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Critiques de Sorj Chalandon (3470)
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L'Enragé

Un roman d'une noirceur extrême, A travers ce récit il y a l'enragé Jules Bonneau , alias la teigne, et moi avec ma rage. L'auteur plante le décor avec ce personnage, à l'aube de ses 6 ans sa mère l'abandonne, son père absent, des grands parents à l'âme peut charitable, ne veulent pas le prendre en charge,Une nouvelle épreuve pour lui, à 13 ans , il se retrouve enfermé, prisonnier dans ce bagne pour jeunes enfants et adolescents. Un centre où sa vie va prendre un nouveau tournant,celui du cauchemar à l'état pur, Un endroit , où il difficile, voir impossible de si échapper, Nous sommes à Belle île en Mer , un nom qui peut faire rêver, mais nous sommes loin d'imaginer ce qu'il se passe , a travers ces murs,. Un monde où des enfants et des adolescents, vivent impensable, l'insoutenable, l'inimaginable. Ils subissent des sévices extrêmes, ils sont violés, frappés,rabaissés au quotidien, il faut faire sa place, prouver sa supériorité, pour éviter les pires ignominie.

En 1934, 55 enfants décident de s'échapper, tenter l'impossible pour s'éloigner ,se libérer de cet enfer, une lueur d'espoir qui s'éteint et l'obscurité reprend son pouvoir, retour dans cet univers ignoble, Jules, arrivera à rester introuvable, Un marin , le prend en estime, en charge, un nouveau monde s'ouvre pour Jules,Il vit avec ses démons, il est toujours sur le qui vif, lui qui n'a connu que la violence, il a beaucoup de mal à donner et avoir confiance des autres,

L'auteur signe un nouveau puissant, terrifiant. Il a du faire de nombreuses recherches, pour retranscrire un sujet aussi documenté, La plume est percutante, cru, sans pudeur, qui peuvent déranger les lecteurs face à ce faits réels, Pour ma part, il y a eu séquences qui m'ont mises mal à l'aise et l'auteur ne ménage aucunement ses lecteurs,

Une partie de l'histoire peut connue, où des enfants non pas connus l'amour , la tendresse, d'une famille, des enfants qui n'ont connus que la violence, Je vous laisse découvrir cette histoire , il est impossible de ressortir indemne d'un tel récit.
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Enfant de salaud

Rentrée littéraire 2021 #20



Trois phrases monstrueuses prononcées par le grand-père de l'auteur : «  ton père, pendant la guerre, il était du mauvais côté », «  je l'ai vu habillé en Allemand, place Bellecour », tu es " un enfant de salaud ". En 1962, Sorj Chalandon a 10 ans et se voit ainsi transmettre la charge de la honte. Mais ce n'est qu'en 2020 qu'il saura ce qu'a réellement fait son père durant la Deuxième guerre mondiale, après avoir retrouvé un extrait de casier judiciaire mentionnant son emprisonnement à Lille en 1945 en pleine épuration pour indignité nationale, puis le dossier complet aux archives départementales du Nord.



La magnifique idée de Sorj Chalandon est, sans changer les faits, d'avoir antidaté sa découverte pour la décaler en 1987 pendant le procès de Klaus Barbie. Lorsque celui-ci démarre, le narrateur, son double romanesque, a le dossier, il sait tout de ce père qui a revêtu cinq uniformes différents, de la SS aux Francs-tireurs et partisans, à chaque fois vers les bottes les plus reluisantes du moment, avec un instinct de survie et une inconscience absolument insensées. En même temps que s'ouvre le procès du criminel nazi, s'ouvre celui du père qui y assiste en même temps que son fils ( Sorj Chalandon a couvert le procès Barbie pour Libération et obtenu le Prix Albert Londres pour ce travail ).



La mise en abyme est vertigineuse, entre immense sincérité et écriture incisive. Durant les sept semaines du procès, le narrateur attend que le père s'effondre, espérant qu'il quittera «  chaque audience comme au sortir d'un ring, titubant sous les coups d'une histoire qui ne fut pas la (sienne). » Les scènes d'interstices judiciaires sont superbement rendues. Au delà du compte-rendu douloureux des témoignages évoquant la rafle des 44 enfants d'Izieu ou celle de la rue Sainte-Catherine, c'est bouleversant de voir le fils se retourner pour « espionner » son père, puis vaciller en le voyant ricaner, bailler ou soupirer lorsque les survivants racontent.



C'est toute la force de ce roman que de parvenir à partager avec sensibilité et pudeur le cri de désespoir d'un fils dont on ressent toute l'émotion et la colère. Car le père est son premier traître, c'est son fils qu'il a en premier trahi, pas son pays car ils ont été nombreux à se fourvoyer durant cette période. Ce fils qui a été privé de lumière par ce père qui a refusé de lui raconter sa guerre, même avec ses ombres. Ce fils qui, malgré une quête légitime de vérité, est toujours assailli par la culpabilité d'avoir profané le passé de son père.



Après avoir dit à son père qu'il savait tout : «  Je m'étais cru lumineux mais c'était de l'orgueil. J'avais voulu te soustraire à la folie et j'étais en train de t'arracher à tes rêves. Je t'espérais purifié, nouveau-né à la peau et au regard d'enfant, mais j'écorchais seulement ton vieux cuir de père et tes yeux hurlaient d'effroi. J'avais tort. Je n'étais pas en train de te sauver, mais de te perdre à jamais. Je n'avais pas réussi à te ramener du royaume des fantômes au mondes des vivants. J'étais en train de te torturer. Comme la police, j'étais en train de t'interroger. Comme la justice, j'étais en train de te condamner. Comme cette garce de vie, j'allais t'exécuter. »



Un roman bouleversant qui enjambe l'intime et l'universel avec une rare honnêteté. Comme il le dit magnifiquement, Sorj Chalandon a changé ses larmes en encre et offre aux lecteurs - sans doute - la clef pour comprendre toute son oeuvre ( notamment Profession du père ou La Légende de nos pères ). Remarquable.
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Le Jour d'avant

"C'est comme ça la vie."



Les Houillères, 1974. Un coup de grisou vient de tuer des dizaines de personnes et de laisser des familles entières dans le besoin et l'injustice.

Comme Michel Flavent, dont le frère est mort. "Venger son frère" deviendra son obsession, car "le coup de grisou avait des complices" : "les patrons appellent ça le profit".



D'une plume sensible et ciselée, une plongée dans le milieu des mineurs du Nord de la France, mais aussi dans celui de l'âme humaine.

Social, psychologique, parfaitement maîtrisé, le récit de Sorj Chalandon est un coup de maître ! Un incontournable de cette rentrée littéraire de septembre 2017.



Une histoire de fraternité, d'identité, de mémoire sociale et politique. Le tout, servi par une langue charnelle, dans laquelle l'émotion affleure à chaque page. Un grand livre !



Lu en juin 2017.



Mon article sur Fnac.com/Le conseil de libraires :
Lien : https://www.fnac.com/Le-Jour..
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Enfant de salaud

Quel livre d’Histoire ! Quel roman, comme il est noté sur la couverture !

Encore une fois, Sorj Chalandon, mon écrivain préféré, m’a captivé et beaucoup appris ou rappelé avec Enfant de salaud, titre terrible.

