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Critiques de Stefan Hertmans (172)
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Le coeur converti

L'histoire est racontée par un habitant du village de Monieux (l'auteur himself, propriétaire d'une résidence secondaire) qui y découvrant les vestiges d'une communauté juive au moyen âge décide d'enquêter. Il tombe alors sur un document très court mentionnant une jeune catholique, Vigdis, qui s'est enfuie de Rouen en 1088 avec le fils du grand rabbin de Narbonne. La jeune fille, convertie au judaïsme par amour, est tombée enceinte pendant le long périple entre Rouen, Narbonne puis Monieux (Vaucluse). Ensuite... non, je vous laisse découvrir la suite assez... rocambolesque.



Ce jeune couple est charmant qui coure parmi les petites fleurs, les ruisseaux et les oiseaux chantant. Mais leur traversée d'une France imaginée au moyen âge par Stefan Hertmans est fort longue et pour tout dire assez fastidieuse. D'autant que l'auteur se met en scène et alterne son propre périple à la recherche d'indices avec celui des deux amoureux poursuivis par les chevaliers du père de Vigdis. Que dire de la suite où les croisés se mêlent à l'affaire et poussent la jeune mère à partir à la recherche de ses enfants kidnappés.



Je dois avoir un problème avec les romans historiques se passant au moyen âge. Le Coeur converti pas plus qu'en son temps Du domaine des murmures ne m'ont vraiment convaincue. Ici trop d'invraisemblances, trop de suppositions, trop de baguenaudages dans la campagne ont eu raison de mon intérêt. Mais au vu des critiques très positives je pense que je n'ai pas su saisir la substantifique moelle de ce roman.
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Le coeur converti

Une magnifique histoire d'amour tragique !

Voici un conte doublé d'un roman historique , original, passionnant de bout en bout qui nous transporte au coeur du haut moyen-âge. L'auteur nous associe à ses recherches et fait revivre les petits villages médiévaux--------que l'on ne n'observera pas avec le même œil lors de nos randonnées touristiques ...-

À partir de fragments historiques jouxtés à la reconstitution minutieuse et grandiose des années 1088, 1099, 1100 ...il part d'une lettre de recommandation découverte dans une synagogue du Caire...



Celle -ci le met sur la trace d'une jeune noble , la belle Vigdis, blonde aux yeux bleus, tombée amoureuse de David , étudiant à la yeshiva de Rouen en l'année 1088.



Elle le suit au péril de sa vie, elle est jeune , a envie de liberté, d'un monde autre que celui d'une existence bourgeoise et du mariage qui l'attend..

Nous suivons le voyage de David et Viglis , ils sont arrivés à Narbonne en l'an 1090 : neuf - cents kilomètres à travers la France de l'époque, se heurtant sur le chemin à d'innombrables obstacles et dangers .



Ils ont dû mettre au moins un mois et demi.



Combien de cours d'eau doivent -ils traverser durant cet interminable trajet, chaque fois qu'ils veulent éviter de faire un détour ?

De Rouen à Narbonne , il y en a une cinquantaine , en comptant tous les petits , les ponts présentent des risques.



Les Chevaliers du pére puissant de Viglis les ont poursuivis jusqu'à Narbonne .

La jeune Viglis devenue Hamoutal suite à sa conversion au judaïsme par amour pour David, en exil, aurait trouvé refuge à Monieux , je n'en dirai pas plus...

L'auteur avec un talent narratif indéniable démêle l'histoire et entreprend le même voyage en nous y associant , curieux de percer le trésor de Monieux ?



Il tisse des réflexions grâce à sa spectaculaire imagination au fur et à mesure de sa quête.



C'est un ouvrage merveilleux , le fruit de recherches passionnées approfondies jointes à une belle empathie créative !

Le style est séduisant , élégant. Il distille et restitue les émotions, les craintes , la force, la volonté de fer , les convictions de cette héroïne intemporelle .



Il alterne points de vue du récit / pérégrinations du couple / errance / courage / .

C'est une enquête / quête / émouvante , romanesque , moderne , haletante, qui nous tient en haleine , enrichissante( points de vue historiques, croisades sur le chemin de Jérusalem , mort , destruction.....modes de vie au onzième siècle et bien d'autres choses ...) et un inoubliable portrait de femme..
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Antigone à Molenbeek

Antigone doit se retourner dans sa tombe... Elle était victime du "Fate", le destin et de la loi des hommes!

Antigone, pas cette fille là, une Nouria.



Cette Nouria revendique son passeport belge, crie et injurie. Elle veut les restes de son frère, un terroriste djihadiste.



"La musique d'un autoradio crève les tympans. Sourate 5 verset 32... Une fille passe dans la rue, tenue par des jeunes: "Ça, c'est une pute avec des jupes ras-le-bonbon... Des vieillards assis sur un banc, comme au bled, "qui sèment la haine dans le coeur des jeunes gens, pour qu'ils sacrifient leur jeunesse..."



Mais nulle part, personne ne parlera, dans le livre, des victimes du djihadiste qui s'est fait exploser! Ou même de la peur et du stress, parmi les éventuels témoins de l'attentat! Comme si "les autres" n'existaient pas...



Chacun est libre, encore chez nous de lire ou d'écrire... Mais, cette Nouria injurie les flics et un premier avocat, "il puait de la bouche", puis crache sur l'autre, une avocate (parce que c'est une femme?)..



L'Etat Islamique professe une culture de la Mort, avec ses actes de barbarie (viols, tueries, décapitations et crucifixions des ennemis...) Des actes loin de toute humanité. "Mais ils veulent être inhumés décemment, afin de devenir des martyrs au paradis"?
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Le coeur converti

Encore l’amour, toujours l’amour… Avec David tu t’enfuiras exquise Vigdis, jeune femme de 1090.

« Passe ton chemin, choisis un autre homme, échappe à ce sort, fuis ce qui t’attire. »

Oublie ce juif, petite catholique, reste en Normandie où ta famille veille sur toi.

Impossible idylle. Où que tu ailles, ils te trouveront.



