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Critiques les plus appréciées

Noces de sang

Bodas de Sangre, le chant maudit de Garcia Lorca

“Mieux vaut mourir saigné que vivre avec du sang pourri”. le célèbre écrivain espagnol, soupirant éconduit de Salvador Dali, poète membre de la “Génération des 27” avec Antonio Machado ou encore Rafael Alberti, signe un succès de théâtre sur le funeste destin d'un mariage arrangé.

Cette pièce, proposée par Folio en version bilingue, aux allures de drame romantique du XIXe siècle est d'une singulière modernité dans les phrases, très brèves, définitives, vertigineuses aux accents presque durassiens.

Cette économie de moyen dans les dialogues est un peu contrebalancée par les interventions poétiques de choeurs anonymes et même “la Luna” s'exprime sur ce drame, inspiré d'un fait divers qui poussa le poète, toujours engagé, à se faire dramaturge en 1933, quelques années seulement avant son assassinat par les franquistes.

L'intrigue est prenante, les tableaux se succèdent, implacables, sans l'ombre d'un doute sur le dernier rideau de sang qui va s'abattre sur les amants impossibles.

“Et moi je dormirai à tes pieds
pour veiller sur tes rêves.
Toute nue, surveillant la campagne,
(Tragique.)
comme si j'étais une chienne,
voilà ce que je suis ! Car je te regarde
et c'est ta beauté qui me brûle.”

Un chant éculé, désespéré, manichéen, sans nuance et sans issue. Les noces de sang, c'est beau ainsi, et pas autrement.

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Roches de sang

Un thriller palpitant, bien travaillé.
L'écriture de l'auteur est agréable et addictive.

J'ai beaucoup apprécié les personnages, superbement bien campés, avec des défauts qui nous les rendent réels.

Petit bémol néanmoins, passé une bonne moitié du roman ont devine quand même pas mal de choses. J'aurais préféré garder l'intrigue intacte jusqu'au bout, mais dans l'ensemble le roman se tient bien et est prenant.

Un bel hommage à la Corse, a ses paysages et a ses habitants.

Encore un bon thriller à l'actif d'Olivier Bal.
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Mille petits riens

« La tristesse des éléphants » avait été un énorme coup de cœur et il en sera de même pour « Mille petits riens », roman intense qui traite du racisme aux États-Unis.

Sous forme de roman choral, Jodi Picoult prête sa voix à trois protagonistes que l'on suivra tour à tour au fil des chapitres. L'action se déroule courant 2014, à New Haven dans le Connecticut, et tourne autour du décès d'un nouveau-né. C'est avec Ruth, infirmière et sage-femme depuis vingt ans, que l'histoire démarre, au moment où sa supérieure lui interdit de s'occuper d'un bébé né la nuit précédente, parce qu'elle est... noire. Les parents sont en effet des suprémacistes blancs et ne tolèrent pas qu'une "négresse" puisse toucher leur fils. C'est là qu'entre en jeu Turk, le père du nouveau-né et deuxième voix du roman, jeune homme qui "casse du négro et du pédé" sans scrupule aucun. Kennedy, quant à elle, avocate de la défense publique, sera la troisième voix, elle fera son apparition au moment où elle sera commise d'office dans l'affaire qui concerne Ruth, accusée du meurtre d'un bébé...

Narration à la première personne, nous sommes propulsés dans la tête de trois personnalités différentes et vivont leur quotidien tel qu'elles le vivent elles-mêmes. Ainsi, l'on peut se rendre compte de comment un seul et même évènement peut être vécu et/ou perçu de manière différente selon notre niveau social, nos modes de vie, notre éducation, ... notre couleur de peau. J'ai aimé la manière dont l'autrice aborde les sujets de différents points de vue, on sent là un véritable travail de documentation. D'un chapitre à un autre, on suit le déroulé de l'histoire d'un regard à chaque fois différent, selon celui d'une personne de couleur, d'un skinhead, d'une personne "lambda", ou encore de la justice.

Quels que soient les thèmes évoqués, ils sont toujours minutieusement traités. Ils peuvent paraître nombreux mais se rejoignent tous autour d'un seul : le racisme, abordé selon différentes perspectives. Ainsi, il est question de discrimination et préjugés raciaux, de suprémacisme blanc et de haine raciale, de relations interraciales, mais aussi du système judiciaire et de justice sociale, de maternité, de deuil et de famille. Jodi Picoult a fait un travail de recherche remarquable, tout y est subtilement décortiqué : le contexte, les points de vue de chacun, leurs ressentis, le déroulement des événements. Les personnages, qu'on ne peut évidemment pas tous aimer, sont tous parfaitement fouillés.

Deux nuits, c'est le temps qu'il m'a fallu pour engloutir ces presque 700 pages intenses, prenantes, saisissantes, captivantes. Tantôt horrifiée ou mal à l'aise, tantôt pleine de compassion, tout m'a touché d'une manière ou d'une autre.
La plume est superbe, toute en sensibilité et délicatesse.
C'est un roman puissant, profond, marquant, sombre et lumineux tout à la fois.

C'est le genre de lecture qui ouvre les yeux et fait réfléchir. Le racisme existera sans aucun doute toujours (et pas uniquement aux États-Unis), qu'il soit actif ou passif, d'où l'importance de ce genre d'ouvrages, aussi fictifs soient-ils (et pourtant bien ancrés dans notre réalité).

Même si j'aurais préféré un happy end un peu moins happy, pour le rendre un peu plus crédible, ce fut une lecture fabuleuse.
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Les Enfants de Cadillac

François Noudelmann raconte la recherche de ses racines à travers les portraits de son grand-père et de son père. Chaïm qui rendu fou par la Première Guerre mondiale est mort de faim dans l'hôpital psychiatrique de Cadillac, alors qu'Albert, prisonnier de guerre pendant la Seconde Guerre mondiale, a connu une vie d'instabilité et a fini par se suicider. Deux vies, deux chemins de douleur dont le fait d'être juif a déterminé le tracé, souvent pour le pire.

