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Critiques de William T. Vollmann (76)
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Les nuits du papillon

Vollmann fait sans doute partie des très grands auteurs américains contemporains. Ses allures d'adolescent attardé, de « geek » introverti, voire d'étrange ermite habité, font dire au romancier, spécialiste d'Haïti, Madison Smartt Bell, lors d'un portrait pour le New-York Times en 1994 :

« Quand on voit William T. Vollmann, on s'imagine qu'il a passé les dix dernières années dans une pièce sans fenêtre derrière un ordinateur. En fait, on apprend qu'il a passé les derniers mois à risquer sa vie en Thaïlande, en Somalie ou en Bosnie, au risque de faire honte à Hunter S. Thompson, Jack London ou Errol Flynn. de même qu'on ne pourrait le soupçonner d'avoir une ambition littéraire plus outrecuidante que quiconque depuis Faulkner. »

On y apprend aussi qu'il a écrit son premier livre, Les Anges radieux (1987), « en restant au bureau après le travail, se cachant du personnel de nettoyage et ne se nourrissant que des sucreries vendues par les distributeurs automatiques. » ; et qu'il avait commencé ses voyages immersifs et carrément dangereux dès 1982, avec un séjour aux côtés des mujahidins afghans, ce qui l'amènera naturellement à travailler comme grand-reporter, bien que son obsession pour les belles phrases (ce qui au final revêt pour lui le plus d'importance), et son caractère relativement « instable » (ou en tout cas, bien barré…) fassent de lui un singulier écrivain, parfois romancier ou historien, mêlant à chaque nouveau texte tous les degrés de l'écriture.



Ce texte, comme souvent accompagné de magnifiques, hypnotiques et dérangeants dessins — hésitant entre croquis griffonnés rapidement sur une nappe ou bien lors d'un coup de fil, et véritable oeuvres marquées par la trace de l'obsessionnel — est sans doute l'un des plus personnels de l'auteur.

Il marque le second volet de sa trilogie sur la prostitution, achevée par le monumental « La Famille Royale », dont je vous avais livré ma difficile critique l'année dernière, enrichie par celle des babéliotes JIEMDE et le_Bison (qui ne s'en séparerait pas lors d'un naufrage…), sans que l'ordre de lecture ne semble de quelque importance.



Ici, Vollmann se met en scène, entre souvenirs d'enfance et expériences possiblement vécues lors de reportages en Thaïlande et au Cambodge, évoquant également ses voyages en Arctique — avec la partie la plus « dérangeante » de son roman « Les Fusils » qui prend alors les couleurs de la vérité : son absurde et destructrice liaison avec une femme Inuktitut — le tout tournant autour de ses intenses et désarmantes relations avec les prostitués de ces pays.



Inutile de préciser la fascination de l'auteur pour ces êtres à l'existence hors des normes, pour ne pas employer de mots trahissant l'habituel jugement dont, de tout temps, on les affuble. Sujet à la fois trop grave, complexe, et personnellement méconnu pour me lancer dans une telle entreprise, me méfiant simplement d'une certaine morale, sans occulter le caractère archi-tragique de situations, créés avant tout par l'hypocrisie sans fond de nos sociétés consommatrices.

Vollmann, comme à son habitude, y plonge les deux pieds en avant, lui qui parle si bien des « marginaux », leur donnant notamment la parole dans son ouvrage « Pourquoi êtes-vous pauvres ? ».

Son approche déroutante, dont la finalité semble dominée par une forme de trouble affectif, de déformation de ce qui pourrait être considéré comme « raisonnable » voir « réel », piétine l'approche dichotomique de ceux qui préfèrent les appeler « travailleuses du sexe ».

C'est une fois encore une déclaration d'amour impossible à toutes les putes, la menace naissante du SIDA comme fond diffus historique, en plus des lointains khmers rouges, sans traitement « gonzo » ajouté.



Ce papillon est donc éphémère, coloré du reflet trouble des néons, terriblement nocturne et solitaire, car ne demandant jamais à être compris, relayant l'empathie à l'état d'étranges cocons venus de contrées à l'impossible touffeur.

Un voyage éprouvant effectué d'un battement d'aile, gravant son nom d'une délicate encre indélébile sur un insane prospectus, publicité ricanante d'un monde en voie de désintégration.
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Les fusils

Au pays de la glace et du silence, résonne une détonation : Vollmann est passé par là, sur les traces de l’explorateur perdu Sir Franklin, mort de faim et de froid, à la recherche du mythique Passage du Nord-Ouest.

Il en tirera l’un de ses sept « rêves », dont il explique la démarche dans une note en fin de livre, qu’il me parait utile de reproduire ici, tant elle pourra aider le prochain voyageur à ne pas trop se perdre dans cette infinité :

« Mon but, avec « Sept Rêves », a été de créer une « histoire symbolique » — c’est à dire, un récit des origines et métamorphoses, souvent déformé, fondé sur les faits tels que nous les connaissons, mais dont la déformation sert une conception plus profonde de la vérité. C’est là marcher sur une corde raide, avec d’un côté la littérature servile et de l’autre la complaisance. (…) Dans ce Rêve, comme dans les autres, j’ai fabriqué mes couleurs non seulement avec la palette des temps, mais également avec celle des lieux. »



Celui qui a déjà voyagé en sa compagnie retrouvera son immense talent pour embrasser l’Histoire humaine de la manière la plus objective possible, transcendant les obligatoires distinctions Individu / Société, Bien / Mal, Nature / Culture, dans une forme de relativisme absolu, terriblement difficile à tenir, car ne renonçant jamais à trouver des réponses, fondamentalement multiples…



Intégrant un grand nombre de dessins, cartes et croquis, particulièrement réussis, ce livre vient confirmer l’immense talent, tel un sens supplémentaire, de description de l’auteur, jusqu’au vertige induit par le récit des douze jours passés, seul, dans une station météo désaffectée aux abords du Pôle Nord magnétique, qui font définitivement basculer cette oeuvre dans l’inoubliable.



Livre d’Histoire, de l’intime à l’universel, du tragique au dérisoire, défi lancé au lecteur-aventurier, désorienté sans cesse par ces contrées où les notions de temps et de lieux ne demandent qu’à être brouillées.

