous sont livrés brut, sur une à trois pages chacun. Les rêves trahissent des angoisses existentielles, des pulsions sensuelles, des combats intérieurs, une plénitude originelle ou encore réparent les accidents de la vie, le membre amputé repousse à l’ombre de la nuit, que ce soit un membre du corps humain ou de la famille, perdu à jamais, voilà encore un rôle de ces “souvenirs-fantômes” pour citer Bergson à nouveau.



“A-t-il existé

le rêve que j’ai perdu

un peu avant l’aube ?”

Jorge Luis Borgès



Il ne tient désormais qu’à vous de prendre un crayon et un petit carnet et de noter quotidiennement avec émotion et précision les réminiscences de cette vie souterraine qu’on appelle les rêves, matériau de choix pour la littérature.



Qu’en pensez-vous ?
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Akhénaton le renégat

Comme beaucoup je pense, je me suis intéressé plus jeune aux pharaons. Une religion polythéiste avec des dieux à tête de chacal, de chat ou de faucon, ça a plutôt tendance à parler à la jeunesse. Et des guerriers menés par un roi aux costumes chatoyants aussi. du coup j'avais découvert plus tard l'histoire de Ramses dans les livres de Christian Jacq, pas de la grande littérature mais une belle découverte d'aventures passionnantes. Et puis j'ai petit à petit laissé l'Egypte et les pharaons disparaître de mon horizon. C'est avec plaisir que je me vois donc incité à lire le Nobel égyptien Naguib Mahfouz et son Akhenaton, que je savais bien être autre chose qu'un chanteur de l'école du micro d'argent. Une belle occasion de replonger dans mes amours d'enfance égyptienne, en compagnie cette fois d'un auteur à la plume reconnue.





Je n'avais en revanche pas conscience qu'il fut lui en rébellion contre ce même polythéisme qui m'avait tant tenté dans sa civilisation, d'où le renégat du titre. J'avais une vague notion de l'existence d'un dieu Amon et d'un Aton mais sans bien comprendre la différence, ni qu'ils avaient postulé au poste du Dieux des dieux de ce panthéon. J'avais plus connaissance de Râ, dieu soleil (équivalent d'Amon si je ne me trompe pas) en lien avec le pharaon Ramsès.





Mahfouz choisit un angle de narration original et intéressant pour son histoire, celui d'une sorte d'enquête journalistique et historique auprès des témoins ayant connu Akhénaton de son vivant. Malgré les répétitions inévitables, il parvient à nous happer dans ces témoignages successifs. Il en ressort une belle réflexion sur L Histoire, fusion de l'ensemble de ces récits qui se retrouvent sur la trame globale mais sont si différents dans leurs analyses des évènements et des personnages. On comprend à quel point chacune des personnes interrogées cherche plus à se dédouaner, à expliquer son rôle dans l'histoire, qu'à décrire les faits de façon neutre. Il nous reste un patchwork dont il est difficile de ressortir une vérité, si chère au pharaon Akhenaton.





Au delà de l'Histoire, c'est bien évidemment à la religion que Mahfouz s'intéresse également. Régulièrement critiqué et menacé pour certaines de ses réflexions sur l'Islam, l'auteur ne pouvait se priver de parler du sujet indirectement ici, sans risquer de foudres puisqu'évoquant un passé d'où la religion majoritaire égyptienne était encore absente. Je n'ai pu m'empêcher de voir dans l'histoire d'Akhénaton des ressemblances avec celle de Mahomet, l'exil dans la cité d'Akhetaton pouvant être comparé à l'Hégire à Médine. Mais aussi des ressemblances avec le Jésus chrétien, dans cette louange d'un Dieu d'amour qui refuse toute violence, je m'attendais presque à ce que le pharaon tende la joue gauche. Ces similitudes sont finalement celles que L Histoire elle-même donne, étonnant donc encore par sa faculté de répétition. Mais les passages sur le rôle obscur des prêtres d'Amon, bien décidés à conserver leur pouvoir ancestral face au nouveau culte d'Aton, font penser aux critiques adressés aux Eglises, aux imams, dont les prêches néfastes viennent manipuler les masses. Mais évidemment toute ressemblance ne serait que fortuite.





Le sujet est donc diablement (hi hi) intéressant, l'originalité de l'angle totalement adaptée. le style de l'auteur que l'on sent poindre dans les descriptions très vivantes de la pourtant morte capitale abandonnée d'Akhetaton, est souvent contraint par le format des différents entretiens menés par le narrateur avec les proches du pharaon. L'envie est donc maintenant grande d'aller se confronter plus longuement avec ce style du seul Nobel arabe en allant fureter par exemple vers sa renommée Trilogie du Caire et son premier tome Impasse des deux palais.



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Matin de roses

Comme la quatrième de couverture l’indique, les trois nouvelles du recueil Matin de roses pourraient constituer une version abrégée de la fameuse Trilogie du Caire. Trois narrateurs racontent les bouleversements (tant positifs que négatifs) qui ont touché leur quartier d’al-Abbasseyya, en plein milieu du Caire. D’un côté les négociants qui se sont enrichis, de l’autre les fonctionnaires ou les pauvres qui ont la prospérité leur passer sous le nez. Sans oublier ceux qui essaient de tirer leur épingle du jeu, de crier aux chanceux leur colère ou tenter de les voler. C’est en quelque sorte une lutte des classes. Que ce soit l’Entre-deux-guerre pendant laquelle s’y sont installé des commerçants venus d’ailleurs, la Seconde guerre mondiale, la révolution et l’Indépendance ou bien les politiques de Sadate, certains en profitent et d’autres en sont victimes. Cet aspect sociologique ou historique m’a plu. Je salue le travail de l’auteur Naguib Mahfouz qui, malgré des sujets complexes et présentés de manière concentrée, il a réussi à rendre son histoire compréhensible.



