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Citations de Philippe Forest (329)


Je prêtais attention à des riens : la forme fuyante d’un chat passant dans le fond du jardin avec autour de lui tout un mouvement d’ombres circulant parmi les choses et finissant par concerner tout le contenu de la création.
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Des spectres, rien que des spectres. Certainement. Déjà morts ou encore à naître. Prisonniers provisoires de la scène sur laquelle ils traînent leur âme en peine, ils ressassent le vieux chagrin qui leur brisa le cœur, ils retardent autant qu'ils le peuvent le moment de boire au fleuve dont l'eau leur fera tout oublier des existences que leur passé leur offrit comme de celles que l'avenir leur réserve. Ils ont eu tant de vies qu'ils ne savent plus de laquelle dire qu'elle fut la leur.
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Et, arrivé nulle part, je me trouvais du même coup chez moi, libre de cette même liberté sans contenu ni limite qui, enfant éveillé dans le néant de la nuit, me donnait un vertige que je ne comprenais pas.
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Sous son pinceau, n'importe quelle femme devient Vénus, Minerve ou Junon. mais l'Olympe ou le paradis, tels qu'il les représente, se remplissent des visages que Rubens emprunte celles et à ceux qui partagent son existence.
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Le privilège du roman tient à ce qu'il fasse plus ou moins tenir ensemble ces deux conceptions opposées du réel : il nous donne une image du monde tout en plaçant en son centre un creux où celle-ci s'abîme.

Roman
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De la poésie , de la vie , ceux qui croient avoir assez d'autorité pour en parler disent qu'elles n'expriment que la même vérité vide et vaine , que tout est poussière et vapeur , mirage miroitant un seul instant dans l'espace sans profondeur de l'existence , que le même néant nous attend tous , que la chair aimée retournera à la terre et qu'en conséquence le seul savoir qui compte enseigne à l'homme l'inflexible nécessité qui tourne tout ce qu'il a aimé en cendres froides , que la seule illumination à laquelle il soit digne de prétendre consiste en la révélation du rien auquel tout se rapporte enfin . Issa n'ignore rien de tout cela . Oui , il y a la longue et interminable douleur de vivre , la fatigante routine du corps laissant passer sur lui les jours , la torture du temps et son lent travail d'effroi , toutes les affections les plus vraies une à une défaites , l'affolante solitude sur le versant le plus noir de la nuit ouverte et puis , dans la lumière verticale d'un matin indifférent , le corps aimé allongé et sans vie d'une enfant . Nul n'est censé ignorer tout cela . Pourtant , le dernier mot n'est pas tout à fait dit . Malgré la vérité , dans l'infini du désir , quelque chose insiste encore quand tout est terminé . Tout est néant , bien sûr . Mais Issa ajoute : cependant.
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Toute sagesse dit : le temps est un fleuve. Mais, en réalité, personne ne se tient jamais sur la berge des mondes pour en contempler le cours. Tout lestés d'eux-mêmes, les corps flottent dans l'épaisseur qui les étouffe, entourés d'une lumière bleutée de néons, passant entre deux lignes de néant, sans rien savoir du remuement vert et gris qui les balance et les porte vers nulle part. Le fleuve du temps est sorti de son lit pour recouvrir le cercle sans couture de l'horizon. Il déverse partout sa matière opaque sur les hommes et les noie.
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[...] il faut le roman pour dire la vie puisque toute vie, au fond, n'existe jamais qu'à la manière d'un roman rêvé que l'on raconte à autrui comme on se le raconte à soi-même.