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Le grand partout

Pour l'écriture de ce livre, hymne à la clandestinité et au voyage, William décide de se mettre dans la peau des hobos dont il a aimé les aventures des clochards célestes de Jack Kérouac sans oublier Hemingway, Jack London, Mark Twain et d'autres écrivains qui ont écrit sur ces personnages.

Il vit ces voyages clandestins à bord de wagons de marchandise en compagnie de son ami Steve Jones.

William T. Vollmann vit intensément son rôle de hobo, raconte ses voyages dans la clandestinité...

À la fin du volume, des photographies en noir et blanc illustrent ses périples.

Fidèle à ses principes, il égratigne la politique et ses citoyens, comme il les nomme.

Très critique de G. W. Bush, Président lors de l'écriture de Le grand partout, je serais curieuse de connaître ce qu'il pense de l'actuel Président Trump !

Prochaine lecture : La tunique de glace

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La Famille royale

Dans la famille « livre impossible à critiquer », j'aimerais la Famille Royale…

Mes amis, que ce livre est paradoxal, et c'est peut-être là d'où vient sa force !

Sa lecture est à la fois aisée, car très bien écrit et structuré, et à la limite du soutenable. Vu le sujet, et la démarche de l'auteur, ce n'est que normal… En sortir est un soulagement sans réconfort, comme si la boucle restait à tout jamais inachevée…



Vollmann est un grand humaniste, son livre se pose dans un espace inconnu, ni morale ni amorale. En sociologie, on ne pourrait le rattacher ni à Weber ni à Durkheim, dans le sens que les situations décrites ne sont ni le fait des individus, ni de la société. Un flou de destinées, invoquant sans cesse le peuple de Canaan, le meurtre d'Abel par Caïn, comme un brouillard pré-historique. Les individus en sont des figures mouvantes dont on ne comprendra jamais vraiment les motivations.



Livre des détestations, des rapports humains impossibles, où la simple empathie n'existe qu'à travers cette Reine des Putes, figure magique aux contours indéterminées, comme le sont tous ces personnage, tour à tour décrits comme beaux ou ignobles…

Ignobles surtout, le livre regorge d'abcès purulents éclairés aux néons, de dépendances sans fins possibles autres que la mort, dont le lecteur en vient forcément à leur souhaiter, tant le seul espoir relève de l'irréel, tant l'auteur met tout en oeuvre pour nous plonger dans l'écoeurement, et de cette volonté farouche de rendre tout jugement inopérant, lorsqu'il s'adresse directement à nous pour défendre l'humanité de ses pires personnages.

Rien n'est épargné au lecteur, renvoyant dans leurs chapelles les interprétations simplistes et moralisantes de ceux qui tiendraient à les nommer "travailleuses du sexe".



Lecture très éprouvante, au bord du gouffre, sauvée par une écriture somptueuse, qui sait changer de rythme et de texture, tels ces chapitres en milieu de livre glissant vers le surréalisme burroughsien, ou ces échappées hyper-réalistes (car vécues) dans le monde des sans-abris.



Livre impossible à aimer, pourtant indispensable. Je m'aligne sur la note de JIEMDE ( 3,5 / 5 ), car c'est dans son texte que je me retrouve le mieux.

Ne me parlez plus jamais d'Irène, Domino, ou bien de ces frères Tyler…
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Central Europe

Central Europe est une colossale machine littéraire composée d'une trentaine de récits enchevêtrés, une autopsie des mécanismes totalitaires qui ravagèrent l'Europe au siècle dernier. L'auteur raconte, par la voix du narrateur, un agent stalinien, quelques destins singuliers : Käte Kollwitz, une des artistes les plus représentatives de l'expressionisme allemand, le compositeur Chostakovitch dont il raconte les amours, le cinéaste Roman Karmen, le général russe Vlassov et son homologue allemand Paulus pour ne citer qu'eux. Sur tous ces personnages planent l'ombre à deux têtes du Somnambule ( Hitler) et du Réaliste ( Staline ) comme il se plaît à les nommer. Central Europe entraîne le lecteur sur les complexes chemins que durent, sous l'emprise de dictatures adverses, emprunter des hommes et des femmes ; leurs passions, leurs doutes ou leurs aveuglements. Une incroyable traversée de l'Europe des guerres et des pogroms. William T. Vollmann réussit le prodige d'établir une critique éclairée du totalitarisme et développe un florilège de paraboles sur les différents protagonistes de son roman fiction. Central Europe peut se lire comme un traité d'éthique à l'usage de l'Europe que nous habitons.

Le National Book Award a été décerné à Central Europe en 2005.

J'éprouve un profond respect pour l'auteur qui met toujours un point d'honneur à réunir une documentation phénoménale et dont j'apprécie beaucoup l'écriture mais j'avoue avoir moins apprécié cette lecture.

Mon prochain roman de Willam T. Vollmann sera La tunique de glace, roman qui je pense sera plus proche de Les fusils que j'ai adoré.



Challenge Pavés 2015-2016

Challenge Atout Prix 2015-2016
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La Famille royale

Henry Tyler est un privé neurasthénique. Il excelle, non pas dans les filatures, les constats d’adultères et les recherches de personnes disparues comme son métier pourrait le prévoir, mais dans la médiocrité négative. Sans aucune estime de lui, il considère sa vie sans saveur et sans intérêt. Il est même du genre à faire fuir ses éventuels clients plutôt que de les embobiner pour obtenir l’enquête. Ses journées, il les passe dans les tréfonds de San Francisco, dans les bars les plus miteux du quartier chaud de Tenderloin.