Quant à nous, le narrateur et moi suivrons leurs traces de Rouen à Narbonne en apnée dans les courants troubles du haut moyen-âge et dans les profondeurs des sentiments partageant leurs émois rayonnants, leurs combats titanesques et leurs déboires ahurissants.

Étrange impression par instant d’être ramené brutalement à la surface contemporaine par une courte phrase acérée glissée dans la mosaïque des chapitres érudits, crevant une bulle de satisfaction de mille ans d’âge.



La description des paysages est fluide et figée à la fois, un peu comme les champs ondulants de Van Gogh avec l’impression que les perles de peinture, comme les mots tourbillonnent immobiles.

Cette sobriété littéraire élégante est également empreinte de finesse et de charme pareillement au « Festin de Babette » où l’on se régale en le dissimulant.

La sensibilité et le sérieux l’emportent sur le grandiloquent, de même que la romance aussi scrupuleuse soit-elle laisse place parfois aux investigations de Stefan Hertmans.



Narbonne. « Ici, la fille chrétienne d’un viking devient la belle-fille séfarade de Todros grand rabbin de la France méridionale. »

Le cœur converti, Vigdis deviendra Hamoutal. Le corps arrondi, Hamoutal est enceinte.

La menace grossit, nouvelle fuite du couple vers Monieux, Vaucluse.



Le rythme est soutenu, le narrateur et moi sommes rivés à l’époque d’Hamoutal heureux d’imaginer toucher dans des cryptes séculaires ce que ses doigts auraient pu effleurer. L’immersion est totale.



La vie s’est organisée, plus paisible. Trois enfants entourent le couple maintenant.

Fracture. 1096, Urbain II lance la première croisade. Libérer Jérusalem pour les croisés, s’en prendre aux juifs pour le peuple, cible plus proche et plus aisée.

« La haine au sein de la société se contracte comme un muscle. »

Horreur totale, le pogrom de Monieux gorgé de violence, saturé de rancœur, arrache les vies ou pour le mieux les bouleverse. « On continue de respirer donc, on ne meurt pas. »



Cette fois, l’intervention du narrateur ressurgissant du présent agit comme un baume calmant partiellement l’angoisse éprouvée lors de ce massacre et de ses tristes répercussions…



Ces trois petits points recèlent la suite d’un récit intime et violent, abrupt et très touchant.

Ce roman et ses personnages vous conduiront loin de chez vous, très loin de votre époque moelleuse. Quelle vie ! « Elle irrite le cœur à éponger les pleurs jusqu’à l’infini. »



Récompense, l’auteur a su lier à sa trame romanesque dominante une myriade d’informations historiques captivantes toutes périodes confondues. Un vrai régal.

Merveilleuse machine à remonter le temps où le curseur est sur le cœur.



Merci infiniment à Babelio et aux éditions Gallimard de m’avoir permis de découvrir ce roman. Merci également de leur confiance.

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Le coeur converti

J'entrouve tout doucement, avec délicatesse ce joli livre qui m'attire déjà par la couverture.



Un roman historique ? Oh, je vais me régaler. Alors ce recueil n'est pas vraiment un roman, ni tout à fait un témoignage, ni une chronique, ni un essai, ni un traité d'archéologie. Mais un petit peu tout cela à la fois.



*

Nous plongeons directement mille ans en arrière, à l'ère des croisades, à la fin du XIe siècle plus précisément. Puis simultanément dans le monde d'aujourd'hui à travers les différentes traces laissées là comme un témoignage inconscient.



*

Le résumé raconte l'histoire d'une jeune Rouennaise amoureuse d'un jeune homme juif de Narbonne. Qui abandonnera sa famille aisée pour suivre son futur mari aux confins de la Provence.



Ils trouveront refuge à Monieux.



Monieux ? Justement je venais de passer quelques jours cet été dans cet endroit magnifique. Mon lieu de villégiature. J'ai mis mes pas dans ceux de Hamoutal et David. Sans le savoir... N'est-ce pas une bien étrange coïncidence ? Une merveilleuse entrée en matière ?



*

Nous suivrons ce couple traverser la France du nord au sud, au péril de leur vie. En ce temps-là, la révolte gronde, la communauté juive est en danger. La jeune femme changera de religion par amour pour David et quittera tout pour lui : aisance financière, sécurité, famille, et honneur. La maternité cimente le couple.



Le pape Urbain II lance un appel pour les croisades, direction Jérusalem. le gigantesque convoi s'arrête dans la vallée fertile. Puis le chaos. La souffrance. le désarroi. le peuple juif est exsangue.



« On continue de respirer, donc on ne meurt pas. » La vie continue. Hamoutal va devoir fuir.



*

L'auteur, de nationalité belge flamande, résidant à Monieux, s'est intéressé de très près à l'histoire d'Hamoutal. Il a découvert un manuscrit, des ruines d'un quartier juif dans le village. Avec un sérieux et une grande délicatesse, il a poursuivi ses recherches jusqu'au Caire et Cambridge. Toujours dans les traces fantomatiques d'Hamoutal.



*

Le récit alterne le passé et le présent. Des rappels de présent voulus par l'auteur pour comprendre son investigation qui déstabilisent quelquefois. Puis, la surprise passée, l'histoire coule comme une source claire, abreuvée d'informations historiques captivantes telles les relations houleuses entre Juifs et Chrétiens, la genizah du Caire, l'appel du pape à Clermont à Notre-Dame du Port.



La plume d'Hertmans est majestueuse, empreinte de lyrisme alliant le romanesque au sérieux des faits réels. Je me suis laissée envoûter par cette histoire.



*

Je remercie l'auteur pour son superbe travail effectué au cours de 22 années de recherches. On sent tout l'amour et la passion qu'il a mis dans ce roman. Il immerge le lecteur avec des descriptions si vives que c'en est presque tangible. Combien de fois ai-je senti le thym, entendu chanter une cigale, goûté à l'huile d'olive ? Mais aussi parfois serré les dents, déposé quelques larmes, forci mon poing de rage. Des émotions à fleur de peau qui m'ont laissée comme vide et surtout triste et mélancolique.

