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Olivier Le Lay (Traducteur)
EAN : 9782072998584
Gallimard (04/04/2024)
5/5   4 notes
Résumé :
Jakob est un jeune agriculteur qui exploite la ferme familiale en Haute-Autriche. Dépassant ses premières réticences, il accueille Katja, une artiste qui se découvre une passion pour son métier ; peu à peu, ils vont s’apprivoiser et fonder une famille.
Mais cette union et cette apparente stabilité ne résolvent pas les sombres questions qui traversent Jakob de longue date : celle de la difficulté quotidienne de la vie rurale, celle du pesant héritage de l’hist... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Jouer à la roulette russe à l'aube du jour et de sa vie adulte, en discerner le « bruit morne et ennuyeux » du clac après «la sensation de volupté et d'apaisement » procurée par le contact avec le métal à peine froid, voilà une entrée dans ce roman symboliquement forte même si l'on ne pourra pas prétendre que ça augure d'une indéfectible envie de vivre chez Jakob. On pourra juste évoquer sa bonne étoile depuis tant d'années, « aussi peu probable que si, lors d'un lancer de dés, on ne tombait jamais, si fort qu'on s'évertuât, sur le six, ou sur le un, jamais sur un chiffre précis, jamais sur celui qu'on attendait ». À moins que l'on pense à estimer la violence consubstantielle de Jakob, qu'il semble prêt à retourner contre lui-même,.
Et pourtant, voilà un jeune homme pas vraiment du genre à tergiverser dans l'inertie au sein de sa ferme familiale qui tremble du fracas incessant de l'autoroute, il ne rechigne pas à la besogne, fourmille même d'idées et de projets, tente les bassins de truites avant de s'en remettre à leur location au vu des aléas piscivores, s'éreinte dans l'élevage de poulets et dans la poursuite de sa chienne. Sa réputation n'est plus à faire dans cette région de Haute-Autriche en pénurie de main-d'oeuvre, qui lui permet même d'arrondir ses fins de mois. C'est dans ce contexte qu'il croisera Katja, jeune femme qu'il aurait pu connaître sur Tinder avant de l'ignorer comme à son habitude, mais qui « lui était apparue devant la bicoque du concierge, attablée devant un bloc de papier à dessin et une poignée de crayons de tailles inégales, l'ongle du pouce entre les dents, le nez pointant en l'air...»

La tension est aux aguets dans ce roman, à petites touches subtiles de mal-être et d'infirmité chez Jakob à ne pas savoir aimer, de silences, de secret ou de liens avariés au sein de sa famille avec « un père à demi-dément et une mère pendue à son portable », mais aussi (et surtout ?) d'une lignée agricole et d'un héritage aux relents historiques de malaise. Après les somptueux « Lilas noir » et « Lilas rouge », Reinhard Kaiser-Mühlecker écrit de nouveau un roman rural, fluide et passionnant, à la dramaturgie sous-jacente prête à jaillir d'un geyser de violence, qui questionne de nouveau l'héritage du nazisme, sans doute de manière plus suggestive cette fois. Un roman puissant et souvent beau, aux allures de grand et à la saveur d'une littérature classique, de celle qui laisse des traces à la fois sûres pour ce qui est de sa puissance évocatrice ou sa valeur, et incertaines quant aux questions qui peuvent continuer de vriller dans la tête du lecteur.

"Lorsque leurs yeux s'étaient rencontrés, il avait senti, face à ce regard habité d'une cruauté dont il ne l'aurait pas crue capable, un frisson glacé lui courir le long du dos, et dans le même temps c'était comme s'il s'était soudain affranchi de la force qui le terrassait, et qu'elle se fût transmise à Katja; qu'elle l'eût délesté de son fardeau. Jamais auparavant il n'avait partagé avec quelqu'un un moment tel que celui-là, et il lui sembla qu'il venait de lire au fond de son âme"
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Librairie Chantelivre-10 avril 2024

**Coup de coeur étonnant et déroutant, à la fois ...

Trouvaille inédite au fil de mes flâneries éparpillées et régulières en librairie...et j'en suis enchantée, tant, que j'ai aussitôt noté une lecture d'un texte antérieur de cet écrivain autrichien à lire ensuite" Lilas rouge" ( Verdier,2021 )

Revenons aux sujets principaux de ce roman: l'écrivain s'attelle à la description détaillée d'un milieu qui lui est particulièrement familier puisqu'il y est né et continue d'y être immergé directement quotidiennement; je voulais nommer le monde agricole....

Le personnage principal, Jacob, jeune agriculteur exploite la ferme familiale en Haute- Autriche. Passant outre quelque méfiance et réticence, il accueille Katja, une jeune artiste en recherche, qui lui exprime très vite une vraie curiosité pour son métier, si dévalorisé habituellement...