Cet auteur m’a régalé à chaque fois avec Une promesse, Mon traitre, La légende de nos pères, Retour à Killybegs, Le Quatrième Mur, Profession du père, Le jour d’avant et Une joie féroce.

Dans Enfant de salaud, il se confronte au passé de son père. Tout se passe en 1987, d’avril à juillet. Ce qui aurait pu n’être qu’une sordide histoire familiale m’a replongé dans les affres de l’Occupation et du nazisme. Avant d’aborder le côté familial de son récit, Sorj Chalandon rappelle, avec une délicatesse infinie, le drame des enfants d’Izieu, déportés par Klaus Barbie. L’auteur est là, sur les lieux, quarante-trois ans après, là où quarante-quatre enfants et sept adultes qui pensaient être en sûreté, ont été embarqués sans ménagement, après dénonciation. Seule Léa Feldblum est revenue, libérée par l’Armée Rouge, en janvier 1945.

Sorj Chalandon aurait aimé avoir son père avec lui afin de tenter une explication permettant de comprendre pourquoi son grand-père lui a dit, un jour – il avait 10 ans - qu’il était un Enfant de salaud…

Remontent alors à la surface des souvenirs d’enfance, des récits extraordinaires de son père se faisant passer pour un héros. La quête de ce fils va être terrible, angoissante, émouvante et dramatique face à ce père qui ment, ce salaud qui a trahi son enfant.

Voilà qu’en cette année 1987, se tient à Lyon, le procès Barbie, le grand chef de la Gestapo dans la Capitale des Gaules. Sorj Chalandon y assiste en tant que journaliste, chroniqueur judiciaire pour Libération, journal dans lequel il a écrit pendant trente-quatre ans.

En écrivain confirmé, l’auteur réussit à faire revivre ce procès hors-normes tout en détaillant sa quête pour mettre au jour la véritable histoire de son père durant la seconde guerre mondiale.

Voilà que cet homme qui fut condamné le 18 août 1945 à un an de prison et à cinq ans de dégradation nationale parce que nuisible à la défense nationale, se met en tête d’assister au procès qui débute le 11 mai 1987 !

Depuis, le temps a passé. J’ai vu cette grande salle des pas perdus qui avait été spécialement aménagée pour le procès, visité le Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation, à Lyon. D’ailleurs, cet important espace de mémoire a été aménagé dans l’ancienne école de Santé Militaire, là où Klaus Barbie sévissait, ce qui ajoute un intérêt supplémentaire à la visite. Même si j’ai vu le film diffusant des extraits du procès, le temps passe et la mémoire se dilue. Alors, j’ai particulièrement apprécié ce rappel, ces précisions, ces indications jamais rébarbatives sur ce qui s’est passé dans ce tribunal, jusqu’au verdict prononcé dans la nuit du 3 au 4 juillet 1987.

Sorj Chalandon cite les noms des témoins et remet en avant les victimes de la barbarie nazie. Son père était là et l’auteur réussit petit à petit à réunir les preuves de son imposture allant jusqu’à la folie. Ce dossier complet qu’il a pu récupérer récemment, il s’en sert pour tenter une confrontation désespérée avec celui qui l’a trahi, faisant bien ici œuvre de romancier avec ce talent que j’apprécie tant.

Au fil de ma lecture, j’ai été ému, angoissé espérant toujours une réconciliation entre ce père et ce fils, la mère étant très effacée et ne pouvant rien devant un homme prêt à tout pour se faire passer pour un héros.

Doublement axé sur un procès pour l’Histoire et sur l’imposture de ce père qu’il aime, avec qui il voudrait enfin s’expliquer, Enfant de salaud m’a beaucoup marqué.

J’ajoute un petit clin d’œil au passage car j’ai relevé à au moins deux reprises l’expression « porter un sac de pierres », expression qu’adore Sorj Chalandon pour faire sentir une quantité de souffrances très dures à supporter comme ce que ce fils a vécu face à ce père incapable d’assumer sa vérité.


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Enfant de salaud

Sorj Chalandon avait déjà consacré un roman à son père, avec Profession du père, père qui prétendait avoir été chanteur, footballeur, professeur de judo, parachutiste, espion, pasteur d'une Église pentecôtiste américaine et conseiller personnel du général De Gaulle jusqu'en 1958. Il revient cette fois encore sur ce père fantasque, manipulateur, imprévisible, mythomane invétéré, hanté par les paroles qu'a prononcées son grand-père devant lui quand il n'avait que 10 ans, en 1962 : « … Ton père pendant la guerre, il était du mauvais côté. » Et lorsque sa marraine veut intervenir, disant qu'il n'est qu'un enfant, il rajoute alors ces mots terribles « Justement ! C'est un enfant de salaud, et il faut qu'il le sache ! ». Il faudra à l'auteur une vie entière pour en comprendre le sens…



Toute la singularité et la force de ce roman tiennent au fait que Sorj Chalandon, ayant pu récupérer le dossier pénal de son père aux archives départementales de Lille, raconte sa quête de la vérité au sujet de celui-ci parallèlement au procès de Klaus Barbie, qui se tient à partir du 11 mai 1987 devant la cour d'assises de Lyon, l'auteur ayant été choisi par son journal « Libération » pour le suivre, procès au cours duquel doivent être établies les responsabilités du chef de la Gestapo à Lyon.

Enfant de salaud relate ainsi deux procès instruits en parallèle, celui intime sur ce père, jeune homme de 18 ans à l'époque, qui a endossé l'uniforme allemand, collaborant trois ans avec l'ennemi, ne cessant de changer de rôle, véritable affabulateur, que l'auteur voudrait entendre s'exprimer sur ses mensonges et ce procès public, historique sur Barbie, ce barbare nazi qui va devoir répondre de ses crimes atroces.

Pour ce qui est de son père, il est difficile pour son fils de s'y retrouver tant il n'a cessé de changer de camp et lorsqu'il essaie de le pousser dans ses retranchements, le mettant face aux écrits, celui-ci continue ses affabulations et refuse toute explication. Il aurait tant voulu libérer son père, « cet homme qui a passé sa guerre, puis sa paix, puis sa vie entière à tricher et à éviter les questions des autres. Puis les miennes », de l'emprise du mensonge. Mais impossible, et pourtant cela leur aurait fait tant de bien, s'il lui avait avoué ces histoires folles « Et qu'il me l'aurait avoué. Et qu'il m'aurait dit vrai. Et que j'aurais été fier de sa confiance. Et que même s'il avait été puni par son pays, il n'aurait jamais été dégradé par son fils. Et je ne serais pas un enfant de salaud. »

Comment ne pas être bouleversé en lisant ces lignes qui sont comme un cri d'amour désespéré.

Quant au procès de Klaus Barbie, Sorj Chalandon sait en restituer au silence près toute l'atmosphère digne et plus que bouleversante de ces témoignages de rescapés. Lorsqu'il évoque la plaidoirie de Serge Klarsfeld, disant qu'il n'avait pas plaidé mais parlé avec tristesse, ses mots sont foudroyants : « Levé, droit face au box vide de l'assassin, il avait fait entrer ces enfants (d'Izieu) dans la grande salle. En file, les uns avec les autres, les petits donnant la main aux plus grands. Il les avait fait comparaître devant nous, devant toi, dans leurs shorts d'été, les chaussettes tombées sur leurs chaussures trop grandes... »

La confrontation entre la grande histoire horrible avec le rappel des atrocités de la shoah et ce personnage immonde et cynique de Barbie, véritable tortionnaire et la petite histoire avec la vie d'un opportuniste inconscient qui croyait se faire valoir davantage en mentant est menée avec un talent certain et surtout une émotion omniprésente.