Toutefois, si je saisissais plutôt bien les enjeux en présence, je me sentais un peu perdu dans les histoires des multiples personnages de ces fresques. Dans chacune des trois nouvelles, un narrateur raconte les hauts et les bas de plusieurs familles aux nombreux enfants. Et cela sur une période d’une trentaine d’années. Ça en fait des individus à suivre, trop mêmes ! Ainsi, quand certains revenaient, je les confondais avec d’autres. Tellement qu’à un point j’ai arrêté de m’en faire (il était hors de question que je me constitue un index des personnages mais je tenais à continuer parce que le sujet m’intéressait). Je me suis contenté de lire et de m’imaginer que tous les individus n’en formaient qu’un seul, le peuple égyptien et qu’on voyait décliner son destin à travers celui des membres désormais sans nom de sa communauté…
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Karnak Café

Je ne sais pas trop quoi penser de ce roman. Ca ne ressemble pas aux nouvelles de Mahfouz que j'avais pu lire auparavant, et qui, si elles concernaient l'histoire contemporaine de l'Égypte, racontaient l'évolution de sa société par petites touches. Ici, Mahfouz s'est attaqué à dénoncer les dérives de la révolution de 1952, et plus précisément les atrocités commises par la police politique de Nasser, et il a choisi une narration plus frontale que dans Matin de roses, par exemple.





En 1966 (d'après mes calculs), une ancienne danseuse très populaire tient le Karnak Café, où se retrouvent des habitués de tous âges, dont trois étudiants. Le narrateur, un homme qu'on imagine de l'âge de Naguib Mahfouz (disons la cinquantaine), fréquente ce café et nous raconte une petite partie de son histoire, qui se concentre sur quelques mois, jusqu'à la fin de la guerre des Six-Jours. Les habitués du Karnak Café vont voir les trois étudiants mentionnés plus haut disparaître et réapparaître - ou pas - plusieurs fois après avoir été arrêtés et relâchés - ou pas - par la police politique. Le narrateur donne la parole à la patronne du café puis aux deux étudiants survivants (vu qu'ils ne sont plus que ça, des survivants, après leur passage en prison).





On pourrait dire que c'est l'histoire d'une génération qui a grandi avec la révolution, en a épousé l'idéologie et en a payé le prix fort. Ou on pourrait dire - ce qui me paraît plus juste - que c'est la constatation d'un échec, d'une impasse de laquelle la société égyptienne ne sait pas comment sortir.





Il m'a semblé que Mahfouz s'était demandé comment parler des tortures et autres violences subies par ses personnages sans que le roman ne vire complètement dans le glauque. D'où, peut-être, ce sentiment que les conversations rapportées du narrateur avec les trois personnages principaux avaient quelque chose d'un peu artificiel. Et surtout, le choix de faire intervenir un dernier personnage sur la fin me laisse songeuse. Je n'ai pas très bien compris que ça apportait au roman. Sans compter une conclusion bien optimiste après la description de l'horreur de la prison et des questionnements qui agitent sans relâche les habitués du Karnak Café.





Ca reste un témoignage assez poignant sur ce moment de l'histoire contemporaine de l'Égypte, que personnellement - je m'en rends compte davantage à chaque fois que je lis Mahfouz - je connaissais très mal avant de découvrir cet auteur.
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Karnak Café

Ce livre est à la fois un cri contre la dictature qu'était devenue l'Égypte de 1967 et une lamentation, le deuil des espoirs nés de la révolution de 1952 (*).



Illustré par une petite société de quelques personnages emblématiques, dont les histoires sont suivies par un narrateur qui reste moins engagé.



On voit ainsi comment la fougue et les idéaux de la jeunesse sont brisés par une répression aveugle. Entraînant malheur pour leurs proches et désillusion pour les autres personnages plus âgés.



Par une histoire très courte et apparemment très simple, il tape au coeur d'émotions fondamentales : l'amour, le pouvoir, l'avidité, le reniement, l'incommunicabilité.



La position du narrateur et la progression de l'intrigue par des dialogues rendent le récit extrêmement efficace. Ni développements psychologiques barbants, ni pathos exagéré.





C'est le premier Mahfouz que je lis qui allie son écriture simple et lumineuse (celle que je croyais réservée à ses ouvrages se déroulant dans un contexte historique ancien) à la chronique et critique de la société égyptienne contemporaine (dans des romans que je trouve habituellement plus lourd à lire).

J'adore.



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(*) Étonnant qu'il ait pu paraître en 1974 et être adapté au cinéma en 1975 dans l'Égypte d'Anouar El Sadate qui, s'il a fait basculer le pays de la sphère soviétique à l'influence américaine, était resté un héritier du régime nassérien. Il faut croire qu'il y a eu une relative libéralisation de la parole à cette époque, peut-être parce que la répression s'y recentrait sur les seuls islamistes.
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Karnak Café

Je suis arrive a la conclusion qu'il faut avoir une grande PAL. C'est signe d'un certain optimisme. Et si la Grande Faucheuse vient visiter on peut toujours lui proposer et lui preter un livre depaysant et demoniaque qui l'entretiendra pour un certain temps. Je connais beaucoup de gens qui se sont laisses prendre a une lecture conseillee. Pourquoi pas elle?



Tout ca c'etait pour dire que j'ai mis Naguib Mahfouz dans ma PAL. Comme a mon (a ma mauvaise?) habitude j'ai commence par quelque chose de court et pas tres contraignant, histoire de voir s'il m'appate vraiement, le café karnak.