Alors s'interroge François Noudelmann, c'est quoi être le petit-fils d'un juif des pays baltes qui a fui les pogroms pour terminer dans les tranchées du côté français. C'est quoi être le fils d'un juif qui comme son père a cherché l'intégration mais a dû affronter la folie nazie. C'est quoi être le descendant de ces deux hommes qui voulaient être français avant d'être juifs et pourtant ont été maltraités parce qu'ils étaient considérés surtout comme juifs.
La réponse est dans le livre. Elle n'est pas simple, car contradictoire, parfois agaçante, mais sans aucun doute authentique, réfléchie et instructive.
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Petite Lisa

Lisa Vidmar, une dame âgée de 86 ans, vit depuis 60 ans en Slovénie.
Son mari, Bogomir, décédé, elle revient en France en avion qu'elle prend pour la première fois. Elle veut revoir Dijon, sa ville natale.
L'hôtesse, pour qui c'est le dernier vol, l'aide et l'accueille quelques jours plus tard dans sa famille avec son mari et sa fille. Cette étape est très bien amenée de façon à que cela semble plausible.
Sa fille, Marion et un pompier venu en urgence pour un malaise repèrent vite le tatouage de Lisa, ancienne détenue à Auschwitz.
Marion, la fille, sympathise avec Lisa. Celle-ci lui dessine à merveille une libellule. On en apprend un peu à ce moment sur la jeunesse de Lisa à Dijon.
La communication intergénérationnelle intervient beaucoup dans cette partie du récit.
Lisa n'avait jamais parlé de cette période à personne et encore moins de sa détention.
C'est à l'Historienne de l'association "Mémoire des déportés " qu'elle va confier son passé : les moments heureux en famille d'abord, l'horreur de l'antisémitisme et de la déportation ensuite.
Elle a vécu toutes ces années en ne cessant de se remémorer sa petite soeur Laura, en pensant aux barbares nazis, en se récitant des litanies de chiffres d'objets... qu'elle compte pour tromper son angoisse. Ses malaises sont plus présents en France. Auparavant, elle menait une vie normale, active, avec son mari et la famille de celui-ci.
La partie du livre qui raconte sa vie dans le camp d'Auschwitz prend une très large place avec les expériences médicales sur les femmes et les expériences de stérilisation atroces. Des médecins tristement célèbres sont cités.
Lisa sauve sa vie grâce à sa connaissance de l'allemand transmise par son père. Elle dactylographie les rapports et croit faire acte de résistance par une supercherie dans son travail.
Elle a une mémoire de restitution et récite des poèmes allemands à la demande des nazis.
Dans la dernière partie que j'aurais souhaité plus développée , elle arrive à Dijon avec la famille d'Evelyne et là d'énormes surprises nous attendent.
Notamment l'importance de la libellule qui apparaît sur la très jolie couverture nous est révélée.
Elle est très symbolique la couverture, avec la libellule, les chiffres, l'entrée du camp d'Auschwitz.
L'écriture du livre est fine, élégante, sensible.
Les pensées oniriques décrites par Lisa sur les barbares nazis, ses litanies de chiffres, ses extraits de poèmes, la description colorée de la boutique de chapeaux de sa grand-mère sont des passages marquants dans mon cas.
J'espère que Rachel Mourier dont c'est le premier roman nous en offrira d'autres.

Grand merci à Babelio et aux éditions du Seuil pour l'envoi du roman qui rentre parfaitement dans mes goûts de lectures.

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Pays noir

On pourrait penser que le pays noir se situe en Afrique mais ce n'est pas vraiment le cas puisqu'il s'agit de la Belgique et notamment la région de Charleroi qui produisait le charbon via d'immenses mines durant l'époque de la révolution industrielle.

A l'époque, le charbon était l'énergie la plus utilisée pour faire tourner les industries et chauffer les foyers. Cependant, il fallait produire énormément de charbon correspondant à une tonne par jour pour un mineur. Les enfants étaient grandement appréciés surtout qu'ils ne coûtaient pas grand-chose pour l'employeur, la riche classe bourgeoise qui a prospéré. Leur petite taille permettait le passage sous d'étroites galeries qui s’effondraient souvent.

Le charbon a aujourd’hui pratiquement disparu car il correspond à une énergie fossile assez polluante. Cependant, c'est surtout les coûts de production ainsi que les multiples accidents ayant coûté la vie à des milliers de mineurs qui ont eu raison des mines d'où leur fermeture.

Cette BD va s'intéresser à l'une d’entre-elles et surtout l'une des plus prestigieuses à savoir « Bois du Cazier » qui est devenu un musée où l'on peut commémorer la vie de ces mineurs de fond. C'est un lieu de mémoire et de conscience, surtout depuis le terrible drame qui a fauché la vie de 262 hommes le 8 août 1956. On notera que sur ce total, il y a eu 136 d'origine italienne.

Bref, le pays noir a apporté son lot de désolation et de deuil. On comprendra que les descendants des mineurs (et surtout des italiens) ont voulu préserver un des derniers sites pour le transformer en musée. Depuis, le vert a gagné un peu de terrain ce qui n'est pas plus mal. La laideur qui paraît caractériser ce type de paysage a été compensée par les espoirs économiques et sociaux dont il était porteur.

Ce type de BD est parfois nécessaire car instructive sur l'histoire d'une région ou d'un pays. On n'est pas dans la recherche de l'évasion et du divertissement avec ce type d’œuvre, il faut le savoir !

Par ailleurs, dans l'ensemble, c'est plutôt bien construit, accompagné d'un dessin tout à fait convenable. Bref, le pays noir mérite sans doute votre attention que vous soyez habitants de cette région ou des autres.
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Mamie Luger

Un roman bien plus profond que le premier abord peut le laisser penser.

Alors même si notre centenaire, tueuse en série, a une gouaille exceptionnelle, c'est également femme hors norme et également exceptionnelle dans un certain sens.
Heureusement que cette femme a un caractère extrêmement fort car elle aurait subi la violence masculine toute sa vie.

Le tout traité avec un humour caustique, parfois cynique... Enfin, l'humour que j'aime, ou parfois le politiquement correct ( vous savez le truc qui franchement m'emmerde) est laissé de côté.

Ce roman a un côté très féministe, engagé.
En fait j'aime beaucoup ces romans où l'on peut avoir une double lecture.
En tout cas je suis grande fan de cette mamie Luger qui est un sacré bout de bonne femme... Même si a mon sens on ne règle pas ses problèmes a coups de 22 !!
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Fondamentaux de la vie sociale

“Les Baruya répétaient aux jeunes hommes pendant les initiations : tu tues ton ennemi, tu peux violer ses femmes, tu le manges (car ils étaient cannibales)”

Anthropologie quand tu nous tiens !

Ce court essai est un récit buissonier et à grandes enjambées des thèmes qui ont jalonnés le parcours de l'ethnologue français Maurice Godelier, 90 printemps, qui débuta sa carrière auprès de Fernand Braudel et Claude Lévi-Strauss.