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L'Enragé

Le 27 août 1934, 56 enfants s’évadent de la colonie pénitentiaire pour mineurs de Belle-Île-en-Mer. Coincés sur l’île, pourchassés comme des nuisibles par les matons du centre, les gendarmes, les habitants et même quelques touristes alléchés par la prime de 20 francs offerte par gamin capturé, ils seront tous rattrapés, sauf un…



C’est à ce garçon que l’on dit noyé, que Sorj Chalandon (« Mon traître », « Le jour d’avant ») décide de donner vie. S’inspirant de ce sombre fait divers, l’auteur imagine la destinée de ce jeune bagnard, abandonné par ses parents, enfermé dès l’âge de douze ans, qui avance les poings serrés et le regard féroce, prêt à en découdre avec quiconque se mettra sur cette route qui le mène enfin vers la liberté. Jules Bonnot, dit La Teigne, est un naufragé de la vie, une victime de violences, d’humiliations et de privations, un enragé incapable de contenir la colère qu’il a emmagasiné au fil d’une enfance malheureuse…



L’ « Enfant de salaud » utilise son personnage comme exutoire d’une haine qui l’a également accompagné tout au long de sa propre adolescence. Il entre dans la peau de son personnage pour déterrer ses propres sentiments, ceux que l’on a déjà entrevus lors de ses précédents romans autobiographiques. C’est lui qui desserre les poings au fil des pages, afin de pouvoir accepter la main tendue par ces quelques adultes prêts à l’aider…



À travers ce cri de rage, l’auteur dénonce également la violence exercée sur les enfants enfermés dans ces centres d’éducation où régnait la loi du plus fort. Des bagnes pour mineurs où les gamins étaient non seulement exploités économiquement, mais également impunément battus et humiliés par les surveillants.



Ancrant son récit dans l’Histoire, marquée par la guerre civile espagnole, la montée du fascisme et communisme, l’auteur donne également naissance à des personnages secondaires forts et terriblement attachants, tout en rendant hommage aux courageux pêcheurs bretons. Il invite même à croiser le chemin d’un certain Jacques Prévert, qui immortalisa cette évasion, suivie d’une horrible battue, dans son poème intitulé « Chasse à l’enfant » :



« Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !

Au-dessus de l’île on voit des oiseaux

Tout autour de l’île il y a de l’eau



Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !

Qu’est-ce que c’est que ces hurlements ?



Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !

C’est la meute des honnêtes gens

Qui fait la chasse à l’enfant… »



Coup de cœur !
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Le Jour d'avant

Jusqu'où peut-on s'arranger avec la vérité ?

Jusqu'où peut-on vivre dans la culpabilité ? Ce sont les deux interrogations qu'il me reste après la lecture de ce foudroyant roman de Sorj Chalandon qui démontre, une fois encore, comment mêler réalité et fiction pour asseoir son humanité et sa sensibilité. C'est tellement plus qu'un coup de coeur !



Jojo Flavent et son petit frère Michel s'entendent comme larrons en foire. Jojo rêve de devenir pilote de course comme son idole Steve McQueen dans le film « le Mans ». Il sera mineur. Métier éprouvant, dangereux, où l'on ne retrouve jamais vraiment la couleur de sa peau tant la poussière de charbon s'incruste dans les pores, dans les yeux, sous les ongles. La mort rôde souvent, la silicose toujours.



Le 27 décembre 1974, à la fosse Saint-Amé de Liévin-Lens (Nord-Pas-de-Calais) un coup de grisou tue 42 mineurs et laisse des familles dévastées par le chagrin et la colère. Les veuves doivent rembourser au patron le prix des vêtements et des godillots détruits par l'incendie ! « Un jour un madrier s'écroule. le lendemain un bloc se détache. Une galerie s'affaisse. Un wagonnet s'emballe. Un câble cède. Une lampe explose. Ce ne sont pas des catastrophes, seulement des accidents dont on ne parle pas. C'est lorsque la mine les tue qu'on se souvient qu'il y avait des mineurs ».



40 ans plus tard, Michel Flavent n'a pas oublié. Il tente de combattre le mépris des autres, jusqu'à l'obsession. Depuis la catastrophe, il achète sur les brocantes ou sur Internet des habits de mineur, un casque en cuir bouilli, une lampe, garde le savon et le miroir de Jojo, découpe tous les articles de presse, les photos, les documents de commémoration. Tout et ses pensées sont contenus dans des carnets qu'il stocke dans un garage qui devient le mausolée de son frère, un lieu de secret et de respect. La perte du frère, le suicide de désespoir du père, le chagrin mortel de la mère.



Devenu chauffeur routier, il sillonne l'Europe aux commandes d'un poids lourd bâché d'une immense photo de Steve McQueen. A la mort de son épouse, il décide de quitter Paris et de retourner dans les corons. Il veut se venger, comme son père le lui a demandé. Mais comment retrouver le responsable du drame ? Les houillères sont fermées depuis longtemps, beaucoup d'anciens sont morts. Reste un café où, peut-être…



Le talent de Sorj Chalandon, toujours inspiré par du vécu, passe par la sidération tant les soubresauts sont inattendus, palpitants, dignes d'un excellent scénario de film dont le Steve McQueen d'emprunt tient la vedette. Ne manquez pas de découvrir le réquisitoire terrible de l'avocat général et la plaidoirie sobre et poignante de la défense. Car, un nouveau drame se joue tout aussi humain et bouleversant.



La catastrophe de Liévin-Lens de 1974 m'a immanquablement fait penser au drame du Bois du Cazier à Marcinelle (Belgique) en août 1956. 262 morts de douze nationalités dont une grande majorité d'Italiens. Je me souviens que des collectes étaient faites dans nos écoles et que nos institutrices nous avaient invitées à faire des élocutions sur la mine. Souvenir ravivé de ce désastre humain.



Ce livre est un magnifique hommage à cette région du bassin minier, désormais désaffecté depuis la fin du XXe siècle, mais dont l'intérêt patrimonial et historique a été reconnu par l'Unesco au début de ce XXIe siècle.

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Enfant de salaud

À l'instar d'Amélie Nothomb (« Premier sang »), Sorj Chalandon profite de la rentrée littéraire pour ressusciter son père d'un coup de plume.



Ayant couvert le procès de Klaus Barbie pour Libération en 1987, l'auteur ne s'interroge pas sur la culpabilité de celui que l'on surnommait « le Bourreau de Lyon », ce chef de la gestapo de Lyon ayant donné l'ordre d'exécuter et de déporter de nombreux Juifs et étant responsable de la rafle des 44 enfants juifs d'Izieu, car celle-ci ne fait aucun doute ! Non, il s'interroge sur la culpabilité de celui que son grand-père traite de « salaud » car il l'a aperçu en uniforme allemand lors de la seconde guerre mondiale. Son père est-il vraiment un traître ?