Ce livre ne m'a pas enthousiasme. Ce n'est pas a mon avis de la grande literature. C'est nonobstant une preuve de courage. Courage civique et politique. Mahfouz y denonce les derives du regime (socialiste?) Nasserien, fruit de la revolution, en fait du coup d'etat militaire de 1952. Mahfouz a ecrit ca fin des annees 60 et le livre a ete publie en Egypte dans les premieres 70. le regime a eu le temps d'assoir son pouvoir et de s'y complaire, jusqu'a justifier (comme partout ailleurs?) des moyens coercitifs (c'est un mot tendre) par une fin personnelle affichee comme ideologique.



Mahfouz nous entraine dans un café du Caire, tenu par une ancienne danseuse encore bien de sa personne. Pas un grand café. Mais un cafe par ou passe l'amitie, l'amour, la vie, la moralite, la societe et l'histoire d'un pays en temps de changements, de crise. Peu de clients, mais assidus, aiment s'y retrouver. Quelques vieux qui jouent au tric-trac en sirotant un narguile, quelques soupirants, amoureux de la tenanciere, un petit groupe de jeunes etudiants. Et Mahfouz ou son alter ego, qui sert a nous transmettre les pensees et les confessions de ces habitués. Pour les vieux, le passé, du temps des anglais et du roi Farouk, n'etait pas si mauvais que ca. Les jeunes, eux, s'affirment des "enfants de la revolution". Quand ceux-ci disparaissent pour des periodes plus ou moins longues, on commence a entrevoir le dur visage de cette revolution. L'inquietude, la peur, prennent place au café. On apprendra plus tard qu'accuses a tort et sans raison de faire partie de cellules contre-revolutionnaires ou d'accointances avec les "frères musulmans", ils ont ete arretes, emprisonnes, tortures. Un d'eux y trouvera la mort, assassine en torture.



L'auteur ne juge pas ses personnages ni leurs dires ni leurs actions. En fin de livre il donne la parole a un des sbires, peut-etre repenti, qui a lui meme ete en fin de compte arrete et emprisonne, et qui developpe une vision de la societe legerement fataliste. En fait chaque personnage developpe sa propre vision, ce qui donne quelque chose de caleidoscopique. Mais cette oeuvre reste un acte d'accusation clair et fort. Mahfouz n'en a pas pati. Il etait deja la figure qui dominait le paysage litteraire egyptien. Encense par tous, il etait pratiquement intouchable. Ce seront justement les Freres Musulmans qui le poursuivront plus tard, forcant le regime (ce sera deja l'ere Moubarak) a lui coller des gardes du corps.



Tout ca dit, j'ai pris ce livre en mains en tant qu'oeuvre litteraire, comme un roman et pas comme un ouvrage d'histoire ou de sociologie. de ce point de vue je n'ai pas ete transporte. Legere deception. Il faudra que je m'attaque a sa trilogie du Caire, qui de l'avis de tous est d'une autre qualite. Trois etoiles quand meme.

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Son excellence

Une drôle d’histoire que ce court roman du lauréat du Nobel de littérature 1988.



Il raconte la vie d’un Égyptien qui devient fonctionnaire et qui vise le poste de « Son excellence », le poste de directeur général. L’homme est doué, il travaille fort et n’hésite pas à sacrifier ses amours et ses loisirs pour atteindre son but qui semble une véritable quête mystique. Il ne lui répugne pas non plus de flatter ses supérieurs ou de leur rendre des services personnels.



On ne sait si on doit en rire ou le prendre en pitié, s’il s’agit de caricature ou de satire sociale. Ne connaissant pas bien le pays, j’ai comme une impression d’un humour « d’initiés », d’un contexte étranger dont je n’apprécie pas toute la subtilité.



Une lecture facile, un texte plein de réflexions sur le travail et le sens de la vie, mais une philosophie parfois un peu tordue, à prendre à contre-pied.

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Akhénaton le renégat

C’est la troisième oeuvre de Mahfouz que je lis et je commence à reconnaître son style : un roman choral, où l’auteur donne sa parole à plusieurs personnages. Oui, dans bien des cas, ça donne des résultats concluants. Mais, dans d’autres cas, un peu moins. Akhénaton le Renégat fait part de ceux-ci, selon moi. Je n’ai pas détesté mais je n’ai pas compris l’utilité de toutes ces voix qui apportaient peu au roman.



Vers -1300, le jeune Méri Moun est fasciné par toutes ces histoires concernant le règne troublé d’Akhénaton et de son épouse Néfertiti. Même si ces histoires datent de quelques années, il ressent le besoin de faire ressortir la vérité de tout ça. Alors, avec l’aide de son grand-père, un ancien haut fonctionnaire du royaume d’Égypte, il interroge un bon nombre de personnes qui ont connu le couple royal. Parmi ceux-ci, on retrouve le général Horemheb, le conseiller et beau-père Aÿ, le grand-prêtre d’Amon, le sculpteur Bek, le vizir Toutou, la princesse du Mittani Tadoukhépa… et même la veuve Néfertiti elle-même, recluse dans son palais.



Elle est bien belle et impressionnante, cette galerie de personnages (certains historiques, d’autres fictifs), mais à quoi sert-elle ? La plupart d’entre eux ressassent les mêmes histoires, parfois avec un point de vue légèrement différent, voire un certain parti pris. Les premières fois, ça va, mais, après trois, bof… Alors imaginez après douze ! Et que dire de ce témoignange tant attendu de Néfertiti ? Elle raconte deux ou trois anecdotes de jeunesse mais elle essaie surtout de se justifier, comme si elle était devant un jury et qu’elle tentait de convaincre de son innocence.



