Citations de Pascal Garnier (531)
- Tu penses encore à lui, après ce qu'il t'a fait?
- Evidemment! Quand tu dors avec un homme pendant des années, même si c'est le pire des enfoirés, tu l'as quand même vu au moins une fois, accroché à ton sein comme à une bouée, si petit, si fragile, si vulnérable... Je sais que c'est bête, mais dans ces cas-là, on pardonne tout, on oublie tout.
-C'est insensé ce besoin de musique continuel ! Il y en a partout, dans les magasins, dans la rue, jusque dans les toilettes de l'hôtel ! En quoi le silence est-il si effrayant ?
Yolande peut avoir entre vingt et soixante-dix ans. Elle a le grain et les contours flous d’une vieille photo. On dirait qu’une fine poussière la recouvre. Il y a une jeune fille dans cette carcasse de vieille femme. On la devine parfois dans une façon de s’asseoir en tirant le bas de sa jupe sur ses genoux, une manière de se passer la main dans les cheveux, un geste gracieux qui surprend dans ce gant de peau ridée.
- J'en ai marre, je laisse tomber, je me lance dans l'élevage.
- Dans l'élevage ?...De quoi ?
- Des prises de courant. J'en ai trouvé tout un stock dans le studio. Le précédent locataire était électricien. Je les ai emboitées les unes aux autres, autant de mâles que de femelles. J'attends qu'elles se reproduisent.
Les morts ne décorent pas la vie comme nous. Ils mettent des napperons au crochet représentant généralement des ananas ou des spirales un peu partout, sur la télé, sous le téléphone, sur les coussins, pareils à des toiles d'araignée.
Les enfants sont des nazis, ils ne reconnaissent qu'une seule race, la leur.
C'est fragile, le bonheur, ça n'a pas d'avant ni d'après. (…) Faudrait qu'ils aient le temps d'y goûter un peu à leur bonheur tout neuf, ces trois loupiots. C'est comme les affamés, ils se jettent dessus, ils sont pas habitués, faut leur donner petit à petit.
Une abeille vint se poser juste à côté de sa main, sur le dossier du banc. Une vieille abeille, tout empêtrée dans son veston rayé jaune et noir trop grand pour elle. Elle devait venir de loin, de l'été dernier peut-être. Elle n'en pouvait plus, haletante, tricotant des antennes comme si elle cherchait à capter Radio Londres. Elle se mit à tourner sur elle-même en agitant fébrilement ses maigres pattes : "C'est où qu'on meurt ?..." Dans un dernier effort elle fit vibrer ses ailes mais n'obtint qu'un fatal looping qui la renversa sur le dos. Brice songea à abréger ses souffrances d'un coup de canne bien placé mais contre toute attente elle se retourna, pointa vers sa main un dard encore redoutable et reprit un vol aléatoire vers ces coulisses de la vie où nul spectateur n'a le droit d'entrer.
- Quelle horreur ! Je ne peux pas me supporter en photo.
Les autres la rassuraient d'une même voix :
- Pas du tout. Vous êtes très bien. C'est la lumière, le flash ça écrase.
N'importe qui, en les voyant, aurait pu y croire. Ils se connaissaient depuis toujours, comme tous les naufragés, les exilés, les survivants de cette catastrophe naturelle que peut être la vie. Ils se laissaient bercer dans cette parenthèse d'existence qui fait oublier pour un moment les pourquoi et les comment.
La lumière crue des néons allume des arcs-en-ciel nocturnes dans les flaques irisées d'essence. Plus besoin de lever la tête pour admirer les étoiles, elles se sont toutes foutu la gueule par terre, on peut marcher dessus, s'en éclabousser les chaussures.
L'habitude est une excellente méthode pour se faire à l'éternité.
Un homme ne brille au regard des autres femmes que s'il est accompagné de la sienne.
Je pense à une phrase de De Gaulle: "Bien souvent, j'ai fait comme si et la plupart du temps ça a marché".
Rien n'est plus apaisant que de contempler une casserole en attendant que l'eau entre en ébullition.
Elle est tellement fatiguée, la peau grise, le cheveu triste. On dirait une serpillière essorée.
- Vous connaissez la Suisse ?
- Oui. C'est très joli. ça donne envie de mourir
- Pourquoi vous dites ça ?
- Mais parce que c'est très calme, très fleuri.
- C'est vrai, question géraniums, ils en connaissent un rayon.
Il va faire beau, la pluie a lavé le ciel.
... Qu'allez-vous faire à présent, Rita ?
- Je ne sais pas. Je n'arrive pas à penser . J'ai toujours eu du mal avec ça. Je n'aime pas décider. Et puis entre rien et n'importe quoi, qu'est-ce que vous voulez choisir ? J'ai passer ma vie à suivre, n'importe qui, n' importe où. C'est pour ça que j'étais bien avec Marco, il savait toujours où il allait. En général, droit dans le mur, mais c'est quand même un but dans l'existence ! ...
Le costume du marié semblait taillé dans du contreplaqué et les kilomètres de tulle enrobant sa promise sortir d'une bassine de barbe à papa. Cramponnées à la traîne comme des morpions, les demoiselles d'honneur se tordaient les chevilles sur leurs premiers escarpins à talons.