En invitant son père dans la salle d'audience qui jugeait Klaus Barbie, Sorj Chalandon entremêle la petite et la grande histoire au sein d'un même récit. Ayant mis la main sur le dossier judiciaire de son père, condamné le 18 août 1945 à un an de prison et cinq ans de dégradation nationale, l'auteur place son propre père dans le box des accusés pour répondre à une question qui le taraude depuis l'âge de 10 ans : « Qu'as-tu fait sous l'Occupation papa ? »



Dans l'ombre des atrocités commanditées par ce barbare nazi défendu par Jacques Vergès, Sorj Chalandon découvre les errements d'un père qui retourne constamment sa veste, passant plusieurs fois d'un camp à l'autre, résistant un jour, déserteur le suivant, tricheur tout le temps. Menteur patenté, son paternel enfilait les uniformes comme des costumes de théâtre, changeant constamment de rôle et bernant tout le monde… dont ce fils incapable de démêler le vrai du faux.



« Enfant de salaud » est d'une part un devoir de mémoire, revenant sur les atrocités de la Shoah, mais surtout le cri d'amour désespéré et bouleversant d'un homme devenu journaliste en quête de vérité, dressant ici le portrait d'un père colérique, mythomane et manipulateur, auquel il tend une dernière fois la main…



Puissant !
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Le Quatrième Mur

4 étoiles...Selon le code Babelio, cela veut dire « J’ai beaucoup aimé ». Aimé ! Quelle ineptie, de parler d’aimer, à propos de ce roman de feu, de sang, de larmes !



Pour la première fois, je me rends compte que c’est très difficile de parler de guerre, de n’importe laquelle, d’ailleurs. Ici, elle se passe à Beyrouth, et pour moi, c’est très difficile aussi de comprendre ce qu’il s’y passe.



En deux mots : Georges, un jeune anarchiste forcené, qui vient à peine de se ranger en se mariant et en ayant un enfant, est happé par le désir – non, la volonté ultime – d’un Grec, juif, metteur en scène, de réaliser au cœur du conflit israélo-palestinien, une pièce de théâtre, LA pièce de théâtre : Antigone. Ce Grec, Sam, va mourir, et il veut à tout prix que cette pièce, qu’il avait si bien « préparée » en amont, se joue. Mais pas de n’importe quelle façon ! Georges en est pleinement conscient !

« Cette fois, il ne s’agissait pas de réciter trois répliques de théâtre dans une Maison des Jeunes, mais de s’élever contre une guerre générale. C’était sublime. C’était impensable, impossible, grotesque. Aller dans un pays de mort sans savoir qui est qui. Retrancher un soldat dans chaque camp pour jouer à la paix. Faire monter cette armée sur scène. La diriger comme on dirige un ballet. Demander à Créon, acteur chrétien, de condamner à mort Antigone, actrice palestinienne. Proposer à un chiite d’être le page d’un maronite. La guerre était folie ? Sam disait que la paix devait l’être aussi. Il fallait justement proposer l’inconcevable. Monter « Antigone » sur une ligne de feu allait prendre les combats de court. Ce serait tellement beau que les fusils se baisseraient. »



Et voilà, tout est dit, la tragédie peut commencer.

A coups de fusils et de bombes, à coups de mots, à coups d’amour.

Car Georges, une fois « là-bas », dans cet antre de terreur, ne parvient plus à s’en défaire.

Et par la plume de Sorj Chalandon, tout entière nourrie de poésie et de souffle épique, je suis malgré moi emmenée là-bas, aussi.

Malgré moi, malgré tout, je suis revenue dans ma petite vie, « dans mon pays à moi, avec le ciel sans avion, les nuits sans frayeurs, les caves qui ne protègent que le vin. Retrouver ma vie, mon amour, ma tendresse. Surveiller les gamins du collège, boire une bière d’automne en terrasse, trouver une place sur les pelouses du dimanche, trembler devant un film, fermer les yeux pour une chanson ».

Car Sorj Chalandon, s’il insuffle l’horreur, nous repousse malgré tout dans l’amour.

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Profession du père

Quand on évoque la folie, la compassion est souvent de mise. La peine que l'on ressent pour la personne qui souffre de démence, l'oubli qui assiège son esprit, la perte du moment présent, de tout ce qui construit l'individu... La folie est l'amante exigeante de celui qui en est atteint, elle le protège contre la lucidité qui le briserait. Il n'est conscient de rien.



Mais son entourage... Son entourage subit ses lubies, subit sa folie... subit cette personne qui n'a de commun avec celui ou celle que l'on aime que le physique. L'esprit n'est plus. Et cela peut être destructeur, très destructeur quand l'entourage n'a pas conscience de ce fantôme qui hante l'esprit.



C'est cette lente descente aux enfers que nous présente Sörj Chalandon. Pas celle du père qui évolue dans son propre monde, même si les mots sont suffisamment lourds de sens pour que l'on comprennent dans le détail de quoi est fait ce monde, mais celle de son fils, Emile, le narrateur.



Emile n'est qu'un enfant quand l'état de son père le percute de plein fouet. Son père n'est pas comme les autres, il a eu mille vies. Agent secret, conseiller du président, footballeur, pasteur... Comment ne pas le croire ? C'est son père. Et un enfant doit croire son père, l'idolâtrer, surtout quand celui-ci a entre ses mains une mission d'une telle envergure, à laquelle il lui demande de participer. Emile est suffisamment grand maintenant, il doit s'engager, aller au devant de son destin, suivre les traces de son père. Emile travaillera pour l'OAS, l'Organisation de l'Armée Secrète qui défend la présence française en Algérie en utilisant tous les moyens pour arriver à ses fins, y compris le terrorisme.



La pression que portent les épaules d'Emile est lourde, mais c'est son père, qui, même s'il est parfois -souvent- violent, lutte pour un idéal, une noble cause. Alors Emile s’exécute, le cœur plein de la confiance de son père, la peau bleue de ses coups.



Mais la folie est contagieuse, ou du moins modifie le tempérament des gens. Emile subit celle de son père, ses mensonges, sa tyrannie, son mépris aussi, et dans un effet miroir, il reproduit le même schéma chez Luca, un camarade de classe fraîchement arrivé dans l'école. Jusqu'à ce que tout cela aille trop loin. Les jeux d'enfants franchissent une limite à laquelle son père ne l'avait pas préparé.



Sa mère vit, elle aussi, à sa manière, cette folie. Elle se mure dans le silence, ombre à la maison qui viendra gratter à la porte de l'armoire dans laquelle est puni son fils. Elle s’adapte, fait tout pour ne pas contrarier son mari. "Tu connais ton père". Ces mots qui justifient, ces mots qui excusent, ces mots qui mettent un voile sur l'horreur.



Quel roman ! Mais quel roman ! J'ai cessé de respirer à plus d'une reprise tellement j'ai haï ce père capable de faire endurer les pires atrocités à son fils. J'ai détesté la mère également, Denise et ses « Tu connais ton père », comme si cela justifiait tout. A trop fermer les yeux, elle finit par être atteinte du même mal et ne verra pas ce qui se passe sous son toit, complice silencieuse de la folie.



Rarement un récit m'avait autant touchée... Les mots sont forts de simplicité et de sincérité, et ont une résonance autre quand on sait que cette histoire est celle de l'auteur. Quelle force il a fallu pour surmonter tout cela, pour se construire dans ce monde qui détruit !



