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EAN : 9782246411611
245 pages
Grasset (01/09/1988)
3.42/5   43 notes
Résumé :
De médecine contre mon père, il n'y avait qu'une. Le moyen était mon seul problème. Une piqûre avec de l'air dans la seringue - mais je ne sais pas faire des piqûres. La sarbacane avec fléchettes au curare - où est le curare ? La mort-aux-rats - c'est long, et ils se font tous prendre. Etouffage sous oreiller - pas encore assez de muscles. Le chandelier de bronze - faudrait que je monte sur une chaise et ça gâterait l'effet de surprise. Brûler des cierges ? - Dieu (... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Inceste, clap de fin.

Ouf.

Je termine là  mon inventaire du pire sujet qu'il m'ait été donné de lire.

Hommage, ou plutôt femmage - puisqu'il s'agit de Christiane Rochefort, féministe  combative s'il en fut- femmage , donc,   à la première à l'avoir dénoncé avec la rage et l'ironie mordante qu'on lui connaît.

 Certes, La porte du fond, publié en 1988, prix Médicis,  est un roman, pas un témoignage ou une autobiographie romancée.  Mais l'auteure des Stances à  Sophie et du Repos du guerrier a bien des choses à dire sur la condition féminine.

Surtout quand la femme est une petite fille de  neuf ans, que le prédateur est son père, revenu brusquement dans sa vie après une séparation de 9 ans  pour mieux  la saboter, la souiller, l'empoisonner avec un culot et un cynisme révoltants.

" le malheur ce n'est pas le sexe, le malheur, c'est le Patron " écrit la jeune narratrice. le Patron. le Pouvoir, celui qui assujetit les plus faibles aux caprices et aux vices du plus fort. La formule est brillante, lapidaire. Elle résume tout le scandale de l'inceste,

 L'enfant de la Porte du fond  tient une sorte de journal post traumatique. de compte rendu des faits,  bouleversé par les intermittences de la mémoire et celles de la colère.

Les faits s'y bousculent sans ordre, écrits apres coup, dans la rage d'un récit a posteriori, dans l'exasperation des mots impossibles â dire, mais aussi dans la jubilation vengeresse   d'avoir "perdu toutes les batailles" mais, finalement, d'avoir gagné  la guerre, puisque le monstre désormais n'est plus dans sa vie, n'est même plus vivant. Et qu'elle, l'enfant abusée,  a réussi à écrire, à dire, à fédérer,  à devenir.

C'est une fille vindicative, sarcastique, intelligente, et non une victime sans défense, démunie, qui tient la plume. La situation, les circonstances, les malversations- en un mot le CRIME- elle ne peut pas le nommer, le décrire,  l' analyser. Elle ne peut que tourner autour, le suggérer, aboyer avec l'effroi d'un chien tournant autour d'un serpent. Et c'est cette approximation, cette rage obstinée , cette colère forcenée et sans mots qui dit, mieux qu'un long discours, l'ampleur dévastatrice du  massacre.

 S'il ne fallait lire qu'un texte sur l'inceste,  ce serait celui-là. Pionnier, vengeur, dynamité  d'ironie. 

Texte de la dénonciation du ravage et du démantèlement de l'effroi.
Texte de la résilience et de la résurrection.
Texte du  triomphe de la littérature qui seule délivre celle qui ecrit de l'indicible et donne une cage de mots au monstre qui les lui a enlevés de la bouche.

