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Citations de Paul Greveillac (186)


Les sociétés ne se délitent pas sous la charge des sollicitations égoïstes. Elles pourrissent sur pied, faute d'avoir su faire bourgeonner le mystère. Nous avons faim de tabous. Nous nous mourons de la pauvreté de nos rêves. En leur absence, nous sommes de grands orphelins à l'ombre de nos désastres intimes. Nous achoppons à nous construire, parce que nous le voulons trop. Nous avons voulu nous convaincre qu'il n'est rien de valeur qui ne soit tangible. Parce que c'était facile. Parce que c'était idiot. Parce que nous manquons, peut-être, de courage. De désir. Nous étions, déjà, pomme, plutôt qu'Adam, ou Ève. Fruit vert, ou blet, dont la gratuité est absurde.
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On entre en littérature comme on entre en résistance. On va parfois jusqu’à se choisir un nom de guerre.
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Se montrer sous son meilleur jour suffit parfois à nous combler.
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Cérémonie d'ouverture. Adolf Hitler est dans la tribune présidentielle, on le sait. L'équipe de France défile juste après la Finlande, dont les aryens sous menace soviétique professent alors une grande sympathie envers le Reich et viennent de faire se lever le stade dans une immense clameur. Le silence qui accueille la délégation française n'en est que plus assourdissant. Mais voilà que les athlètes tricolores adressent au public le salut olympique. Le bras droit est tendu. C'est tout à fait malheureux. Le salut de Joinville (le bataillon) est pris pour le salut nazi. La France se rend-elle à la raison ? Accepte-t-elle à son tour, elle, l'opposante de toujours, le nouvel ordre européen voulu par l'Allemagne ? C'est en tout cas ce que croient les cent mille spectateurs rassemblés dans le stade olympique. Ils se lèvent derechef. Ils exultent. Poussent des hourras tonitruants. Une sueur froide parcourt l'échine de René. Il comprend tout de suite le malentendu. Il a un haut-le-cœur. Son bras soudain pèse si lourd. Mais il ne peut tout de même pas le baisser, de quoi aurait donc l'air son équipe. Il figure parmi les athlètes les plus grands. Il est donc en tête de cortège. Il se doit de garder contenance. Leni Riefenstahl tirera de cet épisode un effet du meilleur goût. Au montage des Dieux du stade, elle fera précéder le défilé français d'un gros plan sur Hitler.
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La seule guerre vraiment sainte consiste à ne pas la faire.
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Ca y est. Panique. Bordel monstre. Chacun pour soi. Et Dieu pour tous - Si Dieu veut. Dunkerque ..... La guerre est une question de management et de logistique. Côté français on a ni l'un, ni l'autre.
Sur la plage. On fait, littéralement, des châteaux de sable pour se protéger des rafales des aviateurs allemands. On ne peut rien contre leurs scandaleuses sirènes. Une bêche à la main, René se souvient importunément des enfants de Dubrovnik. Il est pris d'un rire nerveux. La défense de la liberté et de la patrie devient troglodytique. Les Britanniques commence à évacuer. Et encore : au compte-gouttes. Les Français, non. Pagaille franchouillarde. Invectives intraduisibles. Shakespeare ignore Molière. Les tommies grands seigneurs laissent sur place leur bel armement qui vient immédiatement remplacer les risibles joujoux français. On descend deux trois Stuka. La nuit, le génie britannique échafaude des jetées de fortune pour des canots de sauvetage venus d'outre-Manche. Une armada de bateaux de plaisance, de rafiots de pêche, pour ainsi dire des barques. L'horizon devient pointilliste. L'armée de Sa Majesté s'en remet au citoyen anglais.
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Il n’était jamais sûr du grade des militaires qu’il portraiturait. La Révolution culturelle avait éradiqué les signes extérieurs de hiérarchie. Plus personne ne portait de galons. Et il fallait prêter une attention particulière au nombre de poches des vareuses kaki. Deux poches : un rien-du-tout. Quatre poches : un général. 
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En garde, petit bonhomme ! Au Cercle des officiers, il croise un type énorme. Crinière abondante et ébouriffée. Arcades sourcilières de boxeur. Lippe pantagruélique. L'ours de la taïga s'est bien acclimaté. Hâbleur, conteur, « en sa tenue d'aviateur buvant sec avant de briser sa coupe », celui qu'on appelle Jeff est impossible à arrêter. René s'en envoie quelques-uns derrière la cravate en sa compagnie. Il s'éclipse alors que Joseph Kessel monte en puissance et propose d'enchaîner au bar du Saint-Georges. Tout sauf une ombre.
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Il tient dans ses mains ce qui semble être un volume des écrits de Cicéron. S'imagine-t-il être la victime de quelque conspiration ? Pense-t-il à cette phrase du célèbre orateur : "Admettre une série de causes éternellement enchaînées dépouille l'homme de sa volonté libre et le rend esclave du destin ?" Il a la tête d'un type à qui son destin échappe.
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Prise de panique, sans plus personne pour la tenir en bride, la haridelle qui tirait la carriole sur laquelle reposait le catafalque et le cercueil s'emballa. Elle fonça droit devant elle. Le mort eut la frayeur de sa vie.
(page 114)
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Tous les chiffres du protectorat étaient au vert : presque plus du tout de Juifs, mais toujours davantage d'avions et de tanks.

