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Critiques de Serge Joncour (1574)
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Chien-Loup

Un roman de Serge Joncour c'est avant tout une promesse. La promesse d'une évasion grâce à un conteur habile qui vous embarque dans une histoire captivante, originale et dépaysante. Promesse tenue, une nouvelle fois !



Dans un cadre unique, magnifique, une nature préservée et encore sauvage, au fin fond des collines d'un coin perdu du Lot, l'auteur mène en alternance deux histoires à deux époques bien distinctes.

Eté 1914, le monde bascule : les hommes partent pour la guerre laissant femmes, enfants et vieillards se débrouiller et s'adapter. Un dresseur de fauves allemand trouve refuge avec ses huit bêtes dans le désert végétal du mont d'Orcières. Survie, peur irraisonnée des villageois, amour aussi, tels sont les ingrédients parfaits pour que naisse une légende locale autour d'une maison isolée.

Été 2017, un couple bascule : Lise, parisienne à bout de souffle, persuade Franck, son mari producteur de cinéma ultra-connecté, de passer leurs vacances dans un coin paumé, sans aucune connexion internet. Ils louent...une maison isolée. Le challenge n'est pas mince et engendrera angoisse, remise en question et découverte d'un ailleurs, niché aussi au fond d'eux-mêmes.



Bien sûr, à une centaine d'années de distance, les protagonistes de ces deux trames ne se rencontreront pas, mais c'est tout l'intérêt du récit et le talent de Serge Joncour de rapprocher progressivement la légende locale du roman actuel, de connecter la sauvagerie des hommes en temps de guerre avec celle plus policée mais bien réelle de notre société.

Malgré un démarrage un peu lent, une atmosphère de guerre un peu pesante, j'ai franchement apprécié ce Chien-Loup, personnage à part entière dont je ne vous ai rien dit, sciemment. Pas question de trop en dire sur ce roman où l'on capte tellement plus que ne capte un portable…surtout au fin fond du Lot.

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L'amour sans le faire

Ce livre de Serge Joncour m'a laissé une impression mitigée…



Sur le versant positif, il y a la pudeur de cette écriture, par touches, qui jamais ne fait dans le pathétique ou le spectaculaire ou le mélo facile alors même que le sujet s'y prêterait particulièrement et presque " naturellement ".



Il y a aussi cette façon très élégante de traiter le sujet de la difficulté de communiquer entre le personnage principal, Franck (qui vit à Paris) et ses parents (agriculteurs dans le sud-ouest). J'y ai trouvé, malgré l'impossibilité de communiquer concrètement, un réel amour, à tout le moins une réelle tendresse, ce qui n'était pas le cas, ce me semble, d'Annie Ernaux, par exemple, sur une thématique comparable.



À telle enseigne que ce même personnage principal revient, d'une certaine façon, en quête de sens, en quête de lui-même sur ses terres natales, preuve s'il en est besoin, de l'importance que l'auteur (via son personnage principal manifestement fortement inspiré de lui-même) attribue à ce milieu d'origine.



Sur le versant négatif, il y a, selon moi, cette écriture pas très soignée quant au style, avec des formulations un peu passe-partout, voire des répétitions assez peu raffinées qui me donnent une impression de trop grande facilité d'exécution.



Il y a aussi la construction qui fait très " amenée ", horlogerie faite pour sonner à l'heure dite. C'est toujours gênant quand ça se voit beaucoup, au sens propre, ça fait un " deus ex machina " ou, comme on dit " téléphoné ". Donc ce point m'a gênée un peu.



(Exemples de ces points qui me paraissent téléphonés : le fait que Louise et Franck ne se soient jamais côtoyés auparavant, que le motard surgisse précisément à tel moment crucial, que les parents ultra casaniers aient précisément décidé de partir à ce moment-là, qu'une mère laisse si facilement son fils à la garde de sa belle famille, que les Berthiers surgissent eux aussi toujours au bon moment, de même que les sangliers, ou encore que le licenciement survienne précisément à ce moment également. Ça fait beaucoup de coïncidences et de hasards bienvenus sur le chemin de cette histoire.)



Enfin, si le troisième personnage principal, c'est-à-dire l'enfant nommé Alexandre, m'a semblé très crédible, j'ai trouvé que le second personnage principal, Louise, était assez peu convaincant psychologiquement. Je ne sais finalement presque rien d'elle, ni de ce qu'elle pense vraiment, comme si elle n'avait pas été suffisamment creusée, du moins j'aurais aimé qu'elle le soit davantage.



L'histoire, très rapidement, est celle de Franck, expatrié depuis de nombreuses années sur Paris en qualité de caméraman (d'après ce que j'ai compris) dont le couple a capoté depuis longtemps et dont la santé elle aussi défaille.



Il décide de passer voir ses parents avec lesquels il est brouillé depuis dix ans. Parallèlement, une certaine Louise qui végète pareillement dans son existence entreprend de passer quelques jours de vacances…



Je ne souhaite pas en dévoiler davantage pour celles ou ceux qui n'ont pas lu cet ouvrage. Et, comme toujours, gardez à l'esprit que ceci n'est que mon avis, fruit d'une très haute subjectivité, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Repose-toi sur moi

Toute la journée elle n'avait vu que ça, des métiers à tisser qui pèsent des tonnes et font des bruits de marteau-pilon, c'était hallucinant de voir comment à partir d'un fil de quelques microns se mettait en oeuvre, sur plus de quarante mille mètres carrés de hangars, une chaîne de production colossale et assourdissante, drainant des bobines de plus de deux mètres de hauteur depuis des autoclaves fumants, l'illustration parfaite du paradoxe qui était le leur, concilier le lourd et le léger, faire de l'hyperrésistant en tissant de l'infime. En tant que styliste c'est ce qui l'intéressait.

p67



Un fil défile, des fils....un fils

Elle l'avait fait solide son fils,

pour que l'on puisse s'y suspendre comme une marionnette...

Parfois à des petits carrefours inattendus de la vie, on découvre que depuis un bon bout de temps déjà on avance sur un fil....

L'amour est-il essentiellement dédié à aider l'autre et aider l'autre est-ce déjà l'aimer !?