Pionnière aujourd'hui disparue, Christiane Rochefort, au nom de tous les enfants, filles et garçons, abusés par des prédateurs insolents et sûrs de leur impunité,  nous te disons merci, toi qui plus de quarante ans avant que la parole ne se libère, n'as pas eu peur d'ouvrir La porte du fond...
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Pendant la moitié du livre, on entend ce qui n'est pas expressément dit.
Difficile de trouver les paroles pour dire « ça ».
Une grande pudeur des mots dans un style déstructuré, de nombreuses métaphores, une écriture brillante et intelligente.
Tout ça pour témoigner d'un drame de l'enfance sans jamais larmoyer.
C'est de la belle et forte littérature qui ne peut laisser le lecteur indifférent.
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J'ai beaucoup aimé ce roman et le style de l'auteure qui nous raconte, tout en métaphores et en phrases cinglantes empreintes de vérité, les sept ans pendant lesquels elle subit les attouchements de son père et ses manipulations, l'aveuglement de sa mère, jusqu'aux années qui suivent où elle continuera de porter le poids de ce secret même après la mort de son père.
Un témoignage, un récit poignant sur l'inceste sans presque jamais le nommer, sans fatalisme ni misérabilisme, un portrait de résilience qui se ressent dans l'écriture où on devine une force à travers une sensibilité jamais résignée, un humour cynique.
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Quand j'ai lu ce roman dans les années 80, jeune adulte, j'avais été époustouflé par la force de cette femme qui avait, face au père incestueux et terriblement manipulateur, pervers oh combien, perdu toutes les batailles mais gagné la guerre...
En revenant aujourd'hui, 40 ans plus tard, dans cette maison sinistre, je me rends compte combien ces dits peuvent être fragiles : plus qu'une adulte forte et sortie vainqueur, je lie au contraire une femme qui s'adresse sans doute non à la petite fille qu'elle a été, non aux lecteurs, à la mère, mais bien à ce père dont elle n'aurait su se défaire, comme d'une matière gluante dont jamais on ne peut se laver... Quoi que l'on fasse.
Je trouve ces écrits, comme tout écrits, (ces dits) tellement fragiles : après tout un écrit n'est que ce que l'auteur veut dire, et non ce qui est. Que ce que le lecteur veut bien entendre.
Finalement j'ai relu ce livre "à l'envers" de ce que j'en avais lu des décennies plus tôt, un livre de souffrances et non celui d'une personne apaisée, soignée par une vie adulte heureuse. Non celui d'une adulte la tête haute mais celle d'une enfant toujours aussi seule, toujours dans cette chambre du fond, à toujours face à ses bourreaux, père et mère eux aussi à jamais liés.
Et j'y lis surtout aujourd'hui l'impossibilité aux humains de ne pas encore et encore recommencer à torturer l'Autre, à le faire souffrir, à en faire sa chose saignante.
Si ce récit avait pour but d'un "pour que jamais cela ne recommence", alors la guerre était perdue d'avance. Et elle le sera toujours.
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Pas une fois le mot "abus" n'est utilisé, de même que "viol" apparaît sur la fin du bouquin et encore pour évoquer la fouille complète de la chambre et des affaires personnelles de l'enfant et pourtant, il s'agit bien d'inceste !
A mots pudiques, à mots couverts, Christiane Rochefort nous dépeint l'insistance perverse du père, l'aveuglement de la mère qui sape en plus avec des remarques blessantes sans même s'apercevoir que son enfant crie à l'aide.
Et l'enfant là-dedans, coupée du monde de l'insouciance et des rires, l'enfant devenue adulte trop tôt. Manipulée psychologiquement qui lutte de toutes ses dérisoires armes. Elle a bien tenté de devenir maigre à vomir, de se taillader les cheveux, de trouver n'importe quelle excuse, mais rien n'y fait.
Ce livre est poignant.
Le style de C Rochefort m'a parfois surprise : ne pas trouver les mots d'une phrase à leur place, les adjectifs avant le verbe, le verbe en bout de phrase, l'oubli des virgules, mais finalement il est très persuasif, incisif et totalement évocateur. On s'habitue.
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Citations et extraits (29) Voir plus Ajouter une citation
Christiane Rochefort (1917-1998) : L'écrevisse combattante
sur FRANCE CULTURE le 27/02/2021 59 minutes Émission Toute une vie

https://www.franceculture.fr/emissions/toute-une-vie/christiane-rochefort-1917-1998-lecrevisse-combattante

Rebelle dans l'âme, Christiane Rochefort, sa vie durant, a lutté contre toute forme de domination, pour un monde meilleur. Dans "La Porte du fond" (Grasset, 1988), roman majeur sur l'inceste, prix Médicis l'année de sa parution, on y retrouve sa personnalité dans chaque mot, chaque ligne.
La Porte du fond (Grasset, septembre 1988) est un roman majeur sur l'inceste, couronné par le prix Médicis en 1988, qui décortique la mécanique de l'emprise d'un père sur sa fille, ou comment dire l'indicible par la puissance de la fiction. Derrière chaque mot, chaque ligne, on retrouve la personnalité de Christiane Rochefort qui, sa vie durant, a lutté contre toute forme de domination, pour un monde meilleur.

Écrivaine atypique, elle lui préférait le mot "écrevisse" (parce que "vaine"… vous comprenez, ironisait-elle), elle entra sur la scène littéraire trente ans auparavant en 1958 avec son Repos du guerrier, roman bestseller qui fit l'effet d'une bombe dans la France engoncée de la fin des années 50, récit au scalpel d'une relation dévastatrice adapté au cinéma en 1962 par Roger Vadim avec Brigitte Bardot et Robert Hossein.

Pour celle qui avait rédigé ses mémoires d’une façon inédite (Ma vie revue et corrigée par l’auteur, 1978), tout en entretenant le mystère sur sa vie, raconter son parcours relève du jeu de pistes, entre révoltes et passion pour l'écriture, intimement liées.

Convaincue de toutes les potentialités qu'offre le monde, elle prend position publiquement, contre la guerre d'Algérie et celle du Vietnam, pour le droit à l'avortement (elle signe le Manisfeste des 343), la libre éducation des enfants, etc. Écologiste de la première heure, elle fait partie des pionnières du MLF au sein du groupe de 9 féministes qui déposèrent le 26 août 1970 une gerbe sous l'Arc de triomphe à la femme du soldat inconnu. Une action spontanée, joyeuse, qui marqua les esprits. La voici radieuse face aux policiers qui avaient du mal à comprendre la banderole "Un homme sur deux est une femme".