Un véritable coup de cœur...
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L'Enragé

°°° Rentrée littéraire 2023 # 47 °°°



Colonie pénitentiaire de Belle-Ile-en-Mer. Le 27 août 1934, 56 enfants s'évadent après une révolte dans le réfectoire. La chasse aux fugitifs est lancée, 20 francs pour chaque enfant ramené, les uns après les autres. Sauf un, jamais retrouvé. C'est de ce fait divers que s'est emparé un Sorj Chalandon plus empathique et investi que jamais, imaginant le destin du rescapé sous les traits du jeune Jules Bonneau.



C'est un livre que j'ai refermé les yeux embués, émue, chamboulée par le destin de ce Jules.



Parce que ce roman est un cri juste en faveur de l'enfance meurtrie.

Parce que Sorj Chalandon est un pur conteur qui sait embarquer le lecteur, un conteur sincère dont on sent battre le pouls, dont on sent vibrer les indignations. La rage de ces enfants martyrs de Belle-Ile-en-Mer, c'est la sienne. Les coups qu'ils reçoivent, on sent que cela a été la sienne, que c'est encore la sienne. On sent qu'il est un des leurs.

Parce que l'irruption de Monsieur Prévert - avec son poème La Chasse aux enfants - dans le réel du récit, c'était juste une idée sublime.



Là, comme ça, direct après lecture, j'aurais mis cinq étoiles. Mais, après plusieurs semaines à laisser reposer, les coutures romanesques ainsi que les facilités du récit me sont apparues assez grossières ou du moins trop outrées à la limite du racoleur, quelles que soient les bonnes intentions de l'auteur.



La première partie présente très précisément la vie des enfants colons. Qui ils sont. Pourquoi ils sont là. Ce qu'on leur reproche. La maltraitance au quotidien. Comment ils ont fini par se révolter. C'est marquant, fort, mais sans doute trop long avec un petit côté catalogue de sévices et douleurs : je ne pense pas qu'il y avait besoin d'autant s'étendre pour qu'on soit acquis à Jules et ses camarades et lié à leur quête de liberté. La partie « évasion », à mon sens la plus réussie, est plus courte, rythmée, saisissante, haletante.



C'est la partie « planque » qui m'a au final le moins convaincue. Les personnages secondaires sont vraiment très caricaturaux ( le communiste, le basque, le bourru pêcheur, le fasciste, l'infirmière ). Surtout Sorj Chalandon a mis trop de thèmes politico-sociétaux liés au contexte des années 1930, ce qui brouille le vrai sujet - en tout cas pour moi - et ses enjeux, celui que j'aurais aimé voir approfondi : l'évolution psychologique des rapports entre Jules et ceux qui l'aident, ou comment Jules ( «Chacal pelé, sans père, sans mère, sans rien de ce qui fait votre humanité. J'essaie d'adoucir ma gueule de bagnard, je ponce les aspérités, je lime mes dents de hyène, mais le charognard trépigne en moi » ) peut apprendre à accepter de recevoir la beauté, la générosité et la bonté, comment se relever d'une enfance meurtrie sans sombrer dans la violence.



Sur ce même thème, j'ai nettement préféré le traitement de Colson Whitehead, dans son époustouflant Nickel Boys, plus subtil mais tout aussi impactant que l'enragé de Chalandon. Par contre, l'ultime lettre, à la fois inattendue et logique, absolument bouleversante, conclut merveilleusement le roman, donnant un sens à tout ce qui a précédé, même ce que j'ai moins aimé. Cette lettre, c'était vraiment la meilleure façon de conclure ce roman écrit avec les tripes et le coeur.

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L'Enragé

Lui que la violence et la folie paternelles ont marqué à jamais, lui inoculant une « rage » restée inextinguible bien après sa fuite loin du monstre, à dix-sept ans, ne pouvait qu’être touché au plus profond par la terrible condition et par la révolte des enfants du bagne de Belle-Ile en 1934. C’est avec les tripes que Sorj Chalandon leur rend hommage, prolongeant la vérité historique par l’imagination : et si, comme lui, l’un d’eux avait vraiment réussi à échapper à ses tourmenteurs ? Trouve-t-on jamais la paix lorsque l’injustice et la cruauté ont fait de vous un « enragé » ?





Dans les années vingt, à treize ans, Jules Bonneau – déjà suspect pour son homophonie avec le célèbre anarchiste – est envoyé à la colonie pénitentiaire de Haute-Boulogne, à Belle-Ile. La prison politique ouverte trois-quarts de siècle plus tôt a en effet été convertie en maison de redressement, hypocritement baptisée « institution d’éducation surveillée ». Depuis 1880 y sont relégués des mineurs à partir de huit ans, des gamins considérés irrécupérables, qu’au lieu de protéger et d’insérer, l’on exclut et punit dans ce qui n’est autre qu’un bagne pour enfants : un lieu d’enfermement où les détenus, exposés aux pires châtiments, triment durement et vivent dans des conditions dégradantes. Qu’ont-ils donc fait pour atterrir dans cette galère ? Certains ont commis des vols ou des délits mineurs – Jules a volé trois œufs et a fait preuve d’insubordination dans le cadre d’une grave injustice –, d’autres ont fui des parents violents ou incestueux – le vagabondage est alors sanctionné par la loi –, les derniers enfin n’ont d’autre tort que leur état d’orphelin ou d’enfant abandonné.





Se glissant dans la peau de Jules devenu fauve à force d’injustices et de mauvais traitements, l’auteur raconte fidèlement l’infâme quotidien au sein de la colonie, jusqu’à ce que l’incident de trop, lui aussi véridique, provoque la mutinerie. Le soir du 27 août 1934, l’un des garçons contrevient au règlement en mangeant son fromage avant d’avoir fini sa soupe. Craignant pour sa vie, ses codétenus tentent de s’opposer à son passage à tabac. Dans le pugilat général, cinquante-six jeunes bagnards réussissent à faire le mur. Dénoncée par les vers de Jacques Prévert qui, alors en vacances sur l’île, s’en retrouve le témoin consterné, une « chasse à l’enfant » s’organise, gens du cru et touristes s’en donnant à coeur joie pour toucher une prime de vingt francs par fugitif capturé. Au matin, les évadés sont à nouveau sous les verrous, à la merci d’une sauvage répression. Tous, sauf Jules, que l’auteur a imaginé pour contredire l’Histoire et lui donner sa chance. Mais comment échapper à son destin quand l’au-delà des murs est encore une prison : une île, infailliblement gardée par la mer ?





Comme Jean Valjean sauvé par Monseigneur Myriel, Jules l’enragé va rencontrer pour la première fois la bonté et apprendre à faire confiance. « Sans la confiance, tu es seul au monde. » La fresque historique s’élargit pour épouser le monde de l’entre-deux-guerres, alors que sur fond de fascismes montants, la collaboration de la population aux exactions commises sur des enfants par une administration sans âme ni conscience semble entrer en résonance avec les bien funestes perspectives que l’on sait. Déjà des forces de résistance, ici toutes bretonnes, se font jour, incarnées par l’improbable mais très symbolique duo d’un patron de pêche communiste et d’une infirmière « faiseuse d’anges ». Et tandis que Jules, même si à jamais marqué par la haine et la violence, trouvera peut-être la rédemption en troquant son esprit de vengeance contre celui de la rébellion, c’est l’ombre de l’enfant que fut l'auteur, né sans amour et maltraité, que l’on perçoit derrière ses mots âpres et engagés.