Dans un style qui lui appartient, Serge Joncour, essaye de déméler ce cas de conscience avec brio et volupté....MERCI à ce Prince, cet homme "arc en ciel", cet homme paratonnerre, qui s'occupe des "oignons" des autres, surtout depuis que sa femme Mathilde est disparue à cause des saloperies de phytosanitaires...Merci à cet homme éveillé, qui m'a émerveillé par son spectacle irréel des flocons qui tombent le mois de Noël, plongeant son impatience du lendemain dans la féerie cotonneuse des boules à neige qu'on retourne.



Dans son dos, l'homme lui parlait des chats, jurant qu'ils ne se sauveraient plus, sous-entendant probablement qu'il les avait mâtés, jouant les matamores. p81

trois ptits chats...chats matés....matamore.

j'ai jamais tué de chats

ou alors y a longtemps

Mathilde ne reviendra plus...
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Repose-toi sur moi

Ce roman, c'est l'histoire d'une formidable respiration, aujourd'hui, au coeur de la grande ville où les anonymes se croisent le plus souvent sans se rencontrer. C'est une comédie romantique qui, tel un film au fur et à mesure de la lecture prend vie dans l'imaginaire du lecteur.



Les personnages sont attachants, peut-être un soupçon caricaturaux, mais qu'importe, je me suis laissée entrainer dans cette parenthèse amoureuse si bien ficelée qu'on la croirait presque vécue, ou pour le moins plausible. C'est le style de livre qui vous accompagne quelques heures, qu'on retrouve avec plaisir pour connaître la suite et le dénouement de l'intrigue, puis qu'on quitte à regret.



Elle a tout, en apparence

Il a presque tout perdu -

Citadine ancrée dans la mode et le business

Agriculteur déraciné au coeur de Paris.



Les distances semblent infranchissables

Les manques de temps, d'amour, abyssaux.

Les déséquilibres se creusent, l'insatisfaction rode.



Des corbeaux tournoient dans leur ciel

Aussi réels dans la cour de leur immeuble parisien

Que virtuels dans le ciel de sa possible faillite à elle.



Menaces et peurs solitaires

Finiront-ils par se dissoudre dans le soutien mutuel ?

Se perdre seuls

Se re-trouver grâce à l'autre ?



Construction de l'intrigue, ton si intimiste de l'auteur, personnages : tout concourt à faire de ce roman une réussite de la rentrée littéraire.
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Nature humaine

.

Bien que tout soit déjà dit dans les quelques excellentes critiques qui présentent le dernier né de Serge Joncour , je me dois de venir appuyer les louanges .



En effet , je referme " Nature Humaine " à regret avec le sentiment d'avoir fait un beau voyage dans le temps en partageant la vie d'une famille de paysans lotois , attachante et sympathique .

La ferme centenaire , berceau de cette famille ," la matrice " , est le cadre qu'a choisi l'auteur pour nous proposer une rétrospective sociétale aboutie , lucide , et émouvante .

Mais , la marche du temps observée depuis un beau domaine niché au cœur d'une nature luxuriante va devenir une menace et les remous ne vont pas manquer à cette fresque paysanne qui se situe entre 1976 et 1999 .



Parfois , le récit prend aussi l'accent de Toulouse pour rejoindre la jeunesse estudiantine ou alors on quitte le Lot pour un périple en Aveyron où les causses font figure de maquis pour des rebelles repentis (ou pas ) , des écoterroristes aux allures hippies qui firent leurs classes au Larzac . L'auteur en profite pour évoquer en filigrane les motivations perverties se cachant derrière les luttes les plus nobles .

Pas facile de séparer le bon grain de l'ivraie pour Alexandre le jeune héros , fils de la maison et personnage principal que l'on va regarder grandir , évoluer et se construire toujours guidé par une sagesse héréditaire malgré les apparences parfois trompeuses ...je n'en dirai pas plus !



Sinon , le roman présente une alternance constante de l'intrigue avec des chroniques historiques .

Les domaines politiques ou économiques font aussi place à de savoureux souvenirs du quotidien des français , des bribes parfois désuètes et bien souvent nostalgiques .



Bien sûr , l'accent est mis sur l'évolution des campagnes soulignant au passage les drames subis par un désenclavement inévitable .

Mais , j'ai surtout retenu le portrait changeant du monde rural : la désertification des campagnes , la mort des exploitations , la métamorphose du paysan en exploitant agricole et toutes les contraintes qui viennent tuer le sentiment de liberté et de quiétude .

On voit peu à peu s'étioler la sagesse ancestrale , le bon sens paysan rudement mis à mal .



Pourtant , malgré la gravité d'un sujet qu'hélas on connait bien , le roman va garder un caractère lumineux , dynamique porté par une belle écriture empreinte de poésie , de tendresse , de finesse et piquée ici et là de traits d'humour.

Le rythme est enlevé , la forme bien pensée pour servir un travail d'investigation très dense et rondement retranscrit où foisonnent les anecdotes de la grande et la petite histoire .

Et , j'oubliais , la trame offre quand même une histoire d'amour plutôt compliquée !



Mais , c'est l'idée maîtresse qui me revient le plus à l'esprit persuadée que la transformation de nos campagnes nous concerne tous et je crois que ce livre souligne la lente évolution de la conscience collective .

Il n'est pas sans me rappeler l'œuvre de Georges Rouquier dans " Farrebique" ( 1946 ) et "Biquefarre" (1984 ) deux superbes films documentaires retraçant aussi l'évolution d'une famille de paysans aveyronnais face au progrès .



Et voilà que s'achève pour moi un excellent moment de lecture . Des quatre romans de Serge Joncour lus , ce dernier est mon préféré et j'envie ceux qui ont encore à le découvrir !

Bonne rentrée littéraire à tous !







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Chaleur humaine

Quelle heureuse idée a eu Serge Joncour de nous faire retrouver Alexandre, aux Bertranges, dans le Lot, où il continue à élever ses vaches ! Sous le soleil de janvier 2020, le printemps a deux mois d’avance mais Constanze est là et cela le comble de bonheur.

L’auteur de L’amour sans le faire, L’écrivain national, Repose-toi sur moi et Chien-Loup, livres qui m’ont beaucoup plu, poursuit donc Nature humaine (Prix Femina 2020) et il me régale à nouveau.