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Le coeur converti

Stefan Hertmans reste un conteur hors pair, je l'avais déjà beaucoup apprécié avec : Guerre et Térébenthine où il explorait les mémoires de son grand-père.

Il a la grande faculté de passer au gré des chapitres d'une histoire à une autre tout en ne nous perdant pas dans l'intemporalité.

Dans le cœur converti, il nous plonge dans l'Histoire d'un événement qui fut sans conteste sanglant et déterminant pour l'essor de la religion : le début des premières croisades.

Stefan Hertmans vit depuis plus de vingt ans dans un petit village du Vaucluse nommé Monieux.

Il découvre incidemment que l'Histoire est passée par ce petit village somnolent au soleil.

Et, avec une maîtrise absolue, il commence à nous raconter l'histoire d'une jeune femme Normande du XI ième siècle qui a fuit sa ville natale de Rouen avec un jeune juif qui la convertira au judaïsme en l' épousant.

Vigdis deviendra Hamoutal, une femme convertie pour le monde juif, une hérétique pour les siens.

Dès lors sa vie va devenir une succession de tragédies et d'errances qui la mèneront jusqu'en Egypte.



L'épisode le plus marquant et effrayant pour le lecteur me semble-t-il, est le passage des croisés comparé à " un serpent de fer", il dévaste tout sur son passage ne laissant que larmes et désolation.

C'est d'ailleurs après son passage à Monieux que la vie d'Hamoutal bascule dans l'enfer.

Stefan Hertmans, plus de mille ans plus tard entreprend de nous conter l'histoire de "ce coeur converti", pour cela il décide de marcher dans les traces d'Hamoutal refaisant son périple de Rouen, via Narbonne, puis l'Égypte.

On le suit avec beaucoup d'intérêt , on tremble avec Hamoutal, on respire avec elle.

C'est une lecture totalement saisissante !
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Le coeur converti

Stefan Hertmans, qui réside dans le village de Monieux, nous conte le destin d’une jeune fille normande qui mille ans auparavant, avait trouvé refuge pendant quelque temps en ce lieu.

Vigdis, fille d’un chevalier normand tombe amoureuse à Rouen d’un jeune juif, fils du grand rabbin de Narbonne. Cette relation entre une chrétienne et un juif est sacrilège, les amants prennent la fuite et traversent toute la France; ils sont prudents car ils sont recherchés.

Mille ans plus tard, Stefan Hertmans suit le même parcours et nous décrit les lieux où ils sont passés, ce qu’ils sont aujourd’hui et ce qu’ils devaient être à l’époque.

L’intérêt de ce livre est multiple :

* historique car nous voilà plonges au onzième siècle à l’époque des croisades et des premiers pogroms. J’ai été frappé par l’intense recherche à laquelle s’est livré l’auteur, consultation de documents anciens, rencontre avec des spécialistes de cette période. C’est extremement bien documenté

* intéret géographique également; à de nombreuses reprises, la description minutieuse des lieux traversés à suscité mon désir de les découvrir (je pense notamment à Clermont-Ferrand)

* intérêt littéraire évidemment ! La construction du roman, alternant les deux parcours, celui de la jeune femme et celui de l’auteur, la précision et la beauté des descriptions, la richesse du vocabulaire m’ont plu

* intérêt romanesque enfin. J’ai éprouvé beaucoup d’empathie pour les personnages de ce magnifique livre.

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Guerre et Térébenthine

Des années que Stefan Hertmans détenait ces cahiers. Six-cent pages de souvenirs consignés sur le tard par Urbain Martien, son grand-père maternel.



Romancier, poète et essayiste flamand, Stefan Hertmans s'est décidé, tardivement lui aussi, à relater le parcours de son grand-père dans une oeuvre entrelaçant les témoignages écrits dont il disposait et ses propres réminiscences quant à cet aïeul discret qu'il aura côtoyé pendant près de trente ans.



Ce portrait tout en mélancolie gracile dévoile un personnage humble et digne, artiste peintre dans l'âme, aussi réservé en paroles que prolixe à l'écrit ou en peinture. Il aura traversé la presque totalité du vingtième siècle, marqué par une enfance démunie, une mère adorée, un unique amour irrémédiablement perdu et deux guerres dont il évoquera essentiellement la première, la Grande, meurtrissure fondamentale de son existence comme de toute une époque.



Ce récit à multiples sources se lit ainsi à différents niveaux, journal intime, fresque familiale et chronique historique, interpellant chaque lecteur selon sa sensibilité.



Pour ma part j'ai été touchée par le destin et la douleur silencieuse de ce personnage d'un autre temps, et captivée par ses déchirants mémoires de guerre. J'avoue en revanche m'être ennuyée parfois dans la longueur de souvenirs très personnels, comme si appréhender l'intimité de cette famille impliquait également de subir certains détails qui n'ont finalement d'intérêt que pour elle seule.



Guerre et Térébenthine (Guerre parce que 14-18, Térébenthine rapport à la peinture… ça c'est pour ceux qui auraient sauté directement à la fin de ce commentaire pour savoir de quoi ça cause en gros), Guerre et Térébenthine donc n'en reste pas moins un témoignage très émouvant et superbement écrit, couronné à sa sortie aux Pays-Bas par le prix du meilleur livre de l'année 2014 et traduit dans dix-sept langues à ce jour, c'est quand même pas rien.




Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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Guerre et Térébenthine

Guerre et térébenthine est un livre puissant qui nous attire comme un aimant sur le spectre du Temps.

Le titre du roman est un peu un clin d'œil à Guere et paix auquel on ne peut pas ne pas songer.

Stefan Hertmans par une écriture pleine de réminiscences nous plonge dans la vie de son grand-père, aimé et respecté de ses jeunes années.

A la fin de sa vie, son grand-père lui confie son journal qu'il a commencé à l'âge de 50 ans.

Pendant longtemps, ce journal est enfermé dans un tiroir, Stefan Hertmans n'a pas envie de s'y plonger ou n'est pas prêt à rendre le devoir de mémoire que son grand-père lui propose avec ses feuillets.

Toute la vie de son grand-père se résume dans un paradoxe qui fut une constante dans sa vie.