Elles se prénomment Domino, Kitty, Tournesol, Fraise, Saphir, Oiseau Jaune ou même Chocolat. Sous la plume de Vollmann, elles apparaissent comme les héroïnes de ce roman. Elles sont belles ou laides, parfois grosses et souvent sales, rarement en bonne santé physique ni même mentale. Elles chevauchent la rue de nuit comme de jour, étalent leurs formes et leurs charmes sur les trottoirs du Tenderloin, dans les parkings et sous-sols du quartier. Elles, ce sont des prostituées qui triment toute la sainte journée pour obtenir simplement de quoi se payer un fixe ou une dose le soir et ainsi tenir une heure, un jour de plus dans cette vie foutue et merdique. Sous un job des plus dégradants, ces travailleuses buccales ou vaginales m’apparaissent sous un nouveau jour : tendresse et émotion se dévoilent sous les tas d’immondices. Alors que certains salivent devant les vitrines des restaurants de Chinatown où pendent au dessus des plats de légumes fumants et riz cantonnais les canards laqués, poulets rôtis et tranches de porc rouges et craquantes, ces dames restent obnubilées par la coke pure, la coke crack (connu également sous le nom de blanche), le fentanyl, le speedball, la crystal blue persuasion, les quaaludes, le poppers, le speed rouge, le speed noir, le valium, la thorazine, la mescaline, la marijuana, la codéine, la morphine, le cognac et la bière.



A moins que l’héroïne de « La Famille Royale » soit en fait la Reine des Putes, une prostituée à la retraite qui prend soin de toutes ces (ses) filles. Elle les protège, les conseille, les aide telle une Mama africaine ou une maquerelle bienfaitrice. D’ailleurs existe-t-elle réellement ? N’est-ce pas une simple chimère, une illusion servant à illuminer de son aura ce pauvre quartier du Tenderloin.



Mais revenons à Henry Tyler, ce privé au bord du gouffre. Il semble avoir touché le pactole lorsqu’un riche investisseur l’engage pour retrouver... justement cette Reine des Putes. Il va errer dans les bas-fonds de San Francisco à la recherche de cette reine, celle qui deviendra plus tard SA reine. Mais que lui arrive t’il ? Tel un zombi fatigué, il navigue dans la chaleur et la puanteur de ces déchets de la société. Il est proche du précipice, d’un abîme dans lequel il semble incapable de sortir. Son seul tort : aimer Irène, la femme de son frère prétentieux et imbu. Alors lorsque le jour où Irène met fin à ses jours, Henry s’enfonce encore plus dans son gouffre. Peut-être sera-t-il sauver par sa reine ? Quelle doit être sa rédemption pour expier ses péchés, pour le punir d’avoir aimer sa belle-sœur ?



Mais revenons au roman, Henry met 200 pages à retrouver la reine des putes. Alors que va-t-il faire dans les 1100 pages restantes ? Il erre, il s’enfonce, il boit et baise des putes dans le Tenderloin. Il navigue parmi la pourriture tel une âme en peine. Il se clochardise petit à petit, en sombrant de plus en plus bas dans l’échelle de l’humanité. Il cherche sa voie, en même temps que sa foi parmi les autres détritus de la société. Et si en fait la réelle héroïne de ce roman était tout simplement la ville de San Francisco et son quartier chaud de Tenderloin. Je sens cet amour de l’auteur pour ce secteur et la passion qu’il s’est découvert pour ses prostituées. Le langage est cru, celui de la rue des putes, les images plutôt immondes et la morale loin d’être saine. Mais c’est la vie et Henry côtoiera parfois avec plaisir, parfois avec dégoût d’autres déchets humains, tel Dan Smooth, un pédophile qui se prétend son ami et qui affirme que sa nièce de 5 ans prenait réellement du plaisir sexuellement. Rien ne lui sera épargné dans le Tenderloin où il découvrira tous les plaisirs sexuels les plus extrêmes dont j’ignorais presque leur existence tels l’ondinisme, la scatophilie ou la coprophagie. J’éviterai d’insister trop sur l’abject Smooth, et d’ailleurs Henry n’a même plus la force de le remettre à sa place, sur les abus sexuels sur des handicapées mentales ou sur les scènes sado-masochistes. Mais au milieu de toutes les ordures de notre société, ce roman rend l’un des plus bel et vibrant hommage aux prostituées en même temps qu’une vision plus que sombre de la vie californienne.



La nouvelle bible de San Francisco. Indispensable !
Lien : http://leranchsansnom.free.fr/
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Les fusils

Difficile de résister à la curiosité de découvrir un livre dont on a croisé les échos à plusieurs reprises, et que ces échos sont fortement tranchés : soit dithyrambiques, soit négatifs à l’extrême.

C’est pourquoi j’ai fini par ouvrir ces « fusils » d’un œil aussi curieux que récalcitrant : c’est une lecture qui donne en effet une première impression bizarrissime, et dans laquelle les repères sont aussi brouillés que dans un monde de glace à perte de vue.



Trouver son chemin dans une narration où tout est mêlé : personnages, temporalités, lieux… n’est pas chose aisée. Mais, forte de quelques expériences réussies de lâcher prise face à des textes un peu difficiles d’accès (Cent ans de solitude en particulier), et ayant déjà cotoyé la terrible histoire de l’expédition Franklin dans « Terror » de Dan Simmons, j’ai entamé la lecture avec confiance, en me disant que pour peu que l’on s’accroche tout en se laissant aller à ce maelstrom, il se dégagerait toujours une poésie, à défaut d’un sens.



Malheureusement l’expérience a raté cette fois-ci : malgré une réelle puissance d’évocation et une volonté de conviction très puissante dans la plume de l’auteur, je ne suis pas parvenue à atteindre la pleine mer de ce long roman et me suis rapidement ennuyée, au point d’avoir atteint la dernière page avec soulagement.

Je n’en suis pas très fière, car la noble ambition de William T.Vollmann de « créer une histoire symbolique (…) fondée sur les faits tels que nous les connaissons mais dont la déformation sert une conception plus profonde de la vérité » n’a fait que m’effleurer. Je crains d’être passée à côté de quelque chose et envie ceux que ce roman a conquis.

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La Famille royale

Ça aurait pu n'être qu'une simple enquête comme tant d'autres pour Tyler, privé au bout du rouleau prenant les affaires à reculons. Plus de but, plus d'envie, plus aucun sens à ces quêtes absurdes qui apportent à leurs commanditaires davantage de questions que de réponses.



