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EAN : 9782848050980
110 pages
Sabine Wespieser (05/05/2011)
3.52/5   20 notes
Résumé :

Un chauffeur de taxi, dans un hallucinant soliloque, met en garde ses passagers contre Alger. Un militaire fou d'aviation attend en vain que quelqu'un, à la foire internationale où il l'expose, s'intéresse au prototype qu'il a quasiment construit de ses mains. Un marathonien court sans fin dans le stade des Jeux olympiques d'Athènes. Un écrivain fantôme outrepasse son rôle. Perdus dans le labyrinthe de leurs obsessions, ces héros abandonnés poursuivent inl... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
Ce recueil de quatre nouvelles, paru en initialement en Algérie aux éditions Barzakh, fut le premier livre de Kamel Daoud publié en France en 2011 (éditions Sabine Wespieser) : à travers les monologues de quatre hommes, dans des textes d'une force poétique impressionnante, Kamel Daoud raconte, avec en filigrane toute l'histoire algérienne du vingtième siècle, la volonté de reconnaissance et de surmonter les failles du passé d'un pays meurtri, préfigurant son magnifique roman «Meursault, contre-enquête» (Actes Sud, 2014).

«Le Minotaure 504» est le soliloque d'un chauffeur de taxi, un ancien soldat qui a défendu la ville d'Alger pendant son service militaire, et qui ne supporte pas les transformations de la ville, ni l'indifférence dont il a été l'objet. Il conduit donc ses passagers sur la route d'Alger, tout en leur conseillant de ne pas s'y rendre. Se pensant transformé en monstre par cette route et sa destination fatale, l'homme fustige une attirance désastreuse pour Alger dont il fut lui-même victime, dans un soliloque halluciné et rageur contre une cité dépeinte sous les traits d'une créature sexuelle déviante.

Dans «Gibrîl au kérosène», attendant dans une foire internationale que quelqu'un vienne enfin lui parler, un officier de l'armée de l'air algérienne, qui a consacré sa vie et réussi à fabriquer des avions, tente en vain de lutter contre l'indifférence envers ses machines volantes.

«Je ne suis pas un génie mais je sais fabriquer des ailes à partir de n'importe quoi. Avec du papier, du métal, des discours, des chiffres ou mêmes avec des mots. C'est donc ce peuple qui ne fonctionne pas. Il ne croit pas aux miracles. On y devient plus célèbres lorsqu'on tombe que lorsqu'on décolle. Je ne sais pas d'où ça vient. Peut-être, sûrement, du passé. Nous avons été tellement écrasés que le jour où nous nous sommes levés notre échine est restée courbée. Peut-être aussi que nous sommes allés si loin que dans l'héroïsme en combattant les envahisseurs que nous sommes tombés dans l'ennui et la banalité. Peut-être aussi que nous sommes convaincus que tous les héros sont morts et que ceux qui ont survécu n'ont pu y arriver que parce qu'ils ne sont cachés ou ont trahi.» (Gibrîl au kérosène)

«L'ami d'Athènes» est un des plus beaux textes que j'ai lu sur une course, le monologue intérieur d'un coureur algérien pendant le dix mille mètres des Jeux Olympiques d'Athènes, course qui est autant une fuite pour échapper au passé qu'une conquête de la victoire.

«J'ai compris surtout que jamais il ne fallait que je m'arrête, même si mes poumons étaient déjà deux grosses braises, qu'il me fallait aller au-delà de la ligne d'arrivée, que je ne devais pas être trompé par les applaudissements et que j'avais quelque chose à faire au bout de quelque chose à atteindre. Je me suis souvenu que je venais de trop loin pour m'arrêter ici, que je courais depuis mon enfance pour atteindre cette ville, et ma véritable course n'était pas celle des mille cinq cent mètres, ni celle des cinq mille ni celle des dix mille mètres qu'une trentaine d'autres coureurs me disputaient, chacun haletant dans son propre monde, gravissant sa propre pente, mais la course parfaite, celle que visent en secret tous les coureurs de fond, celle qui leur permet de continuer à l'infini, de ne jamais s'arrêter, de ne presque jamais mourir et dont la récompense n'était pas l'arrivée mais l'indépendance profonde, le détachement.» (L'ami d'Athènes)