" Ce ballotement entre le militaire qu'il avait été et l'artiste qu'il aurait voulu être"

Ainsi, le titre du roman assez inédit prend toute sa dimension : la Guerre et la peinture ont été les maîtres mots de sa vie.

Le roman se présente comme un triptyque et cette évocation à la religion n'est pas anodine puisque son grand-père était un homme pieux .

La première partie évoque l'enfance et la jeunesse de son grand-père, à Gand, en pays flamand. Une vie pauvre, laborieuse où un enfant accumule des humiliations, un labeur hors de sa portée comme la fonderie où il y travaille durement.

C'est une dure jeunesse mais c'est un enfant aimé par sa mère et un père , peintre d'église auquel il s'identifie et sera certainement le fil rouge de son goût pour la peinture et l'art de peindre.

Le deuxième volet du roman est déchirant puisqu'il évoque la Grande Guerre, la guerre de 14 avec toutes les horreurs et abominations des tranchées.

Dans le dernier volet, Stefan Hertmans nous révèle le grand amour de son grand-père, comment cet amour l'a fait vivre tout au long d'une si longue vie.

Stefan Hertmans parcourt les lieux de la guerre aujourd'hui inconnus à l'histoire tragique de ce qu'ils ont vu. Il se réfère au concept du paysage coupable ? Où les bois trompeurs de Claude Lanzmann dans son film Shoah.

Les paysages ne retiennent rien de l'histoire, la boucle de l'Yser coule tranquillement et sans quelques plaques commémoratives, rien ne saurait dire ce qui fut.



Un livre fort qui m'a énormément touché.Si vous avez le temps, n'hésitez pas à aller écouter Stefan Hertmans parler de son livre lors d'une invitation à Montpellier.

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Le coeur converti

Le cœur converti est un roman historique qui m’a à la fois étrangement interpelé et légèrement ennuyé. C’est contradictoire, je le sais. Laissez-moi m’expliquer. D’abord, si l’intrigue a su capter mon attention, la lenteur avec laquelle elle s’est déployée m’a un tantinet refroidi. Et cette protagoniste… elle me semblait distante. En effet, à la fin du IXe siècle, dans le nord de la France, la jeune noble normande et chrétienne Vigdis tombe éperdument amoureuse d’un étudiant juif. Tout de suite, on voit poindre les dangers. Je m’imaginais la famille de la demoiselle fondre sur le jeune homme, David. Les amoureux doivent s’enfuir vers le sud, jusqu’à Moniou (aujourd’hui Monieux). C’est là que l’histoire rejoint le présent car l’auteur Stefan Hertmans a retrouvé des traces de la communauté juive de l’époque. Ce lien a donné un souffle nouveau à ma lecture.



Pour revenir à Vigdis, elle s’intègre à ses nouveaux coreligionnaires, prend le nom de Hamoutal et donne trois enfants à son mari, David. Pendant un moment, j’ai cru que cette idylle n’allait donner qu’une histoire d’amour mièvre, à l’eau de rose. Seulement, voilà, la Croisade est officiellement lancée et des bandes de chevaliers en quête d’action et d’aventure traversent la région et enlèvent les enfants. Ah, le courage d’une mère qui n’abandonnera jamais ses petits. Vigdis/Hamoutal fera tout pour les retrouver, même parcourir la moitié du monde. C’est ce qu’elle fait. Amour maternel et espoir, la combinaison gagnante qui donne des ailes… et des belles histoires à raconter.



Dans le cas de ce roman, Le cœur converti, ça donne une histoire particulièrement complexe. Et l’auteur y est allé d’une floraison de détails. Énormément. Trop? Entre la filiation normande (viking), les communautés juives tant de Rouen que de Narbonne, Urbain II, les Croisades, les pogroms, le long périple autour de la Méditerranée, le passage au Caire, en Égypte et ainsi de suite. Ouf! Toutes ces informations étaient ajoutées graduellement et elles servaient bien l’intrigue en décrivant les conditions de vie, les lieux et les décors. J’avais l’impression d’y être, sinon de pouvoir bien visualiser les scènes. Mais elles étaient si nombreuses, si touffues. On remarque que Hertmans a bien fait ses recherches. Peut-être que, si les personnages s’étaient moins promenés, le lecteur aurait moins l’impression d’être emporté par un tourbillon.



Alors que mon intérêt chancelait, parmi toutes les pérégrinations de Vigdis, c’est le style de l’auteur qui parvenait à me garder accroché. À me séduire? J’ai lu précédemment un autre roman de l’auteur, Guerre et térébenthine, et je l’avais trouvé correct. Sans plus. Ici, dans Le cœur converti, je sens une maîtrise plus grande. Ça a peut-être à voir avec la narration, qui fait le va-et-vient entre le présent et le passé. Qui télescope. En effet, cette narration, je lui trouvais des qualités aériennes (si cela se peut), survolant certains événements, transportant le lecteur avec elle. Puis, à d’autres moments, elle se faisait trainante, languissante, dévoilant un peu mais jamais trop sur ce qui suit. Juste assez pour maintenir l’attention. Un peu comme si elle s’amusait.



Bref, un roman que je ne suis pas certain de recommander. Les critiques se montrent très généreuses (dithyrambiques?) mais la plupart ne s’attardent qu’à son résumé, qu’à l’histoire d’amour. Les amateurs d’histoire apprécieront également, je suppose, ainsi que ceux attirés par les plumes fines et élégantes.
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Le coeur converti

Stefan Hertmans est hanté par une femme torturée.

Elle s’appelle Vigdis, puis a changé son nom en Sarah, et son mari David l’a appelée amoureusement Hamoutal. Cela fait presque mille ans qu’elle est morte, poursuivie par un espoir sans issue.



Stefan Hertmans habite là où Hamoutal a passé un temps relativement court : Monieux, un petit village médiéval du Vaucluse. Tenaillé par l’Histoire, obsédé par les traces de cette femme dans des écrits et dans son village, il part à sa recherche et met ses pas dans les pas de l’éternelle fugitive.



De Reims, lieu où elle est née, puisque fille d’un Normand, elle arrive à Monieux avec son mari, puis sera obligée de fuir pour des raisons que l’auteur met en lumière de manière terrible.