Dans la vie comme en littérature, Christiane Rochefort est une femme engagée, qui n'a pas peur de déranger, pour questionner son époque. Chacun de ses romans, essais, scénarii est l'occasion de faire avancer ses idées et de combattre les abus de pouvoir : patriarcat, aliénation sociale et société de consommation (Les petits enfants du siècle, 1961), institution du mariage (Les stances à Sophie 1963), poids de l'éducation des enfants (Encore heureux qu'on va vers l'été, Les enfants d'abord, 1976), perversion des utopies (Archaos, 1972), colonisation des esprits et des cœurs.

Son sourire de voyou quand elle vous balançait une vacherie. En plus d’un très grand écrivain, c’était un sacré combattant. Pour ses idées. Parce qu’elle s’était donné la peine d’avoir des idées et de les organiser. Et elle s’est battue pour ses idées avec les armes qu’elle a fourbi toute sa vie, le Roman. Auteur d’une œuvre véritable, d’un univers romanesque complet. Au point que même amies comme nous fûmes, il était difficile de parler d’autre chose que de ses livres ou de littérature." Sophie Chauveau, écrivaine.

On la traite de Gavroche en jupon ? Elle devient la Shéhérazade du stylo, comme elle se qualifie elle-même, retournant l'arme du langage contre l'oppresseur. Elle invente une écriture libre, mordante. C'est l'une des rares auteures à s'interroger sur son propre processus de création (C'est bizarre l'écriture, 1970 et Journal Pré-posthume possible).

Écrivain ce n'est pas une profession, c'est toute une vie, écrit celle qui a traduit avec son amie Rachel Mizrahi le premier livre de John Lennon, régal de "non-sens", sous le titre En flagrant délire (bien avant l'émission de Claude Villers).

En 1988, elle signe donc La Porte du fond, livre pionnier à l'heure du mouvement #MeTooInceste et de la libération de la parole sur le viol et les abus sexuels.

L'oppresseur n'entend pas ce que dit son opprimé comme un langage mais comme un bruit. C'est dans la définition de l'oppression. /…/ Il y a un moment où il faut sortir les couteaux. écrit-elle dans son préambule à l'édition française du "SCUM Manifesto" de Valerie Solanas (1971).

Mon courage est aussi violent que ma peur, avoue-t-elle plus tard en 1986 évoquant son engagement à lutter contre les dominants de tous poils.

Rebelle dans l'âme, Christiane Rochefort a vécu sans se prendre au sérieux tout en s'attaquant à des sujets profonds. Femme indépendante, d'une intelligence vive, elle a toujours privilégié la force de contestation au conformisme moral. Elle nous laisse une œuvre originale, pleine de verve. Sa voix forte et singulière mérite d'être redécouverte aujourd'hui.

Intervenantes
Sophie Chauveau, écrivaine
Martine Sagaert, professeur de littérature à l'université
Aurore Turbiau, doctorante en littérature comparée
Claire Blandin, historienne des médias
Geneviève Brisac, écrivaine
Oristelle Bonis, éditrice
Delphine Naudier, directrice de recherche au CNRS
Orit Mizrahi et Awena Burgess, comédiennes

Un documentaire de Pierre Lorimy, réalisé par Franck Lilin. Prise de son, Ollivia Branger. Archives INA, Véronique Jolivet. Avec la collaboration d'Annelise Signoret de la Bibliothèque de Radio France.
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Je ne voyais que son comportement : visées, préparatifs, manoeuvres d'approche et d'encerclement, menées souterraines, pose de pièges, toute la mécanique comment ça marchait. Tout ça j'observais superbement, et voyais venir de loin - ce qui m'a peut-être poussé des antennes pour l'avenir mais n'avançait pas mon présent car il n'y avait rien qui le pût, vu qu'il détenait la force et le droit et sans doute aussi ce foutu dieu que nous avons.
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"Ta mère s'est sacrifiée pour toi" - qu'est-ce qu'elle pouvait faire d'autre me disais-je comme tout enfant dans les cinq six à qui on tient ce discours, qui ne marche jamais ils devraient le savoir depuis les générations mais non, ils continuent. Et nous on attend que ça s'arrête avec notre air buté : on ne l'a pas demandé. Et bien sûr quelque chose est exigé de nous en échange de ce non demandé, même si on ne met pas le son ça s'entend sous la voix, c'est triste de regarder les adultes en train de se croire subtils, on voit tout à travers.
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Le combat a duré sept années. j'ai perdu chaque bataille.
Mais pas la guerre.
Quand enfin l'ennemi est tombé, me trouvant par circonstance le messager de sa mort, j'ai tenté de me composer un visage qui, au moins, ne choquât point sa veuve, à qui je ne voulais nulle offense.
Je crains de n'y être pas parvenue tout à fait. Et qu'elle ait aperçu, sous mon masque mal ajusté, le sourire du survivant.
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Je ne serais pas épouse-et-mère, je m'en fis le serment : j'aurais eu trop peur de donner un père à une fille. À l'en croire (mais peut-on croire un menteur?) le risque était élevé : « pratique courante dans les familles ». Je n'en rencontrais pas les signes autour de moi pourtant. Mais au fait, je n'en montrais pas non plus. Qui en eût cherché n'en eût pas trouvé plus que moi. Je pouvais aussi bien présumer que nous étions une foule. Une foule dont chacun est seul.
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