La dernière nouvelle enfin, intitulée «La préface du nègre», met en scène un jeune écrivain chargé par un vieil homme analphabète de recueillir et de publier ses souvenirs, et qui les efface méthodiquement pour écrire son propre livre.
Ces quatre personnages, conscients de leurs racines, témoignent des maux du passé et des désillusions de la période postcoloniale, mais aussi de la détermination de se libérer des écrasements de l'histoire.
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Quatre nouvelles, quatre monologues.
Dans chacune d'elles c'est un homme qui parle, qui raconte "son" Algérie.
La première oppose l'authenticité du village à la corruption de la ville d'Alger, au travers des souvenirs d'un chauffeur de taxi pendant un trajet vers la capitale.
Dans la deuxième, le narrateur est un militaire féru d'aviation.
Pour la troisième, c'est un athlète pendant l'épreuve du 10.000 mètres aux Jeux olympiques d'Athènes (la meilleure à mes yeux).
La dernière est le récit du "nègre" payé pour coucher sur le papier les souvenirs d'un héros de la guerre d'indépendance.
Et finalement, c'est le thème de tout le recueil : évoquer la griserie de l'indépendance, et la désillusion de l'Algérie d'après.
L'écriture est belle, mais n'étant pas grande amatrice de nouvelles j'ai eu du mal à entrer dans l'univers de l'auteur.
LC thématique de février 2022 : ''Les petits livres”
Challenge Globe-trotter (Algérie)
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Le Minotaure 504...Des nouvelles de l'Algérie!! Pas un reportage, pas la une des journaux, pas l'Algérie que l'on nous démontre sur nos ondes d'ex colonisateurs, ou qui s'échappe des palais d'Alger. Non.! des voix d'Algérie !!!!
C'est un magnifique recueil de Kamel DAOUD que les Editions BARZAKH (publié en français par les Editions WESPIESER) nous propose et que Libfly nous permet de mieux connaître à l'occasion d'une nouvelle opération un éditeur se livre.
Quatre nouvelles, mises aux mots par le verbe d'un écrivain talentueux. Quatre nouvelles qui nous disent l'Algérie comme elle souffre. Dans un pays, libéré ( mais non libre...), ouvert sur la mer ( qu'elle voit comme une frontière...) , où la population est majoritairement très jeune ( où la commémoration annihile la création....) , plein de richesses ( où les richesses et les terres n'appartiennent pas au peuple), gorgé de soleil ( qui se vit comme le ferrage du désert) .....
Que se passe t il sur cette terre pour que le miracle de la "naissance" ne se réalise pas... Pourquoi l'Algérie ne croit elle pas en son destin? On le comprend en lisant le Minotaure 504. Lorsque qu'un peuple ne vit qu'en mémoire, lorsqu'une légende devient un mythe, que L Histoire devient ambre et pétrifie les hommes, quel élan viendrait briser cette malédiction que l'Algérie s'inflige?
J'ai pensé aux Damnés de la Terre de Frantz FANON, j'ai pensé également à Albertine Sarrazin qui écrivait : "On ne se lave pas du jour au lendemain de plusieurs années de routine et de dissimulation constante de soi. Lorsque la carcasse est libérée, l'esprit qui était jusque là la seule échappatoire, il devient au contraire l'esclave des mécanismes"....
Et puis j'ai rêvé, rêvé d'une Algérie guérie d'elle même, et à lire les mots de Kamel DAOUD je sais qu'elle y parviendra.
" ce peuple vivait sous terre à force d'aimer ses racines et d'en parler sans cesse", alors pensons au grain de blé qui sommeille et dont le destin est de germer lorsque la pluie nourrit la terre. La pluie viendra de l'écrit. Anaîs Nin écrivait : "Et vint le jour où l'idée de demeurer enfermée dans un bourgeon fut plus douloureux que le risque à prendre pour fleurir".
Merci à Libfly ! à Kamel DAOUD, aux Editions BARZAKH , aux Editions WESPIESER de nous offrir l'espoir de voir l'Agérie en fleurs.
Des nouvelles d'Algérie? Lisez le Minotaure 504.
Astrid SHRIQUI GARAIN
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Quatre nouvelles autour d'Alger et du fait d'être algérois/algérien. Kamel Daoud lorgne du côté du surréalisme parfois. Il diffuse un brin d'humour pince-sans-rire. Il dissémine un peu de sexe avec des sous-entendus.