Voilà qu’il cite alors Caroline, Agathe et Vanessa, les trois sœurs d’Alexandre parties vivre loin de la ferme familiale. Sont-elles là ? Non, car Alexandre nomme ainsi les trois éoliennes qui dominent le paysage et qui ont pu être installées parce que les frangines ont accepté de vendre leurs terrains. D’ailleurs un autre de ces terrains a été cédé à la société d’autoroute pour l’installation d’un centre de maintenance.

Heureusement, il reste suffisamment de terres pour faire paître les vaches dans les meilleures conditions possibles. Âgé de 57 ans, Alexandre veille aussi sur Angèle et Jean, ses parents qui vivent un peu plus bas et se consacrent au maraichage.

Nous sommes donc début 2020 et, à la télé, on parle d’un mystérieux virus chinois et cela me rappelle vite quelques souvenirs… Comme pour nous tous, ce fameux virus va profondément modifier la vie de toute la famille d’Alexandre.

Petit à petit, alors que personne n’y croit, que les autorités se veulent toujours rassurantes, le coronavirus se répand et les restrictions s’aggravent. Serge Joncour écrit toujours aussi bien, sait parfaitement raconter et saupoudre son récit d’un humour toujours bienvenu. Son style est vivant, imagé et m’emmène au cœur de la vie paysanne, vie qu’il connaît bien et sait parfaitement mettre en valeur.

Voici maintenant les trois sœurs, chacune dans sa vie personnelle, vie qu’elles ont choisie pour fuir la ferme, ce monde rural qu’elles détestent. D’ailleurs, dans la famille, les fâcheries persistent et bloquent les rapports, ce qui est toujours triste et arrive trop souvent hélas.

Caroline vit seule à Toulouse. Agathe s’est installée à Rodez avec Greg, son mari, qui fut un gilet jaune virulent. Ils ont deux ados très différents, Kevin et Mathéo. Enfin, Vanessa mène la belle vie à Paris.

Les parents d’Alexandre sont aidés par Frédo qui débarque un jour avec trois chiots, des bichons qui vont bouleverser la vie familiale et apporter plusieurs surprises rendant l’histoire palpitante et parfois stressante.

J’ajoute enfin, car c’est important, que les Bertranges, cette ferme familiale que seul Alexandre maintient vivante, va devenir un refuge providentiel, un bel hommage pour celles et ceux qui donnent beaucoup afin de garder un peu de vie dans nos campagnes. Accessoirement, ils nous permettent de manger des produits sains grâce à ces circuits courts devenus indispensables. De son côté, Constanze, à la Reviva – réserve biologique de l’ONF - se consacre à la sauvegarde de la forêt qu’il faut impérativement préserver.

Avec Chaleur humaine, excellent titre, Serge Joncour a réussi un autre très bon roman qu’il faut lire car il témoigne en même temps d’une époque très proche que nous avons tendance à oublier, et nous rappelle qu’il existe une vie en dehors des grands ensembles ou des villes où la vie se concentre artificiellement.


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L'amour sans le faire

- Pépite, coup de coeur. Ceci n'est pas (seulement) une histoire d'amour, c'est beaucoup plus !



Trois destins. En quelques mots :



- Franck, cameraman récemment frappé par la maladie revient voir ses parents agriculteurs, après dix ans de brouille. Sur la route, il se laisse gagner par ses souvenirs d'enfance auprès de son frère Alexandre, de six ans son cadet.



- Louise est veuve depuis 10 ans, la plaie du deuil reste béante, elle travaille en ville dans une usine "fantôme", avec quelques femmes qui attendent désespérément une commande, un petit quelque chose pour ne pas être payées à ne rien faire, et qui se serrent les coudes pour supporter l'invivable... Louise a un petit garçon, élevé par ses beaux-parents, loin d'elle, à la campagne.



- Cet enfant pétille, déborde d'énergie, d'humour, de joie de vivre.



Bien sûr, ces personnages sont liés, par le passé, par le présent...



Quel dommage que ce titre soit si réducteur, se rapporte si peu à l'atmosphère du livre, et n'en concerne qu'une petite partie, mineure à mes yeux ! Quoi qu'il en soit, si vous voulez une belle histoire sans sirop, laissez-vous tenter, en revanche si vous espérez de l'Harlequinade, ne vous arrêtez pas au titre, vous seriez déçu...



On assiste ici à de jolies rencontres, notamment entre un enfant adorable, bavard, vif, et un adulte qui ne connaît rien aux "petits" et est vite conquis. L'ouvrage est également prétexte à de formidables descriptions réalistes et vivantes du monde rural, de la vie à la ferme (la "vraie", pas celle de la TV), des difficultés du monde ouvrier à l'heure de la crise et des délocalisations, de la spontanéité de l'enfance, des relations parents-fils adulte, etc.



Un petit air de 'A l'angle du renard', et d'un 'vieux' film avec Nathalie Baye que vous reconnaîtrez sans doute si vous lisez le livre (mais chut, ça dévoilerait le suspense...).



De cet auteur, j'avais aimé 'UV', très différent, et le recueil de nouvelles 'Combien de fois je t'aime', dont, là encore, le contenu riche et pertinent n'a strictement rien à voir avec le titre et la couverture neuneus à souhait...
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Repose-toi sur moi

Le corps de Ludo parle pour lui. Un mètre quatre-vingt-quinze. Cent deux kilos. Tout en muscles. Le genre de type qu'on envie, tellement il domine le monde par son volume et sa force. Un grand fauve ! Avec un gabarit pareil, on se doit d'être d'une tranquille assurance, d'être invulnérable. Presque invincible ! Depuis toujours, c'est ce qu'on attend de Ludo. Tant bien que mal, il s'est prêté à ce jeu, malgré ses fêlures, ses hésitations, ses échecs et ses peurs qu'il devait enfouir en lui, dissimuler comme une maladie honteuse. Il eut pourtant son compte, le grand Ludo : Mathilde, emportée par un cancer, qu'il ne put retenir malgré toute sa force ; la ferme familiale qu'il dut se résoudre à quitter ; et ce Paris irrespirable, grouillant de monde et d'ardeur, dans lequel il vivote et crève de solitude.