Godelier défend une approche pluridisciplinaire de l'anthropologie, l'économie bien sûr, L Histoire, mais aussi la psychologie. C'est tout à fait intéressant de rappeler la dimension psychologique des rapports sociaux :

“Prenons un exemple simple : le rapport père-fille. Celui-ci est composé de deux relations : le rapport père-fille et le rapport fille-père. Ces deux rapports ne sont pas les mêmes, mais ils fonctionnent nécessairement en complémentarité, sinon il n'y a pas, au sens strict, de rapport (…) Un rapport social a une armature intérieure aux individus. Car un rapport existe simultanément à la fois entre les individus et dans les individus (…) vivre un rapport, s'y engager impliquent des représentations et des émotions, cela veut dire qu'il y a toujours plusieurs moi dans notre moi.”

“Un individu n'est jamais à l'origine de lui-même.” Maurice Godelier part ensuite à la recherche des “invariants”, c'est à dire des conditions universelles qui président à l'existence des sociétés humaines, quelque soient les ethnies, sans qu'elles aient même pu avoir de contacts entre elles.

L'anthropologue renverse la perspective du “contrat social” des Lumières, en nous rappelant que la société, la culture, le langage précèdent toujours l'individu, c'est un déterminisme lourd, et ce ne sont pas quelques australopithèques qui un jour, après avoir lu Rousseau et Sartre décident, avec tout leur libre-arbitre de promulguer la Constitution ! Pour Godelier “l'humanité est une espèce naturellement sociable. L'humanité n'a pas inventé la société, c'est la nature qui a produit des espèces sociales, et nous en sommes une. Notre stock génétique est commun à 97 % avec ceux des bonobos et des chimpanzés.”

L'anthropologue balaye ensuite les grandes questions de l'ethnologie : la parenté, l'alliance, la descendance (ou filiation), le don, la prohibition de l'inceste etc. En apportant quelques éclairages liés à ses propres travaux. Par exemple, il nuance les travaux de Marcel Mauss sur le don/contre don, et montre que certains dons s'ajoutent sans s'annuler l'un l'autre, déclarant que “donner à son tour, ce n'est pas rendre. C'est faire un don qui créera chez l'autre une obligation identique à celle qu'il a créée chez moi. Résultat : on se retrouve avec le même statut, avec des obligations de service réciproques, qui n'effacent pas le don.”

Pour Godelier, les rapports politico-religieux sont à la base des sociétés et des tribus humaines, il en revient aux initiations rituelles d'entrée dans la vie sexuelle et matrimoniale et découvre un invariant : “toutes les religions, qu'elles soient monothéistes ou polythéistes, tribales ou étatiques, la mort n'est pas la fin de la vie (…) si la mort est une disjonction, alors la naissance est une conjonction (…) les rapports sexuels d'un homme et d'une femme ne suffisent pas à faire un enfant. Un couple fait un foetus et, pour que celui-ci se transforme en enfant, il faut un agent extérieur (soit un ancêtre qui se réincarne, soit un dieu) qui crée une âme et l'insère dans le foetus.”

Les travaux de Godelier le conduise parfois à s'engager politiquement, comme par exemple en faveur du mariage pour tous.

Pour aller plus loin… n'hésitez pas à taper sur votre barre de recherche “Maurice Godelier” et vous trouverez de nombreuses et longues conférences reprenant à peu près son itinéraire (notamment ces séjours filmés chez les Baruya sur le site du CNRS), il a un recul, une auto-dérision, un engagement social, une pédagogie, un humour, un tutoiement facile, un talent de conteur, et surtout des anecdotes toujours passionnantes sur sa vie d'anthropologue en Papouasie, car pour lui : “un anthropologue, ça fait du terrain. Un anthropologue sans terrain est un philosophe.”

Godelier est un des derniers témoins des tribus encore relativement vierges de tout contacts avec les Occidentaux et du basculement de sociétés millénaires en quelques années dans la mondialisation, ainsi lors d'un de ses voyages auprès du peuple Baruya, occidentalisé à vitesse grand V, il rapporte ce propos « Maurice, c'est simple : être moderne, c'est suivre Jésus et faire du business. »

Un petit opus à lire pour entrer par une porte accessible dans cette science sociale fondamentale, primaire et en même temps si fragile à l'heure de la globalisation de l'anthropologie (dont l'intérêt comparatif repose sur l'étude in vivo de la diversité, non pas seulement des cultures, mais bien des groupes civilisationnels humains…) mais surtout un prétexte pour vous faire découvrir Maurice Godelier qu'il faut aller écouter sur Youtube, toutes affaires cessantes !

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L'enclave


Au bout de quelques chapitres, je me suis dit : comment l’auteur arrive-t-il à écrire un si beau roman avec un personnage principal si déplaisant, comme le jeune le Gris qui au bout de six mois sort de taule et ne fait que multiplier les bêtises .

Mais le Gris ne reflète qu’un système politique qui est à bout. Nous sommes en 1991 et c’est l’époque confuse de la Perestroïka de Mikhaïl Gorbatchev, la réaction violente des vieux staliniens et finalement l’abolition de l’Union Soviétique. C’est aussi l’époque de l’octroi de certains droits et de certaines libertés en Russie, qui sont interprétés par certains de façon assez fantaisiste.
Et pour compliquer la situation davantage, quelques républiques soviétiques sous le joug de Moscou demandent leur indépendance, telle la Moldavie par exemple.

Pour l’enclave russe, entourée de la Lituanie au nord et à l’est, la Pologne au sud et bordant à l’ouest la mer Baltique, la situation est d’autant plus alambiquée.

L’enclave russe s’appelle en fait l’Oblast (province) de Kaliningrad, en Allemand Köningsberg. L’ancienne capitale de la Prusse-Orientale, où les habitants réglaient leur montre sur le passage à heures fixes du maître philosophe, Emmanuel Kant (1724-1804).
Il s’agit d’un territoire d’un peu plus de 15.000 kilomètres carrés et d’un peu plus d’un million d’habitants.

Je vous laisse découvrir les péripéties de notre héros le Gris, tout juste 18 ans, lorsqu’il sort de sa prison de Baltiisk, la ville russe la plus occidentale, en passant par la capitale Kaliningrad, en direction du nord à Sovietsk, près de la frontière lituanienne, où habite sa mère.

Sera ce le catharsis et deviendra le Gris, Ilia Kireev, un jeune homme libre et responsable ?