On a un coureur du 10.000 mètres qui ne s'arrête pas au terme de la course. Un concepteur d'avion perdu dans sa névrose d'inventeur. Un "taxieur" qui sent le minotaure. Un nègre qui écrit une préface d'un livre qui n'a jamais existé.

C'est alléchant comme pitch.

Hélas pour moi, j'ai trouvé la langue trop travaillée. Les phrases très longues succèdent aux formules alambiquées. Cela manque de "viscéralité" pour moi, de rythme, du punch. C'est hyper léché. Alors cela ne m'a pas touché aux tripes, mais au cerveau. Il m'a donc manqué quelque chose.

Je retiens néanmoins Kamel Daoud pour une prochaine expérience, peut-être en roman. Qui sait?
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Le Minotaure 504 est le tire de la première nouvelle qui compose ce recueil. Des nouvelles qi donnent à voir une Algérie bien différente de celle du journal de 20h.
Au travers de ses textes, Kamel Daoud fait parler un peuple qui ne se sent jamais tout à fait libre, un peu comme s'il n'avait pas encore régler tous ses comptes.

La nouvelle qui m'a le plus marqué est celle qui termine le recueil, La Préface du négre. L'auteur donne la parole à un autre auteur, un écrivain qui pourrait très bien être lui et qui l'est peut-être... Un vieil homme demande un auteur d'écrire sa biographie, hors très vite l'auteur s'ennuie et invente. Ca tombe bien d'ailleurs le vieil homme ne sait pas lire et ne pourra donc jamais se plaindre sauf qu'il meurt après avoir brûlé le manuscrit. le plus beau manuscrit de l'auteur... Très belle métaphore du métier d'écrivain.



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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Un vrai verset satanique que celui qui me trotte dans la tête : " Un Arabe est toujours plus célèbre lorsqu'il détourne un avion que lorsqu'il le fabrique ! " C'est ce que pense le monde qui sait qu'il n'y a que deux sortes de peuples: ceux qui ont appris à marcher dans le ciel et ceux que se font marcher dessus .
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J'avais l'intuition, depuis ma jeunesse, que ce pays souffrait non pas d'un manque de nourriture et d'espoir, mais d'un mal encore plus terrible et qui pouvait conduire à la construction de pyramides ou à la perpétration de massacres : le désœuvrement. Il me semblait que l'ancien Colon aurait dû nous laisser quelque chose de plus important et de plus utile que l'Indépendance, un simple cessez-le-feu capable de nous maintenir à l'intérieur de la seule véritable aventure que nous ayons vécue : la guerre.
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J'étais l'enfant d'un peuple pour qui la mémoire n'est pas une arrière-cour, un vieux coffre ou une racine comestible, mais un mauvais animal muni d'une seule narine, un trou mouvant qui vous poursuit partout, à l'odeur de sueur, un poids dont on ne peut distinguer que le maigre portefaix. Une mémoire sous la forme d'un véritable pays trompeur où rien ne pousse de ce qu'on pourrait cuire et manger, et les choses se contentent de remonter le courant jusqu'à vous faire perdre de vue la terme ferme. Il suffit de rien, d'un moment de distraction ou d'une intense réflexion, sur quelques "pourquoi?" pour que la mémoire tire le siphon, vous vide de vous-même, vous remplace par une pancarte cassée et vous transforme en spectateur de votre propre corps et de votre vie, vus de loin, à peine parents, et auxquels vous n'êtes plus lié que par un long fil comme celui des grands cerfs-volants qui ne veulent pas descendre.
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Ce peuple était creux de l'intérieur depuis trop longtemps et vivait sous terre à force d'aimer ses racines et d'en parler sans cesse. Pour lui, on ne pouvait voler dans le ciel que si on était un oiseau, un Américain, un avion importé, un mort ou une cigogne.
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J'avais l'intuition, depuis ma jeunesse, que ce pays souffrait non pas d'un manque de nourriture et d'espoir, mais d'un mal encore plus terrible et qui pouvait conduire à la construction de pyramides ou à la perpétration de massacres : le désœuvrement.
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