Toujours aussi facétieux, le destin lui lance entre les pattes Aurore. Aurore ! une urbaine jusqu'au bout des ongles. Belle, riche, hautaine, gracieuse… Une femme inaccessible pour Ludo, même en rêve ! Mais le monde d'Aurore, si brillant, si prospère, si parfumé, se dérobe sous ses beaux escarpins. Elle n'en peut plus de tous ces gens qui se métamorphosent autour d'elle, lui tournent le dos, l'ignorent, et en même temps lui bouffent tout son temps ; de ces petits coups d'épingles et de ces grandes trahisons qui l'assaillent, de ce monde factice et cruel. Tout coule entre ses belles mains de porcelaine ; elle ne retient plus rien, Aurore ! Elle a une peur panique de tout perdre… Alors elle s'accroche à Ludo comme à un rocher ; elle s'accroche à sa force, sa stabilité, sa tranquille assurance, son solide bons sens de paysan… Et ça le rend dingue Ludo d'être aussi important, aussi essentiel pour Aurore. Il se met à l'aimer éperdument, peut-être plus que sa propre vie. Pour la rassurer, il endosse une fois encore le costume du colosse, même s'il sait au fond de lui-même que ses pieds sont d'argile, qu'il est un fauve malchanceux.

J'ai lu les deux cents dernières pages en apnée tant j'ai eu peur pour nos deux amants fugaces. A chaque page, je les voyais flirter avec les limites, je me demandais quelle connerie ils allaient faire, cette connerie de trop qui risquerait de les faire tomber dans le précipice. Jusqu'à la dernière ligne de la dernière page, j'ai craint pour Ludo et Aurore, qu'ils ne se fassent rattraper et broyer par les autres… Pour celles et ceux qui ne l'ont pas encore fait, s'il vous plait, lisez ce livre…

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L'amour sans le faire

Franck a quitté sa région natale depuis des années et n'a pas pris contact avec ses parents depuis son départ. L'envie soudaine lui prend de les appeler. Quelle n'est pas sa surprise d'entendre un petit garçon prénommé Alexandre répondre au téléphone. Ce prénom lui fait remonter à la surface de nombreux souvenirs car c'est ainsi que s'appelait son frère, mort bêtement dans un accident de chasse. Il ne lui en faudra pas plus pour décider sur un coup de tête d'aller à la rencontre de ce petit garçon et de comprendre ce qu'il fait chez ses parents...

Louise est une jeune femme pleine d'entrain. Elle travaille à l'usine où elle va pointer tous les jours malgré l'arrêt des machines depuis que les commandes ont cessé. Mais ses collègues et elles continuent de s'y rendre, espérant peut-être une reprise de l'activité. Mais, pour le moment, elle ne songe qu'à une chose: aller retrouver son petit garçon Alexandre qu'elle a confié aux parents de Franck. Un petit être prénommé ainsi en mémoire d'Alexandre, son tendre amour, disparu trop tôt...

Ces deux-là vont inévitablement se retrouver dans un lieu qui leur est si cher...



L'amour sans le faire ou la rencontre fortuite de deux personnes réunies autour d'une personne disparue. Franck et Louise sont deux êtres timides, un peu désenchantés, peu ouverts sur la vie mais dont la rencontre fera basculer leur histoire. Il suffit d'un été ensoleillé et d'un petit garçon plein de vie pour qu'ils se découvrent enfin et profitent des petits plaisirs du quotidien. Pudique, sensuel, profondément humain, Serge Joncour nous dépeint en finesse et avec beaucoup de tendresse l'âme humaine qui s'éveille à la vie. Sur une narration alternative donnant la parole à chacun d'eux, on les découvre petit à petit et subtilement, se dévoilant et s'apprivoisant au fil des pages.



L'amour sans le faire... c'est déjà beaucoup...
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Chien-Loup

Ordre de mobilisation générale de tous vos sens.

Ne pas révéler, ressentir. Ne pas récapituler, renifler.

Chaque phrase est une histoire qui prête à réflexion, complexe, sauvage.

Lire, au-delà des pages, dans les yeux du chien-loup.



S’immerger entre les chapitres de la grande guerre d’avant et de la petite paix d’aujourd’hui.

Apprivoiser ce livre qui pullule de bêtes féroces et d’hommes bêtes de férocité.

S’adapter avec Lise et Franck en milieu hostile entre Périgord noir et Quercy profond que Lise a choisi comme villégiature toujours inaccessible et indomptée en 2017.

Lise, instantanément comme un poisson dans l’eau dans cette mer végétale agitée à contrario de Franck, énervé comme un lion en cage de Faraday, portable coupé, inimaginable pour ce producteur, toujours sur le qui vive, en délicatesse avec ses associés Liem et Travis.



Être hypnotisé par ce déserteur allemand, dompteur de fauves, implanté en 1914 dans cet impénétrable Orcières afin de protéger ses rugissants restes circassiens. Huit lions.

Faire la connaissance de Joséphine, douce et dévouée pour son entourage, en manque d’étreintes et plus essentiel, de caresses.

Percevoir les souffrances des femmes restées seules, sans hommes tous mobilisés, sans animaux tous réquisitionnés, à s’épuiser dans des travaux agricoles tarissant leur corps tout autant que l’absence de leur compagnon.



Serge Joncour, au travers de ses personnages tisse des intrigues fortes et nous offre un ouvrage dense aux phrases ardentes, percutantes qui se plantent dans votre tête comme les crocs d’une meute de loups dans les flancs de l’agneau. Ça sent la terre et le sang.



Bruts, primitifs, originels, ce sont les animaux en fait qui ont la place prépondérante, ce sont eux qui occupent l’espace et le temps et dirigent la structure romanesque : Lions, sangliers, brebis, chiens, chevreuils, cerfs, renards, loups. Tous contribuent au vacarme général, ininterrompu, assourdissant.

Ces animaux sont aux services des hommes comme les hommes sont à leurs services.



Goutez à l’analyse des caractères finement brossée, où certains se heurtent à leur démon là où d’autres lâchent prises.

Appréciez toutes les facettes d’une émotion, d’une situation passée au crible, rien n’échappe à la pertinence de l’auteur pour nous offrir toute la subtilité de ces créatures humaines ou animales.



Avec ce roman, que vous soyez végétariens ou carnivores, citadins ou ruraux, chasseur ou non, attention vous serez souvent en tension.

Alors…Appuyer sur « pause », coupez vous de « tout », pour un jour ou peut-être une nuit.

Pour la vie ?