Point besoin d’insister que Benoît Vitkine, comme correspondant permanent du quotidien "Le Monde" à Moscou et lauréat du Prix Albert-Londres, connaît son sujet.
C’est son troisième roman et je trouve qu’il est un fascinant raconteur.
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L'Inuite

Depuis le temps que je vois défiler des critiques de romans de Mo Malo, très élogieuses, il fallait que je me fasse ma propre idée.
Dans mon ignorance profonde, je le voyais en grand viking. Que nenni ! Il est né à Rueil-Malmaison et sa famille étant originaire de Saint-Malo, il s'est emparé de l'appellation pour se faire un pseudo.
Avant cela, il a écrit d'autres oeuvres, sous le nom d'Emma Mars et Frédéric Mars (son vrai nom).
Sous ce dénominatif nordique, il a écrit une série de quatre livres sur les enquêtes de Qaanaaq Adriensen qui se déroulent au Groenland, puis s'est rapproché de ses racines en nous contant les investigations, sur trois tomes à ce jour, de la Breizh Brigade.
J'ai choisi de le découvrir, dans sa dernière parution « l'Inuite ». Retour sur son territoire de chasse préféré, le Groenland, il nous prouve son amour pour cette « île-continent » par de jolies descriptions de paysages, mais nous familiarise, surtout, avec la culture et le vocabulaire inuits.
Nous suivons, en début de roman, Paninguaq, une ténébreuse accoucheuse, une sanaji (une sage-femme itinérante). À cause de structures hospitalières insuffisantes et d'un habitat dispersé en petites localités, voire hameaux séparés de plusieurs centaines de kilomètres, notre jeune femme est très demandée. En ce mois de février 2021, elle est appelée à Kullorsuaq pour aider à l'accouchement de Nina, une toute jeune femme de 15 ans, qui donne vie à un petit garçon Ole. Sauf que l'on retrouve la parturiente égorgée avec un ulu (couteau inuit), qui a servi à couper le cordon ombilical. Curieux, surtout que son père Ole Eliassen avait été retrouvé mort, dans des conditions mystérieuses, neuf mois plus tôt. Les investigations sur ce nouveau meurtre échoient à Bjorn Western, un flic débonnaire et souriant et son fils Pitak. Non sans avoir reçu la pression de sa hiérarchie, suite aux recherches infructueuses sur l'affaire du père.
Dans ce même temps à Copenhague, Tim Osterman, un grand gaillard rouquin, de la cellule cold-case doit se débrouiller avec une affaire qui remonte au 10 avril 2011, jour de la mort de Johannes Fersen, directeur adjoint de la Croix-Rouge danoise. Et là aussi, menace de ses supérieurs, s'il échoue à retrouver le coupable, il finira dans un « service placard » au fin fond du Groenland.
Nos policiers sous pressions vont devoir unir leur force, car il va s'avérer que les deux enquêtes convergent. À l'origine, un fait historique réel, une histoire très peu glorieuse pour les autorités danoises. Au cours de l'été 1951, 22 petits enfants inuits (entre 6 et 10 ans) sont séparés sans ménagement de leur famille et placés dans des familles d'accueil au Danemark (Il faut vous dire que le Groenland a été une colonie danoise jusqu'en 1953, il a acquis son autonomie territoriale en 1979, mais reste constitutif du Royaume du Danemark.). le pire visage du colonialisme, sous le prétexte d'un développement social et de modernisation, les enfants devaient être « rééduqués », « civilisés » selon le modèle danois. Acculturation tragique, car bon nombre de ces enfants ne seront pas restitués à leur famille d'origine et finiront dans un orphelinat à Nuuk (capitale du Groenland), leur vie brisée.
Cette déplorable expérimentation, base de l'ouvrage de Mo Malo lui confère une force indéniable. Un récit vraiment poignant, où s'étale le choc des cultures entre tradition et modernité. Un roman fort, porté par le personnage attachant de cette jeune sage-femme inuite, véritable trait d'union entre ces deux civilisations.
Pour ceux qui, comme moi, n'ont jamais lu cet auteur je vous engage à sauter le pas, pour les autres, il se dit que c'est son meilleur roman.
Tous mes remerciements à l'agence littéraire Trames et aux Éditions De La Martinière
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Le Convoi

A quoi reconnait-on qu'une auteure est vraiment devenue une de nos favorites ? Au fait qu'on ne réfléchisse même pas quand on a l'opportunité d'acheter son dernier livre. Pour beaucoup d'auteurs, j'attends avant d'envisager même de lire leur dernier livre, je n'ai pas de scrupule particulier à l'emprunter en bibliothèque plutôt qu'à l'acheter. Pour Beata, quand j'ai l'opportunité d'un achat, je vérifie d'abord si elle n'a pas de nouvelle parution... et ce fut le cas grâce à la carte cadeau de Noël de ma chère sœur, merci beaucoup !

Elle qui avait tracé son chemin d'auteure en évoquant la tragédie du génocide des Tutsis par le biais de la fiction, tout en subtilité puisqu'elle n'aborde jamais de front les massacres mais préfère évoquer le passé et le futur, Ejo en kynyarwanda, titre de son premier recueil de nouvelles... comment allait-elle se frotter au travail du récit autobiographique, genre qui est loin d'être mon préféré. Sans voyeurisme, il m'intéressait fortement d'en savoir plus sur son vécu personnel de ce drame.

Elle nous offre tout d'abord la genèse de ce projet, ce qui fut parfait pour moi car elle explique ainsi son choix premier de la fiction et me permet moi aussi de mieux comprendre ce qui m'avait séduit en tant que lecteur dans sa démarche, cette volonté de témoigner sans choquer, en offrant au lecteur l'émotion qui n'enferme pas mais libère. Son dessein rejoignant mon ressenti, je ne pouvais ainsi que me confirmer le lien littéraire construit avec elle. Elle explique également ce qui la mène finalement à témoigner de son histoire, pour elle, pour ses enfants, en communion avec les autres victimes, pour l'Histoire. Elle analyse tous les écueils rencontrés par les victimes d'un tel drame, dénichant une formule si explicite en évoquant des histoires "pas tant indicibles qu'inentendables". Elle trace également un lien essentiel entre les génocides, sans jamais vouloir comparer, mais insistant sur la nécessité des échanges et du travail en commun, pour mieux comprendre ce qui peut amener des êtres humains à abolir leur jugement pour perpétrer l'horreur.

Quand elle rentre dans le cœur du récit, elle endosse toujours les habits de l'auteure qu'elle es devenue : humilité, générosité, bienveillance, douceur malgré l'horreur. Elle s'excuserait presque d'avoir vécu moins de drames personnels que la plupart des victimes, parvenant par exemple à survivre aux côtés de sa mère. Une mère dont on apprend peu de choses, comme elle l'explique plus tard en interview, parce que celle-ci ne souhaite pas qu'on parle trop d'elle. Toujours autant de pudeur, de respect du ressenti de l'autre. Elle prend également un bon quart du livre à rendre hommage aux humanitaires qui l'ont sauvée du génocide, à nous raconter sa rencontre avec eux plus de 20 ans après. Elle évoque bien sûr les responsabilités des gouvernements occidentaux, particulièrement belges et français dans la tragédie. Mais elle ne s'attarde pas en longueur sur les coupables, préférant expliquer ce qui a pu fonctionner et offrant ainsi un bon guide pour les associations œuvrant sur le terrain, même si elle reconnait et déplore que rien de tout cela ne serait possible aujourd'hui, les procédures d'intervention des humanitaires s'étant considérablement alourdies.

