Sue Grafton

Distraitement, il souleva la partie supérieure du moulage et glissa son doigt à l'intérieur pour sentir les incisives. Si j'avais donné un coup de poing sur le moulage, je lui aurais certainement tranché le doigt. Cette pensée m'empêchait de me concentrer sur ce qu'il disait.

Je lui offris une bière et il me rendit la politesse. J'avais honte de souler ce pauvre gars, mais j'avais encore une ou deux questions à lui poser et je voulais qu'il se débarrasse de ses inhibitions.

Je souffre aussi du genre d'opiniâtreté qui fait du métier de détective privé un bon job pour un diplômé de l'académie de police souffrant d'une totale incapacité à travailler pour un patron.

Beverly a alors un drôle de sourire, un sourire dur, celui d'une femme visiblement habituée à obtenir toujours ce qu'elle veut. Le bleu de ses yeux a maintenant la dureté et la transparence du verre.

Nos souvenirs ne sont pas seulement déformés par une perception faussée des événements gardés en mémoire, mais encore gauchis par ceux qu'on a oubliés. La mémoire ressemble à deux étoiles jumelles en orbite, l'une visible, l'autre noire, la trajectoire de ce qui est manifeste étant éternellement modifiée par le poids de ce qui est occulté.

Je me dis parfois que les meilleures liaisons sont celles qu'on ne consomme pas. Pas de scènes, pas de déceptions, et les deux partenaires gardent leurs névroses pour eux. Quelle que soit leur apparence extérieure, la plupart des êtres humains sont équipés de la même machinerie émotionnelle compliquée. Dans l'intimité, on commence à voir les dégâts causés par des passions qui se sont heurtées de front comme des trains sur une même voie.

Sue Grafton m'a encouragée à arrêter de fumer, appris à courir, aidée à vivre quand j'ai commencé à la lire. Kinsey, son héroïne est merveilleusement ordinaire, caustique, courageuse, tenace, aimante, indépendante, humaine. Elle occupe son petit bout de territoire dans le sud de la Californie, câlinée par son vieil ami Henry, taraudée par le souvenir de quelques ex encombrants, et quand elle commence à enquêter, les salopards de tout poil ont intérêt à se méfier.

Je levai la main.
- Un instant. Je m'y perds. C'était quoi, votre idée, au départ ?
- Lorsque j'ai quitté Santa Teresa? Je devais me rendre à Palm Beach en Floride, où un copain de Gilbert m'attendait. Un type qu'il a engagé pour garder un œil sur moi. Gilbert voulait que l'argent quitte la Californie au plus tôt, mais il avait peur qu'on se fasse remarquer si on voyageait à trois. Et puis Farley et lui n'avaient pas encore leurs nouveaux passeports. Moi, j'avais le mien, et je devais attendre qu'ils me rejoignent à Palm Beach. Ensuite, on se serait envolés pour Rio

Une leçon à garder en mémoire : les gens changent, les circonstances aussi, et ce qui parait décisif un jour devient une bagatelle le lendemain . L'inverse étant également vrai.

Des fils de suture noirs pointaient de ses lèvres encore tuméfiées, aussi raides que des moustaches d'un poisson-chat.

Menteuse impénitente que je suis, je craignais maintenant qu'elle m'accuse de dire la vérité !

Dans les profondeurs du sommeil, notre instinct animal prend la relève et nous alerte en cas de danger.

Les enjolivements font tout le charme des mensonges. Je suis moi-même championne toutes catégories en la matière.

Une femme seule dans les bois n'est rien moins qu'un appât à ours et araignées.

On ne sauve pas les gens d'eux-mêmes, parce que ceux qui saccagent votre vie à plein temps apprécient peu que vous vous mêliez des drames qu'ils créent. Ils veulent votre compassion sirupeuse, mais surtout ne rien changer.

La femme au tempérament ombrageux que je suis aspirait à la solitude.

We never spoke of Lila, but I sometimes wondered if he didn't secretly resent my intrusion into his romance. Sometimes being fooled by love is worth the price. At least you know you're alive and capable of feeling, even if all you end up with is chest pain.

Nous ne parlions jamais de Lila, mais je me demandais parfois s'il ne me reprochait pas secrètement mon intrusion dans son idylle? Quelquefois, ça vaut la peine de se faire avoir par amour. Au moins, vous savez que vous êtes vivant et capable d'éprouver des sentiments, même si vous ne récoltez finalement qu'une douleur dans la poitrine.

J’aimais ce petit automatique, qui ne me quittait pas depuis des années… un cadeau de ma tante qui m’a élevée après la mort de mes parents. Ce pistolet était mon héritage, symbolisait notre relation bizarre. Elle m’avait appris à tirer quand j’avais huit ans. Elle ne s’était jamais mariée, n’avait jamais eu d’enfants. Elle avait mis en pratique avec moi ses nombreuses idées étranges sur la formation du caractère féminin. Tirer à l’arme de poing, pensait-elle, m’apprendrait à la fois la prudence et la précision. Cela m’aiderait aussi à développer une bonne coordination de la main et de l’œil, ce qu’elle trouvait utile. Elle m’avait enseigné le tricot et le crochet pour que j’apprenne la patience et que j’acquière le sens du détail. Elle refusa de m’apprendre à cuisiner parce qu’elle trouvait que c’était ennuyeux et ne servirait qu’à me faire grossir. C’était okay de jurer à la maison, mais il fallait faire attention à son langage devant les gens que cela aurait pu offenser. L’exercice était important. La mode de l’était pas. La lecture était essentielle. Deux maladies sur trois, disait-elle, guérissaient d’elles-mêmes, si bien qu’on pouvait en gros ignorer les médecins sauf en cas d’accident. D’un autre côté, il était inexcusable d’avoir de mauvaises dents, quoiqu’elle ait considéré les dentistes comme des gens qui avaient des idées ridicules sur la bouche des êtres humains, comme d’enlever leurs vieux plombages pour les remplacer par de l’or. Elle avait des douzaines de préceptes similaires et j’en ai gardé la plupart.

Tout en courant, je sentais mon brouillard intérieur se dissiper. L'exercice intense est la seule défonce légale que je connaisse .. sauf l'amour bien entendu. Quel que soit votre état intérieur, une seule solution : courir, marcher, faire du vélo, du ski, de la musculation, et soudain l'optimisme renaît et la vie retrouve ses couleurs.

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Ce qui me fascine dans la vie, c'est de voir le passé ressurgir de temps à autre et prendre la parole. Ensuite, l'enchaînement des faits semble inéluctable, mais seulement parce que la cause et la conséquence se trouvaient déjà en place.