Fresque historique et roman social, ce dernier livre de Sorj Chalandon est un cri de douleur et de colère, où à la rage de Jules La Teigne, l’enfant bagnard, fait écho celle de l’auteur, éternel enfant battu désormais en guerre, de toute la force de sa plume de journaliste et de romancier, contre les injustices et les violences du monde. Coup de coeur.


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Le Jour d'avant

5 ⋆ ce n'est pas assez, je voudrais en mettre une ligne entière ! Un vrai coup de ♡ !



En 1974, Michel Flavent est adolescent, son père Jean est cultivateur, son frère Joseph abandonne son métier de mécanicien pour celui de mineur. Joseph va travailler à la fosse Saint-Amé à Liévin, mine qui fera la Une le 27 décembre 1974 lorsque 42 mineurs périront à cause d'un coup de grisou. Michel Flavent se donnera aussi le nom de Michel Delanet, nom francisé par son frère Joseph, de Michael Delaney, pilote automobile qui a tenu le rôle de Steve McQueen dans le film Le Mans. Plus tard, Michel, devenu chauffeur routier, fera peindre Steve McQueen sur la bâche de son gros cube.

Sorj Chalandon rend hommage aux mineurs et, avec son humanité coutumière dépeint les sentiments de revanche et le remords de Michel toujours ressentis quarante ans après le mort de Joseph.

Le Jour d'avant, une oeuvre magistrale de Sorj Chalandon, une histoire qui emmène le lecteur de surprises en surprises.

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Une joie féroce

Une joie féroce, c’est d’abord le titre qui m’a attirée vers ce roman. Un titre prometteur et certainement engagé et dynamique. Ensuite l’auteur, Sorj Chalandon, une référence tout de même.



C’est tout d’abord une histoire grisounette, autour de la maladie. Jeanne apprend qu’elle est atteinte d’un cancer du sein. Les citations affluent sur le cancer, la maladie, de belles citations. Auprès de son mari Math, elle espère trouver le soutien qu’elle mérite. Il n’en est rien. Son mari se montre agressif et austère devant la maladie. Jeanne se tracasse de perdre un sein, Math ne supporte pas l’idée que sa femme soit chauve. Tout est dit. Jeanne se retrouve très vite seule, abandonnée par son époux. À l’hôpital où elle entame ses chimios, elle fait la rencontre de Brigitte. Attentionnée, prévenante, empathique, les deux femmes se lient d’amitié. Deux autres femmes viennent se greffer autour du duo malade, Assia et Melody. Toutes ces femmes ont plus d’un point en commun. Si le cancer a pris possession de leur corps, la maternité est un trou béant pour chacune d’elles. Entre celles qui ont perdu un enfant et Assia dont son ventre reste inlassablement vide, les quatre femmes se lient dans une amitié à fleur de peau ombrée par les secrets que chacune garde en elle.



Tout était bien parti jusque là. Un portrait touchant autour de Jeanne, autour de ses difficultés (même si elles sont assez survolées). Arrivent l’histoire des autres amies et là, c’est le flop de mon côté. Leurs histoires ne m’ont absolument pas passionnée. C’est encore pire quand l’histoire prend alors des allures de thriller, de folie peu crédible quand on est malade. Il n’est nullement question de joie féroce dans ce roman, ou du moins, je ne l’ai pas ressentie.

La maladie est très vite occultée, l’auteur s’attarde sur le plan que mettent en place les quatre amies pour sauver l’une d’entre elles. C’est long et j’avoue avoir passé des pages tant toute cette partie ne m’a pas convaincue. Je ne m’y suis attachée à aucune femme. On nous parle de cancer, on nous promet de la joie puis on nous file des amphétamines insipides en guise d’actions mollassonnes.



Bref, un roman qui m’a ennuyée et pas vraiment convaincue.



#UneJoieFéroce #NetGalleyFrance
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L'Enragé

Rentrée littéraire 2023.



Les premières pages de L’Enragé nous plongent dans l’enfer qu’était la colonie pénitentiaire de Belle-Île-en-Mer en 1932 avec le jeune Jules Bonneau, alors âgé de 18 ans et qui a réellement existé.

Si Belle-Île-en-Mer évoque aujourd’hui un site touristique remarquable situé dans le golfe de Gascogne, au sud de la Bretagne et appelle immédiatement à fredonner le célèbre refrain de Laurent Voulzy « Belle-Île-en-Mer, Marie-Galante », il faut se souvenir qu’il est également le site de Haute-Boulogne, fortification élevée en 1802, prison devenue colonie pénitentiaire maritime et agricole pour jeunes délinquants. La discipline y est alors extrêmement sévère et les jeunes délinquants subissent quotidiennement des violences physiques et psychologiques ne pouvant créer que rancœur et désir de vengeance.

Lors d’un repas du soir, un enfant croque dans son fromage avant de manger sa soupe, violant l’ordre imposé par le règlement. Aussitôt les gardiens lui tombent dessus et le frappent. Un déchaînement de violence se produit alors, et en cette nuit du 27 août 1934, cinquante-six gamins se révoltent et s’échappent de la colonie pénitentiaire et se dispersent sur l’île.

La chasse aux enfants est ouverte et en quelques heures, l’ensemble des fuyards est capturé, un seul manque à l’appel, Jules Bonneau alias « La teigne »…

C’est l’histoire de ce garçon, que Sorj Chalandon raconte dans L’Enragé, un garçon qu’il va construire à partir de son propre vécu, à partir de ses propres colères et de sa rage.

En effet, lui aussi a été un enfant battu, menacé à chaque bêtise, pendant toute son enfance, d’être envoyé en maison de correction par son père, comme il le raconte dans Enfant de salaud. Une enfance qui l’a traumatisé.



L’Enragé est un roman dans lequel règne dès les premières pages une tension extrême.

Par la voix de Jules qui s’exprime à la première personne, Sorj Chalandon réussit avec brio à faire revivre cette colonie pénitentiaire, prison naturelle censée remettre les jeunes délinquants dans le droit chemin en les faisant travailler mais plus apparentée à un bagne, tant les jeunes vivaient un quotidien coercitif et violent.

J’ai suivi pas à pas et avec anxiété le cheminement de ce jeune gars, toujours crispée lorsque la rage l’envahissait craignant ses débordements, indignée et furieuse du comportement de ces soi-disant éducateurs et complètement ulcérée d’apprendre que les îliens et les touristes eux-mêmes se soient laissés corrompre par une somme de 20 francs pour participer à la recherche des fuyards. Une véritable chasse aux enfants est ainsi conduite, un épisode qui interpellera Jacques Prévert de passage sur l’île et lui inspirera le poème La chasse à l’enfant.

Sorj Chalandon, avec le talent qu’on lui connaît nous fait vibrer tout au long de ce récit lorsqu’il raconte la métamorphose de ce jeune gars. Au départ, il n’a que ses poings pour se faire entendre et faire sa place, mais n’hésite pas à attaquer les caïds lorsqu’ils s’en prennent aux plus faibles. Peu à peu, on assiste à sa transformation au fil de ses rencontres, à la naissance de l’espoir, à son ouverture à la vie, jusqu’à devenir un homme.