Face à autant de bienveillance, on ne peut que comprendre la dernière partie, qui s'interroge sur les photos prises de ce drame, qui ont contribué à en fausser l'image, transformant les coupables hutus en victimes et permettant ainsi de justifier la protection de certains des coupables directs des tueries. Et on ne peut que s'offusquer avec elle des difficultés éprouvées par les victimes pour récupérer certaines de ces photos où elles figurent pourtant elle-mêmes, en total déni d'un droit à l'image, et alors même qu'elle nous détaille bien ici à quel point ces souvenirs du drame gravés sur la pellicule peuvent être des étapes importantes pour la reconstruction. Là encore, elle montre tant d'humilité, déplorant que son statut de privilégiée (Française, ayant fait des études supérieures, auteure) lui permette un accès facilité (et pourtant bien semé d'embûches) aux archives alors que d'autres victimes en sont elles privées. Totalement dans la ligne qu'elle s'est toujours fixée, de bout en bout de son récit, tout simplement sans doute parce qu'elle ne peut pas agir autrement qu'en personne humaine et respectueuse.

Pour finir, petite anecdote en passant. Dans le livre, elle cite trois auteurs de fiction, soit pour évoquer une lecture qui l'a guidée dans sa réflexion, soit à l'occasion d'une rencontre réelle, soit pour une citation qui lui permet d'appuyer son propos. Ces trois auteurs sont Imre Kertesz... dont j'ai lu le livre qu'elle évoque en septembre dernier ; Mohamed Mbougar Sarr... dont j'ai adoré le Goncourt lu en mars dernier... et Abdulrazak Gurnah, dernier prix Nobel africain que j'ai découvert en août dernier... quand je vous disais que la littérature me lie à cette auteure et que je ne pourrais donc que continuer à la suivre, une pénitence que je respecterais avec beaucoup d'enthousiasme.



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Les Gouttes de Dieu, tome 39

Encore un tome qui reste un peu en deçà des précédents malgré un début pourtant épicé et prometteur peut-être pour les prochains épisodes.

Sans surprise, puisque le tome trente-huit dévoilait le perdant pour le onzième apôtre, on a donc la description du vin par le vainqueur qui est... Issei.

Ensuite, apparaît un épisode plutôt inattendu dans la relation entre Issei et Maki, relation plus sexuelle que sentimentale, voire financièrement intéressée pour la jeune femme qui présume déjà d'une victoire finale de son poulain.

Le reste de cet opus est consacré à la recherche par l'équipe du département vins des bières Taiyo d'un set de vins japonais qui pourrait relever le niveau de la production nipponne. Cette démarche présente un épisode intéressant avec des vendanges nocturnes dans un domaine et les explications des raisons de cette méthode.

De là à parvenir à élaborer des vins pouvant rivaliser avec les cinq grands châteaux du bordelais ou les fleurons de la Bourgogne comme la Romanée-Conti, il y a certainement un grand pas...

Ce trente-neuvième opus m'a semblé un peu fade et moins bien structuré que d'autres épisodes. Il reste la belle qualité des dessins, tant pour les expressions des protagonistes qu'à l'occasion des grandes planches suggérées par l'image des vins.
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Camerone, 30 avril 1863

C'est en visionnant un énième reportage sur l'anniversaire de la bataille de Camerone le 30 avril, que l'envie m'a enfin titillé de me documenter sérieusement, c'est à dire en lisant un travail d'historien documenté.
Mon choix s'est porté sur cet excellent livre de André-Paul Comor, un ouvrage très bien structuré et documenté. Camarón, car c'est ainsi que cela s'écrit exactement, c'était pour moi de vagues souvenirs, la campagne du Mexique, le destin funeste de l'Empereur Maximilien et ... le fameux combat livré par la 3e compagnie de la Légion Etrangère dont on a tous entendu parler un jour.
J'ai aimé cette lecture car elle est instructive, l'auteur nous parle du contexte avec précision, Napoléon III et le Second Empire, l'Impératrice Eugénie et son influence sur la décision d'envoyer des troupes au Mexique et offrir un titre d'Empereur à Maximilien. Mais surtout l'auteur va nous instruire sur la Légion Etrangère, ses origines et sa situation d'alors au moment d'envoyer les premières troupes au Mexique, figurez vous que les légionnaires, boudés par le haut commandement militaire, feront "des pieds et des mains" pour faire partie de l'expédition et aller "au feu", ce qui finira par être entendu pour leur plus grande fierté.
Une autre partie du livre est consacrée aux hommes qui sont entrés dans l'histoire à Camarón, on sait peu de choses les concernant, leur parcours est celui de soldats de métier, de gens en quête d'aventures et de danger, n'oublions pas que la Légion Etrangère, comme son nom le laisse deviner, est pour les deux tiers composée d'étrangers, seul l'encadrement est essentiellement français.
Il sera aussi et bien sûr question de la fameuse bataille du jeudi 30 avril 1863, où les 63 hommes du capitaine Danjou retranchés dans une hacienda vont résister pendant onze heures à 2 000 ennemis, accablés par la chaleur et la soif. A la fin, le bilan sera d'environ 300 tués et autant de blessés côté mexicain. Sur les 64 combattants français, 24 seront finalement faits prisonniers, tous sont blessés et la plupart mourront en captivité.
La dernière partie du livre nous parle de la légende de Camerone, elle mettra près d'un un siècle à se ritualiser et a être célébrée chaque année désormais dans tous les casernements de la Légion à travers le monde. C'est à Aubagne que la main articulée du capitaine Danjou est conservée dans sa chasse telle une relique et sortie à chaque commémoration, le tout étant expliqué par l'auteur qui s'est remarquablement documenté.
Je livre ici une citation du général Olié : "On peut même se demander si c'est la Légion qui a idéalisé Camerone ou si c'est Camerone qui a fécondé la Légion, quelle est la part de légende ajoutée à cette lutte épique et quelle est la part d'héroïsme issue au fil des ans de cet exemple exaltant."
Si j'aime L Histoire, je dois concéder de nombreuses lacunes à tout ce qui vient après 1816 et Waterloo, pour Camerone, c'est désormais réparé, j'ai été passionné par cette lecture.
J'ai tout de même un petit bémol à exprimer, l'auteur s'est de façon évidente un peu enflammé en racontant les combats. A le lire, on se demande si les légionnaires étaient vraiment au nombre d'une soixantaine tant le ton mélodramatique les mettait en situation désespérée dès la première heure des combats face à une marée d'adversaires braves et ivres de rage...
Pour conclure, il s'agit d'un bon livre sur le sujet et son contexte.
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L'honorable collectionneur

En sauvant un être humain, on sauve l'humanité entière…

Les deux précédents livres de Lize Spit, auteure flamande, m'ont tellement plu de par leur traitement original de thèmes pourtant classiques, surtout « Je ne suis pas là » sur le processus et les ravages de la folie, qu'elle est rentrée dans mon panthéon littéraire au point de me jeter sur son dernier opus en m'écriant : Génial, le dernier Spit !!