De plus, non seulement ils racontent avec étroitesse leur version histoire, mais ils le font d’une manière superficielle. Je ne peux pas dire avoir appris beaucoup sur Akhénaton. Je savais déjà qu’il était faible, efféminé (probablement dû à une tare génétique) et qu’il semble avoir été influencé par sa mère à adopter le culte du disque solaire. Cette philosophie a été une des trois seules expériences majeures du monothéisme dans l’Antiquité, un événement important. Le roman en parle beaucoup mais ne le développe pas. Quels étaient les rituels, la hiérarchie chez les pratiquants, la vision du monde ? Je ne saurais quoi répondre.



L’auteur lui-même a-t-il écrit son roman de manière superficielle ? Il reste très vague sur les menaces à la frontière et les troubles intérieurs. Je veux bien croire que le passage du polythéisme et du culte d’Amon à celui d’Aton ait pu bouleverser les structures et la société mais ça n’a pas été bien rendu. J’ai aussi de la difficulté à croire que l’élite n’y ait pas plus réagi. Non, plus j’y pense, plus je suis déçu par Akhénaton le Renégat. Mais bon, sans doute quelqu’un qui ne connait pas très bien l’histoire de l’Égypte ancienne y trouvera son compte.
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Le voyage d'Ibn Fattouma

Cette jolie fable me laisse un tantinet perplexe. C’est d'une part limpide et brillant ; d'autre part un peu plat, comme s’il y manquait la magie que Mahfouz infuse habituellement dans ses romans historiques ou intemporels (c’est-à-dire ceux qui ne décrivent pas la société égyptienne contemporaine).



Le propos est pourtant attirant : un hommage au grand Ibn Battuta servant de prétexte à un survol des grands types de sociétés humaines. Le tout servi par un attachant protagoniste narrateur.



Et pourtant, il y manque un brin du merveilleux qui fait le charme d'autres de ses romans. Peut-être parce qu’il y a des références ou critiques trop explicites qui gâtent le propos en le ramenant vers le monde réel.



Voilà. Je fais un peu mon difficile mais ça reste un enchantement à lire, d’autant que c’est trop court pour que l’on risque de s’y ennuyer une seconde.
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Matin de roses

J'ai trouvé en Matin de roses ce qui m'avait manqué dans le voyageur à la mallette : à la fois l'histoire d'individus, d'une société, sur fond de panorama historique de l'Egypte moderne.





Recueil de nouvelles, Matin de roses prend une forme un peu inhabituelle. La première nouvelle, centrée sur une femme, Oumm Ahmad, constitue une sorte de prologue à la suivante. En effet, Oumm Ahmad est celle qui persuadera la famille du narrateur de quitter leur vieux quartier du Caire pour aller habiter la rue al-Abbasseyya, très en vue. Et c'est autour de cette rue que vont évoluer les familles et les très nombreux personnages de la seconde nouvelle, construite en une suite d'histoire familiales, chacun des chapitres prenant le nom de la famille alors concernée. On passe ainsi d'une maison à la maison voisine, d'une famille à la famille voisine.





C'est toute un pan de l'histoire de l'Egypte moderne qui est tracée, de l'indépendance à Sadate. Si la véritable misère n'est que rarement évoquée, étant donné que le narrateur vit dans un quartier aisé - plus ou moins selon la géographie de la rue al-Abbasseyya et les années qui passent -, on est confronté à toute une société qui va subir de profondes mutations. Heureusement que j'avais révisé pour le voyageur à la mallette, car il est tout de même nécessaire de savoir, par exemple, ce que que sont le wafd ou l'Infitah pour ne pas se sentir perdu.





On suit donc des personnages qui vont épouser ou pas certaines convictions (nationalistes, indépendantistes, etc.), qui leur profiteront ou pas, ou qui en profiteront pour en pâtir plus tard ; d'autres sauront louvoyer et toujours sortir leur épingle du jeu politique, quand d'autres, assurés de faire partie d'une élite, ne verront rien venir. À travers ces histoires familiales d'individus de la grande, moyenne ou petite bourgeoisie, ou de familles d'artisans, par petite touches, c'est l'implacable Roue de la Fortune qui se dessine.





Le recueil se termine par l'histoire d'un homme qui n' a plus rien à voir avec ces familles, et qui ressasse ses souvenirs et son amertume, accusant le destin de lui avoir toujours été défavorable. Mais, contrairement au personnage de Quand la fortune vient... (nouvelle issue d'un autre recueil), la conclusion de cette vie qui semble inutile prendra un nouveau tournant.





On retrouve ici tout ce qui fait la marque des nouvelles de Mahfouz et qu'on aime en général à retrouver : observation minutieuse de la société cairote, sensibilité, sobriété, et nostalgie.


Lien : https://musardises-en-depit-..
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Impasse des deux palais

Envie d'immersion totale, envie de lenteur, envie d'ailleurs?



Ce pavé est pour vous, même si l'épaisseur et la lenteur vous font peur car la focale de lecture, c'est une formidable saga familiale peuplée de personnages qui sortent des pages tant ils sont vivants, leurs traits dominants et leur psychologie fouillés à l'extrême, et la puissance de leurs interactions créent une tension palpable tant la pression sociale et culturelle pèse de tout son poids sur leurs destinées.



C'est une gageure de la part de Naguib Mahfouz de captiver son lecteur (en lui demandant certes un peu d'efforts) dans une intrigue qui quitte à peine les quatre murs de la maisonnée du terrible patriarche Ahmed Abd El Gawwad et qui se cantonne quasiment aux seules affaires familiales - pour les femmes tout du moins, prisonnières de leur logis et de leur isolement, tandis que frères et père cherchent à l'extérieur les dérivatifs au pesant climat de la maison.