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Chien-Loup

L’Idole, U.V. ou encore le dernier en date Repose-toi sur moi paru en 2016 et récompensé la même année du prix Interallié et du prix du Meilleur roman français pour le Magazine Lire… Serge Joncour est désormais un nom solide qui trône en bonne place au milieu des rayonnages de nos librairies favorites. Le voilà qui revient avec Chien-Loup publié chez Flammarion, son nouveau roman qui devrait surprendre les fidèles de l’auteur et combler les primo-lecteurs de notre homme. Pourquoi ? Lettres it be vous donne toutes les réponses dans les lignes qui suivent.



# La bande-annonce



L’idée de passer tout l’été coupés du monde angoissait Franck mais enchantait Lise, alors Franck avait accepté, un peu à contrecœur et beaucoup par amour, de louer dans le Lot cette maison absente de toutes les cartes et privée de tout réseau. L’annonce parlait d’un gîte perdu au milieu des collines, de calme et de paix. Mais pas du passé sanglant de cet endroit que personne n’habitait plus et qui avait abrité un dompteur allemand et ses fauves pendant la Première Guerre mondiale. Et pas non plus de ce chien sans collier, chien ou loup, qui s’est imposé au couple dès le premier soir et qui semblait chercher un maître. En arrivant cet été-là, Franck croyait encore que la nature, qu’on avait apprivoisée aussi bien qu’un animal de compagnie, n’avait plus rien de sauvage ; il pensait que les guerres du passé, où les hommes s’entretuaient, avaient cédé la place à des guerres plus insidieuses, moins meurtrières. Ça, c’était en arrivant.



Serge Joncour raconte l’histoire, à un siècle de distance, d’un village du Lot, et c’est tout un passé peuplé de bêtes et anéanti par la guerre qu’il déterre, comme pour mieux éclairer notre monde contemporain. En mettant en scène un couple moderne aux prises avec la nature et confronté à la violence, il nous montre que la sauvagerie est toujours prête à surgir au cœur de nos existences civilisées, comme un chien-loup.



# L’avis de Lettres it be



Quelques morceaux d’Histoire qui s’entrechoquent avec l’existence des contemporains, un territoire aussi majestueux que sauvage, bien caché au cœur de notre Hexagone… Chien-Loup choisit pour éléments constitutifs autant de composants que l’on n’aurait jamais pensé pouvoir être croisés de la sorte. Avec son allant désormais habituel, Serge Joncour marque un retour aussi attendu que déroutant : qu’ont à faire en commun un couple uni mais sur la pente raide et en quête de renouveau, un coin de Lot et un « Boche » tout droit sorti de la vieille guerre et que l’on verrait réapparaître dans une légende locale ? Assurément, impossible n’est pas Joncour pour mener à bien un bon roman en plein cœur de cette féroce rentrée littéraire de septembre 2018.



Serge Joncour refait surface avec ce récit d’une banalité trop contemporaine qui croiserait la nostalgie des légendes passées. Chien-Loup reprend les éléments du drame romantique moderne avec toute la douceur conjugale et routinière qui va avec mais en ajoutant une pointe d’histoire locale, juste ce qu’il faut pour faire basculer deux existences bien loin des sentiers battus qui leur étaient pourtant promis. Et, de fait, le lecteur embarque dans cette aventure qui n’en est finalement pas une. Une fois encore, Serge Joncour parvient à garder le cap dans un roman haletant quoique jamais extraordinaire au sens du terme. Ce récit du banal fait mouche lorsque pointe quand nous nous y attendons peut-être le moins des éléments surprenants et dosés avec maestria.



Parce qu’il offre une littérature de tous les jours et des romans qui parlent au commun des mortels sans tomber dans les écueils de la facilité, parce qu’il ne fouille pas les tiroirs de l’Histoire à la recherche de faits bien dans l’ère du temps et au potentiel « sensibilité » (et commercial) avéré, Serge Joncour ne devrait pas habiter les listes des grands prix littéraires français autoproclamés. Surfant sur la vague de son succès populaire (au sens du terme), celui qui est aussi à l’origine, entre autres, du scénario du film à succès Elle s’appelait Sarah sorti en 2010 sur les écrans parvient à garder le cap de ses derniers succès littéraires passés. Chien-Loup voit ses pages tourner à toute vitesse, nombreux seront les lecteurs conquis et qui partiront volontiers bien loin sur ces territoires enchantés de France au côté de Lise et Franck. Une belle et agréable lecture. Monsieur Joncour, on en redemande.



Retrouvez la chronique en intégralité sur Lettres it be
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Nature humaine

Un premier chapitre se déroulant le jeudi 23 décembre 1999 augure d’une fin peu réjouissante, et, si tout aurait pu se jouer autrement, Alexandre, le seul à vivre maintenant au sommet des prairies depuis la mort du chevrier Crayssac, ce vieux fou et le départ des parents de la ferme, n’éprouve cependant aucun regret.

C’est au travers de cette famille, les Fabrier, qui ont vécu dans cette ferme du Lot durant quatre générations et particulièrement à travers le regard du jeune Alexandre que Serge Joncour nous donne à revivre trente ans de la vie d’une ferme avec les révolutions du monde agricole et par là même trente ans d’histoire nationale, dévoilant ainsi beaucoup de la nature humaine !

Nature humaine se situe donc dans la France rurale entre la canicule de l’été 1976 et la violente tempête des derniers jours de l’année 1999, deux évènements météorologiques annonciateurs de la catastrophe environnementale que nous vivons.

Alexandre, 19 ans, ce jeune agriculteur, a rencontré Constanze à Toulouse où sa sœur aînée est partie faire ses études. Cette allemande de l’Est, militante antinucléaire pour qui il a un vrai béguin l’amène à rencontrer des activistes violents et à mettre le doigt dans un engrenage qui sera source de beaucoup de suspense.

Serge Joncour, en excellent conteur et amoureux de la terre, raconte les révolutions du monde agricole, nous faisant prendre conscience avec acuité des effets des décisions d’hier dans le désastre écologique que nous vivons aujourd’hui. L’exode rural illustré par les trois sœurs d’Alexandre préférant faire leur vie en ville, n’imaginant pas un seul instant rester à la ferme, l’arrivée du téléphone, des hypermarchés , en l’occurrence, le Mammouth de Cahors, débouché dans un premier temps pour les agriculteurs bien vite contraints de modifier leurs habitudes pour subvenir aux engagements pris, le productivisme , les engrais qui auront un rôle primordial dans le récit, le fameux RoundUp, les animaux en batterie, la vache folle, la construction des autoroutes, la mondialisation des échanges, autant de « progrès » pour lesquels le monde rural n’aura d’autre alternative que de s’adapter s’il veut survivre, tout en assistant à la décomposition progressive de son univers.