Le contexte historique dans lequel se déroule l’action du roman, entre octobre 1932 et décembre 1942, cette période entre les deux guerres avec la guerre civile espagnole, le communisme, la montée du fascisme, est superbement incarnée par des personnages à la très forte personnalité.

Si les hommes sont très présents et plutôt majoritaires, les femmes ont également leur place dans le roman avec deux figures féminines en totale opposition, l’une collaborant et l’autre n’hésitant pas à prendre des risques pour aider des femmes en détresse.

Quant aux séquences de pêche à la sardine, l’auteur nous les conte réelles et vivantes, tout comme il sait mettre en évidence le courage de ces marins-pêcheurs.

Une importante documentation a été nécessaire pour écrire un tel ouvrage. Elle en augmente d’autant la crédibilité de ce roman puissant et absolument bouleversant.

Dureté, cruauté, noirceur mais aussi lumière, sensibilité et tendresse sont présentes dans ce roman que l’on ressent écrit avec les tripes, avec le cœur, et une lettre finale… pour laquelle je n’ai pas de mots pour la définir.

L’Enragé de Sorj Chalandon : Sublime !


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Enfant de salaud

Ces années ci, les ouvrages sur les collaborateurs se vendent mille fois mieux que ceux consacrés aux résistants a constaté Andrei Makine dans « Le pays du lieutenant Schreiber ».



• Patrick Modiano, prix Nobel de littérature, bâtit son oeuvre sur les traces de son père Albert au passé sulfureux.

• Pascal et Alexandre Jardin sont traumatisés par le souvenir de Jean, directeur de Cabinet de Pierre Laval.

• Dominique Fernandez cherche à comprendre les errements de Ramon « Je suis né de ce traître, il m'a légué son nom, son œuvre, sa honte ».

• Michel Drucker et son frère sont hantés par le fantôme d’Abraham, médecin chef du camp de Drancy.



Sorj Chalandon est aussi un « enfant de salaud » et le confinement lui a permis en 2020 de consulter le casier judiciaire de son père, qui semble un bouchon suivant les courants avec une imagination et une mythomanie assez extraordinaire, passant des jeunesses communistes à l’armée allemande puis aux FTP. En enfin termine à la case prison.



Personnage sans intérêt, mais l’écrivain a l’audace (le génie ?) de l’assoir face à Klaus Barbie, dans un tribunal, et de nous plonger au coeur du procès jugeant notamment de la déportation des enfants d’Izieu. Pages insoutenables et inoubliables … devoir de mémoire oblige ! Et Chalandon connait tout du procès qui lui valut le prix Albert-Londres en 1988. Cela suffit à immortaliser ce roman.



Mais dans l’ombre de ce « salaud », derrière ce père que Sorj a du mal à comprendre, à aimer, à respecter, se cache sa mère que nous découvrons au coeur de l’ouvrage (chapitre 14) et qui, sa vie durant, vit aux cotés de cet homme perdant progressivement la raison, traversant des explosions de violence, lui pardonnant tout en croyant ou en faisant semblant de croire l’épopée héroïque de l’ancien pseudo SS, se proclamant dernier défenseur du bunker à Berlin !



Cette modeste fonctionnaire, après quarante années au service de l’état, part en retraite sans un merci, sans un adieu de la hiérarchie et de la quasi totalité de ses collègues, provoquant, à juste titre, la rage de Sorg et l’écœurement du lecteur révolté par tant d’inhumanité.



Alors, en refermant ces pages inoubliables, je me suis mis à rêver que l’auteur consacre son prochain ouvrage à sa maman tout en me souvenant que « le bien fait peu de bruit … le bruit fait peu de bien ».



PS : mon avis sur "Le pays du lieutenant Schreiber" ci dessous
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Le Quatrième Mur

Le premier chapitre du roman ressemble au prologue d’Antigone, il annonce la tragédie. Cette pièce se trouve au cœur du destin de Georges et de sa troupe de comédiens. En 1982, ils répètent Antigone en vue d’une unique représentation à Beyrouth avec des comédiens issus des différentes communautés. Le danger et les tensions sont omniprésents. C’est une pure folie dans un pays en proie à de violents combats quotidiens.

« Nous portons des masques de tragédie. Ils nous permettent d’être ensemble. Si nous les enlevons, nous remettons aussi nos brassards, et c’est la guerre. » dit l’un des comédiens.

Georges porte ce projet à bout de bras, fiévreusement. Il l’a promis à Sam, son ami grec mourant, un vieux juif au long passé politique et théâtrale. Georges reste fidèle à ses idéaux et son ami.

C'est un jeune idéaliste en quête d’un idéal autant que d’une figure paternelle, il admire Sam plus que tout mais il va se perdre dans la guerre du Liban. Éternel étudiant, il a endossé un rêve et un costume un peu trop grands pour lui face à l’horreur de la guerre.

« On a toujours deux yeux de trop » le prévient avec sagesse le médecin de Sam. Mais il est déjà trop tard… Il continue le dernier combat de Sam, ce juif assoiffé de liberté, engagé dans la politique dès son plus jeune âge.



Ce projet artistique est-il la dernière part d’humanité possible ou une terrible utopie inutile ou futile face à de tels évènements ?



Sorj Chalandon trouve les mots justes, qui percutent ou nuancent, ses phrases sont courtes et élégantes, son roman est bouleversant et les personnages saisissants de vérité.













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L'Enragé

Rentrée littéraire 2023.



Impressionnant, émouvant, révoltant, captivant… les mots me manquent pour qualifier le nouveau roman de Sorj Chalandon, roman hors normes, une fois de plus.

Pourtant, cet écrivain m’avait déjà emballé avec Une promesse, Mon traitre, La légende de nos pères, Retour à Killybegs, Profession du père, Le jour d’avant, Une joie féroce, Enfant de salaud et Le Quatrième mur. Avec L’enragé, il me fait encore « partager un sac de pierres » comme il me l’avait confié lors d’une Fête du livre à Saint-Étienne, tellement ce qu’il raconte avec un cœur énorme, est fort.

Le narrateur dit s’appeler « La Teigne » mais refuse qu’on le nomme ainsi. Il a 18 ans et il est enfermé dans ce que l’on osait appeler une « colonie », même si le mot pénitentiaire qui suivait modifiait un peu le sens d’un mot qui évoquait autrefois les vacances à la mer ou la montagne.

Jeune homme enfermé avec beaucoup d’autres dans ce bagne installé sur Belle-île-en-mer, il refuse d’être traité comme un objet, rue dans les brancards, saute sur un surveillant particulièrement odieux et reçoit coups et blessures avant d’être menotté.

Cette Colonie pénitentiaire est une Maison d’éducation surveillée dont les gardiens veulent être appelés moniteurs mais appliquent punitions, coups, corrections, corvées, supplices, privations de nourriture et de boisson. Ils sont sur une île et l’océan est le gardien le plus cruel car il ôte tout espoir d’évasion. De plus, ces garçons sont employés dans des travaux maritimes ou agricoles et c’est la colonie qui touche leurs salaires. Il faudrait ajouter quantité de détails qui donnent les frissons car il ne faut pas oublier que nous ne sommes pas au Moyen-Âge mais entre les deux guerres mondiales et que cet « établissement » n’a été fermé qu’en 1977 !