Contrairement à ses deux premiers livres, denses et épais, nous avons là un roman très court, moins de 150 pages. Ce livre est en effet à la base une nouvelle qui lui a été demandée dans le cadre de l'édition 2023 du projet annuel Boekenweekgeschenk. Celui-ci vise à offrir une histoire originale à ceux qui achètent des livres en néerlandais.

S'inspirant d'une histoire vraie vécue par l'auteure durant son enfance, celle d'une famille de réfugiés venue s'installer dans son village de Viersel, elle se place à hauteur d'un garçonnet de onze ans, Jimmy, en Belgique flamande, dans les années 1990, pour relater l'histoire d'amitié entre lui et Tristan. Tristan est un réfugié Kosovar qui a fui avec sa famille la guerre du Kosovo. Cette belle amitié est faite d'apprentissage - Jimmy est un excellent élève et c'est tout naturellement que la maitresse lui a demandé d'épauler Tristan dans l'apprentissage du néerlandais - et de découvertes culturelles – Jimmy est souvent chez Tristan, accueilli à bras ouverts par la famille, et découvre ainsi les mets culinaires, les rituels, la langue et les liens qui unissent les membres de cette famille exilée -.

«Tristan aurait pu échouer n'importe où sur la planète, dans n'importe quel pays, mais il s'était justement retrouvé ici, en Belgique. La probabilité de devenir son ami n'en était que plus faible.»

Cette amitié surtout vient égayer la vie du petit garçon qui, depuis que ses parents ont divorcé et que son père l'a comme rejeté, trompe la tristesse et la solitude en collectionnant de façon méticuleuse et passionnée les flippos, vignettes rondes qu'il trouve dans les paquets de chips à l'effigie des Looney tunes. Il rêve d'avoir la plus belle collection de tout le pays et prépare, avec les flippos en double, une superbe collection également pour Tristan devenu peu à peu son meilleur ami.
Cette collection, c'est tout un art qui va de la recherche de pièces de monnaie dans tous les distributeurs du village, en passant par le choix du paquet, la façon de récupérer les flippos, de les nettoyer, de les archiver et de noter dans un carnet le numéro du flippos, la date et le lieu d'achat…Jimmy est véritablement un collectionneur, un honorable collectionneur, et a hâte de transmettre sa passion à Tristan.

Tout le village, ou presque, a réservé un accueil chaleureux à cette famille nombreuse, touché par l'enfer vécu pour arriver jusqu'ici, traversant mers et montagnes au péril de leur vie, ce qui n'est pas sans leur laisser de lourdes séquelles. Mais, malgré leur intégration et les diverses actions pour leur venir en aide, la famille est menacée d'expulsion. Heureusement, Tristan a un plan pour obtenir le droit d'asile et ce plan met curieusement Jimmy a contribution…

Comme à son habitude, l'auteur excelle à faire monter la tension par petites touches jusqu'à l'explosion finale, employant de-ci, de-là quelques images surprenantes dont elle seule a le secret. Des images qui pétillent et dont la fraicheur est saisissante.
Je me souviens, entre autres, de celle-ci de son précédent livre. Elle m'a marquée au point de penser à cette image désormais à chaque fois que je vois un pilulier : « Plus tard, pour éviter qu'il ne prenne une double dose, j'ai acheté un pilulier à la pharmacie, une sorte de longue boite à sept tiroirs divisés en quatre compartiments, que je remplissais en début de semaine avec les cachets adéquats. Lorsqu'elle était posée debout sur le plan de travail, elle ressemblait à un minuscule immeuble de sept étages avec, derrière les fenêtres, des petites bouilles blafardes ».

De même, quelques images sont désormais associés à ce livre, comme celle-ci, dans la famille de Tristan, famille qui a fui les balles : « Il faisait à présent un temps magnifique, le jour passait en pointillé entre les lames des volets roulants, comme si on tirait sur eux des petits plombs de soleil ».


Le récit à hauteur d'enfant avec ses élans, sa naïveté, son idéalisme permet la survenue de telles images qui nous font sourire et nous attendrissent. le récit à hauteur d'enfant permet surtout d'aborder cette amitié sans limite, amitié pure qui peut abolir les différences, les frontières, les préjugés. Alors que le premier roman de Lize Spit pointait la cruauté des enfants et des adolescents, cruauté pouvant devenir traumatisme même une fois devenu adulte, L'Honorable Collectionneur nous touche par son rêve pur de fraternité. Un livre tendre et délicat, qui n'a certes pas la puissance narrative de « Je ne suis pas là » du fait de son format en longue nouvelle, mais qui permet de retrouver la plume singulière de cette auteure si talentueuse !


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Les Bourgeoises

Croquer les bourgeoises, mettre le doigt sur leurs travers, de leurs petites mesquineries à leurs grandes faiblesses, en passant par l'aspiration déraisonnable de certaines femmes d’intégrer cette bourgeoisie qui ne veut pas d'elles, Astrid Éliard fait ça très bien. Et on peut facilement imaginer que ces histoires ont quelque chose d'autobiographique, car manifestement l'auteure connaît parfaitement les codes de ces bourgeoises dont elle dénonce — parfois de façon grinçante, mais avec ce qu'il faut d'humour pour éviter la charge — le racisme, l'élitisme, l'entre-soi. Une lecture facile et distrayante, avec des nouvelles qui sont toutefois de qualité inégale, certaines étant plus percutantes que d'autres dont l'écriture m'a paru un peu laborieuse.
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À la lisière du monde

Alors que la Grande Guerre fait rage en Europe, Matthew Callwood, jeune policier de la Couronne, prend ses fonctions dans un village perdu du Grand Nord canadien. Très vite, il s'aperçoit que ses prédécesseurs se sont laissés aller. Faut dire qu'il n'y a pas grand chose à faire là-bas, si ce n'est "contrarier" les trafiquants d'alcool et les prostituées. Mais comme on s'y ennuie ferme, avaler un petit verre de whisky ou rendre un petit service à une fille publique de temps en temps n'est franchement pas du luxe, alors on ferme les yeux. Matthew, lui, a bien l'intention de remettre de l'ordre dans tout ça. Il est même décidé à traquer Moïse Corneau, alors en cavale, accusé du meurtre de sa femme et de son fils, et dont la rumeur dit qu'il se cacherait quelque part dans la forêt boréale...