(p.45)
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J'ai toujours pensé qu'il n'existait pas d'étalon objectif qui permette de mesurer les unes par rapport aux autres les souffrances que subissent les hommes. Ce qui rend les douleurs qui les affligent aussi relatives qu'absolues. La plus petite peur peut dépasser en intensité la plus grande. Cela signifie aussi que la plus grande peut passer presque inaperçue auprès de la plus petite. Le même sang coule d'une égratignure superficielle et d'une plaie profonde. Une fois que l'on a assez vécu, on en vient à ne plus trop savoir comment discriminer entre les épreuves par lesquelles on a passé. On les confond presque et elles paraissent comme les moments indifférents d'une seule et unique catastrophe à laquelle, au bout du compte, se résume son existence.
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Quoi qu'on perde, on a le sentiment étrange d'avoir tout perdu avec l'être ou l'objet qui disparaît. Sans doute parce que quelqu'un, quelque chose nous manque depuis toujours dont chaque nouvelle défection nous rappelle l'absence. Je sais parfaitement ce qu'il y aurait à dire d'un tel phénomène et comment on explique d'ordinaire l'incurable nostalgie, la sensation d'exil que partagent tous les hommes et qui donne une signification si poignante, si pathétique à la plupart de nos existences. Il est difficile, peut-être impossible, de se défaire de l'idée que chacun d'entre nous a été privé, pour une raison qu'il ignore, d'un bien qui fut autrefois en sa possession, qui le comblait parfaitement, dont il ne se rappelle plus que vaguement la nature et le plaisir qu'il en tirait mais qui continuellement lui fait défaut désormais. C'est pourquoi la disparition la plus dérisoire peut s'avérer si dévastatrice. Elle réveille le grand sentiment d'abandon qui ne désempare jamais, contre lequel on se protège comme on peut mais duquel personne ne triomphe longtemps. En perdant quelque chose à quoi l'on tient, c'est soi-même que l'on perd du même coup. On se perd. Je veux dire aussi que l'on se retrouve tout à fait égaré dans un monde soudainement privé de tous les repères qui permettaient de s'y orienter et qui lui conféraient son sens.
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Et si la poésie tout entière est perception hallucinée du temps, alors c'est chaque mot en elle qui doit faire signe vers l'écoulement sans répit des choses.
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"Je lis de plus en plus souvent des livres sur les chats. Ils me reposent un peu de ceux qui portent sur la mécanique quantique, sur ses interprétations, la saga des savants qui lui ont donné naissance, les extrapolations auxquelles elle prête, toute cette somme de semi-incertitudes, d'hypothèses douteuses au sein de laquelle je me retrouve à peine, avec le sentiment que plus j'apprends et moins je comprends. Je laisse de côté (...) les ouvrages de vulgarisation pas vraiment plus clairs qui s'empilent sur mon bureau et je prends dans la bibliothèque de quoi parfaire mon propre traite de phénoménologie féline. Le chat m'approuve, je pense. Il vient se coucher sur mes genoux, ronronnant et réclamant des caresses, s'allonge sur les pages du livre que j'ai ouvert, en rendant la lecture plutôt problématique, me forçant à interrompre celle-ci, à lever la tête, à rêvasser."
(...)
Sans aller jusque-là, ma folie à moi, il me fallait bien le reconnaître, avait bien des affinités avec cette démence douce. On peut croire en une chose et en même temps ne pas croire en elle. L'esprit fonctionne simultanément selon différents programmes aux convictions incompatibles, voire carrément antagoniques. J'irai jusqu'à dire que c'est à cette seule condition que l'on échappe à la vraie folie, entretenant en soi plusieurs esprits de manière que l'on puisse, en cas de nécessité, en changer à sa guise et que, quelque part dans le cerveau et sans pour autant que soit menacé l'équilibre rationnel de celui-ci, on puisse trouver parfois le refuge absurde d'une conviction parallèle qui vous permet de supporter la réalité telle qu'elle est en vous figurant qu'elle est en même temps autre que ce qu'elle est.
(...)
Mais si l'on s'en tient plus littéralement à ce que disent les équations et que l'on prend au sérieux le "principe de superposition", considérant qu'il gouverne tous les phénomènes quelle que soit leur échelle, l'on doit supposer au contraire que tout choses existe simultanément sous des formes opposées au sein de la réalité. On conçoit alors quel étrange sort est celui du chat de Schroëdinger : suspendu entre la vie et la mort, ne tenant l'une ou ll'autre que du regard qui se pose sur lui, susceptible d'exister ainsi sous deux formes opposées et d'engendrer deux figures de lui-même, comme l'est tout chose dans un univers qui doit vous apparaître alors comme le lieu où toute réalité se dédouble jusqu'à ce que prolifèrent des avatars à l'infini -en l'occurrence, donc, des chats démultipliés comme le serait leur image sous l'effet d'un jeu de miroirs et s'aventurant chacun sur l'un des sentiers divergents d'un temps qui se ramifie sans cesse et recèle alors la somme impensable de tous les possibles".
(...)
A la faveur de la nuit, lorsque dans votre existence les ombres se sont épaissies, que la coupe du néant se trouve assez remplie pour qu'une goutte d'eau suffise, qui la fait déborder, si bien que le chagrin le plus infime vient vous révéler ce que vous avez toujours su (...) Il ne faudrait s'attacher à rien ni à personne et pourtant le prix de la perte ne se mesure jamais qu'au prix de ce que l'on a perdu. (...)
Dans la nuit, un maître cherche son chat. Car comme toutes les autres, cette légende-là pouvait aussi bien se raconter à l'envers. Cette version, au fond, convenait davantage. Puisque ce chat, malgré les apparences, était plutôt le maître de son maître. C'était moi et non lui qui était perdu. (...)
Dans le noir de la nuit, je cherche un chat. Qui n'existe pas. Ou bien si.
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Sans aller jusque-là, ma folie à moi, il me fallait le reconnaître, avait bien des affinités avec cette sorte de démence douce. On peut croire à une chose et, en même temps, ne pas croire en elle. L’esprit fonctionne simultanément selon différents programmes aux convictions incompatibles, voire carrément antagonique. J’irai jusqu’à dire que c’est à cette seule condition que l’on échappe à la vrai folie, entretenant en soi plusieurs esprits de manière que l’on puisse, en cas de nécessité, en changer à sa guise et que, quelque part dans le cerveau et sans que soit menacé l’équilibre rationnel de celui-ci, on puisse trouver parfois le refuge absurde d’une conviction parallèle qui vous permet de supporter la réalité telle qu’elle est en vous figurant qu’elle est en même temps autre que ce qu’elle est.
p.167
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Juan Gabriel Vasquez in Ethique et poétique de Marcel Proust
Si les trois mille pages d'A la recherche du temps perdu ont un sujet, je ne pense pas que ce soit le temps ni sa perte ou sa récupération, mais plutôt un courant souterrain qui traverse toute l'oeuvre et n'en brise la surface qu'à la fin, comme une baleine en quête d'oxygène : la construction d'un romancier.
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Le problème qui se pose à moi actuellement est de savoir comment écrire une œuvre qui se refuserait perpétuellement à ce que ce dernier mot soit posé.
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Il y a des mots qui ne valent que dans la nuit.
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Il faut faire comme si le monde avait un sens.
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S'il s'est suicidé, il n'a rien indiqué des raisons qui auraient pu le pousser à le faire. Mais on à toujours à peu près autant de raisons de mourir que de vivre. Et les unes ne sont jamais vraiment meilleures-ou moins bonnes- que les autres.
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Mais chacun sait bien – et elle aussi – qu’une lettre d’amour, on ne l’adresse jamais qu’à soi-même, prenant simplement l’autre à témoin du roman qu’on se fabrique tout seul pour soi, et qu’elle crée de celui à qui l’on écrit une image rêvée dont personne n’est assez dupe pour croire qu’elle existe autrement et ailleurs que dans la fiction songeuse de ses propres illusions.