Le narrateur dit s’appeler Jules Bonneau mais rien à voir avec le célèbre anarchiste et criminel et sa bande… Pour permettre de cerner davantage son personnage, Sorj Chalandon retrace son enfance et toutes les vexations, les privations subies causant une colère rentrée, prête à exploser. Seul lui reste le souvenir de sa mère partie alors qu’il n’avait que 5 ans : ce ruban gris perle qu’il conserve à son poignet.

La tension est déjà à son comble mais augmente encore car Sorj Chalandon m’emporte, avec son écriture percutante, précise, efficace, dans une histoire qui me fait trembler à chaque page, me poussant à aller toujours plus loin pour découvrir toute l’horreur d’une société qui se dit bien-pensante mais qui est prête à se lancer dans une chasse à l’homme des plus révoltantes après l’évasion de cinquante-six « pensionnaires ».

Heureusement, la pêche à la sardine apporte un peu d’air frais grâce à Ronan Kadarn et son équipage. Mais que c’est flippant ! De plus, voilà les Croix-de-Feu, organisation nationaliste, fasciste et cette Citroën jaune qui attirent Jules voulant en savoir plus sur ces gens. Quelle tension !

Enfin, je ne peux passer sous silence la lutte de cette infirmière pour les femmes voulant avorter et qui prend tous les risques dans une société pas vraiment prête à accepter cela. Là encore, Jules veut savoir, veut comprendre et l’auteur fait preuve de beaucoup de psychologie sans nuire au suspense qui est total jusqu’au bout alors qu’un poète intrigue beaucoup et se révèlera être Jacques Prévert qui écrit « Chasse à l’enfant » :

« …Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !

C’est la meute des honnêtes gens

Qui fait la chasse à l’enfant

Pour chasser l’enfant pas besoin de permis

Tous les braves gens s’y sont mis… »

L’Enragé est un roman prenant, haletant, basé sur une réalité historique et Sorj Chalandon, qui a déjà fait partager tous les tourments de son enfance y a mis une bonne part de son vécu tout en prouvant, une fois de plus, un talent littéraire affirmé et un sens du récit impressionnant.


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Mon traître

J'ai été subjugué et ébloui par cette lecture, je découvre Sorj Chalandon à cette occasion, quelle écriture, quel style !

Pour parler du livre, c'est une lecture qui se situe au niveau de la passion et des émotions, des tripes et du coeur, une quête d'identité en même temps que l'adhésion à une cause de façon inconditionnelle.

Antoine, français et luthier de métier aime déjà l'Irlande, son destin et ses certitudes vont basculer lors d'un passage à Belfast et sa rencontre avec Jim et Cathy, le début d'une amitié en même temps qu'une révélation.

Ce qui est remarquable c'est cette atmosphère que l'auteur installe très vite, le parti pris narratif qui consiste à nous faire entrer dans l'histoire à travers le regard et les émotions d'Antoine. C'est brillant de logique et de simplicité, car si le narrateur est très vite accepté et pris en sympathie, il n'est pas né irlandais, ce qui lui sera rappelé de temps en temps.

Il faut parler du contexte des années 70/90, les catholiques irlandais sont opprimés et humiliés par les royalistes et l'armée britannique, la résistance à "l'occupant" prend plusieurs formes, des codes vestimentaires, des règles tacites, des attitudes et aussi la lutte armée clandestine et violente.

Ce récit n'est pas une incursion au coeur de l'IRA bien qu'il en sera toujours question, en suivant Antoine qui dans les premiers temps vient en Irlande deux fois par an, nous serons toujours à la lisière du mystère, nous suivrons sa lente et irrésistible immersion dans un monde fait de non dits et d'appartenance tacite aux rites du peuple et des frères de coeur qu'il s'est choisis. Puis Antoine rencontre Tyrone Meehan, une figure de la lutte contre l'oppresseur, la rencontre qui va transformer sa vie.

Les événements relatés dans ce livre sont historiquement vrais, ce qui à mon sens renforce l'aspect dramatique du récit même s'il est romancé, il s'agit d'une immersion en eaux troubles, un contexte fascinant et remarquablement raconté avec une profondeur évidente, un livre marquant.

Il s'agit aussi d'une réflexion sur l'amitié comme je ne l'ai jamais vu traitée, connait-on toujours ses amis ?

J'ai eu la bonne idée de ne pas lire le résumé, ce qui m'aura rendu la lecture encore plus incertaine même si le titre ne laisse que peu de doute, il s'agit de l'un de mes gros coups de coeur en 2021.

J'ai maintenant hâte de lire "Retour à Killybegs", le complément indispensable de "Mon traître".
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Une joie féroce

Un premier chapitre intitulé une vraie connerie décrit la préparation d'un braquage. On se retrouve ensuite sept mois plus tôt avec Jeanne, libraire, venue passer une mammographie pour une douleur au sein. Bien vite, les résultats vont tomber, il s'agit d'un cancer. Pour Jeanne c'est le désarroi le plus complet d'autant que son mari Matt ne lui est d'aucun réconfort et ne l'épaule pas du tout, prétextant que c'est trop dur pour lui. On apprend qu'ils ont perdu leur enfant à l'âge de sept ans emporté par la maladie et que, depuis, ils n'avaient plus rien à se dire. Il n'est donc pas venu à la première séance de chimio et c'est là, en salle d'attente que Jeanne va faire connaissance avec Brigitte qui la réconfortera ; s'enchaîneront ensuite les rencontres avec Mélody et Assia, les quatre jeunes femmes formant comme elles le nomment le club des K. Cette amitié va les pousser à commettre un acte complètement fou.

Sorj Chalandon réussit à se mettre dans la peau d'une femme d'une façon très convaincante. Il décrit très bien toutes les étapes que va vivre Jeanne atteinte du cancer, l'attente du diagnostic, la perte des cheveux, les séances de chimio, les douleurs, les séances de radiothérapie mais aussi les regards et parfois les commentaires des proches ou des inconnus, et surtout les atteintes sur le plan psychologique. Mais ce qui fait la force de ce roman, c'est la mutation qui va s'opérer chez cette femme jusqu'alors effacée et résignée que Brigitte surnommera "Jeanne Pardon". Pour elle comme pour ses amies un combat est engagé, engagé sur deux fronts, un contre la maladie et un deuxième pour conquérir leur liberté. Cette quête de liberté et d'indépendance m'a d'ailleurs fait penser à Changer le sens des rivières de Murielle Magellan. La solidarité sans failles envers les épreuves de la vie qui va unir ces femmes est vraiment magnifique et montre bien qu'unis, tout devient possible.

Mais lorsque Jeanne va se laisser embarquer dans un improbable casse que l'écrivain avait d'ailleurs suggéré dès le début, je n'ai pas vraiment adhéré à l'idée, puis, au fil de ma lecture, je me suis laissée emporter pour finalement bien apprécier cette aventure rocambolesque qui nous ménage une fin tellement surprenante et inattendue mais tellement forte et réjouissante !

Une joie féroce est un véritable hommage au courage des femmes que rend Sorj Chalandon dans ce bouleversant roman.

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