Une grande place est donnée également à la construction des centrales nucléaires avec le combat mené par les activistes anti-nucléaires dans les années 80 et bien sûr la terrible catastrophe de Tchernobyl en 1986.

Cette fresque rurale rétrospective nous plonge dans les années Giscard, Mitterrand et Chirac avec notamment ce moment d’anthologie que nous fait revivre Serge Joncour avec l’élection de François Mitterrand ! C’est aussi la catastrophe de Tchernobyl, comme relatée précédemment, avec les infox qui ont circulé alors, et, la chute du mur de Berlin en 1989.

Ce n’est pas sans nostalgie que j’ai replongé dans ces années-là. Serge Joncour les a particulièrement bien retracées, leur redonnant vie avec brio.

L’auteur dresse de beaux portraits psychologiques et dépeint avec justesse les contradictions qui animent les personnages du roman.

Pour exemple, si pour Constanze, les terres des Bertranges sont véritablement un lieu édénique, elle n’envisage pourtant en aucun cas y vivre, à l’instar de beaucoup de citadins d’aujourd’hui.

Mais c’est avant tout ses descriptions toutes de poésie de ces coins de nature encore épargnés par la mécanisation qui m’ont le plus émue et bouleversée, des pages magnifiques, de vraies toiles de maître, de même que les rêves de bonheur de ce courageux jeune homme pourtant confronté à un amour impossible mais que parvient à combler cette « nature humaine ».

Nature humaine, Prix Femina 2020, hautement mérité, est un roman rural simple, délicat et rythmé, au ton un peu désabusé certes, mais comment ne pas l’être, que je recommande fortement.

Ayant eu le plaisir d’assister à la présentation de son livre aux Correspondances de Manosque, en 2020, j’ai été conquise par cet auteur, son humour, sa simplicité et son amour de la terre.


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Chien-Loup

L'homme est un loup pour l'homme. Il en faut parfois peu pour que la violence le gagne et lui fasse perdre raison, pour que la bestialité prenne le dessus.

Et on sent, dès les premières pages, que ces terres perdues au fond du Lot, coupées du monde, vont être le décor idéal pour laisser à la sauvagerie toute latitude.

Elle va d'abord se matérialiser par l'apparition d'un chien sauvage, sans collier et sans maître, qui traîne aux abords de la maison, puis se dessiner dans le souvenir de ces fauves d'un cirque réfugiés sur la colline avec leur dresseur et enfin, éclater dans la rancoeur de Franck envers ses jeunes associés.

L'homme est tour à tour un "jeune loup" conquérant, un boucher, un chasseur, un geôlier...

Et les femmes ? Elles apparaissent comme les seules capables de lutter contre la part animale et brutale des hommes, communiant avec la nature, s'adaptant à cet environnement hostile (Lise), ou composant avec la sensualité et la mort (Joséphine), tempérant la colère et la cruauté.

La superposition des deux époques de narration (la guerre de 14-18 / notre époque) multiplie les parallèles, développe le thème de la sauvagerie en miroir.

Serge Joncour montre ici à quel point il est dans son élément, jonglant entre situations tendues et humour, entretenant le suspens au milieu d'une nature tantôt créatrice de paix, tantôt génératrice d'angoisse. Ça bruisse, c'est dense, inquiétant, c'est, d'une certaine manière, une autre forme de sauvagerie.

J'aurais pu lire 100 pages de plus tant ce nouveau roman m'a séduite, tant dans sa narration, riche et savoureuse, que pour cette histoire que j'ai aimé !

Une parfait réussite !

Merci aux Editions Flammarion et à Babelio pour cette lecture en avant-première !
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Chien-Loup

Je suis encore sous le charme (et sous le choc) de ce fabuleux roman. Une histoire en deux époques pour un même lieu. Un roman de retour à la nature, en quelque sorte. Mais la nature, si d'aucuns l'imaginent douce et paisible, ce n'est pas le cas de notre auteur qui nous entraîne dans une histoire de sauvagerie animale et, pire, humaine.

Orcières 1914-1917 : Les hommes ont déserté le village, envoyés à la boucherie des tranchées. Restent les femmes et les enfants, les invalides, et un dompteur allemand installé sur les hauteurs avec ses fauves. Cris dans la nuit, disparitions de brebis, les pires rumeurs se propagent.

Même lieu, un siècle plus tard : un couple travaillant dans le cinéma, en baisse de régime, passe ses vacances dans un mas isolé, coupé de tout réseau. Elle en rêvait, il subit… Jusqu'à l'apparition d'un mystérieux chien-loup.

De cette histoire aux relents de légende, Serge Joncour fait un véritable suspense qui tient en haleine jusqu'au bout, et qui tient toutes ses promesses. J'ai adoré !



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Chaleur humaine

Avec Chaleur humaine, nous voilà revenus aux Bertranges dans le Lot, dans cette ferme familiale isolée entre collines et rivière. Les parents ont vieilli et des quatre enfants, seul Alexandre est resté au bercail, reprenant l’exploitation familiale, ses trois sœurs ont réalisé leur rêve de partir vivre en ville, en appartement à Paris, Toulouse et Rodez. Lors du partage, elles n’avaient pas hésité à céder leur part pour l’installation d’éoliennes et la construction par la société d’autoroute d’un centre de maintenance. Aussi, depuis quinze ans, les relations sont pour le moins tendues entre Alexandre et ses trois sœurs, entre eux demeure une incompréhension définitive.

Si, en ce samedi 25 janvier 2020, le printemps ayant quasiment deux mois d’avance, Alexandre et Constanze éprouvent un grand plaisir à conduire les jeunes veaux, les broutards, pour rejoindre le troupeau après deux mois d’abri : le vrai premier jour de l’année à la ferme, c’était le matin de la mise en herbe, symbole de la vie qui renaît !

Mais voilà, nous sommes début 2020 et une pandémie a entrepris sa marche funèbre.