Je suis sortie de cette lecture légèrement frigorifiée. Quelle idée aussi que de traquer un meurtrier en plein hiver, et dans le Grand Nord qui plus est ! D'autant qu'il était en cavale depuis plusieurs années et que ça aurait très bien pu attendre le printemps... Mais bon, au moins, j'ai fait connaissance avec cette nature et ce climat hostiles, aux nombreux lacs, sur lesquels j'ai beaucoup pagayé. Je suis d'ailleurs épuisée d'avoir autant ramé, par procuration, bien installée dans mon canapé (en vrai, faut pas rêver, même pas j'y aurais sorti mon petit orteil). Enfin, tout ça pour dire que les paysages et l'ambiance glaciale sont si bien dépeints qu'ils font partie intégrante de l'histoire.

Et quand je dis ambiance glaciale, c'est à prendre dans les deux sens du terme. À cause du climat déjà. Mais aussi par rapport aux changements qu'impose Matthew, qui ne sont pas pour plaire à tout le monde, à commencer par son collègue, Harvey, ayant pour habitude de ne jamais se lever avant 10h parce que ses soirées sont consacrées à la bouteille et à Fran, qui offre ses services charnels moyennant quelques dollars. Matthew bouscule un peu trop ce petit monde et ne se fait pas très bien voir. On sent comme de la tension dans l'air...

Il est jeune aussi, 24 ans, et il est encore plein d'ambition et de détermination. Et non pas qu'il va déchanter, enfin si quand même un peu, mais il va petit à petit ouvrir les yeux, au point de compter les jours qui lui restent à tirer dans ce coin complètement paumé et pas des plus accueillants et à espérer être appelé rapidement sur le front en Europe. En attendant, pour s'occuper, il fait la chasse au meurtrier, qui s'avère beaucoup plus malin qu'il le pensait. J'ai apprécié ce personnage, intègre et un poil téméraire, que l'on voit évoluer petit à petit. Tout comme j'ai apprécié les autres également, d'autant que certains nous réservent quelques surprises à la fin. Matthew et Corneau se livrent à une sorte de duel tout au long de la lecture, et leurs rapports ambigus nous gardent facilement éveillés.

J'ai eu un peu de mal à me faire au style de l'auteur, quelque peu saccadé à cause des phrases courtes, et surtout au temps présent employé (pas très cohérent vu que ça se déroule dans le temps passé). Mais j'ai fini par prendre le pli et je me suis habituée à ce ton abrupt, à l'image de la nature hostile dans laquelle se forgent des tempéraments tout aussi hostiles.

J'aime ces romans dans lesquels la nature est presque un personnage à part entière et toujours plus forte que les véritables protagonistes, où chacun d'eux avance dans sa propre histoire tout en devant continuellement composer avec d'elle. Ça dégage en général une atmosphère particulière, qui donne davantage de corps à l'intrigue, comme c'est le cas ici.

Donc pour résumer : un bon nature-writing, pour lequel j'aurais aimé apprécier un peu plus la plume de l'auteur, mais dont les paysages sont à couper le souffle, les personnages et relations ambigus, et l'intrigue appétente.
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Les gouttes de Dieu, tome 36

Ce tome débute par l'énoncé de l'énigme relative au onzième apôtre que Shzuku et Issei vont tenter de découvrir, en rappelant qu'ils sont à égalité dans le duel les opposant. Il y est question de vent, de soleil couchant, ingrédients poétiques auxquels les lecteurs sont bien habitués au fil des précédentes énigmes.

Dès le début, les jeunes pensent à l'Espagne vers laquelle partent immédiatement Miyabi et Shizuku après une tournée de bars à vins espagnols à Tokyo. de son côté, Issei, s'il prend la même direction, choisit de commencer par une croisière entre l'Italie et l'Espagne lors de laquelle il rencontre une jeune sommelière, Sonia, qui lui propose de l'accompagner dans sa tournée espagnole.

Un peu de suspense pendant la crroisière avec la disparition d'une bouteille et c'est bien sûr Issei qui lèvera celui-ci à la manière d'Agata Christie.

Shu Okimoto propose une nouvelle fois de beaux dessins de l'Epagne avec notamment une vue de Tolède, l'une des plus belles cités espagnoles.

Les investigations des jeunes vont donc se poursuivre au cours du trente-septième tome.
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Le Mystère du col Dyatlov

J'avais déjà entendu parler de ce fameux mystère concernant la disparition tragique de ces alpinistes russes dans les années 50 qui avaient été évoqué dans d'autres BD que j'ai pu lire. Je pense notamment à « Prométhée » de Christophe Bec par exemple ou encore « A la recherche de l'homme sauvage » de Frédéric Bihel.

On se demande en effet ce qui s'est passé sur les pentes du col Dyatlov dans la nuit du 1er février 1959 où 9 randonneurs expérimentés sont morts dans des conditions assez atroces et surtout étranges sans vouloir révéler les détails.

Certains y ont vu la marque du yéti quand d'autres ont cru à une hypothèse purement extraterrestre. Les complotistes ont parlé d'essais nucléaires secrets déployés par l'armée rouge. Les scientifiques ont penché plutôt pour une avalanche. Quant aux policiers enquêteurs, ils ont exprimé l'idée d'un assassin parmi eux qui a été pris d'une folie meurtrière. Bref, il y en aura pour tous les goûts !

Le dossier en fin d'album est assez intéressant alors que la BD en elle-même est apparue assez décevante dans son déroulé. En effet, on ne comprendra pas grand-chose sur ce qui s'est passé réellement avec une compilation des faits de manière assez rétroactive qui n'a pas rendu la lecture vraiment fluide.

Visiblement, notre enquêteur russe penche pour une intervention d'origine extra-terrestre. Or, le guide en fin d'album insiste surtout sur l'hypothèse d'un vent catabatique ce qui aurait été intéressant de développer dans le corps du présent récit imagé.

En conclusion, une lecture un peu frustrante au vu du sujet. Certes, l'auteur a évité le sensationnalisme mais le résultat paraît quand même assez fade.
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La boîte à Berk

Vous vous rappelez de Berk ? Mais si, vous savez bien, le doudou canard malodorant à qui il arrive toujours des trucs terribles ! Après avoir failli être avalé par un mange-doudous, après avoir été oublié à l'école et passé la nuit la plus horrible de toute sa vie, après être tombé dans l'eau du bain et après avoir perdu un œil, Berk revient une cinquième fois nous raconter sa nouvelle mésaventure.