Et quels tanks. Le verdict du général de Lattre, dont les forces furent pourtant équipées des légendaires Sherman américains, fut sans appel : « Nos engins sont nettement surclassés par les Jagdpanther et les Tigre. »
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Winston Churchill avait besoin de pouvoir s'écouter penser. Il n'avait rien tant en horreur que le sifflotement trivial qui fait dérailler le raisonnement mieux que les bombes. Il exigeait le silence. D'un bout à l'autre de son bunker, on tapait les comptes rendus, les ordres, les rapports secrets, sur des Remington spécialement conçues dont les cliquetis étaient étouffés.

Dans un réceptacle verni de la taille d'une boîte à chaussures, une main glissa silencieusement un petit écriteau de bois sur lequel se détachaient cinq lettres noires. Windy. On attendait du vent. C'était ainsi qu'on annonçait les bombardements des Allemands. A Londres moins qu'ailleurs on n'oubliait que l'humour est le dernier rempart de la civilisation.
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Février. Neuf mois de captivité se résolvent pour René dans le mouvement du train. L'impatience le taraude. L’espoir de revoir sa femme et son fils tiraille. Le capitaine Bondoux est relâché en même temps qu'un certain Louis Poirier, alias Julien Gracq. On entre en littérature comme on entre en résistance. On va parfois jusqu'à se choisir un nom de guerre. Paris est très loin. Le voyage est sans fin. Louis et René sont pareillement vêtus de l'uniformie français. Tous deux sont originaires d'Anjou. Ils auraient sans doute des choses à se dire. Pourtant, ils n'échangent pas un not. René est un homme gai, au contact facile. Le genre le type dont Louis Poirier se méfie. D'ailleurs, au camp, il n’a jamais été tenté par l'escrime du capitaine Bondoux. ll a vu, au mieux, dans le jeu de jambes du champion olympique des entrechats maladroits. Il s'est demandé avec anxiété si les passoires avaient pu être remplacées en cuisine. Il a préféré écrire. Dans le train, lors des haltes, le résistant Gracq garde son quant-à-soi. Il lit en fumant doucement. Il pense peut-être qu’« il vaudrait mieux n'importe quoi que cette lente, graduelle et passive imprégnation de la défaite ». II a dans sa sacoche des bribes de textes sur la guerre qu'il n'estimera pas dignes d'être données à lire.
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Kewei, quinze heures par jour, plongeait dans sa peinture aux exhalaisons puissantes. Il ruminait les critiques acerbes de son maître. Lorsqu'il allait enfin se coucher , l'odeur de la peinture l'accompagnait. Il lui semblait que ses cheveux étaient devenus des poils de pinceau. Qu'il était tout entier un manche douloureux. (p. 145)
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Reinhard Heydrich contint son énervement. Il allait prendre un malin plaisir à cribler son adversaire de touches. Le duel fut bref. À la régulière, sans esbroufe ni botte secrète, l'avocat battit le vice-gouvemeur par cinq touches à trois. Puis il partit enfiler sa robe, avant de retrouver le palais de justice.

