AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

France Meyer (Traducteur)
EAN : 9782742795161
128 pages
Actes Sud (03/11/2010)
3.54/5   118 notes
Résumé :

Le Caire, vers le milieu des années 1960. Au café Al-Karnak que gère une ancienne danseuse, le narrateur fait connaissance avec trois étudiants, Hilmi, Ismaïl et Zaynab. Le premier est l'amant de la gérante, et les deux autres, amis d'enfance, s'aiment tendrement. Tous les trois se considèrent comme des enfants de la révolution de 1952 et défendent ardemment ses principes et ses réalisations. Mais un jour ... >Voir plus
Que lire après Karnak CaféVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (29) Voir plus Ajouter une critique
3,54

sur 118 notes
5
8 avis
4
9 avis
3
7 avis
2
3 avis
1
0 avis
Je ne sais pas trop quoi penser de ce roman. Ca ne ressemble pas aux nouvelles de Mahfouz que j'avais pu lire auparavant, et qui, si elles concernaient l'histoire contemporaine de l'Égypte, racontaient l'évolution de sa société par petites touches. Ici, Mahfouz s'est attaqué à dénoncer les dérives de la révolution de 1952, et plus précisément les atrocités commises par la police politique de Nasser, et il a choisi une narration plus frontale que dans Matin de roses, par exemple.


En 1966 (d'après mes calculs), une ancienne danseuse très populaire tient le Karnak Café, où se retrouvent des habitués de tous âges, dont trois étudiants. le narrateur, un homme qu'on imagine de l'âge de Naguib Mahfouz (disons la cinquantaine), fréquente ce café et nous raconte une petite partie de son histoire, qui se concentre sur quelques mois, jusqu'à la fin de la guerre des Six-Jours. Les habitués du Karnak Café vont voir les trois étudiants mentionnés plus haut disparaître et réapparaître - ou pas - plusieurs fois après avoir été arrêtés et relâchés - ou pas - par la police politique. le narrateur donne la parole à la patronne du café puis aux deux étudiants survivants (vu qu'ils ne sont plus que ça, des survivants, après leur passage en prison).


On pourrait dire que c'est l'histoire d'une génération qui a grandi avec la révolution, en a épousé l'idéologie et en a payé le prix fort. Ou on pourrait dire - ce qui me paraît plus juste - que c'est la constatation d'un échec, d'une impasse de laquelle la société égyptienne ne sait pas comment sortir.


Il m'a semblé que Mahfouz s'était demandé comment parler des tortures et autres violences subies par ses personnages sans que le roman ne vire complètement dans le glauque. D'où, peut-être, ce sentiment que les conversations rapportées du narrateur avec les trois personnages principaux avaient quelque chose d'un peu artificiel. Et surtout, le choix de faire intervenir un dernier personnage sur la fin me laisse songeuse. Je n'ai pas très bien compris que ça apportait au roman. Sans compter une conclusion bien optimiste après la description de l'horreur de la prison et des questionnements qui agitent sans relâche les habitués du Karnak Café.


Ca reste un témoignage assez poignant sur ce moment de l'histoire contemporaine de l'Égypte, que personnellement - je m'en rends compte davantage à chaque fois que je lis Mahfouz - je connaissais très mal avant de découvrir cet auteur.
Commenter  J’apprécie          5710
Je suis arrive a la conclusion qu'il faut avoir une grande PAL. C'est signe d'un certain optimisme. Et si la Grande Faucheuse vient visiter on peut toujours lui proposer et lui preter un livre depaysant et demoniaque qui l'entretiendra pour un certain temps. Je connais beaucoup de gens qui se sont laisses prendre a une lecture conseillee. Pourquoi pas elle?

Tout ca c'etait pour dire que j'ai mis Naguib Mahfouz dans ma PAL. Comme a mon (a ma mauvaise?) habitude j'ai commence par quelque chose de court et pas tres contraignant, histoire de voir s'il m'appate vraiement, le café karnak.

