Citations de Romain Gary (5294)
Tu sais, quand je te dis que je t'aime, il ne s'agit même pas d'amour. Je te parle d'impossibilité de respirer autrement.
Je suis en train de me dire que le problème noir aux Etats-Unis pose une question qui le rend pratiquement insoluble: celui de la Bêtise. Il a ses racines dans les profondeurs de la plus grande puissance spirituelle de tous les temps, qui est la Connerie. Jamais, dans l'histoire, l'intelligence n'est arrivée à résoudre des problèmes humains lorsque leur nature essentielle est celle de la Bêtise. Elle est arrivée à les contourner, à s'arranger avec eux par l'habileté ou par la force, mais neuf fois sur dix, lorsque l'intelligence croyait déjà en sa victoire, elle a vu surgir en son milieu toute la puissance de la Bêtise immortelle. Il suffit de voir ce que la Bêtise a fait des victoires du communisme, par exemple, du déferlement des spermatozoïdes de la "révolution culturelle", ou, au moment où j'écris, de l'assassinat du "printemps de Prague" au nom de la "pensée marxiste correcte".
- Les cauchemars, c'est ce que les rêves deviennent toujours en vieillissant.
- Je pense que pour vivre, il faut s'y prendre très jeune, parce qu'après on perd toute sa valeur et personne ne vous fera de cadeau.
Quant à moi, il me fallut plusieurs jours pour me remettre du choc, car en dehors même de l'effet de surprise, je n'avais encore jamais vraiment compris jusqu'où un être humain - ou une femme, en l'occurrence - pouvait aller dans sa volonté implacable de lutte et de survie.
Il y avait certes des limites physiques, il fallait séparer nos souffles, s’écarter, s’espacer, se lever, se dédoubler, et c’est toujours autant de perdu. Quand on a deux corps, il vient des moments où l’on est à moitié.
— Est-ce que je suis envahissante ?
— Terriblement, lorsque tu n’es pas là.
Je me levai et quittai le miroir.
Je n'ai jamais imaginé qu'on pût être à ce point hanté par une voix, par un cou, par des épaules, par des mains. Ce que je veux dire, c'est qu'elle avait des yeux où il faisait si bon vivre que je n'ai jamais su où aller depuis.
" L’idée de courir immédiatement à Berlin, en troisième classe, bien entendu, pour tuer Hitler en pleine canicule, avec tout ce que cela supposait d’énervement, de fatigue et de préparatifs, ne me souriait guère. J’avais envie de rester un peu au bord de la Méditerranée – je n’ai jamais bien supporté nos séparations. J’aurais préféré de loin aller tuer le Führer à la rentrée d’octobre. "
Il ne me manquait que peu de chose pour être dressé : un brin de cynisme, d'ainsi soit-il, un soupçon de bassesse, un air de stoïcisme, encore quelques gouttes d'ironie. Mais j'avais aimé une femme comme seule une femme peut donner et je ne savais pas capituler. (p.174)
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LE VRAI ARTISTE
« Ces pages m’obéissent. Je dis ce qui me plaît, je crée ce que je veux, j’invente avec l’abandon de la sincérité la plus complète, dans la fidélité scrupuleuse à moi-même. »
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Il y avait une contradiction même entre l'idée de la liberté absolue et un dévouement absolu à cette idée. Il y avait une contradiction entre la liberté de l'homme dont il se réclamait et sa soumission totale à une pensée, une idéologie. Il lui semblait aujourd'hui que si l'homme devait être vraiment libre, il devait se comporter librement aussi avec ses idées, ne pas se laisser entraîner complètement par la logique, pas même par la vérité, laisser une marge humaine à toute chose, autour de toute pensée. Peut-être même fallait-il savoir s'élever au-dessus de ses idées, de ses convictions, pour demeurer un homme libre. Plus une logique est rigoureuse et plus elle devient une prison, et la vie est faite de contradictions, de compromis, d'arrangements provisoires et les grands principes pouvaient aussi bien éclairer le monde que le brûler. La phrase favorite d'Armand: "Il faut aller jusqu'au bout" ne pouvait mener qu'au néant, son rêve de justice sociale absolue se réclamait d'une pureté que seul le vide total connaissait.
Sa platitude était de celles dont on attend en Angleterre de grandes choses.
Les mômes qui se piquent deviennent tous habitués au bonheur et ça ne pardonne pas, vu que le bonheur est connu pour ses états de manque. Pour se piquer, il faut vraiment chercher à être heureux et il n’y a que les rois des cons qui ont des idées pareilles.
Aujourd’hui encore sa volonté et son courage continuent à m’habiter et me rendent la vie bien difficile, me défendant de désespérer.
Danthès feuilleta mentalement, avec une attention scrupuleuse, page par page, tous les chefs-d’œuvre dont s’enorgueillit l'intelligence; d’Érasme à Racine, et de Pascal à Voltaire, il ne trouva rien qui fût, dans les rares références à la souffrance populaire, autre chose qu'une occasion de philosopher aimablement ou profondément.
Moi je veux bien admettre que nous sommes peut-être des survivants d'une époque révolue, et que le poids des réalités ignobles nous fera bientôt disparaître de la planète, un peu comme les éléphants, tenez.
Tad se tenait nonchalamment appuyé contre un de ces globes qui parlent si mal de la terre puisqu'ils en ignorent les malheurs.
Il n'est pas de Noir aujourd'hui qui hésite à dire tranquillement que sa mère était une putain. La putain, dans ce cas, a été la société blanche.
... j'ai voulu disputer, aux dieux absurdes et ivres de leur puissance, la possession du monde, et rendre la terre à ceux qui l'habitent de leur courage et de leur amour.
Ce qu'on appelle si pompeusement « le grand âge » vous fait vivre dans un climat de muflerie que chaque marque d'égards ne fait qu'accentuer : on vous apporte votre canne sans que vous l'ayez demandée, on vous offre le bras chaque fois que vous faites un pas, on ferme les fenêtres dès que vous apparaissez, on vous murmure « Attention, il y a une marche », comme si vous étiez aveugle, et on vous parle avec des airs faussement enjoués, comme si on savait que vous deviez mourir demain, et qu'on essayait de vous le cacher. (p.13)
Elle a l'air hâve, épuisée, et elle me rappelle ces femmes russes des années 1905 qui préparaient la Révolution et se faisaient déporter en Sibérie pour que leurs enfants et petits-enfants se fassent un jour déporter en Sibérie. Une révolution qui triomphe, c'est encore une révolution de foutue.