Le Vieux quartier est un recueil qui n'a pas été agencé au départ par
Naguib Mahfouz, mais qui constitue un choix de nouvelles de l'éditeur français, L'aube, quatre nouvelles tirées du Bistrot du chat noir, L'Organisation secrète et L'Ultime décision, sans que je sache bien si ces recueils ont eux-mêmes été agencés par Mahfouz. Bref, faisons avec ce que nous avons en main, et dont nous ne nous plaindrons pas trop, finalement. Quatre nouvelles donc,
le vieux quartier, Quand la fortune vient..., Les scarabées et le retour. Entre parenthèses, y'a pas de sommaire - au alors une page a disparu -, ce qui est très énervant.
Des nouvelles qui sont imprégnées d'un très fort sentiment du temps qui passe. Les personnages principaux de ces nouvelles auront affaire avec la mémoire, l'immobilisme, le besoin d'agir lors d'un événement qui semble s'éterniser et sur lequel ils n'ont aucune prise, ou encore le regret d'une jeunesse à jamais enfuie.
Quand la fortune vient... et le retour sont d'une veine réaliste, mais empreintes d'une ironie mordante. Dans l'une, un homme a passé sa vie à attendre qu'une loi traditionnelle qui a perdu tout sens vienne à être abolie, afin de récupérer un terrain qui lui appartient mais auquel il ne peut toucher. À trop attendre, il passera à côté de sa vie. de même, le personnage du Retour, ancien caïd de son quartier, en comprend pas les changements qui se sont opérés pendant qu'il était en prison. Il lui faudra en passer par une abnégation qui lui était jusque-là inconnue.
Le vieux quartier et Les scarabées sont à la limite du fantastique. Invasion de scarabées dans une ville où chacun perd la tête, s'agite en tout sens, asperge les maisons et les rues de litres et de litres d'insecticides sans succès, et ne possédant plus aucun repère. Je me suis demandé si la nouvelle
Comment m'est venue ma philosophie de la vie de
Yin Lichuan (sur une invasion de cafards), n'avait pas été inspiré des Scarabées... Quant au Vieux quartier, visité par un vieil homme qui a vécu là enfant, la nouvelle nous plonge dans un voyage temporel, où la nostalgie du passé le rend d'autant plus inatteignable.
Récits du quotidien écrits dans un style qui, s'il se veut sobre, n'en est pas moins très travaillé - on notera les changements des modes de narration dans la nouvelle
le vieux quartier - et éveille, dans ces évocations du temps inexorable, de l'immobilité, de l'agitation inutile, un sentiment nostalgique dans l'esprit des lecteurs autant que dans celui des personnages. Avec cette sensation que le temps, auquel on n'échappe pas, a transformé une société que les personnages ne semblent plus être capables de reconnaître.
Challenge Nobel