Ce livre ne m'a pas enthousiasme. Ce n'est pas a mon avis de la grande literature. C'est nonobstant une preuve de courage. Courage civique et politique. Mahfouz y denonce les derives du regime (socialiste?) Nasserien, fruit de la revolution, en fait du coup d'etat militaire de 1952. Mahfouz a ecrit ca fin des annees 60 et le livre a ete publie en Egypte dans les premieres 70. le regime a eu le temps d'assoir son pouvoir et de s'y complaire, jusqu'a justifier (comme partout ailleurs?) des moyens coercitifs (c'est un mot tendre) par une fin personnelle affichee comme ideologique.

Mahfouz nous entraine dans un café du Caire, tenu par une ancienne danseuse encore bien de sa personne. Pas un grand café. Mais un cafe par ou passe l'amitie, l'amour, la vie, la moralite, la societe et l'histoire d'un pays en temps de changements, de crise. Peu de clients, mais assidus, aiment s'y retrouver. Quelques vieux qui jouent au tric-trac en sirotant un narguile, quelques soupirants, amoureux de la tenanciere, un petit groupe de jeunes etudiants. Et Mahfouz ou son alter ego, qui sert a nous transmettre les pensees et les confessions de ces habitués. Pour les vieux, le passé, du temps des anglais et du roi Farouk, n'etait pas si mauvais que ca. Les jeunes, eux, s'affirment des "enfants de la revolution". Quand ceux-ci disparaissent pour des periodes plus ou moins longues, on commence a entrevoir le dur visage de cette revolution. L'inquietude, la peur, prennent place au café. On apprendra plus tard qu'accuses a tort et sans raison de faire partie de cellules contre-revolutionnaires ou d'accointances avec les "frères musulmans", ils ont ete arretes, emprisonnes, tortures. Un d'eux y trouvera la mort, assassine en torture.

L'auteur ne juge pas ses personnages ni leurs dires ni leurs actions. En fin de livre il donne la parole a un des sbires, peut-etre repenti, qui a lui meme ete en fin de compte arrete et emprisonne, et qui developpe une vision de la societe legerement fataliste. En fait chaque personnage developpe sa propre vision, ce qui donne quelque chose de caleidoscopique. Mais cette oeuvre reste un acte d'accusation clair et fort. Mahfouz n'en a pas pati. Il etait deja la figure qui dominait le paysage litteraire egyptien. Encense par tous, il etait pratiquement intouchable. Ce seront justement les Freres Musulmans qui le poursuivront plus tard, forcant le regime (ce sera deja l'ere Moubarak) a lui coller des gardes du corps.

Tout ca dit, j'ai pris ce livre en mains en tant qu'oeuvre litteraire, comme un roman et pas comme un ouvrage d'histoire ou de sociologie. de ce point de vue je n'ai pas ete transporte. Legere deception. Il faudra que je m'attaque a sa trilogie du Caire, qui de l'avis de tous est d'une autre qualite. Trois etoiles quand meme.
Commenter  J’apprécie          544
Ce livre est à la fois un cri contre la dictature qu'était devenue l'Égypte de 1967 et une lamentation, le deuil des espoirs nés de la révolution de 1952 (*).

Illustré par une petite société de quelques personnages emblématiques, dont les histoires sont suivies par un narrateur qui reste moins engagé.

On voit ainsi comment la fougue et les idéaux de la jeunesse sont brisés par une répression aveugle. Entraînant malheur pour leurs proches et désillusion pour les autres personnages plus âgés.

Par une histoire très courte et apparemment très simple, il tape au coeur d'émotions fondamentales : l'amour, le pouvoir, l'avidité, le reniement, l'incommunicabilité.

La position du narrateur et la progression de l'intrigue par des dialogues rendent le récit extrêmement efficace. Ni développements psychologiques barbants, ni pathos exagéré.


C'est le premier Mahfouz que je lis qui allie son écriture simple et lumineuse (celle que je croyais réservée à ses ouvrages se déroulant dans un contexte historique ancien) à la chronique et critique de la société égyptienne contemporaine (dans des romans que je trouve habituellement plus lourd à lire).
J'adore.