Peu à peu, un véritable attachement va naître entre ces deux êtres aux univers si lointains...jusqu'à fonder une famille, et réaliser de nombreux projets en symbiose, sur l'exploitation familiale de Jakob...

Katja va se révéler très dynamique et "moteur" de leur " tandem" de jeunes exploitants , car étant en quête d'un travail, elle se propose très rapidement comme aide, à l'essai..et elle va se montrer aussi énergique, efficace qu'entreprenante..!

Restent que ces deux- là ont leurs propres fantômes, sombres questionnements: pour Jakob, la difficulté quotidienne du monde de la terre, du tempérament taiseux et fataliste des paysans, se justifiant aussi par leur vie difficile entre isolement et manque réel de reconnaissance des " gens de la ville"...( ....mal- être bien proche de celui des paysans de France et sûrement des paysans du monde entier)...Katja prend plaisir à ce travail concret de la terre, en ayant aussi trouvé une sécurité amoureus auprès
de Jakob, mais elle a aussi besoin de peindre, de s'exprimer par son art, de voir des gens...de s'extérioriser...

Comme je l'exprimais précédemment, ce sont deux univers aux antipodes, qui, habituellement, ne se rencontrent quasiment jamais, et surtout, ont peu de chances de se comprendre !

Au- delà du côté " taiseux" du monde paysan, il y a comme une profonde " incommunicabilité" entre le monde de la ville et le monde de la terre...comme pour nos deux sympathiques personnages: Jakob et katja ...

"Il fut étonné qu'elle employât le " vous ".C'était comme si elle savait que, dans les familles de paysans, le rapport à la propriété n'est pas le même qu'ailleurs.D'une certaine façon, les biens n'y appartiennent pas à une personne en particulier, mais à tous les membres de la famille, à tous ceux qui vivent et travaillent sous le même toit- et aussi à tous ceux qui sont déjà dans la tombe, et à ceux qui ne sont pas encore venus au monde.L'avait-elle compris intuitivement, alors qu'elle n'était pas issue d'un milieu d'agriculteurs ?"

Au-delà du sujet de notre fort sympathique couple d'agriculteurs, il y a l'universelle incommunicabilité entre les humains, d'autant lorsqu'ils appartiennent à des univers, qui, ordinairement ne se croisent pas et ne peuvent donc pas se mélanger ....

Une lecture captivante...qui au-delà du pays, du monde de la terre décrit, traite de l'universelle difficulté de vivre, de communiquer avec l'Autre, de s'adapter ou pas à " un destin", lié aux racines !

Un très beau texte, d'une qualité rare, qui vous laisse avec deux fois plus de questions, que lorsque vous l'avez débuté !!