Mais il a dit oui à Brady pour localiser la Reine des Putes, qui règne sur les bas fonds de Tenderloin, quartier sordide de San Francisco où chaque coin de bloc a sa pute camée attitrée. Et Tyler va la trouver cette Reine, Maj, femme de l'ombre protectrice de ses enfants perdus aux noms d'ex-divas de scènes : Domino, Saphir, Lily, Chocolat, Tournesol...



Tyler, dont le seul rayon de soleil fut l'amour impossible porté à Irène sa belle-soeur jusqu'à sa mort, va transférer ce peu de vie qui lui reste dans l'adoration de la Reine, se perdant chaque jour un peu plus dans le sordide au fur et à mesure qu'il tente de s'approcher de l'éventualité d'un semblant de rédemption. Mais comme le reste de la cour souterraine de la Reine, Tyler porte la Marque de Caïn, la marque des déchus.



La Famille royale de William T. Wollmann - traduit par Claro - est une superbe et désespérante plongée dans la non-vie. Sur fond de drogue et de sexe sordide, glauque, scatologique, pédophile, violent, outrageant et surtout, sans amour, on plonge pour toucher le fond, un fond dont on ne remonte pas.



C'est long, c'est lent, c'est remarquablement écrit / traduit et ça donne à chaque page l'impression de tenir un grand livre et même, osons, une

œuvre littéraire. Et pourtant, même pour faire plaisir au Bison qui l'avait chaudement recommandé, je le finis sans savoir si je l'ai vraiment aimé. Parce qu'à vrai dire, le personnage de Tyler m'a carrément énervé pendant 1310 pages. Et c'est un peu long pour un personnage principal...
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Les fusils

Quelle maîtrise dans ces récits, cependant il m'a fallu un petit temps d'adaptation pour ne pas m'y perdre !

À la lecture de ces aventures qui sont en partie réelles, j'ai admiré combien William T. Vollmann s'est investi et documenté à fond, comme je l'avais constaté dans son livre "Fukushima ...", son écriture est belle, son style vivant ...

William T. Vollmann m'a emmenée dans le Grand Nord avec Sir John Franklin parti à la découverte du mythique passage du Nord-Ouest, dont les expéditions ont eu lieu entre les années 1814 et 1847 ; autre voyage, en 1991 avec le capitaine Subzéro, réincarnation de Franklin.

Le Grand Nord, une région plongée dans une nuit perpétuelle avec des paysages éblouissants décrits dans le roman "Les fusils", un roman où s'entrelacent récits historiques, reportages et fictions.

Une lecture marquante que je garderai en mémoire ! Un roman percutant.
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Fukushima : dans la zone interdite : Voyage..

Le 11 mars 2011 est une date qui restera gravée dans nos mémoires car c'est ce jour-là, comme voue voue le rappelez certainement tous, qu'un tremblement de terre extrêmement violent suivi d'un tsunami ravagèrent la côte est du Japon. De plus, comme si cela ne suffisait pas, cela a déclenché un terrible accident nucléaire dans le centrale de Fukushima.

Qui parmi nous n'a pas vu ces terribles images au Journal Télévisé ou encore dans les journaux ? Qui ne s'est pas senti solidaire de ces milliers de japonais qui étaient obligé de fuir de chez eux, pour les plus chanceux, à savoir ceux qui n'avaient pas déjà été englouti par le tsunami ?

Bien que les autorités japonaises aient d'abord tenté de minimiser les dégâts, cette catastrophe nucléaire s'est avéré en réalité aussi importante que celle de Tchernobyl. J'étais alors à l'époque trop jeune pour m'en rappeler mais là, cette fois-ci, je ne peux pas me voiler la face en disant que je n'ai rien vu.

C'est pour cela que j'ai eu envie de lire cet ouvrage, pour essayer de mieux comprendre et d'être en empathie avec les gens qui y ont survécu.



L'auteur s'est en effet rendu sur place, accompagné d'une interprète et a sillonné plusieurs villes telles que Tokyo, Kesennima, Oshima, Koriyama, Miyako Oji et enfin Kawauchi (cette dernière se trouvait d'ailleurs en zone interdite) afin de recueillir des témoignages d'habitants qui ont, pour la plupart, tout perdu, mais qui ont au moins conservé la chose la plus importante qui existe sur cette terre, c'est-à-dire, la Vie.



Au cours de ses pérégrinations, l'auteur-reporter ne se sépare jamais de son dosimètre afin de comparer le taux de radioactivité des différentes villes dans lesquels il s'est rendu et c'est là où j'ai eu un peu plus de mal à suivre lorsqu'il parle de rems et de millirems.

Un ouvrage néanmoins passionnant mais qui ne laisse certainement pas indemne. A découvrir !
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Fukushima : dans la zone interdite : Voyage..

William Vollmann, connaisseur et grand amateur du Japon, décide de partir enquêter dans le Tôhoku qui vient d'être frappé en mars 2011 par des catastrophes naturelles et nucléaires.



Il part armé d'un dosimètre acheté aux États-Unis pour lequel il éprouve une confiance plus que relative. Accompagné d'une interprète, il progresse dans les zones sinistrées jusqu'à pénétrer dans la zone interdite, c'est-à-dire le cercle d'évacuation obligatoire autour de la centrale de Fukushima.



Ce périple l'amène à aborder les gens de cette région, des survivants pour la plupart, qui ont tout perdu. Vollmann revient à chaque fois sur les questions qui l'obsèdent:

- que pensent ces gens des risques de radiation?

- comprennent-ils les mesures indiquées par le gouvernement et Tepco?

- font-ils confiance aux explications et conseils fournis par les autorités?

- comment le Japon peut-il avoir fait confiance au nucléaire après les bombardements de Hiroshima et de Nagasaki?

A travers son reportage, on s'aperçoit d'une méconnaissance générale quant aux rems, millirems, sieverts, ... Le journaliste a révisé avant son voyage mais il s'avère compliqué de s'y retrouver. J'avoue avoir été perdue entre ces rems et sieverts et becquerels, ... De plus, selon les sources, les mesures changent. L'État, Tepco et autres semblent manipuler la population par la désinformation et la répétition lénifiante qu'ils veillent à garder le contrôle. Constat très inquiétant qui ferait bondir dans d'autres pays. Sauf qu'au Japon perdure un respect et une certaine confiance pour tout ce qui représente l'autorité. Ainsi qu'un fatalisme latent.