Connue comme la « prosélyte de Monieux », c’est-à-dire la chrétienne étant devenue juive par amour, elle connait un destin effroyable, où la solitude et la détresse se disputeront les honneurs afin de lui faire ployer la tête.



De manière très honnête, Stefan Hertmans nous retrace ses recherches qui l’ont mené jusqu’à Cambridge, penché sur des manuscrits émouvants, mais aussi au Caire, à Alexandrie, à Reims, à Narbonne et à Náreja, localité de l’Espagne du nord. Mais il démarre de Monieux, et le charme de la Provence sauvage explose dans des lignes exubérantes. Son amour de la France en particulier mais aussi du passé, du patrimoine culturel transparait partout.



Mais c’est lorsqu’il parle d’Hamoutal que son empathie infinie me bouleverse profondément. Il nous fait vivre la souffrance immense de cette femme, mêlée à son opiniâtreté. Je me suis sentie attachée à elle, de toutes les fibres de mon âme.



Je salue donc cet homme amoureux de l’Histoire dans lequel je me reconnais : moi aussi je frissonne devant un manuscrit, moi aussi je frémis devant un objet ancien, moi aussi je m’émeus devant un lieu où je sais que nos ancêtres ont vécu. Les conflits comme la bonne entente entre les religions m’interpellent, les Croisades et leur lot d’atrocités me passionnent, la vie quotidienne me touche.

Et ce livre, récit d’une recherche et d’une compréhension totale mêlé à la description de lieux emblématiques, en est la quintessence.

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Le coeur converti

Il y a presque mille ans, un parchemin était jeté dans la Guenizah du Caire, ce "trou sombre" situé dans la synagogue, où l'on jetait tout texte invoquant le nom de Dieu, car "Iahvé doit aussi le reprendre ; un être humain ne peut détruire le nom de Dieu. La lettre voltige pour rejoindre le reste, parmi les gravats et la poussière".



De nos jours, Stefan Hertmans vit à Monieux, un petit village de province où une légende court sur un trésor caché, depuis bientôt mille ans.



Ces deux évènements ont en commun un destin hors norme : celui de Vigdis, devenue Hamoutal suite à sa conversion au judaïsme par amour pour David. C'est le destin terrible de cette jeune femme que nous conte Stefan Hertmans dans le coeur converti.



Il y a deux récits dans ce livre : celui de Vigdis, dans tout ce qu'il a de romanesque et tragique à la fois - un portrait de femme comme on aimerait lire plus souvent - ; et celui de Stefan Hertmans, écrivain curieux de percer le secret du Trésor de Monieux, qui va peu à peu se trouver obséder par le destin d'Hamoutal : Démêler son histoire, en découvrir les traces, tracer et reprendre son parcours de Rouen à Monieux, en passant par Narbonne, Alexandrie, et le Caire.



"Cela paraît insensé, mais j'ai envie de voir le paysage de mes propres yeux, de m'imprégner des détails, des panoramas possibles. Je veux découvrir ce qui peut encore être visible après un millénaire. Presque rien en fait".



Envoûté par cette femme, c'est une véritable quête qu'il va entreprendre, afin de faire sortir Vigdis de l'oubli dans lequel l'a plongée le temps.



L'auteur mêle ses réflexions et l'avancée de ses recherches au déroulement de la vie d'Hamoutal. Un peu comme s'il était derrière notre épaule, guidant notre lecture, précisant au fur et à mesure la genèse de son histoire et ses choix d'écriture.



Merci aux éditions Gallimard et à Babelio pour l'envoi de ce livre : une belle découverte !
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Une ascension

J’admire les gens qui font bien leur boulot. Ici, Stefan Hertmans, auteur belge, a fait du bon boulot.



Il a retracé la vie de Willem Verhulst, un flamingant collabo.

Un flamingant : pour ceux qui ne sont pas de notre pays, cela signifie que c’est un homme qui veut absolument la séparation de la Flandre et de la Wallonie. La Belgique, des foutaises ! Bart de Wever en est la quintessence, actuellement.

C’est vrai que les Flamands, depuis la 1e guerre mondiale (où les ordres étaient donnés en français dans les tranchées de la bataille de l’Yser), ont été obligés de faire leur scolarité en français. Une partie d’entre eux n’a plus pu supporter cela, et c’est comme ça que la séparation mentale s’est opérée : les Flamingants d’un côté, les Flamands belgicistes de l’autre, et les Wallons dehors (il va sans dire que je résume fortement la situation).

Et quand Hitler est arrivé au pouvoir, les Flamingants se sont reconnus dans ce peuple germain. Et ont donc collaboré, d’une manière ou d’une autre.

Notre homme, Verhulst, était bien vu par les nazis, au grand dam de sa deuxième femme, l’Hollandaise Hermina, ou Mientje. Celle-ci est une femme honnête, bonne, dévouée à sa famille, et très religieuse. Mais toujours, malgré l’uniforme nazi que son mari arborera, malgré le buste en plâtre d’Hitler trônant sur la cheminée, elle servira son mari, même si elle ne peut s’empêcher de le désapprouver continuellement. Quand celui-ci partira, une fois avec sa maitresse, une autre fois en prison, elle continuera à entretenir la maison et à veiller sur leurs enfants.



Parlons-en, de cette maison sise à Gand, dans un quartier lugubre digne du « Malpertuis » de Jean Ray… Stefan Hertmans l’a habitée à la suite du départ de cette famille, bien longtemps après la 2e guerre. Il y a vécu 20 ans, et franchement, je ne sais comment il a pu y séjourner, car elle était déjà, lors de son emménagement, en très mauvais état. La narration de ce livre se conjugue en deux temps : la visite de la maison par le notaire et la vie de ce Willem Verhulst.



A vrai dire, je reconnais que cette partie de l’histoire de la Belgique intimement liée à celle de la Flandre, m’a éclairée sur bien des points, quoique ma lecture m’ait paru assez longue. Les biographies, je n’aime pas trop, à part celles de Stefan Zweig. Mais j’aime beaucoup Stefan Hertmans et je vais le dire encore une fois : bravo pour sa recherche et l’ambiance créée.