Le SS-Obergruppenfûhrer fût froidement vexé. Pendant le vol de retour vers Prague, il refit mentalement le combat. Que s'était-il passé ? Ètait-il si rouillé ? S'était-il déconcentré ? Il n'avait plus perdu depuis tant d'années... Afin de la comprendre, il savait devoir analyser sa contre-performance avec pragmatisme et objectivité. Revoyant l'insupportable insolence du Français, il en était cependant bien incapable. De rage, il brisa la visière du képi qu'il tenait entre ses mains.

Le sabreur ignorait qu'il venait d'avoir affaire à René Bondoux. Ce dernier, s'il était bel et bien avocat, avait tout de même remporté l'or par équipes aux Jeux olympiques de Los Angeles. Puis l'argent, quatre ans plus tard, à Berlin.
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La faillite d'un régime est avant tout celle de ses élites. Les raisons, les prémices de la chute d'un empire, sont peut-être à chercher dans ses salons mondains.
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... il faut maîtriser, dans la peinture traditionnelle chinoise, l’art d’écrire, avant celui de peindre. La peinture traditionnelle chinoise est l’acte d’un lettré, capable de lui donner par le Verbe la résonance longue d’un monde en creux. 
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[•••] Albert Prince, conseiller à la cour d'appel de Paris, chef de la section financière du parquet, a enquêté sur Alexandre Stavisky - un escroc de la plus grande habileté, un maître-chanteur bénéficiant de protecteurs très haut placés, retrouvé lui-même suicidé d'une balle tirée à trois mètres de distance... (« Voilà ce que c'est que d'avoir le bras long ! » titra Le Canard enchaîné.)
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On les enrôle, F.F.I., F.T.P., maquisards dépenaillés aux manches retroussées et aux allures de mauvais garçons qui ne sont pas non plus systématiquement des patriotes de la première heure. René récupère ce faisant la compagnie F.F.I. Conti. Mettre au pas, intégrer tout ce beau monde, n'est pas une mince affaire. C'est même peut-être le plus dur : faire que la France ne boude pas la France.

Avec l'addition de toutes ces bonnes volontés, on pourrait s'attendre à ce que les effectifs de la 1re armée française explosent. Il n'en est rien. Force est en effet de constater que les troupes changent dans le même temps de couleur de peau. C'est-à-dire qu'on va devoir monter vers le nord et que les Noirs et les Arabes, semble-t-il, en frissonnent. C'est en tout cas la version officielle qui prévaut encore aujourd'hui. En conséquence de quoi, de Lattre « blanchit » ses régiments. Le mot, comme vous, nous a fait sursauter. Il faut se rappeler que l'armée américaine, dont dépend la française, est alors ségréguée. Les Blancs d'un côté. Les Colorés de l'autre. De Lattre écrit : « Des batailIons entiers de Sénégalais [sont], du jour au lendemain, remplacés par des bataillons F.F.I. » Les régiments de tirailleurs sénégalais sont même rebaptisés « régiments d'infanterie coloniale ».
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Le type est jeune. Long. Immanquablement, on pense à une asperge. Ses parents sont plutôt courts sur pattes, lui non. Il a les oreilles décollées. L’air de s'en vouloir de quelque chose, de ne pas avoir aidé à débarrasser la table par exemple. C'est un bon gars. Mais il n’a que seize ans. Bernard de Lattre de Tassigny ne ressemble pas à son père et pourtant comme on dit, sur l'essentiel, bon sang ne saurait mentir : il a obtenu de la main de De Gaulle une dérogation pour avoir le droit de combattre.

Et c'est, le 2e Dragons qui va devoir l'accueillir. René a envie de demander pourquoi moi, il s'abstient. Le colonel Demetz veut-il tester I'officier de réserve qu'il est ? Est-ce une marque de confiance de sa part, voire de celle du roi Jean en personne ? René s'éloigne du P.C. d'un pas ample aux côtés de son nouveau subordonné, pas bien sûr de savoir quelle attitude adopter avec lui. Par exemple, doit-il lui proposer une cigarette ? Il se dit qu'à seize ans, lui-même déjà fumait. Raté. Le petit de Lattre ne fume pas.

Un rapide examen permet à René de jauger les qualités du jeune homme qui, s'il a du cœur, est encore loin de maîtriser le métier de soldat. Le capitaine Bondoux se gratte la tête. Place sa nouvelle recrue sous les ordres d'un « voltigeur » prénommé Mohamed.
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