On n’écrit jamais qu’à défaut d’aimer.

La légende veut qu’il soit devenu athée et anticlérical un soir de Noël où, enfant de chœur, servant la messe de minuit, il aurait perdu son orteil qui avait gelé pendant que le sermon du curé s’éternisait : c’est une preuve qui en vaut une autre de l’inexistence de Dieu et de l’idiotie de ceux qui croient en lui.

Comme dans cette vieille fable de La Fontaine – la seule que lui, son fils, mon père, n’ait jamais oubliée et ait su réciter jusqu’au bout par cœur – mais lui, mort subitement et à seulement cinquante ans, n’en avait pas eu l’occasion –, réunit autour de son lit ses enfants et leur fait la promesse d’un trésor qui, bien sûr, n’existe pas mais à la recherche duquel ils vont consacrer désormais toute l’énergie de leur existence. La morale n’étant pas que le travail est le vrai trésor ainsi que le voudrait une interprétation conventionnelle comme celle qu’on demande à l’école pour édifier les enfants. La vérité étant que le monde est tout à fait vide, qu’on peut retourner toute la terre sans jamais y trouver quoi que ce soit. Ou plus précisément: que le seul trésor, dès lors qu’on le sait, est le rien dont procède toute vie et avec lequel elle s’achève. / Et c’est bien pourquoi les pères se taisent. Du moins lorsqu’ils en ont l’intelligence et la délicatesse.
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Enfin, le soleil s'est levé. Il y a eu les grandes traînées habituelles de couleurs vives qui déchirent horizontalement le ventre du ciel et lui font au flanc de longues plaies inégales, roses, rouges et jaunes, d'où dégouline la matière encore informe du jour, lourde, tombant par taches sur la terre, la lumière investissant doucement le paysage et s'accrochant à tel ou tel de ses reliefs jusqu'à ce que — et personne ne peut jamais saisir l'instant exact où la chose se produit enfin — les morceaux épars du monde se rejoignent et recomposent le spectacle ordinaire de la vie. Ce qu'il voyait ? En un mot, toute la fade poésie céleste qui indique au regard le perpétuel recommencement du temps. (p 261)
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