Avis donc à la population francophone autre que belge : si vous voulez faire la connaissance intime des Flamands, les extrémistes comme les autres, lisez ce livre belge, et vous vous rendrez compte combien peut être tendue, parfois, la relation entre Flamands et Wallons.



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Guerre et Térébenthine

Guerre et térébenthine c'est un roman de l'écrivain belge néerlandophone Stefan Hertmans qui rend hommage à son grand -père né en 1891 et mort en 1981 , pas trop mal comme dates non ?

Le grand - père Urbain Martien , prononcer Martine comme l'équivalent de Martin en français répète à plusieurs reprises l'aïeul , va léguer trois cahiers à son unique petit fils , cahiers qui évoquent surtout La grande guerre à laquelle le soldat Urbain Martien a survécu .

Térébenthine , le deuxiéme mot du titre du roman évoque la passion pour la peinture de ce grand - père issu d'un monde disparu , désuet à nos yeux . Grand - père dont le père était peintre , une grande partie du récit raconte la vie de ce père décédé bien trop jeune .

Stefan Hertmans a laissé traîner les trois cahiers , ne se décidant pas à les ouvrir et a finalement publié ce roman lors de la célébration du centenaire de la guerre 14 - 18 , celle qui devait être la dernière .

Bien entendu de tels récits il y a en beaucoup mais celui - ci a une flagrance spéciale , ce sont les souvenirs d'un ancien combattant qui écrit ses souvenirs pour son petit fils .

Je retiens spécialement de ce récit de première main , les ordres de combat qui étaient adressés aux soldats belges uniquement en français , ce qui a conduit à des situations dramatiques , à un sentiment d'humiliation qui a fait devenir un grand nombre de flamands révoltés flamingants , c'est à dire pour les lecteurs français qu'ils ont commencé à défendre leur langue , leur singularité flamande , ce qui a provoqué beaucoup de méfiance , d'incompréhension entre ces deux parties du pays si proches et si différentes à la fois .

Il y a des anecdotes touchantes comme celle où le jeune Stefan reçoit la montre ayant appartenu au père de son grand - père pour son douzième anniversaire et qui l'a fait tomber , il ne pourra jamais se pardonner ce geste maladroit .

L'évocation d'un monde définitivement disparu avec la première guerre , le sort de ses soldats confrontés pour la première fois de l'histoire à une guerre , une boucherie qui les dépasse , où les valeurs sont bafouées , où est le sens de l'honneur lors d'une attaque au gaz moutarde , aux représailles sur les civils , que peut faire l'amour de la patrie lorsque un obus éclate et fait de nombreux morts , des cadavres atrocement mutilés ?

Martien Urbain reste fidèle à son époque , toute sa vie , il porte un costume avec une grande lavallière , même quand il va à Ostende avec son petit fils , homme droit , le pur produit d'une époque révolue .

Un beau témoignage émouvant , une très belle écriture

Je vous recommande chaleureusement cette lecture , encore un bel exemple de litterature belge du nord du pays .

Un grand merci aux editions Gallimard pour ce gracieux envoi .



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Une ascension

La Flandre, son ciel bas, sa terre lourde et collante, la pluie et l'humidité qui ronge tout. La Flandre, son passé collaborationniste. La Flandre, le succès grandissant de ses partis nationalistes et/ou extrémistes de droite. La Flandre, mon pays.



Hertmans nous raconte ici l'ascension de Wim Verhulst, membre actif du mouvement nationaliste flamand dans la première moitié du XXème, et surtout l'un des plus grands collaborateurs de la seconde guerre mondiale. Il nous dévoile « un héros de pacotille, un vrai froussard ».



C'est un récit à peine romancé et principalement basé sur des faits et des documents historiques. La plume est très agréable, Hertmans sait écrire. A noter tout de même qu'on est très loin de la démarche du dernier Chalandon, « Enfant de salaud », bien que le sujet abordé soit identique !



C'est très fouillé et très bien documenté. L'auteur a entre autres interrogé les enfants de Verhulst, témoins en première ligne, mais ne comptez pas sur lui pour essayer de comprendre la motivation du collaborateur ou pour spéculer sur sa psychologie. L'auteur reste neutre du début à la fin du récit, et pose un vrai regard d'historien sur cet épisode de l'histoire, mais aussi sur l'histoire de Gand, de la Flandre et des mouvements nationalistes.



Il revient notamment sur l'hommage rendu par Bart de Wever, actuel président de la NVA (premier parti flamand), à la deuxième épouse de Wim Verhulst, Griet. Ils étaient amants et s'étaient enfuis ensemble en Allemagne dans les derniers jours de la guerre, espérant échapper à la justice belge.



Lors de cet hommage, en 1997, le tout jeune Bart de Wever fait un discours pour les 90 ans de Griet Verhulst et la remercie pour sa combativité et son soutien à « l'émancipation flamande », devant un parterre d'anciens collaborateurs déchus de leurs droits civiques et de membres du Vlaams Blok (actuellement Vlaams Belang, parti d'extrême droite flamand). Il faut dire que Griet a la photo encadrée du Führer sur sa commode !!!!!



Ce récit révèle aussi la différence entre le nationalisme flamand et les autres partis nationalistes européens : si en Europe, les partis d'extrême droite prolifèrent sur fond de populisme, de baisse de pouvoir d'achat, de crise migratoire et sanitaire, en Flandre, le mal est plus profond et plus ancien. Il date de la première guerre mondiale, quand les Allemands ont su attiser la haine des Flamands pour l'Etat Belge et la langue française, parlée par les élites et les bourgeois à l'époque, aiguiser le nationalisme flamand et instiller le poison de la division entre Flamands et Wallons, division de plus en plus saillante. Et de plus en plus préoccupante.