Or à travers cette famille c'est tout un condensé de la société égyptienne traditionnelle dans laquelle nous sommes plongés : autour du père dual , tyran domestique à l'intérieur et commerçant avenant et jouisseur à l'extérieur, Amina son épouse a organisé sa cosmogonie et accepté son sort entre les murs de la maisonnée qu'elle n'a pas quitté depuis quarante ans, pendant que ses filles attendent dans l'ombre les maris qui leur seront choisis, et que les frères, quant à eux, poussent chacun comme les branches opposées de l'arbre familial : Yasine vers la paresse et la luxure, Kamal vers la modernité qui poind dans la douleur d'une société en train de secouer son joug.



Cela m'a pris un peu de temps à entrer dans ce livre, mais une fois ferrée l'attachement a été puissant à cette famille qui épouse l'histoire de l'Egypte au lendemain de la première guerre mondiale. A tel point que lire la suite de cette saga magistrale s'impose comme une évidence.
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Le Vieux Quartier

Le Vieux quartier est un recueil qui n'a pas été agencé au départ par Naguib Mahfouz, mais qui constitue un choix de nouvelles de l'éditeur français, L'aube, quatre nouvelles tirées du Bistrot du chat noir, L'Organisation secrète et L'Ultime décision, sans que je sache bien si ces recueils ont eux-mêmes été agencés par Mahfouz. Bref, faisons avec ce que nous avons en main, et dont nous ne nous plaindrons pas trop, finalement. Quatre nouvelles donc, Le vieux quartier, Quand la fortune vient..., Les scarabées et Le retour. Entre parenthèses, y'a pas de sommaire - au alors une page a disparu -, ce qui est très énervant.





Des nouvelles qui sont imprégnées d'un très fort sentiment du temps qui passe. Les personnages principaux de ces nouvelles auront affaire avec la mémoire, l'immobilisme, le besoin d'agir lors d'un événement qui semble s'éterniser et sur lequel ils n'ont aucune prise, ou encore le regret d'une jeunesse à jamais enfuie.





Quand la fortune vient... et Le retour sont d'une veine réaliste, mais empreintes d'une ironie mordante. Dans l'une, un homme a passé sa vie à attendre qu'une loi traditionnelle qui a perdu tout sens vienne à être abolie, afin de récupérer un terrain qui lui appartient mais auquel il ne peut toucher. À trop attendre, il passera à côté de sa vie. De même, Le personnage du Retour, ancien caïd de son quartier, en comprend pas les changements qui se sont opérés pendant qu'il était en prison. Il lui faudra en passer par une abnégation qui lui était jusque-là inconnue.





Le vieux quartier et Les scarabées sont à la limite du fantastique. Invasion de scarabées dans une ville où chacun perd la tête, s'agite en tout sens, asperge les maisons et les rues de litres et de litres d'insecticides sans succès, et ne possédant plus aucun repère. Je me suis demandé si la nouvelle Comment m'est venue ma philosophie de la vie de Yin Lichuan (sur une invasion de cafards), n'avait pas été inspiré des Scarabées... Quant au Vieux quartier, visité par un vieil homme qui a vécu là enfant, la nouvelle nous plonge dans un voyage temporel, où la nostalgie du passé le rend d'autant plus inatteignable.





Récits du quotidien écrits dans un style qui, s'il se veut sobre, n'en est pas moins très travaillé - on notera les changements des modes de narration dans la nouvelle Le vieux quartier - et éveille, dans ces évocations du temps inexorable, de l'immobilité, de l'agitation inutile, un sentiment nostalgique dans l'esprit des lecteurs autant que dans celui des personnages. Avec cette sensation que le temps, auquel on n'échappe pas, a transformé une société que les personnages ne semblent plus être capables de reconnaître.







Challenge Nobel
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Les fils de la médina

Dans cette période toute particulière, il me fallait partir dans un grand voyage, autant géographiquement, que spirituellement. Car oui j'ose le mot spiritualité...... cette œuvre respire l'invitation à la réflexion sur l'Homme....L'homme dans sa plus grande noblesse d'âme comme ces plus terribles aliénations.... le pouvoir, l'argent ....

Un récit d'exception dans ces temps incertains vraiment particulier. c'est bon, envoûtant, nécessaire !



Un voyage inouï au cœur d'un quartier sans pareil dans cette ville du Caire. Comme dans un conte, tout commence par Il était une fois... Les cent première pages de ce roman nous raconte la genèse de la naissance du quartier la Gamaliyya. Avant il n'y avait rien qu'un grand désert, le désert du Muqattam et au milieu se trouvait la Grande Maison construite par celui qui est nommé le patriarche Gabalawi : " Il est à l'origine de notre quartier et notre quartier est l'origine du Caire, la Mère des cités. " Ce dernier avait cinq fils, Idris, Abbas, Ridwan, Gabil et Adham et souhaitait abandonner l'administration du waaf à un d'eux. C'est à cet instant que tout commence, quand celui qui aurait dû être choisi n'est pas celui-là, mais un autre. Qu'à la place d'Idris, le fils ainé, c'est Adham qui va diriger le waff. " Nous, nous sommes les fils d'une hanem, d'une dame de haute naissance, jeta-til. Alors que lui, sa mère n'est qu'une esclave noire....." La haine naissante va créer des ravages irréversibles.