--------------
(*) Étonnant qu'il ait pu paraître en 1974 et être adapté au cinéma en 1975 dans l'Égypte d'Anouar El Sadate qui, s'il a fait basculer le pays de la sphère soviétique à l'influence américaine, était resté un héritier du régime nassérien. Il faut croire qu'il y a eu une relative libéralisation de la parole à cette époque, peut-être parce que la répression s'y recentrait sur les seuls islamistes.
Commenter  J’apprécie          5312
J'ai eu plus de mal à franchir le seuil du Karnak café que de pénétrer dans l'immeuble Yacoubian (Alaa El Aswany) bien que ces deux sites ont été, par la force de ces écrivains, les creusets de la vie sociale, économique et politique de l'Egypte post-révolutionnaire.

L'hospitalité égyptienne légendaire n'en est pas la cause, plutôt la teneur du propos axé principalement sur la politique et la répression du récent régime socialiste Nassérien.

Au travers d'une ancienne gloire de la danse toujours séduisante, propriétaire du Karnak café, Naguib Mahfouz nous entraîne dans les tourments des habitués de l'établissement allant des vieux amoureux transis de la Qurunfala aux jeunes étudiants « enfants de la révolution ».

L'atmosphère s'assombrit et devient dramatique lorsque ce microcosme est chamboulé par les multiples arrestations des universitaires.
S'ensuivent questions et supplices qui contraignent à la délation et à la corruption.
Certains se feront indicateurs pour éviter à d'autres, par amour ou amitié, d'atroces tortures.

Cette critique acerbe sur le régime en place est ma première découverte de cet écrivain, prix Nobel de littérature. Je m'attendais à une écriture plus prenante, plus attachante.
Est-ce dû au sujet aride et sévère qui défend toute fantaisie, toute poésie?

J'imagine que ce roman ne doit pas être une oeuvre majeure de Mahfouz, sûrement écrit pour dénoncer les déficiences d'un régime balbutiant qui devait avoir peur de lui-même.

Extrait :
- le véritable ennemi des Arabes ce sont les Arabes eux-mêmes.
- Leurs dirigeants, tu veux dire ?
- Ou plutôt, leurs gouvernements !
- Tout repose sur l'union des peuples arabes et leurs efforts conjugués.
- Il faut tout reprendre de l'intérieur, c'est la seule issue.
- Parfait ! Revenons à la religion ! la religion, c'est tout !
- Revenons plutôt au communisme.
- Non ! A la démocratie.
- Pour que les Arabes ne soient plus sous tutelle.
- Liberté ! Liberté !
- Revenons au socialisme.
- Commençons par la guerre, les réformes suivront.
- Non, commençons par les réformes. Les solutions viendront d'elles-mêmes.
- Les deux doivent aller de pair…Et ainsi de suite…A l'infini.

Infiniment édifiant.
Commenter  J’apprécie          402
Karnak Café date de 1974. Surfant sur l'immense popularité acquise par le Prix Nobel, Actes Sud l'a republié récemment.
L'action de ce court roman se passe dans un café typique de la capitale égyptienne. Cette unité de lieu révèle le riche potentiel cinématographique de cette oeuvre qui fut adaptée à l'écran et y connut un vif succès (il me semble que le film n'est jamais sorti hors d'Égypte)
La patronne est une vedette de danse orientale. Autour d'elle gravite une série de caractères : des vieux qui jouent au backgammon, des jeunes qui parlent de politique. Ces fervents défenseurs du nassérisme seront bientôt arrêtés et persécutés par la police du régime dont ils croyaient être les enfants bienaimés. Chacun réagira à sa façon à la prison et à la torture. Ismail deviendra indic, Zeinab sera contrainte à la prostitution, Hilmi y laissera la vie. Paradoxalement, la morale de cette courte histoire arrive quelques années plus tard, après la défaite de 1967, de la bouche même du tortionnaire des trois jeunes gens.
Ce court roman n'a semble-t-il pas l'ampleur des autres oeuvres de Mahfouz. Il porte un regard désabusé et pessimiste sur l'échec de la révolution nassérienne.Il m'a donné envie de partir à la découverte d'autres livres de Mahfouz.
Commenter  J’apprécie          340