Fuyant le confinement urbain, Caroline, puis Agathe, son mari et leurs deux garçons et enfin Vanessa viennent se réfugier aux Bertranges.

Nous voilà plongés alors dans un huis-clos d’une rare intensité, en pleine nature !

Comme dans son précédent roman, Nature humaine, j’ai une nouvelle fois été éblouie par les descriptions pleines de poésie que fait Serge Joncour de ce reste de nature préservée et par le portrait qu’il brosse de cet Alexandre amoureux de sa terre qu’il connaît si bien, qu’il a réussi à préserver jusqu’ici des affres du réchauffement climatique grâce aux arbres et aux haies qu’il a maintenues autour de ses prés. C’est un pur bonheur de le côtoyer dans son travail, et une satisfaction également de constater que celles qui ont eu la naïveté de croire que la ville était la panacée, éprouvent le besoin de venir se réfugier à la campagne. La difficulté sera de cohabiter, car ils ne sont plus du même monde, un fossé s’est créé entre les urbains et les ruraux.

Les autres personnages sont également particulièrement bien décrits et la diversité de leurs caractères permet d’embrasser un large panel d’opinions.

Si Nature humaine, situé entre 1970 et 2000, évoquait la dislocation des familles, Chaleur humaine tente de les rassembler, de les faire entrer dans une forme de communion en oubliant leurs différends, la campagne redevenant un territoire de liberté, alors qu’elle avait été une sorte de punition pour ceux qui y étaient restés par manque d’ambition et d’imagination comme on se plaisait à le penser.

Le lien entre l’homme et ses racines s’était fortement distendu, et là nous assistons au renversement d’un monde qui semblait immuable.

En entrelaçant l’histoire du monde et une histoire de famille, Serge Joncour nous livre un roman passionnant de bout en bout, non dénué d’humour, dans lequel il inclut à la fois notre présent et nos fautes passées.

Dans un monde qui se dérègle et se déchire, ce chamboulement avec l’arrivée de cette pandémie et le confinement qui s’en est suivi ont permis de retrouver un temps, un peu de chaleur humaine. Une époque toute proche et qui pourtant semble déjà lointaine…

Encore une fois, c’est un énorme coup de cœur que j’ai ressenti à la lecture de Chaleur humaine de Serge Joncour et c’est avec beaucoup de regret que j’ai tourné la dernière page...


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Chien-Loup

J'ai emprunté Chien-Loup de Serge Joncour à la bibliothèque et je l'ai dévoré :)

L'auteur nous emmène dans le Lot dans le village d'Orcières, au fin fond des collines escarpées du causse. Nous découvrons le village en 1914-1915 mais aussi de nos jours, en 2017.

Pendant la guerre 1914-1918, un allemand (dresseur de fauves) s'installe en haut du village avec ses animaux : lions, tigres, huit bêtes en tout. Nous suivons le village pendant cette période, avec les fauves en fond sonore.

En parallèle nous découvrons aussi l'histoire d'un couple, de nos jours. Lise a décidée de se déconnecter de tout pendant trois semaines, elle est persuadée que les ondes sont mauvaises pour elle et éprouve le besoin de se reposer loin du monde moderne. Son mari Franck l'accompagne mais à contrecœur. Producteur, il a du mal à imaginer se déconnecter de son portable. Le couple a loué une petite maison en haut du village d'Orcières. Ils sont isolés de tout.. Lise comprend que cet isolement qui lui convient temps peut devenir bien plus compliqué pour son mari. Va t'il craquer et rentrer rapidement sur Paris ? La rencontre avec un mystérieux chien aidera t'il Franck à se sentir à sa place loin de la civilisation moderne ?

Chien-Loup est un excellent roman dont j'ai beaucoup apprécié l'histoire, les personnages, et surtout la façon d'écrire de l'auteur. Même si nous naviguons entre deux époques, à aucun moment je n'ai été perdue. C'est fluide, ça se lit avec plaisir et j'ai eu du mal à lâcher ce roman pour aller travailler !

Nous avons là un très bon roman de la rentrée littéraire 2018, et je mets avec plaisir cinq étoiles.
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Chien-Loup

Chien-Loup.

Animal ami de l'homme ou prédateur ?

« Cette ambiguïté fondatrice [...]. Dans la vie il ne s'agit pas d'être le bon ou le méchant, tout comme dans les affaires il ne s'agit pas de prêter le flanc ou de mordre, il convient plutôt de toujours maîtriser les deux registres, en fonction des circonstances. Tout animal est fondé sur cette ambivalence. »

Et tout homme, par définition...



Voilà qui résume parfaitement l'esprit de cet ouvrage qui invite à réfléchir sur l'homme, l'animal, leurs rapports - domination/soumission, complicité...

Sujets qui font écho à des préoccupations écologiques qui déchaînent les passions depuis quelque temps : chasse, condition animale, végétarisme et veganisme, respect de la nature en général.

Mais aussi aux guerres de territoire, aux frontières farouchement gardées, à la peur de l'autre, de l'étranger (bouc émissaire vite trouvé).



Serge Joncour nous raconte ici deux histoires, distantes d'un siècle mais évidemment liées, notamment par un lieu : les Orcières.

Monde sauvage, isolé, troublant, aussi préservé et apaisant que terrifiant. Où la cruauté peut s'exprimer librement et impunément, à l'abri des regards, tandis qu'ailleurs des hommes doivent s'entre-tuer pour la patrie, ou se bouffent pour de l'argent, du pouvoir...

Ce conte pour adultes, captivant et angoissant, nous renvoie également à nos peurs primitives de la forêt, du loup et autres bêtes sauvages, de l'ogre, de la solitude, des rivalités meurtrières entre pairs...



Il y a les livres que je dévore.

Celui-là fait partie de ceux que j'aurai savouré, comme la plupart des textes de Serge Joncour, d'ailleurs, dont la sensibilité, la pertinence et les talents de conteur me charment depuis longtemps.