Loin de tout sensationnalisme ou pathos, Vollmann décrit les situations humaines, les paysages désolés recouverts de boue et de toutes sortes d'objets apportés par la vague. Il s'étonne des réponses de ses interlocuteurs souvent, sans jamais tomber dans le jugement. Son ton se fait parfois ironique face aux informations données par les autorités.



Son témoignage est à lire pour comprendre les lendemains de la catastrophe du 11 mars 2011 et les rapports du peuple japonais au nucléaire. Certains propos des habitants de la région de révèlent surprenants.
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Le grand partout

William T. Vollman c’est l’auteur génial de vastes essais, fictions et enquêtes tels « Central Europe », « Le livre des violences » ou « Pourquoi êtes-vous pauvres ?» à travers lesquels l’écrivain/journaliste dresse un état des lieux souvent incisif de l’état de notre monde et de son pays, les Etats-Unis.

Elaborée sur des reportages et des investigations qui l’amènent à voyager partout dans le monde, la littérature chez Vollmann ne se départ jamais d’expériences personnelles, de rencontres et de réflexion : une littérature nourrie de journalisme, d’expérimentations, d’observations et de recherches « in situ ». C’est encore le cas avec « Le grand Partout » dans lequel Vollmann raconte son périple en train de marchandises à travers les USA à la façon des « hobos » du début du siècle.



Kerouac les appelaient « les clochards célestes », Jack London les a souvent représentés dans ses romans, Mark Twain en a fait ses héros, Henry David Thoreau ou Thomas Wolfe ont chanté leur fervente soif de liberté…les hobos, ce sont ces nomades sans toit ni loi, qui, quelquefois par désir, souvent par nécessité, parcourent le pays en resquillant les trains de marchandises, un jour ici, un jour là, au gré des arrêts de trains en gare de triage et des menaces des « bourrins », les policiers ferroviaires qui font la chasse aux clandestins des rails.



Pour beaucoup ils ont quitté le monde « citoyen » et son système de pensée matérialiste et sécuritaire pour mener une vie de vagabondage et d’errance, en marge de la société, de ses préceptes et de ses valeurs.

Si le 19ème siècle et la première moitié du 20ème vit se développer en Amérique une « tradition hobos », avec un important afflux de voyageurs chevauchant illégalement les rails pour sillonner le pays en quête d’un avenir meilleur, d’un travail ou d’une aventure, que reste-t-il aujourd’hui de cette grande époque ? De ces mouvements de masse qui ont construit le rêve américain par le parfum de liberté, d’indépendance et d’absolu qu’ils dégageaient ?

Les hobos de l’époque étaient bien souvent de pauvres hères, crasseux, affamés, victimes de la crise de 1929, mais ils incarnaient selon Thomas Wolfe « la légende du martèlement des roues, du pilonnement des crampons, du désert sauvage, des étendues incultes, cruelles et solitaires de l’Amérique ».

Ils représentaient la liberté, effrénée, immodérée, absolue…



Cette notion de liberté est la raison profonde qui a conduit Vollmann à chevaucher les rails avec son ami Steve, malgré le désaccord de son père, les conditions de vie souvent difficiles, les dangers et les violences qu’une existence errante sous-tend.

Vollman s’est mis en quête du « Grand Partout » et de « La montagne Froide », ce lieu mythique que recherchent tous les hobos, qui est partout et nulle part à la fois, qui est la fin et le commencement, lieu fantasmé qui n’existe que dans le cœur des hommes, l’endroit rêvé où, enfin, on aura envie de se poser et de poser son barda.

Mais pour beaucoup de ces voyageurs, l’attraction même du voyage est si grande, qu’ils ne découvriront jamais « la Montagne Froide », car le « Grand Partout » c’est avant tout le voyage lui-même, le fait même de prendre un train sans connaître véritablement sa destination et l’émerveillement que l’on ressent à regarder défiler le paysage grandiose de l’Amérique à travers le cadre d’une locomotive ou sur la passerelle étroite d’un wagon-trémie, ce désir de partir qui fait dire, à chaque nouvelle halte, « il faut que je me tire d’ici »…



Est-ce bien la peine de souligner que le temps de la grande époque est bel et bien révolu lorsque Vollmann entreprend son périple sous le gouvernement Bush. L’âge d’or du vagabondage et des migrations a été remplacé par l’ère du contrôle, du fichage, des vérifications d’identité.

Néanmoins, si l’affluence d’antan n’existe plus, les graffitis, les campements et les personnes rencontrées le long des voies ferrées témoignent encore de la persistance de quelques uns à vivre selon leurs propres codes. Ce sont hélas, principalement des existences tristes, démunies, avinées, qui ressassent un passé davantage imaginé qu’effectivement concret mais qui contribuent cependant à alimenter le rêve d’une liberté totale bien qu’au prix élevé : l’indigence, la solitude, les risques d’accident, de chute, de mort, les rigueurs du temps…le nomadisme impose des conditions de vie bien dures ; le corps, sans parler de l’hygiène incertaine, est soumis à rude épreuve.



La lecture de ces pérégrinations ferroviaires est agréable, intéressante, juste, judicieuse, Vollman y mêlant réflexions personnelles, récits de rencontres et descriptions de magnifiques paysages. Il faut pourtant avouer qu’elle se fait au rythme lent des trains de marchandises…scandée par l’attente un peu engourdissante d’un train hypothétique, par des arrêts interminables dans des gares de triages grises et sordides et par la menace de se voir immobiliser par les bourrins… Si l’auteur réussit à partager son engouement et son émerveillement au détour de belles envolées poétiques, ils restent éphémères comme ce théâtre d’ombre qui se joue par le cadre de la locomotive en marche, et jamais le lecteur n’a la sensation d’être proche de ce « Grand Partout » tant ambitionné…est-ce parce que « Le Grand Partout » est plus fantasmé que réel et qu’il figure avant tout la cruciale question existentielle du « qui suis-je et où vais-je ? ».