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Guerre et Térébenthine

Urbain Martien, le grand père de l'auteur naît en 1891 dans une famille aimante, dans la région flamande de Gand, une région pauvre. Son père, un peintre fresquiste qui travaille dans la rénovation d'oeuvres dans les églises a épousé Céline, d'une famille plus élevée socialement mais leur amour a été immédiat et romantique. le jeune Urbain grandit et travaille dans une fonderie puis après son service militaire reste dans l'armée. Son père, qu'il admire lui donne la vocation de l'art et fort de ses cours de dessin et de peinture s'oriente dans la même carrière...C'est sans compter avec la guerre qui éclate et qui va annihiler l'homme et ses idéaux.



Stefan Hertmans avec Guerre et térébenthine, témoigne de son amour et de son admiration pour ce grand père qu'il a connu et qu'il redécouvre en lisant ses carnets. Dans la première partie de la vie d'Urbain, avant la première guerre mondiale, le récit décrit une enfance pauvre mais riche de sentiments notamment entre ses parents, un père dont il admire le talent de peintre, au point de vouloir marcher dans ses pas. Le jeune Urbain se paye avec son salaire durement gagné, des cours de peinture et de dessin amorçant sa vocation. Cette première partie du roman m'a le plus intéressée, on y découvre les paysages flamands, la "ségrégation" par la langue française imposée dans les administrations et l'enseignement, reléguant le flamand dans la sphère privée, la pauvreté, les conditions de vie et de travail difficile. Dans la deuxième partie, nous suivons le destin héroïque d'Urbain, trois fois blessé, qui reviendra sombre et taciturne, abandonnant ses ambitions artistiques, .

Un roman intime, et une prose magnifique, un style fluide, une traduction remarquable qui font de ce récit une belle découverte.
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Une ascension

Certes le livre est appelé « roman », l'imagination de l'auteur a recréé pour nous les vides du quotidien, les gestes et paroles qui peuvent exister dans toute vie, les quartiers, les rues, les jeux de lumière,les ciels gris et les bruits familiers.



Un lieu particulier, une maison, grande bâtisse gantoise dans un quartier populaire.

Une maison qu'acheta l'auteur en 1979. Il nous raconte les différentes pièces, se remémorant la visite qu'il en fit avec le notaire de Potter, propriétaire du lieu.



Ce n'est que vingt ans après s'en être séparé, qu'il découvrira l'histoire des occupants précédents et de l'époque tragique où ils y vécurent grâce à la lecture du livre d'un de ses anciens professeurs : Adriaan Verhulst.



Ce dernier y passa la fin de son enfance et toute sa jeunesse avec sa mère, ses soeurs et son père Willem Verhulst.



Et de roman, le livre bascule en témoignage sur cette famille, en faits réels qui vont raconter les années troubles de l'occupation allemande, de la guerre et des hautes convictions collaborationnistes du père, des jours noirs, du « salon mortuaire » où se tenaient des réunions entre SS et flamands associés à ce nouvel ordre.



Homme au visage nanti d'un oeil borgne, moqué pendant sa scolarité, virant dans un excès nationaliste chassant francophones, rêvant d'une Flandre insérée dans le rêve germanique.



A la solde du Reich, connaissant une « ascension » pour les « bons » services rendus, l'homme mène, pendant la guerre, une carrière d'espion, de directeur des Hautes Écoles (qu'il ne se gênera pas de voler), établira des listes (juifs, franc-maçons, belgicistes…).



Homme excessif, sans scrupules, trompant sa femme devenue « maman », la maintenant en dehors de ses activités qu'elle ne peut pleinement ignorer puisqu'il porte l'uniforme à tête de mort et qu'un buste de Hitler est posé sur la cheminée.



Mientje, l'épouse hollandaise protestante à la croyance poussée à l'extrême est d'une humanité en contradiction totale avec son mari. Pacifiste, épouse, fidèle à son devoir de mère de famille, elle le soutiendra comme elle portera assistance à toutes personnes quelles que soient leurs opinions, leurs croyances, leurs origines.

L'abnégation de soi, la fidélité à sa foi, la présence bienveillante la constituent.



Quant aux enfants…, ils vivent la période trouble avec la conscience de leur âge mais marqués à jamais par le personnage trouble jusqu'à l'abjection qu'est leur père, marqués aussi par les réflexions, les combats, les bombardements, la brutalité des hommes, la peur.



L'auteur a bénéficié de leurs témoignages. Il a pu aussi compulser des documents (journaux tenus par les différents protagonistes, lettres…) ce qui confère à ce roman-récit-document-témoignage, une vérité et sur les gens et sur les lieux et sur l'époque, réalité qui nous bouscule et nous instruit.

D'autres noms dont certains connus en Flandre traversent le livre et méritent qu'on s'y attarde (artistes, politiques,…).



Nous apprenons beaucoup sur la Flandre, sur l'histoire de Gand (le passage de l'enseignement « bourgeois » francophone à la langue flamande dès 1916), sur une extrême-droite qui perdure de nos jours et « sourit » encore devant les actes antisémites, sur l'hommage rendu à Griete (qui possédait toujours un portrait de Hitler à la fin de sa vie), maîtresse puis troisième et dernière épouse de Verhulst après la mort de Mientje, hommage par un certain président de parti, parti nationaliste qui gère aujourd'hui la Flandre et cela fait frémir de savoir que de telles vues d'esprit perdurent et que le danger est toujours tapi.



C'est un portrait sans concession.

Deux peuples, deux cultures, deux déchirures.

Francophones/néerlandophones et entre néerlandophones nationalistes et néerlandophones fédéralistes.

L'Histoire les a réuni et désunit souvent. Pour le pire en cette période racontée…

Tous ces événements passés ont donc encore des conséquences sur la politique belge aujourd'hui.



Une fois de plus, cette seconde guerre mondiale se dévoile et l'on y découvre de nouvelles monstruosités, des vies saccagées, des faits que l'on ignorait, la manière dont on vivait en ces temps obscurs et terrifiants, des lieux où l'on se promène de nos jours sans savoir… un peu comme l'auteur qui n'a découvert que tard les dessous de cette maison à la glycine parfumée.



Les dernières volontés de Willem Verhulst laissent pantois car surgit par-delà tous ces événements, le nom de la première épouse d'origine juive (!) : Elsa.