Citations et extraits (22) Voir plus Ajouter une citation
Nous vivions une époque gouvernée par des forces obscures, où les espions hantaient jusqu'à l'air que nous respirions, et où les fantômes osaient s'aventurer en pleine lumière. Je réfléchissais, je me souvenais. Je songeais aux arènes des amphithéâtres romains, aux tribunaux de l'Inquisition, à la folie des empereurs. Je songeais aux destins des grands criminels, aux épopées de la misère, aux volcans des âmes noires, aux batailles des forêts d'antan... Et pour échapper à ces réflexions sur l'humanité, je me disais que les dinosaures avaient eu beau régner sur terre pendant des millions d'années, ils avaient disparu en un rien de temps dans un bref combat à la vie à la mort, et il n'en restait qu'un ou deux squelettes...
Commenter  J’apprécie          180
Il est devenu une forteresse de certitude et de tranquilité, capable de résister à toutes les tempêtes et à tous les malheurs. Tout à son bonheur, il ne prenait garde au temps qui passait : dans cette douce inconscience, les jours d'été se suivirent à toute allure et l'automne arriva à pas légers, exhalant dans l'atmosphère ses souffles subtils, coloriant le ciel de ses pinceaux blancs, conquérant les cœurs de ses douces sonorités. Le feu de la passion s'apaisait peu à peu, laissant place à un amour paisible, tempéré, libéré de ses excès, maître d'un temps que l'on passait désormais à traiter avec toutes les choses de la vie.
Commenter  J’apprécie          50
Du coin où se réunissaient les jeunes, montait une clameur exaltée. Pour la majorité d'entre eux, l'histoire commençait à la révolution, celle-ci ayant mis fin à une longue période d'obscurantisme. Ils s'en sentaient les véritables héritiers, et, sans elle, la plupart auraient fini dans la rue, sans vision ni avenir... Ils chantaient, malgré l'âpre vie qu'ils enduraient, comme si la victoire, l'espoir, et l'honneur retrouvé soulageaient leur misère. En réalité, chacun voulait participer à ce bel élan de ferveur, même ceux qui ruminaient leur rancœur et leur jalousie. Tous portaient en eux la lie de la disgrâce, de la défaite ou de l'échec ; la soif qui les dévorait les jetait vers la dive bouteille, les verres pleins ranimant la haine de l'ennemi d'hier. Ils y buvaient jusqu'à l'ivresse, dansaient au rythme fou de leur jubilation. Or à quoi bon argumenter avec des ivrognes ?
Commenter  J’apprécie          30
Le charme de Qurunfula, le panache des vieillards, l’enjouement des étudiants, la beauté de la jeune fille, le fait que ce café fût là, au cœur de la métropole, lieu propice au repos pour le promeneur que j’étais, le lien brûlant qui y unissait le passé au présent – savoureux passé, glorieux présent –, la magie d’une rencontre fortuite, voilà qu’une montre arrêtée suffisait à me précipiter dans les rets d’une passion aux ramifications multiples. Soit ! le Karnak serait mon repaire, chaque fois que j’en aurais le temps.
Commenter  J’apprécie          50
Mon pays me fascinait. Malgré ses digressions, il se développait, s'affirmait, gagnait en puissance et en influence, produisait toutes sortes de choses, des aiguilles aux missiles, et avançait à grands pas vers un bel humanisme. Pourquoi l'homme y avait-il perdu toute valeur, réduit à la plus abjecte insignifiance, pourquoi y était-il privé de droits, de respect, de tout soutien, pourquoi ployait-il sous le joug de la lâcheté, de l'hypocrisie et de la solitude ?
Commenter  J’apprécie          20

Videos de Naguib Mahfouz (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Naguib Mahfouz
Vidéo de Naguib Mahfouz
autres livres classés : littérature egyptienneVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (225) Voir plus



Quiz Voir plus

L'énigme Toutankhamon

Toutankhamon était un enfant pharaon. A quel âge a-t-il accédé au pouvoir?

9 ans
22 ans
11 ans
44 ans

34 questions
67 lecteurs ont répondu
Thèmes : pharaon , mystère , antiquité , animaux , énigmes , egypte , archéologieCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..