Et oui, c'est qu'il lui est encore arrivé un truc terrible ! L'autre jour, alors qu'il jouait à cache-cache avec ses copains-doudous devant la maison, figurez-vous qu'il est resté coincé dans la boîte à lettres.

Bah oui, la boîte à lettres, c'est une super cachette quand même ! Comment pouvait-il deviner qu'elle ne s'ouvrait pas de l'intérieur ? Heureusement, Trouillette la tortue était avec lui. Bon, elle n'était pas tellement d'un réel secours, à paniquer et crier comme pas possible (c'est qu'elle porte bien son nom la Trouillette...), mais au moins il n'était pas seul. Et puis, à crier comme ça, Drago a fini par les entendre... et à trouver la cachette à son goût... Berk et Trouillette n'ont même pas eu le temps de lui expliquer qu'il fermait déjà la porte derrière lui ! CLAC ! Les voilà tous les trois enfermés ! Et Drago qui découvre qu'il est claustrophobe, ça lui donne la nausée...

Alors Trouillette de crier de plus belle ! Ce qui alerte Aspiro l'éléphant. Croyant que ses amis l'invitaient à les rejoindre, v'là qu'il se faufile à l'intérieur et... CLAC ! C'est que ça commence à être un peu serré là-dedans... C'est qu'Aspiro, il en prend de la place !

Bon, Poulp devrait avoir bientôt fini de compter, il va les trouver. Non ? Hein ? Nos amis ne vont quand même pas finir écrabouillés par un tas de lettres ?

Oh mais qu'est-ce qui se passe encore ? Oh la la la la, c'est terrible ! Nos amis n'avaient vraiment pas besoin de ça ! ...

Évidemment, si vous voulez connaître le fin mot de l'histoire et sa chute phénoménale, je vous invite prestement à aller voir par vous-mêmes. J'vais quand même pas tout vous raconter non plus !

Nous, maintenant, ça y est, on la connaît enfin cette histoire ! C'est qu'on l'a attendu un sacré moment ce bouquin. Avec seulement 2 exemplaires dans notre réseau de 11 bibliothèques, ça se bousculait au portillon ! Mais il valait la peine qu'on attende notre tour. On l'a déjà lu plusieurs fois depuis et il nous reste encore 15 jours avant de le rendre, on va pouvoir encore en profiter un peu !

Alors qu'en dire ? C'est drôle à souhait. Les petits personnages sont toujours aussi adorables et marrants. Et la fin est juste tordante ! Bon en gros, on rit du début à la fin, on angoisse un tout petit peu aussi.

Ce n'est, à mon sens, pas le meilleur de la série mais il est dans la lignée des albums précédents, efficace et tordant. Et les dessins, très aérés ici, sont toujours aussi attrayants.
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Petite Lisa

Ouvrage reçu lors d'une opération Masse critique privilégie, je tiens tout d'abord à remercier babelio ainsi que les éditions du Seuil pour l'envoi de ce dernier.

C'est d'abord la couverture qui 'a tapée dans l’œil et même si l'on croit y décerner quelque chose de beau avec cette libellule et ce beau bleu, l'on distingue en fond un bâtiment qui ne laisse rien préfigure de joyeux et en lisant la quatrième de couverture avant de postuler pour cette opération, j'ai su que je ne me trompais pas et pourtant. A quoi cela sert de lire encore et encore des ouvrages sur la Shoah, sur toutes les souffrance que les IIIe Reich a fait subir aux juifs, aux tziganes, aux handicapés mentaux et autres me direz-vous, bref tous ceux qui étaient hors norme et ne correspondaient pas à la race aryenne ? Tout simplement, pour ne pas oublier, pour en savoir davantage, pour découvrir, il est vrai, chaque fois, de nouvelles atrocités que les hommes, femmes et enfants ont dû endurer et surtout pour se dire plus jamais cela. Malheureusement, l'on voit bien que l'Homme en tant qu'être humain (si l'on peut qualifier les bourreaux ou tous ceux qui cautionnent ce genre d'actes ou du moins, ferment les yeux), si il ne tire pas des leçons de son Histoire et ne réitère effectivement pas les erreurs du passé, est capable de faire autrement et ce, pas dans le bon sens du terme ! A la question philosophique "L'Histoire est-elle un éternel recommencement ?" Pour moi, et je le déplore (et désolée si certains me trouvent pessimiste, moi je me considère juste comme étant réaliste), je répondrai que Oui.

Plongeons-nous dans l'histoire, celle de Petite Lisa cette fois-ci. C'est à bord d'un avion qui devait la ramener sur les traces de son passé, en France, que Lisa, maintenant devenue une vieille dame, fait la connaissance d'Evelyne, hôtesse de l'air qui effectue son dernier vol précisément ce jour-là. Voyant que Lisa ne se sent pas bien, elle va la prendre sous son aile et finalement sympathiser avec elle. Cependant, elle est loin de ce qu'elle va découvrir du passé de "Petite Lisa", comme elle se plaira à s'appeler elle-même pour décrire du mieux qu'elle peut toues les atrocités qu'elle a enduré, non seulement elle mais toutes les autres femmes qui se trouvaient au Block 10 à Auschwitz à un moment où il ne fallait pas s'y trouver vous l'aurez bien compris. Quant à sa sœur Laure et à son père, tous deux ont été éliminés dès leur entrée au camp (du moins, c'est ce que Lisa a toujours cru). En racontant l'indicible, en faisant resurgir de sa mémoire ses pires cauchemars (pourtant bien réels), Lisa va apporter une nouvelle preuve de la cruauté humaine, de ces hommes qui, en voulant servir leur Führer, ont accompli les pires atrocités qui soient.

Un roman très bien écrit, extrêmement émouvant mai ô combien dur (difficile de ressortir indemne après une telle lecture) - c'est d'ailleurs la raison pour laquelle je ne l'ai pas lu d'une traite mais ai lu quelques ouvrages beaucoup plus légers entre temps mais que je ne peux que vivement vous recommander, même si j'ai trouvé qu'il y avait parfois certaines longueurs d'où le fait que je n'ai pas mis la note maximale à ce dernier mais cela ne concerne que mon avis personnel). Je vous laisse libres juges mais puis vous assurer que vous ne serez pas déçus. D'ailleurs, pour un premier roman, moi, je tire ma révérence à l'auteure, d'autant plus qu'elle ne s'est pas attaqué à un sujet facile et qu'elle a du énormément se documenter pour cela mais l'on n'en sait jamais assez et sans cesse, pour peu que l'on s'y intéresse, en consultant les témoignages des rescapés, nous pouvons en apprendre davantage pour peu que l'on ait le cœur bien accroché !
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