L’enquête minutieuse se clôt par un carnet de photographies en noir et blanc dévoilant une Amérique plus blafarde qu’attrayante : des gares minables, des murs tagués, des visages hâves, des campements à l’abandon où trainent canettes vides et cartons…Fidèle à lui-même Vollmann tempère le rêve par une réalité sombre et pathétique et un tableau de son pays en demi-teinte mais s’affiche encore - bien qu’au détour d’une œuvre mineure en regard de sa production précédente - comme le grand écrivain de l’Amérique contemporaine. A lire avec “Like a hobo” de Charlie Winston en musique de fond…

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Fukushima : dans la zone interdite : Voyage..

William T. Vollmann, journaliste et écrivain, connaisseur du Japon, pays qu’il aime de longue date, veut se rendre sur les lieux de la catastrophe de Fukushima, constater les effets du séisme-tsunami du 11 mars 2011. Il prépare soigneusement son départ, visite chez le dentiste, … achat d’un dosimètre, documentation et étude des données nécessaires à la compréhension de ce « petit appareil » d’une importance capitale pour sa santé. Il doit connaître les différentes mesures des radiations et le seuil critique à ne pas dépasser !

Après Tokyo, il se rend dans la zone sinistrée, pendant plusieurs jours il interroge les habitants « déplacés » qui ont dû quitter leurs maisons, n’ont plus de travail et constate qu’ils vivent tout cela dans une grande dignité. C’est avec beaucoup de pudeur et un grand respect que William va s’adresser aux rescapés de la catastrophe.

86 pages d’une écriture fluide et qui ne manque pas de poésie, un talent certain, une documentation précise, un style que j’ai beaucoup apprécié.

A lire !

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Central Europe

« Central Europe » est une impressionnante fresque de mille trois cent pages (auxquelles il faut ajouter 300 autres de références) qui mêle avec beaucoup de virtuosité l'Art, l'Intime et l'Histoire du court vingtième siècle. le « National Book Award » – l'un des prix littéraires les plus prestigieux des Etats-Unis – a distingué ce roman en 2005.



Entreprendre cette lecture, c'est littéralement se perdre. Cette oeuvre traite de l'horreur des totalitarismes du XXème siècle, de l'hypersensibilité de l'Art, de la complexité des personnalités et des sentiments amoureux… Elle prend en charge ces différents champs, non pas de façon détachée mais en les faisant interagir continuellement, en les mêlant inextricablement. Ce roman fait naitre en effet, comme seule peut le faire la littérature, l'infinie complexité du monde. L'auteur trouve le souffle et les moyens littéraires nécessaires pour restituer cet âge des extrêmes.



Les hommes dans ce livre sont broyés par les évènements mais pas seulement. Ils suivent le plus souvent leurs dramatiques mouvements, ils s'y opposent parfois mais ils font toujours trace. C'est là leur destin commun qu'ils soient inconnus ou célèbres. Les témoins sont puissants, victimes, artistes, hommes politiques, stratèges ou anonymes. Chostakovitch est un de cela. Tel qu'il est dépeint par William T. Vollmann, il est un grand musicien, un homme riche, complexe, souvent héroïque. Et c'est une véritable prouesse d'écriture qui enchevêtre les images innombrables, les évènements et la musique. Quel bonheur d'être avec le compositeur au travail, dans ce tourbillon de sentiments et d'évènements d'où naissent ses symphonies. William T. Vollmann montre comment, dans ce moment dramatique de l'histoire européenne, les sentiments individuels, loin d'être insignifiants, ont au contraire une importance déterminante. Ils marquent indestructiblement leur temps et perdurent quelque soient les circonstances. Ces marques individuelles, notamment lorsqu'il s'agit d'Art, sont pour l'auteur indélébiles.



« Central Europe » est un livre impeccablement construit et écrit. Non sans rappeler quelques célèbres films où partant du simple combiné on suit le cheminement du signal électrique qui porte les voix, serpente et s'accélère dans un dédale de câbles et de connexions, l'ouvrage débute par des conversations téléphoniques. Froide, impersonnelle, technique, étendue, cette hyper communication des premières pages est la métaphore brillante du monde inhumain dans lequel l'auteur nous entraine. Ce livre est composé d'une succession d'histoires courtes (quelques pages) ou longues (plusieurs chapitres) savamment agencées : un général de l'Armée Rouge, un Waffen SS, Chostakovitch, Hitler, Vlassov, Berlin, Leningrad, Stalingrad, Roman Karmen, Elena Konstantinovskaya … C'est aussi une symphonie polyphonique : rumeurs, bruits de bottes, grincements de chenilles, explosions accompagnent les armées en train d'écraser l'Europe. Et ce sont les intériorités des personnages concordantes, divergentes, complémentaires qui dessinent si étonnamment ce chaos. L'écriture de William T. Vollmann lyrique est absolument originale. L'auteur pour dire cette époque emprunte ainsi, dans des parallèles vertigineux, à la Kabbale, aux opéras de Wagner, au cinéma, à la peinture … Les narrateurs de ce roman sont multiples, leurs points de vue dissonants ; c'est la voix de l'agent stalinien, omniscient et niant toute intimité qui à tout moment impose son récit, dicte aux personnages sa volonté et qui tour à tour, méprise et admire ceux qu'il espionne ; mais ce sont aussi les voix libres, amoureuses, créatives des artistes.

A lire de toute urgence.



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La Famille royale

Tout d'abord je voudrais remercier le_Bison d'avoir remis ce pavé de 2006 sur le devant de la scène lors de sa « rencontre avec un lecteur » du blog Babelio.

Ce livre est un objet littéraire important et intéressant.

Le thème du livre est la constance, ou le drogué et le La est donné dès la première page.

L'histoire est celle de la descente aux enfers de Henry Tyler qui va s'enfoncer dans la déchéance après qu'on lui ait demandé de mener une enquête sur la « reine des putes ».

Ce privé va trouver chez cette mère maquerelle un dérivatif à l'amour malsain qu'il porte à sa belle soeur et va se lancer dans une quête qui va le conduire aux extrémités de l'humanité.

Son commanditaire initial le fameux Brady aussi riche que violent semble tirer les ficelles de cette histoire et va faire entrer dans la danse le frère de Tyler, John, qui de son côté vit un rêve américain classique et sert de point d'ancrage dans le réel.