Tout au long de ce récit passionnant, au fils du temps, des époques, des protagonistes au nombre de quatre, vont de cet instant essayer vainement d'améliorer les conditions de ce quartier, décidément très particulier. Chacun d'eux vont incarner à leur tour, la force, la charité, les dynamiques d'une morale communautaire et enfin la recherche alchimique. Des destinés racontés magistralement !



Ce récit est considéré comme un chef d’œuvre de la littérature arabe contemporaine, " une transposition de l'histoire sainte dans la chronique familière des hommes."





Naguib Mahfouz, né au Caire en 1911 a reçu le Prix Nobel de littérature en 1988.



Bien à vous amis Babeliots !



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La Belle du Caire

La Belle du Caire est un autre roman social de Naguib Mahfouz. Il n'a peut-être pas la même envergure que d'autres de ses oeuvres mais le résultat est le même. On y présente une jeunesse estudiantine un peu désoeuvrée, qui achève son parcours universitaire mais seuls quelques privilégiés peuvent espérer trouver un emploi bien rémunéré. Et cela, pas sans contacts ou, à tout le moins, sans argent. Mais comment «acheter» une position sans emploi. C'est un cercle vicieux. Ainsi, cette société égyptienne de la première moitié du XXe siècle est corrompue et, si on se fie à l'histoire récente récente, elle l'est restée un bon moment. Dans tous les cas, l'auteur a bien su la reconstituer à travers une multitude de petits détails.



Mais, dans La Belle du Caire, cette société corrompue ne sert que d'arrière-plan. Ce qui importe, ce sont les étudiants. Certains sont plus chanceux que d'autres, plus riches, plus brillants, en couple. Ce n'est pas le cas de Mahgoub Abd el-Dayim, qui envie ses camarades. À travers ce jeune homme, aux parents malades et sans soutien financier, on se rend compte que la jeunesse est partout pareille : elle recherche l'amour, un emploi, l'aisance financière, le succès, une position dans le monde. Et, pour y arriver, Mahgoub doit accepter un marché scrupuleux. Tout le long du roman, je pouvais comprendre ce jeune homme mais, malheureusement, il ne me paraissait pas sympathique alors je n'ai pas suivi ses aventures avec autant d'intérêt que je l'aurais espéré. N'empêche, j'ai quand même apprécié cette lecture.
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Le jardin du passé

La Trilogie du Caire tire à sa fin. Les aventures relatées dans Le jardin du passé se déroulent une dizaine d’années après celles du tome précédent. Le patriarche Ahmed Abd el-Gawwad se fait de plus en plus vieux, la maladie le retient à la maison bien souvent. Il lui est impossible de rester tard chez ses amis (ou même chez les prostituées) comme c’était son habitude. Son épouse Amina n’est plus que l’ombre d’elle-même. Pareillement pour leur fille cadette Aïsha, qui a perdu son mari et ses deux fils. Elle ne vit plus que pour sa fille Naïma, qu’on veut marier à son neveu malgré leur jeune âge. Le reste de la famille se porte plutôt bien. Khadiga est fidèle à elle-même et s’occupe de ses deux fils avec amour. Yasine a réussi – enfin ! – à se ranger et à mener une vie de famille plutôt rangée. Il continue ses virées dans les bars et chez les prostituées à l’occasion mais ça semble sous contrôle. Quant à Kamal, eh bien, il enseigne et écrit des articles (à saveur politique) publiés dans des revues. Son travail l’absorbe et c’est pour le mieux, car il se désespère toujours d’amour pour une femme qu’il ne pourra jamais posséder. Tranquillement, la deuxième génération cède sa place à la troisième.



Le jardin du passé est un ouvrage porte bien son titre. Les personnages ne sont plus très entreprenants. Ils vivent dans le passé. Ils rêvassent, se rappellent le frère Fahmi et les autres disparus. Aussi, ils se rappellent une autre époque, où la vie était plus simple, bien ordonnée, peut-être aussi joyeuse. Surtout, ils se rappellent ce qui était et ce qui aurait pu être. D’autant qu’il ne se passe plus grand chose au niveau familial. Tout le monde est casé (ou presque), la génération suivante est encore un peu jeune. Tout se prête à la réminescence.



À cette époque, vers la fin des années 1930, l’Égypte est théoriquement un état souverain mais les Anglais continuent à y exercer une énorme influence. Le roi et ses ministres ne s’entendent pas, la consitution n’est pas toujours respectées, les élections semblent truquées. Bref, la démocratie est bafouée et les libertés, autant. Puis la Deuxième guerre mondiale éclate. On pense à l’Allemagne (pas tant par sympathie pour les nazis que par antipathie des Anglais). Mais, dans tous les cas, la menace de Rommel est écartée et l’ombre britannique se jette à nouveau sur LeCaire. La situation politique du pays est beaucoup plus abordée dans ce tome que dans le précédent. Il faut dire que Kamal n’est plus seul, ses neveux Ridwane, Abd el-Monem et Ahmed s’intéressent à la chose, son travail au journal aidant, les possibilités d’échanges sont plus nombreuses.