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Quelle heureuse découverte que celle de ce jeune écrivain autrichien Reinhard Kaiser-Mühlecker grâce à lilas rouge et à lilas noir (saga d'une famille paysanne sur 4 générations ) , parus dans la traduction française chez Verdier respectivement en 2021 et en 2023 , pour moi un chef d'oeuvre rédigé alors que l'auteur n'avait que 30 ans !
" Braconnages" sorti en français en librairie le 4.04.2024 m'a tout autant captivée par le fond et par la langue dont la traduction fait ressortir la beauté et la justesse des termes décrivant la nature , le travail agricole ou fouillant les tréfonds de l'âme humaine...Il s'agit à nouveau d'une famille paysanne en Haute Autriche ( région natale de l'auteur-agriculteur qui y vit) , à Rosental ( cf les 2 lilas , d'ailleurs l'arrière petit-fils Ferdinand Goldberger est mentionné parmi les agriculteurs) mais l'histoire cette fois est actuelle et tourne autour de Jakob Fischer jeune agriculteur solitaire et plutôt dépressif, peu loquace dont le père Bert a vendu lopin après lopin à des voisins alors que la famille est riche...
Le roman s'ouvre et se termine par les chiens de la ferme ensauvagés devenus prédateurs , Landa et Axel , symbolisant le retour à la barbarie que Jakob a échoué à endiguer , n'ayant pas réussi à les domestiquer. D'ailleurs le titre en allemand " Wilderer" signifie braconneur / braconnage , le verbe wildern : braconner , chasser , das Wild : le gibier et l'adjectif wild : sauvage.
Jakob porte le poids du passé et du présent : ce père peu ou mal aimant éloigné des préoccupations agricoles aux idées farfelues , sa grand-mère veuve et riche qu'il nomme " la vieille" dont la fortune remonte à l'époque nazie , le travail épuisant de la terre avec ses échecs , sa solitude , ses colères enfouies dont il se méfie ou qu'il craint de ne pouvoir contrôler , sa soeur Luisa son contraire et qu'il déteste...
Jakob prend pourtant en main sa destinée . Peut-il lutter contre ce qui le détermine ? Il se demande d'ailleurs ce qu'il serait advenu s'il était né ailleurs . Il n'a guère le temps ni l'envie de chercher une compagne , va cependant sur Tinder...jusqu'au jour où Katja vient à lui presque malgré lui. Elle s'installe comme artiste en résidence dans le village. L'incroyable se produit , une brèche s'ouvre dans sa vie . Devient-elle cette lumière pour lui à tout jamais ? Il découvre qu'elle est différente de ce qu'il imaginait, bien que citadine et artiste elle ne lui parle pas de manière condescendante , s'intéresse à sa vie qui est le travail agricole. Ils s'apprivoisent...finissent par se marier et avoir un bébé , Marlon. Ils dirigent ensemble le train de culture ,regardent vers l'avenir , grâce à elle l'exploitation prospère et lui aussi développe ses talents d' éleveur...
En apparence tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes , Katja peut même partir à Hambourg durant 3 mois en résidence d'artiste-peintre. Il prend alors 2 saisonniers roumains dont Kostja...Les vieux démons de Jakob ont-ils vraiment disparu ? L'auteur montre de manière talentueuse les fissures , les failles toujours possibles sans les nommer directement mais aussi la grâce présente même dans le plus infime comme ce "petit poisson en peluche posé sur le siège passager". Jakob en réalité devient-il un autre homme ?
Une oeuvre magnifique que l'on garde en soi pas seulement sur l'agriculture , la nature , les animaux mais aussi et surtout sur la complexité , les fractures et le sublime de l'âme humaine.
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critiques presse (1)
LeMonde
19 avril 2024
Après « Lilas rouge » et « Lilas noir », l'écrivain livre une variation mélancolique sur son thème littéraire, le legs silencieux du nazisme en Autriche.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Car ces maudits Russes pouvaient mettre le monde à feu et à sang: Jakob ne souhaiterait plus qu'une guerre éclatât, et jamais plus il n'éprouverait plus ce désir. Deux vies qui avaient connu le même point de départ, avant d'emprunter des trajectoires très différentes, venaient de se rejoindre, et à présent elles avançaient de front, sur la même route de terre, ou de poussière, ou de cailloutis, ou de sable, sans qu'on pût entrevoir le chemin. Il n'y avait ni vainqueurs ni vaincus; il n'y avait que cette route.

( p.360)
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'' Alors comme ça tu es agriculteur ? J'imagine que ce doit être passionnant"
Passionnant ? Décidément , ces gens-là ne savaient pas de quoi ils parlaient. En même temps , Jakob se sentit flatté. Il n'ignorait pas, après tout , que le regard que la société portait sur les paysans n'était guère bienveillant, et qu'on ne voulait rien avoir à faire avec eux. Les discours creux que l'on tenait depuis peu à la radio au sujet de la sécurité d'approvisionnement et de la nécessité de préserver les sols n'y avaient au fond rien changé. Une fois encore il ne répondit pas. Mais elle se montra tenace :
"si j'avais la possibilité de tout recommencer à zéro , je suivrais une formation d'agricultrice."
Ce message l'ulcéra. Il la revoyait en pensée, assise au grand soleil par le plus rayonnant des matins d'été , oisive , les yeux dans le vague , un doigt dans la bouche.
"il me semble qu'il n'est pas trop tard. Tu es encore jeune , que je sache !
- J'ai vingt-sept ans. Je ne suis plus dans ma prime jeunesse. Et je crois qu'il n'est pas si facile de changer de vie. J'entends : de rompre vraiment avec les liens qui nous attachent au passé." p.74/75
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(...)si ses yeux revenaient se poser avec insistance sur le berger, ce n'était, cependant, pas seulement pour cela, mais parce qu'il lui tendait en quelque sorte un miroir de lui-même : n'étaient-ils pas voués en effet, l'un et l'autre, à mener dans la solitude une vie de labeur, en retrait du monde, avec pour seule compagnie les bêtes de troupeau, avant, le soir tombé, d'aller se poser quelque part pour boire et fumer, les yeux perdus dans le vague, éteints de fatigue ?


( p.190)
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Et s'il avait dit oui, c'était aussi parce qu'il repensais à toutes ces fois où, dans l'enfance, puis dans l'adolescence, il avait caressé l'espoir que son père pût lui présenter, une fois, une seule, un projet qui les eût associés tous les deux, non par nécessité, mais parce que cela avait du sens N'était-ce pas d'ailleurs la conception qu'il s'était toujours faite de l'espoir: entreprendre les choses non pas parce qu'on était certain de leur réussite, mais parce que cela avait un sens ?

( p.74)
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Il avait le visage blême, la silhouette efflanquée, et, pour un instant, il lui semblait qu'il n'était encore en effet qu'un enfant, alors qu'il n'en était déjà plus un depuis longtemps, et à la vérité n'en avait jamais été un.

( p.294)
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