Le ton de tout le livre est très onirique et on oscille en permanence entre rêve doux et surtout cauchemar halluciné.

Les références religieuses, bibliques, bouddhistes ou gnostiques situent le roman sur un plan métaphysique et pose la question du sens la vie à travers le prisme de l'accoutumance.

Une autre référence citée dans le livre est Dostoïevski et on retrouve cette façon particulièrement méticuleuse de décrire des schéma psychologiques, en particulier pour les personnages les plus sombres.

Ce roman présente aussi un caractère sociologique tant il brosse avec précision les traits de l'american way of life de l'ouest des Etats-Unis des années 90 et les fantasmes qu'elle génère et n'assume pas.

Toutefois un livre à ne pas mettre entre toutes les mains et il faut bien avoir conscience en le commençant que l'on va effleurer les limites extrêmes du sordide, mais ce n'est pas vain ou gratuit et finalement on sort enrichi de cette fresque sur l'addiction.
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Les fusils

Dans la vie d'un lecteur, il y a deux catégories d'écueils : les livres simplement emmerdants, et les livres emmerdants et incompréhensibles. Non seulement on se casse les pieds, mais en en plus, on se demande en prime si on est complètement con ou si l'auteur est complètement hermétique. Vu les critiques élogieuses reçues par ce bouquin, tant dans la presse que sur Babelio, je m'inquiète un peu pour mon intelligence, mais vais essayer de me convaincre que je ne prend simplement pas les bonnes drogues.



William T. Vollmann nous entraîne ici dans une sorte d'histoire symbolique du Grand Nord américain, où s'entremêlent réalité et fiction, reportage et roman, passé et présent, autour de deux personnages centraux : John Franklin, de l'expédition du même nom, disparue dans les glaces en 1847, et le capitaine Subzéro, Blanc amoureux de ces déserts neigeux et d'une jeune Inuit au destin malheureux. Deux personnages qui ne sont en fait qu'un seul, l'un étant la réincarnation de l'autre et leurs consciences se rejoignant à travers le temps - ainsi qu'on finit par le comprendre aux trois-quarts du bouquin, après moult interrogations perplexes et agacées.



C'est d'ailleurs une des caractéristiques qui m'a le plus gonflée, dans ce livre : cette perpétuelle confusion des personnages, alimentée par une narration qui passe du "tu" au "je" puis au "il" sans qu'on sache très bien, à chaque fois, qui associer au pronom. Confusion assez omniprésente : l'auteur ne cesse de sauter du coq au pingouin, casse le rythme, l'ambiance, et nous enlise dans des phrases interminables dont la fin n'a plus aucun rapport avec le début. Les descriptions sont d'un ennui mortel, incapables de rien m'évoquer, et les personnages, aussi minables qu'exaspérants, n'ont pas suscité la moindre miette d'empathie de ma part.

Le tout sur plus de 600 pages : autant vous dire que j'ai souffert. Et lu pas mal en diagonale pour en finir au plus vite.



Mais pourquoi t'es-tu donc acharnée sur plus de 600 pages à cette sauce, me demanderez-vous, toi qui d'habitude n'hésite pas à envoyer un livre au diable quand tu ne parviens pas à rentrer dedans ?

Sur le premier tiers du bouquin - de loin le pire - j'ai tenu en partie à cause des critiques (autant de gens ne peuvent quand même pas avoir autant aimé un truc aussi moisi ? Ca va bien finir par devenir intéressant, non ?!), en partie pour Franklin, dont l'histoire me fascine tant que je suis capable de l'attendre pendant 250 pages d'ennui pur. Et puis après, le récit décolle un peu, par épisodes - en gros, quand l'auteur n'essaie pas de faire de la littérature, mais juste de raconter des trucs. Car il a réellement des choses intéressantes à dire, nourries par une documentation abondante : dommage qu'elles aillent s'empêtrer dans une ambition symbolique aussi pompeuse qu'obscure.



Après, je soupçonne aussi la traduction de ne pas arranger le schmilblick, et j'avoue désormais avoir presque autant envie de fuir les écrits de Claro que ceux de Vollmann. Dommage : j'aurais vraiment aimé aimer ce texte, dont les thèmes m'attiraient beaucoup.
Lien : http://ys-melmoth.livejourna..
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Treize récits et treize épitaphes

À force de trop habiter son écriture, un écrivain risque d'expulser complètement ses lecteurs potentiels de son territoire mental (et de son livre).

C'est exactement ce qui m'est arrivé ici : manquant d'air, au bord de la suffocation, je pris rapidement fuite. J'abandonne.

Et pourtant, faut reconnaître que j'avais été averti d'entrée de jeu.

Dans une note introductoire et très sibylline, William T. Vollman m'avait bien prévenu que ses histoires étaient censées conduire le lecteur jusqu'à un terminus où l'attend... «une épitaphe» !!

Au secours !! « Excusez la poussière », Miss Parker, mais moi je vais me tirer avant le pire..!

Le premier récit, «Le Spectre du Magnétisme» , le seul que j'aurai réussi à lire jusqu'au bout (je me demande comment d'ailleurs...) m'a immédiatement fait penser au très illisible William S. Burroughs, à cette écriture qui m'est personnellement insupportable, au style abusivement hasardeux et elliptique, façonnée quasiment au «cut-up», volontairement sans queue ni tête, procédé littéraire qui avait peut-être pu trouver tout son sens à un moment donné mais qui, depuis, a largement fait son temps...

Quel intérêt, dites-moi, à refaire aujourd'hui, par exemple, la «Fontaine» de Duchamp ou le «Carré Noir» de Malevitch?

Exercice littéraire qui s'avèrerait donc, de mon point de vue, purement gratuit et vide.

Baise et défonce, alcool et prostituées, junkies et psychopathes, vieux cons et paumés, pornographie et armes à feu, personnages néanmoins sans aucune épaisseur humaine, le tout jeté en vrac...Récits censés être enrobés, selon la quatrième de couverture du livre, d'un « style à l'élégance monstrueuse» - pourquoi pas ?- mais qui à mon sens ne fait autre chose que regarder son nombril, ou encore censés explorer «les mécanismes de la perte» mais qui n'en extraient pour autant rien d'exaltant ou de sensible, rien de vivant ou de poétique... À quoi bon alors tout ce tapage?

