Citations de Véronique Ovaldé (783)
L'arrogance s'apparente souvent à la bêtise : il n'y a personne de plus vulnérable que celui qui n'imagine pas plus fin, plus malin, plus intelligent que lui. Son angle mort crée une forme d'engourdissement cognitif. Il se retrouve dans la situation du vaniteux qui s'attend en permanence à un compliment comme une oterie à un anchois.
Elle avait un rire qui rebondissait, un rire qui faisait de petits sauts sur les surfaces lisses et réfléchissantes alentour.
Si les réputations existaient encore, je prendrais un malin plaisir à ruiner la sienne.
(p. 26)
Les prières ne sont jamais entendues de personne, elles errent dans un grand désert gris et cendreux que le vent balaie sans jamais s'interrompre et elles ne sortent jamais des ténèbres.
Il serait faux de croire qu' Aïda, sous ses airs distants, n'est pas inquiète de ses retrouvailles. L'émotion est toujours un typhon.
Quand à nous, nous sommes restés à la maison et avons attendu, en faisant le moins de mouvement possible, que l'effervescence des molécules se calmât, et que les choses après turbulence reprissent leur immobilité première.
Elle s’est préparée au moment où ses filles auraient honte d’elle, marcheraient dix pas derrière elle, lui demanderaient de les déposer à deux rues de l’école, ne pourraient plus être embrassées qu’avec embarras en s’ecartant presque aussitôt, et la considéreraient comme un animal préhistorique à peine fonctionnel. (Page 195)
La fatigue me prenait si souvent, cette fatigue qui aurait pu me dessécher sur place, là, debout dans le salon, cette lassitude de tout, cette impression d'être faite de sable et de passer mon temps à consolider l'édifice afin qu'il ne s'effondre pas pour finir par générer simplement une minuscule pyramide au sol, une pyramide de poussière , cette impression de sortir d'un rêve bref qui parlait de ma petite enfance , de ma vie végétative, de ma mémoire, de mon chagrin, et du chagrin de tous les Bartolome et de tous les Mendiluce avant moi, cette impression de ne plus jamais pouvoir bouger de là, de cet endroit au milieu du salon, sur les carreaux disjoints, les jambes écartées comme pour ne pas chavirer, le carrelage remuait sous mes pieds comme sur des lambourdes vieilles, j'aurais pu me dissoudre en autant de particules papillonnant dans l'air brulant de septembre .
Maria Christina lève la tête, il y a cette affiche sur le mur devant elle, une affiche qui dit : "Une femme a autant besoin d'un homme qu'un poisson rouge d'un sac à main".
Pour s'endormir Maria Christina projetait son propre enterrement et imaginait le regret qu'on aurait d'elle.
Et quand elle regardait le calendrier elle songeait qu'elle passait chaque, insouciante, la date anniversaire de sa future mort, cette date funeste qui marquerait sa fin, cette date qu'elle vivait à chaque fois dans l'ignorance.
Leonardo et Gilda travaillent tous les deux à la mairie de Iazza. Gilda est à l'état civil, Leonardo est responsable du développement immobilier, de l'aménagement du territoire et de la défense du littoral (vous remarquerez à juste titre qu'entremêler ces diverses fonctions est en soi assez contradictoire et dans une certaine mesure impayable : c'est comme vouloir dépolluer les centres-villes avec des trottinettes au lithium).
Quand elle parlerait de cette période à sa petite-fille Vera Candida, fort longtemps après, elle dirait que parfois l'on se met dans des situations qu'on ne maîtrise et ne veut pas maîtriser. On ne fait pas toujours , répéterait-elle en agitant un docte index, ce qui est bon pour soi.
Pourquoi, pour paraître intelligente, faut-il être maigre et porter des pantalons (et du coup ressembler plus ou moins à un garçon) ? Nathalie remettra ce diktat en question quand elle sera assez grande pour le faire. Pour le moment, elle suit le mouvement, elle ne mange pas de beurre, elle retire le gras du jambon et dort sur le ventre les bras serrés contre sa poitrine pour que ses seins ne poussent pas.
(p. 13-15)
Les vies se transforment en trajectoires. Les oscillations, les hésitations, les choix contrariés, les déterminations familiales, le libre-arbitre réduit comme peau de chagrin, les deux pas en avant trois pas en arrière sont tous gommés finalement pour ne laisser apparaître que le tracé d'une comète.
Il est fasciné par la vieillesse des femmes. Il se demande en substance comment font les femmes pour vivre quand elles sont devenues totalement invisibles. Non désirables donc invisibles.
(p. 155)
(…) que peut penser une petite fille qui console sa mère de la traiter mal ? (p. 62)
Elle l'avait rangé dans son tiroir de cons ordinaires. Ordinaires et inoffensifs.
Elle ignorait encore que les rêves sollicitent notre cerveau comme s'il devait résoudre un problème mathématique particulièrement épineux. Rien de reposant là- dedans. ( ...) Il n'y avait donc pas de repos pour elle.Uniquement une intense solitude.
( p.251)
Ma mère disait, "les maisons moches c'est ce qu'il y a de mieux, elles permettent de prendre son envol sans regret." J'aimais beaucoup notre maison, moi, c'était notre quartier ou notre absence de quartier, ce lotissement entouré de terrains vagues pelés qui me donnait envie de me carapater. (p. 24)
La vie commune, c'est le temps et le déni du temps. Je ne me suis pas vue vieillir dans son regard.