Comment se construire quand on a, face à soi, un père qui ment tout le temps, et en plus vous maltraite ? L’enfant avait besoin de croire que son père était un héros, résistant, au passé glorieux, mais le grand-père lui explique un jour, qu’il est en fait un « enfant de salaud » car le père a fait la guerre du mauvais côté.
Alors qu’un problème de santé lui fait côtoyer la mort de près, le père laisse un message sur le répondeur de Sorj, où il lui explique, qu’il a fait partie de la division Charlemagne et a protéger le bunker d’Hitler !!! malgré le choc il pense qu’enfin il lui dit la vérité … Hélas…
L’auteur va se livre à sa propre enquête sur le passé paternel, jugement, témoignages… Et, en même temps, il couvre pour son journal le procès de Klaus Barbie devenu Altmann (et « conseiller de dictateur » en Bolivie !
Évidemment, le père de Sorj veut un passe-droit pour assister au procès, (qu’il obtiendra sans peine vues ses « relations ». Ce qui l’intéresse, à part, voir le nazi et le numéro de maître Vergès, digne d’un One man show hélas, c’est que Barbie-Altmann lâche le nom de celui qui a trahi Jean Moulin et que… cela fasse le buzz bien sûr…
J’ai aimé la manière dont Sorj Chalandon a construit son récit, avec d’un côté ce père, menteur pathologique, qui s’en sort par une pirouette même lorsqu’il est pris en flagrant délit de mensonge, versus le Boucher de Lyon, qui, fort habilement conseillé par son avocat, affirme qu’en tant que Klaus Altmann, il n’a rien à se reprocher, et ne devrait pas être là…
« Je venais de faire entrer le procès de mon père dans la salle d’audience qui jugeait Klaus Barbie. La petite histoire et la grande rassemblées. Dans le box vide de l’accusé, il y avait de la place pour les aventures de ce jeune Français. Pour ce père, en fond de salle, entré là par ruse.«
On ne peut s’empêcher de les comparer : la barbarie nazie et le père qui cogne son fils en hurlant en allemand. On comprend pourquoi l’un ne peut qu’être fasciné par l’autre, avec le négationnisme jamais très loin. Pour le père, l’Histoire a été écrite par les vainqueurs ! et il n’éprouvera pas le moindre intérêt, la moindre empathie, envers les victimes dont les témoignages seront d’une dignité absolue, mais pour lui ce ne sont que jérémiades…
Dans ma région, on a attendu le procès du boucher de Lyon comme on l’a toujours appelé, car notre enfance a baigné dans les récits de la Résistance dans le Vercors, les trahisons, les massacres… Et le voir monter les marches, voir la tête à la chevelure argentée propre sur lui, émerger, dans un silence absolu, c’est un souvenir qui sera à jamais dans ma mémoire. Tout autant d’ailleurs que son refus d’assister au procès par la suite.
J’adresse au passage un grand merci à Robert Badinter car il a réservé un « chambre sur mesure » au nazi à la prison de Montluc où Jean Moulin a été torturé. Il a dû apprécier la délicate attention mais cet homme pouvait-il éprouver quoi que ce soit…
J’ai aimé retrouver la plume de Sorj Chalandon, la manière dont il parle de sa relation toxique avec son père, qui prétend avoir porté tous les uniformes, vert de gris, pétainiste tricolore (sous oublier le coup de maître de la division Charlemagne alors qu’il était incarcéré en quand Hitler a tiré sa révérence) et sa capacité de résilience…
L’idée de faire un roman sur celui qu’était son père en transposant « son procès » à l’époque de celui de Barbie, est vraiment géniale. Cf.Vidéo)
Et comme il le dit si bien, le salaud n’est pas seulement celui qui a choisi le mauvais côté, mais :
« Le salaud, c’est le père qui m’a trahi ».
Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m’ont permis de découvrir ce roman et de retrouver la plume de son auteur, ce qui est toujours très fort en émotion pour moi,depuis la lecture de « Le quatrième mur » et il m’en reste encore quelques uns dans ma PAL sans fond. .
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