Le grand auteur Naguib Mahfouz continue à faire des merveilles. J’admire l’attention qu’il porte aux détails, aux précisions, tant celles qui portent sur l’Égypte et son histoire que sur le quotidien des gens. Surtout, l’attention qu’il porte à ses personnages. Il les respecte, ne les oblige pas à faire des actions que des êtres de chair et de sang avec les mêmes caractéristiques auraient accomplies. Toutefois, il s’essouffle un peu. J’ai l’impression que tout déboule, les événements se passent et sont racontés à la vitesse de l’éclair. Surtout à partir du milieu. Ça sent la fin. En lisant ce dernier tome, je ne peux m’empêcher de faire le parralèlle avec Les Buddenbrook, de Thomas Mann. Cette famille sur le déclin, la nostalgie, plus on avance dans le temps, plus les derniers personnages sont expédiés rapidement… Il faut apprendre à dire Adieu ! C’est sans doute ce qui produit une belle finale.
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Akhénaton le renégat

L'histoire est une fable écrite par les vainqueurs, et dans l'Egypte ancienne, peinte sur les murs des temples pour glorifier la grandeur du pharaon régnant, que viendra effacer son successeur pour lui substituer la sienne. Ainsi à travers les âges les figures les plus mythiques se créent et se brouillent, à l'image du plus solaire et du plus atypique des pharaons : l'étrange Akhenaton, et sa somptueuse épouse Nefertiti.

Pour cerner ce mythe et se rapprocher de sa vérité, Naguib Mahfouz choisit de mener l'enquête en se coulant dans le personnage du jeune Méri Moun, qui quelques vingt ans après la mort mystérieuse du grand roi s'en va interroger les principaux protagonistes de cette scandaleuse page d'histoire: grand prêtre d'Amon, chef des armées, précepteur, et jusqu'à Néfertiti elle-même recluse dans son palais, chacun donne sa vision de l'histoire et son regard sur Akhénaton : Messie visionnaire ou fou exalté? Danger pour l'empire ou sauveur? Prophète suprahumain ou faible désaxé?

Les avis sont tranchés, toujours est-il que ressort de ce portrait fragmenté un personnage unique, lumineux, possédé par sa foi, et d'une beauté troublante.

Un vrai régal que ce récit sur lequel souffle la brise du Nil et dardent les rayons de Ra.



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Karnak Café

J’ai eu plus de mal à franchir le seuil du Karnak café que de pénétrer dans l’immeuble Yacoubian (Alaa El Aswany) bien que ces deux sites ont été, par la force de ces écrivains, les creusets de la vie sociale, économique et politique de l’Egypte post-révolutionnaire.



L’hospitalité égyptienne légendaire n’en est pas la cause, plutôt la teneur du propos axé principalement sur la politique et la répression du récent régime socialiste Nassérien.



Au travers d’une ancienne gloire de la danse toujours séduisante, propriétaire du Karnak café, Naguib Mahfouz nous entraîne dans les tourments des habitués de l’établissement allant des vieux amoureux transis de la Qurunfala aux jeunes étudiants « enfants de la révolution ».



L’atmosphère s’assombrit et devient dramatique lorsque ce microcosme est chamboulé par les multiples arrestations des universitaires.

S’ensuivent questions et supplices qui contraignent à la délation et à la corruption.

Certains se feront indicateurs pour éviter à d’autres, par amour ou amitié, d’atroces tortures.



Cette critique acerbe sur le régime en place est ma première découverte de cet écrivain, prix Nobel de littérature. Je m’attendais à une écriture plus prenante, plus attachante.

Est-ce dû au sujet aride et sévère qui défend toute fantaisie, toute poésie?



J’imagine que ce roman ne doit pas être une œuvre majeure de Mahfouz, sûrement écrit pour dénoncer les déficiences d’un régime balbutiant qui devait avoir peur de lui-même.



Extrait :

- Le véritable ennemi des Arabes ce sont les Arabes eux-mêmes.

- Leurs dirigeants, tu veux dire ?

- Ou plutôt, leurs gouvernements !

- Tout repose sur l’union des peuples arabes et leurs efforts conjugués.

- Il faut tout reprendre de l’intérieur, c’est la seule issue.

- Parfait ! Revenons à la religion ! la religion, c’est tout !

- Revenons plutôt au communisme.

- Non ! A la démocratie.

- Pour que les Arabes ne soient plus sous tutelle.

- Liberté ! Liberté !

- Revenons au socialisme.

- Commençons par la guerre, les réformes suivront.

- Non, commençons par les réformes. Les solutions viendront d’elles-mêmes.

- Les deux doivent aller de pair…Et ainsi de suite…A l’infini.



Infiniment édifiant.

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Le palais du désir

Cinq années. Cinq années se sont passées après les événements relatés dans le tome précédent de cette Trilogie du Caire. Maintenant, malgré la mort du jeune et prometteur Fahmi, la famille Abd el-Gawwad s'est agrandie un peu : les soeurs Khadiga et Aïsha sont mariées et mères d'un ribambelle d'enfants. Mais on les voit peu, elles demeurent chez leurs maris. On se concentre sur les autres membres de la famille. le patriarche Ahmed commence à se faire un peu vieux, il n'est plus la figure imposante, autoritaire d'autrefois. Encore un peu, oui, mais pour des garçons de seize et vingt-huit ans… Parlons d'eux : Yasine continue à faire la fête, à se saouler et à chercher la compagnie des femmes. Un autre mariage raté le pousse dans les bras d'une prostituée, au grand dam de son père. Quant à Kamal, il est en pleine réflexion, il songe à sa future carrière. Il est intéressé par les lettres et l'enseignement mais aussi par la politique. Suivra-t-il le chemin tracé par son frère ? Et cette pauvre Amina qui se dépérit à vue d'oeil. Et avec eux, on retrouve quelques amsi et connaissances. Et toujours cette fabuleuse cité du Caire, avec ses ruelles étroites et ses impasses, ses demeures avec des jardins intérieurs, ses échoppes, ses maisons closes, ses places publiques où manifestent l'élite intellectuelle et la jeunesse égyptienne.