Peaufinant jusqu'au bout ses recherches, Stefan Hertmans raconte sa rencontre avec le sculpteur Koenraad Tinel dont les parents et les frères furent des collaborateurs notoires.

Cela donne lieu à un passage émouvant montrant la souffrance de l'artiste exécrant le nazisme et, au-delà de lui, de membres de familles entachées par la collaboration.



L'évocation du massacre de août 44 à Comblanchien boucle le récit et rend un dernier hommage à ceux qui défendirent notre liberté contre la barbarie.



L'auteur a mené un travail minutieux et consciencieux pour réunir et approcher l'histoire et L' Histoire.



Livre précieux en ces temps où l'on entend émerger des paroles qu'on voudrait ne plus entendre, livre précieux qui montre la dérive d'un homme conduit par un narcissisme malsain, un nationalisme aveugle et un idéalisme dangereux et qui, jamais, ne douta de lui ni de ses actes.



Livre admirablement construit, bouleversant, bousculant, haletant, instructif et salutaire.

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Le coeur converti

Un livre magnifique, bouleversant. Et comme l'écrivent d'autres Babélionautes, arrivée à la dernière page, il est difficile de quitter Hamoutal et sa quête.

Je ne le résumerai pas à nouveau mais je soulignerai son admirable construction.

Stefan Hertmans a mené un travail d'enquête digne d'un historien pour retrouver les traces d'Hamoutal, à partir de la lecture d'articles scientifiques de spécialistes de la période (mais aussi de romans, de poèmes), des voyages qu'il fait en passant par les mêmes lieux qu'elle et de la recherche qu'il a menée dans le village où il réside et où Hamoutal aurait vécu. Il alterne avec brio des pages sur l'histoire d'Hamoutal-Sarah- Vigdis et son exil (à la fois intérieur et géographique) et celles sur ses propres voyages et recherches pour la retrouver.

Le style nous plonge dans l'ambiance de ce XIe siècle tourmenté par les pogroms menés contre les Juifs, les départs des Croisés pour libérer la Terre sainte. Il nous permet de découvrir les modes de vie de l'époque, les réseaux de communication entre communautés juives et les recommandations qui circulent entre elles, les modes de circulation dans une Méditerranée instable et divisée.

L'auteur nous fait mieux comprendre / vivre les répercussions de la grande Histoire sur la vie des individus.

Le livre nous invite à la tolérance envers l'Autre, d'une autre religion, d'un autre pays, d'une autre communauté.
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Le coeur converti

L'excellent livre "Le coeur converti" de l'écrivain belge néerlandophone Stefan Hertmans nous entraîne dans la France médiévale des années 1070/ 1090, au moment où le pape Urbain II s'apprête à lancer son appel à la première croisade en 1095 à Clermont.

De fait les questions religieuses vont avoir un rôle important dans ce livre, puisqu'il va s'agir d'une histoire d'amour très délicate à l'époque, unissant une jeune femme chrétienne, descendante de Normands Vikings par son père, avec un jeune homme juif, fils du grand rabbin de Narbonne et qui étudiait à l'époque dans la yeshiva de Rouen.

La jeune femme, tombée amoureuse en dehors de son cercle, doit fuir pour éviter les représailles et va traverser la France, depuis Rouen jusqu'à Narbonne avant de devoir fuir plus loin...En effet des chevaliers, payés par le père de la jeune femme, sont lancés à sa poursuite et le couple "transgressif" risque beaucoup.

A travers cette histoire d'amour difficile l'auteur nous fait revivre toute une époque et on découvre un Moyen-Age très "réaliste" qui s'éloigne des images toute faites; des moyens de communication difficiles (il fallait un mois et demi pour traverser la France entre Rouen et Narbonne!!), mais une économie déjà relativement prospère: les cultures sont déjà diversifiées selon les régions (seigle, épeautre...), la viticulture est déjà bien développée (les vignes de Ménetou-Salon sont déjà là!)

Une époque intéressante donc, que restitue très bien l'auteur, mais une époque marquée aussi malheureusement par la violence, comme en témoignent les exactions des Croisés dans le Sud de la France lors du déclenchement de la première croisade.

L'originalité et l'attrait de ce livre c'est de montrer, en parallèle avec le déroulement de cette histoire d'amour tragique le point de vue de l'historien: à chaque étape, l'auteur nous rend compte de ses recherches historiques.

Il adopte dès le départ le point de vue d'un historien puisque c'est la découverte qu'à Monieux, petit village provençal où réside l'écrivain, un pogrom a eu lieu il y a mille ans, qui va guider ses pas.

Les héros de l'histoire ont réellement existé et Stefan Hertmans va aller lui-même sur place dans les différents lieux de l'itinéraire qu'a emprunté ce couple.

L'auteur va consulter des documents de la collection de manuscrits de l'université de Cambridge mondialement connue sous le nom de Cairo Genizah Collection (Genizah: ce lieu dans la synagogue Ben Ezra où l’on jetait tout le rebut hébraïque et les écrits qu’on ne pouvait détruire car le nom de Dieu ne pouvait l’être).

Notamment un document va faire état d'une certaine Vigdis ("déesse du combat" en langage norrois) et d'un certain David. Et un document important sera une lettre de recommandation faite par le beau-père de Vigdis rebaptisée Sarah, lettre écrite par le rabbin de Narbonne donc, pour aider notre héroïne dans ses pérégrinations.

Un très beau livre, qui se lit d'une traite, l'alternance récit/ point de vue de l'historien rehausse notre intérêt à chaque page. Un Moyen-Age troublant qui défile sous nos yeux de lecteur...
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Le coeur converti

Parcourant dix siècles plus tard l'itinéraire de la jeune rouennaise Vigdis Adélaïs, fille de riches Normands, Hertmans imagine, tente de reconstituer la vie de cette chrétienne qui s'enfuit avec le fils du Rabbin vers Narbonne puis se cache dans une petite communauté juive du Vaucluse qui n'échappe pas au pogrom de l'armée en partance pour les croisades en emmenant ses enfants. Elle partira pour Jérusalem à leur recherche.



Je crois que cette histoire dans un monde plein de serpents a manifestement plus passionné l'auteur que moi.

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