____



Deux extraits parmi des dizaines cochés :



• « L'homme c'est cette créature de Dieu qui corrompt et dilapide, qui se fait un devoir de tout salir et d'abîmer. Sans qu'il soit question de malveillance ou de jalousie, de frustration ou de colère, par sa seule présence un homme peut tout détruire. »



• « Et même si vivre à l'écart, vivre pleinement à l'abri des autres ne se peut pas, parce qu'il n'y a plus la moindre zone sacrée, plus la moindre zone blanche sur les cartes, pas le moindre territoire où la vie sorte toujours victorieuse, il existe au moins des zones d'accalmie coincées entre deux combats, des zones à l'écart. »
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Chien-Loup

1914/2017. un village du Lot déserté par les hommes partis à la guerre, qui se débat pour survivre/Lise et Franck qui louent une maison paumée au milieu du Causse pour se ressourcer. Un dompteur et ses fauves qui trouve refuge dans cette campagne, plus ou moins bien accepté par le village/Franck qui se débat avec l'entrée d'associés dans sa société de production de films...

Rien à voir entre ces deux histoires, et pourtant ce lieu étrange et envoutant va réunir les deux récits, dévoilés en alternance chapitre après chapitre, jusqu'au final...

C'est vrai qu'il y a quelques longueurs dans le texte (cf la critique précédente), mais c'est très bien écrit, et cela participe à l'atmosphère du roman, cet endroit hors du temps, où tout parait long, répétitif, voire enfermant.

Un bon roman de la rentrée littéraire 2018.
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Chaleur humaine

Suite de « Nature humaine », ce roman nous confine, début 2020, aux Bertranges, chez les Fabrier, où Alexandre (57 ans) est rejoint chez ses parents (octogénaires) par Caroline, Agathe et Vanessa, ses soeurs qui ont déserté le Lot depuis des décennies.

- Caroline, enseignante à Toulouse, divorcée de Philippe, découvre les joies du télé-enseignement et les aléas des connexions internet en Midi Pyrénnées. Ecologiste, après avoir été socialiste, elle réalise que la terre est basse et que « ça change la vie »

- Agathe, commerçante à Rodez, et Greg, son mari, cafetier et supporter des gilets jaunes, arrivent avec leurs deux adolescents dont Kevin défavorablement connu de la police pour divers trafics.

- Vanessa, parisienne, figure de proue de la start-up nation, se fracasse sur les aléas de la mondialisation fissurée par l’épidémie COVID. Son retour à la terre est brutal.



La cohabitation manque initialement de chaleur … mais l’arrivée inopinée d’une couvée de trois chiots en quête de chaleur humaine rapproche la fratrie.



Scénario digne de la Bibliothèque Rose me direz vous ; erreur car Serge Joncour, avec un humour caustique et une plume aiguisée, balaye les virus ambiants et dévoile un ordre naturel résilient.



De quoi observer que certains chiots sont d’éminents philosophes et révèlent la nature humaine ?



Ce roman, aussi amusant que décapant est un savoureux instant de bonheur. Bien supérieur (à mes yeux) au superficiel « Nature humaine ».



PS : Nature humaine
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Chaleur humaine

La famille est dans le pré.

Ne pas se fier au titre du roman, il n’est pas question de sudation mais d’un récit de confinement en famille à la campagne. D’un autre côté, les aventures d’un gérant de hammam ou de sauna dans un bled paumé du Lot qui propose une alternative au bain mensuel dans l’abreuvoir aurait peut-être déclenché chez moi plus d’enthousiasme qu’un rembobinage sur ce Printemps 2020 qui n’est pas encore passé au noir et blanc dans ma boîte à souvenirs.

Depuis 3 ans, je fuis comme la peste, ou plutôt comme la Covid, les carnets de bords et récits des confinés inoccupés qui n’étaient pas bricoleurs ou tricoteurs. Je suis donc rentré dans cette suite de « Nature Humaine » un peu en marche arrière mais pour connaître un peu l’étroitesse des routes vallonnées du Lot, je vous conseille de ne pas commencer par la fin.

Fuyant le confinement urbain, la promiscuité, le travail pour certains et le virus, Vanessa, Caroline et Agathe se réfugient aux « Bertranges » dans la ferme des parents. Les trois sœurs, une célibataire, une divorcée et une dernière en couple avec un beauf version premium, retrouvent sur place Alexandre, le frérot agriculteur resté à demeure. Pilier de la famille, ce dernier n’a pas besoin de Karine Lemarchand et de ses mélodies lacrymales d’ascenseurs puisqu’il est casé avec une autre amoureuse de la nature et des pulls qui grattent. Alexandre n’est pas ravi de voir revenir ses sœurs avec lesquelles les contacts se limitaient aux enterrements et aux vœux de bonne année depuis l’exode urbain et quelques histoires d’héritage. Côté éoliennes et passage d’autoroute au voisinage de ses terres, il a la digestion un peu difficile.

Tout ce petit monde va arriver avec ses valises, ses problèmes et va être obligé de tomber les masques (j’étais obligé de la faire !).

Les récits de Serge Joncour ressemblent à des week-ends à la campagne. Ils sont capiteux, moelleux, prennent leur temps sans le perdre, ils sont écrits pour être lus à la belle étoile et pourtant ils ne penchent jamais du côté des romans du terroir qui sentent le pâté de campagne et confondent histoire et traditions.

Il n’y avait donc que la plume de Serge Joncour pour parvenir à nous rappeler avec finesse et sans tomber dans le convenu, nos petites habitudes de confinés scotchés devant les JT, les transhumances de citadins accueillis à la fourche par les autochtones, nos débats intrafamiliaux dignes d’un réveillon trop arrosé, nos soudaines vocations d’épidémiologistes de zinc, les collections de papier toilette et surtout nos dénis, angoisses et incertitudes.

J’ai lu que Serge Joncour se décrivait lui-même comme un écrivain du dehors et la nature occupe effectivement une place de plus en plus importante dans son œuvre depuis « Chien loup ». Si le confinement a arrêté un peu le temps, mis nos vies en pause, le roman décrit très bien que pendant cet entracte, la nature a profité de ses vacances et repris ses droits. L’auteur emprunte aussi l’œil de son agriculteur de héros pour observer le changement climatique et le dérèglement des saisons dans son activité. Y’a plus de saison comme au bon vieux temps, ma bonne dame !

Ce roman est une réussite même si j’avais trouvé « Nature humaine » plus abouti et ambitieux, peut-être parce qu’il s’inscrivait dans un temps plus long qu’un écouvillon.

Allez Un petit pari sur le titre du prochain roman :

Chair humaine ? Chaîne Humaine ? Surhumaine ? Energumène ?

Tiens, c’est déjà ma 300 ème.

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