En d'autres mots, ce deuxième tome de la trilogie, le palais du désir, dresse un portrait intimiste de la désormais fameuse famille Abd el-Gawwad. Tout tourne autour d'elle. Les mariages, les relations entre les membres de la famille, les enfants et les petits-enfants. Bien sur, ils ne vivent pas en vase clos, quelques événements historiques qui ont eu lieu au milieu des années 1920 ont été abordés, effleurés. Il y est question de la fin du protectorat britannique, des changements de gouvernements en Égypte (entre autre, la déconfiture du parti Wafd), mais autant qu'on aurait pu l'espérer. C'est un peu comme si la famille écoutait ces grands événements à la radio, d'une oreille distraite, sans vraiment se sentir concernés. Pourquoi réfléchir à ces grands enjeux quand on peut rejoindre les amis au café ou organiser un mariage ? Un peu décevant…



Dans tous les cas, le lecteur est tout de même ravi de retrouver la famille Abd el-Gawwad. Et la plume du grand auteur Naguib Mahfouz y est pour beaucoup. J'ai écrit en long et en large sur son style dans ma critique du tome précédent de cette trilogie, je ne me répéterai pas ici. Réalisme, attention aux détails, rigueur historique, etc. Ce que je peux ajouter, c'est que les personnages sont extrêment bien travaillés. On en sait peu mais suffisamment sur leurs caractéristisques physique, toutefois, leurs caractéristiques psychologiques et sociales, ainsi que leurs valeurs morales sont décrits avec soin, tellement qu'ils ont l'air réel. Ils sont complets. Et leur évolution psychologique est toute aussi intéressante. Tous les personnages principaux sont lancés sur une voie de laquelle il leur est difficile de s'en éloigner. Parfois, ils en deviennent un peu prévisibles (comme quand Yasine continue à autodétruire ses relations maritales) mais l'auteur s'arrange toujours pour nous réserver des surprises. Par exemple, à la fin du tome, je m'attendais à la mort d'un des personnages – question de finir sur une note dramatique, comme dans le tome précédent – eh bien, celui que je m'attendais à voir disparaître n'est pas celui qui est mort. Bref, une belle incursion dans l'intimité d'une famille égyptienne.
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Miramar

Alexandrie, Égypte. Début des années 50. Il y a eu la Révolution, qui devait changer en profondeur la société ainsi qu’apporter égalité et prospérité pour tous. Puis il y a la réalité, très différente. Le prix Nobel égyptien Naguib Mahfouz a essayé de capter comment ses compatriotes ont vécu ce moment charnière. Et en ont été déçus. Chacun avec son point de vue. Je ne connais pas beaucoup cette période mais il me semble que l’auteur ait bien réussi. En tous cas, son roman choral Miramar m’a été une lecture agréable et instructive à la fois.



Amer Wagdi était autrefois un intellectuel lu et respecté, il est aujourd’hui un octogénaire presque oublié. Il est désabusé et n’est pas surpris que la Révolution n’ait pas livrée ses promesses. Il retourne à la pension Miramar après plusieurs années d’éloignement. Madame Marianne, la patronne, l’acceuille à bras ouverts. Très vite, elle accueille de nouveaux pensionnaires. Hosni Allam est un homme riche. Il a quitté son patelin et espère se faire un nom dans les affaires mais il semble plus intéressé à courir les femmes (sans grand succès) et à rouler à grande vitesse avec sa nouvelle voiture dans les rues de la ville. Mansur Bahi est un jeune animateur de radio en amour avec la femme d’un de ses amis emprisonnés. Enfin, Sarhan Al Biheiri est un ambitieux, sans situation, coureur de jupons, faisant des promesses un peu à la légère et les brisant trop facilement. Surtout, il croit en la Révolution et espère faire fortune rapidement. Pour y arriver, il se laisse entrainer dans des histoires louches.



Le roman Miramar est divisé en quatre partie, chacune présentant la même histoire mais sous la narration de chacun des personnges mentionnés plus haut : Amer Wagdi, Hosni Allam, Mansur Bahi et Sahran Bahi. Avec eux, mais un peu délaissé, il y a l’ex-prisonnier politique repenti Tolba Marzuq et la belle Zohra, la domestique qui a fui un mariage imposé et qui cherche à s’émanciper. Je trouve un peu dommage que l’auteur n’ait pas donné leur voix (surtout Zohra, au cœur du dénouement de l’intrigue) mais tant pis.



J’ai aimé bien comment les péripéties de chacun s’entremêlent et font avancer l’histoire. En effet, ces différents points de vue ajoutent chacun une pièce au puzzle qui se dévoile lentement. Il est intéressant de savoir ce que chacun pense des autres pensionnaires, comment leurs actions ont des conséquences chez les autres. Aussi comment ils vivent les mêmes événements. Par exemple, la fameuse soirée de la retransmission à la télévision du récital d’Oum Kalthoum, pendant laquelle chacun étudie, épie son voisin. Surtout, ces points de vue permettent de se faire une tête des conséquences de la Révolution égyptienne, de saisir tous ses enjeux – ou plusieurs, en tous cas. Pour ajouter au réalisme de son histoire, Naguib Mahfouz a inséré quantité d’informations, de détails (lieux, artères et boites de nuits à la mode, mouvements politiques et personnages historiques importants, etc.) mais qui n’alourdissent pas le roman, et je me suis beaucoup instruit en les cherchant sur Internet par la suite.



Finalement, Miramar est un bouquin d’une lecture plutôt facile. Peut-être un peu trop. Outre l’écriture, d’un niveau très abordable, l’intrigue est assez simple : à la fin, on se rend compte que ce portrait de la société égyptienne se termine en une histoire d’amourette un peu légère. Mais bon, c’est toujours plaisant de retrouver Alexandrie, la Méditerranée, une autre époque…
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