Toujours dans sa note introductoire (je crois que finalement c'est ce que je préfère dans ce livre..), l'auteur, dans ce qui ressemblerait à une sorte de fulgurance autocritique - ou peut-être juste à un tic postmoderniste ? -, se demandant si, malgré ses convictions, il n'avait pas «raté» son début, finira par conclure que cela n'a absolument aucune importance : de toute façon, «les mots sont froids et morts», déclare-t-il.

Oui, tout à fait d'accord, Bill!

On essaie de recommencer mieux ailleurs, oké ?

Quant à moi, je ferai mieux d'aller dépoussiérer mes Bukowkski et mes Cossery...







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La Famille royale

Un roman à saveur biblique : papier, format, ampleur (1 313 pages), division en Livres, chacun agrémenté d'un extrait des saintes Écritures, et des références à propos de la marque de Caïn, du peuple de Canaan, terre promise aux Hébreux par Dieu à Abraham ainsi que nombre d'analogies du même ton. Sauf que l'action se déroule à San Francisco à la fin des années 1990, dans le quartier chaud du Tenderloin, où s'activent les prostituées et leurs clients. Le récit débute par la recherche de la Reine des putes par un détective paumé, Henry Tyler, engagé à cette fin par un homme d'affaires nommé Brady. La suite est une interminable descente aux enfers de Tyler, emberlificoté dans une histoire d'amour sans issue avec sa belle-soeur, Irène ,un conflit latent avec son frère John et des incursions pour le moins dégradantes avec le monde de la rue. C'est long, diffus et sordide à souhait. Pédophilie, prostitution, toxicomanie, errance : tout ce qui avilit l'être humain se retrouve dans ce roman atypique. Je lui donne trois étoiles pour la qualité de l'écriture et la reconnaissance des recherches effectuées par l'auteur pour pondre un tel ouvrage. William T. Vollmann a reçu le National Book Award pour Central Europe : peut-être un deuxième essai?
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Central Europe

Vollmann est américain, Vollmann écrit un livre monde sur les débuts du vingtième siècle, Vollmann écrit sur la guerre, Vollmann écrit un livre sur la musique, Vollmann écrit un livre sur Staline, Vollmann écrit un livre sur Von Paulus, Vollmann écrit un livre sur Chostakovitch, Vollmann écrit un livre sur l’amour, Vollmann écrit un livre sur Käthe Kollwitz, Vollmann écrit un livre sur Stalingrad, Vollmann écrit un livre sur un général de l’armée rouge, Vollmann écrit la petite et la grande histoire, Vollmann écrit Central Europe.

Il y a mille livres sur l’histoire de cette période, il y a mille récits de personnage traversant cette époque. Central Europe décrit les hommes dans la grande page d’histoire dont ils font le courant et dont elle est le fleuve, Vollmann décrit l’eau telle qu’on la reconnait et telle qu’elle est au plus profond d’elle-même, l’alchimie précise de l’hydrogène et de l’oxygène, celle des hommes et le destin du monde. Mais comment parler du flux et des atomes sans changer d’optique, mêler la petite et la grande histoire comme les fibres inséparable d’un serpent cosmique et dans la perspective, dans l’immense désastre de la seconde guerre mondiale, voire plus qu’une zone politique, le choc et l’onde crépusculaire de notre monde moderne.

Il ne nous parvient des guerres du passé que des témoignages épars, des œuvres d’art, des monuments ; même un évènement planétaire aussi proche de nous que la WWII ressemble à une nuée de symboles culturelles dont les clichés édités en masses servent aujourd’hui la bio de vieilles stars hollywoodiennes. Mais après Central Europe, j’ai su une chose, avec certitude : il restera au moins de cette période troublée une œuvre profane, inspirée et lucide et puis une autre aussi, avec autant de conviction : Vollmann devrait servir d’étalon à tous ceux qui comme lui, voudront signer le Grand Œuvre. Voilà le prodige de cet homme, insuffler le destin, l’aventure dans cette compétition croissante entre les hommes et le regard que le monde porte sur eux.

La lecture de Central Europe est une morsure narcotique qui produit 1300 pages d’un voyage dans le temps puissant et rigoureux. Est-il possible qu’un homme seul, assis à sa table, ait pu traduire la structure ADN de l’Europe avec le langage dont il userait pour nous parler d’une histoire d’amour entre un grand musicien et une jeune russe, de la beauté des œuvres de Käthe Kollwitz, de la puissance de Wagner, du Somnambule (Hitler) et du Réaliste (Staline) ? Oui, bien sûr, c’est possible, et cet homme, William T. Vollmann, fait chanter toutes ces voix sur la nappe majeure de l’Histoire.

Un très très grand livre, pour un écrivain très loin devant les autres, peut-être trop loin pour que ses contemporains le rattrapent un jour.


Lien : http://souslevolcan.over-blo..
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Les anges radieux

Extrait de chronique :

"Terminal. Connexion. Résurrection. Apparitions et sorties de tombes — l’électricité grésille. Les personnages se relèvent (putréfaction). Les globes bleus frémissent au bout du câble. Lecteurs, deux êtres vous parlent : moi, l’auteur — et moi, Big George. Casse-tête diégétique et digressions. Bienvenue, anges radieux, dans le livre-termitière aux longs et sinueux couloirs, dans la narration-toile d’araignée qui englue, qui piège et déploie ses longues phrases pleines d’incises comme des filaments empoisonnés par la vertigineuse traduction de Claro. Soyez prêts, car la lecture va être dense, touffue, et moite ; vous y trouverez, dans la beauté de l’image et l’hypnose des comparaisons invraisemblables, une humanité laide, emprisonnée dans des traits et des idéaux caricaturaux, et défigurée par un cynisme corrosif. Méfiez-vous de la réalité : elle glisse.(...)"

Suite de la chronique à lire sur Un Dernier Livre.
Lien : http://www.undernierlivre.ne..
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