Henri de Régnier3.33/5
3 notes
Les Jeux Rustiques et Divins
Résumé :
This is a pre-1923 historical reproduction that was curated for quality. Quality assurance was conducted on each of these books in an attempt to remove books with imperfections introduced by the digitization process. Though we have made best efforts - the books may have occasional errors that do not impede the reading experience. We believe this work is culturally important and have elected to bring the book back into print as part of our continuing commitment to th...
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L’ACCUEIL
Si tu veux que, ce soir, à l’âtre je t’accueille
Jette d’abord la fleur, qui de ta main s’effeuille ;
Son cher parfum ferait ma tristesse trop sombre ;
Et ne regarde pas derrière toi vers l’ombre
Car je te veux, ayant oublié la forêt
Et le vent et l’écho et ce qui parlerait
Voix à ta solitude ou pleurs à ton silence !
Et debout, avec ton ombre qui te devance,
Et hautaine sur mon seuil, et pâle, et venue
Comme si j’étais mort ou que tu fusses nue !
p.26
LES JEUX RUSTIQUES ET DIVINS
PÉRORAISON
Ô lac pur, j’ai jeté mes flûtes dans tes eaux,
Que quelque autre, à son tour, les retrouve, roseaux,
Sur le bord pastoral où leurs tiges sont nées
Et vertes dans l’Avril d’une plus belle Année !
Que toute la forêt referme son automne
Mystérieux sur le lac pâle où j’abandonne
Mes flûtes de jadis mortes au fond des eaux.
Le vent passe avec des feuilles et des oiseaux
Au-dessus du bois jaune et s’en va vers la Mer ;
Et je veux que ton acre écume, ô flot amer,
Argente mes cheveux et fleurisse ma joue ;
Et je veux, debout dans l’aurore, sur la proue,
Saisir le vent qui vibre aux cordes de la lyre
Et voir, auprès des Sirènes qui les attirent
À l’écueil où sans lui nous naufragerions.
Le Dauphin serviable aux calmes Arions.
p.30
Un petit roseau m’a suffi
Pour faire frémir l’herbe haute
Et tout le pré
Et les doux saules
Et le ruisseau qui chante aussi ;
Un petit roseau m’a suffi
À faire chanter la forêt.
Ceux qui passent l’ont entendu
Au fond du soir, en leurs pensées,
Dans le silence et dans le vent,
Clair ou perdu,
Proche ou lointain...
Ceux qui passent en leurs pensées
En écoutant, au fond d’eux-mêmes,
L’entendront encore et l’entendent
Toujours qui chante.
Il m’a suffi
De ce petit roseau cueilli
À la fontaine où vint l’Amour
Mirer, un jour,
Sa face grave
Et qui pleurait,
Pour faire pleurer ceux qui passent
Et trembler l’herbe et frémir l’eau ;
Et j’ai, du souffle d’un roseau,
Fait chanter toute la forêt.
LE VISITEUR
La maison calme avec la clef à la serrure,
La table où les fruits doux et la coupe d’eau pure
Se miraient, côte à côte, en l’ébène profond ;
Les deux chemins qui vont tous deux vers l’horizon
Des collines derrière qui l’on sait la Mer,
Et tout ce qui m’a fait le rire simple et clair
De ceux qui n’ont jamais désiré d’autres choses
Qu’une fontaine bleue entre de hautes roses.
Qu’une grappe à leur vigne et qu’un soir à leur vie
Avec un peu de joie et de mélancolie
Et des jours ressemblant, heure à heure, à leurs jours.
J’ai compris tout cela quand je t’ai vu, Amour,
Entrer dans ma maison où t’attendait mon âme,
Et mordre les fruits mûrs de ta bouche de femme,
Et boire l’eau limpide, et t’asseoir, et ployer
Ta grande aile divine aux pierres du foyer.
p.128
ARÉTHUSE
FLÛTES D’AVRIL ET DE SEPTEMBRE
LE FAUNE AU MIROIR
Extrait 2
Et puis des sables gris après des sables roux,
Les monstres du Désir, les monstres de la Chair,
Et, plus loin que la grève aride, c’est la Mer.
Tristesse, j’ai bâti ta maison, et les arbres
Ont jaspé le cristal des bassins comme un marbre ;
Le cygne blanc y voit dans l’eau son ombre noire
Comme la pâle Joie au lac de ma mémoire
Voit ses ailes d’argent ternes d’un crépuscule
Où son visage nu qui d’elle se recule
Lui fait signe, à travers l’à jamais, qu’elle est morte ;
Et moi qui suis entré sans refermer la porte
J’ai peur de quelque main dans l’ombre sur la clé ;
Et je marche de chambre en chambre, et j’ai voilé
Mes songes pour ne plus m’y voir ; mais de là-bas
Je sens encor rôder des ombres sur mes pas,
Et le cristal qui tinte et la moire que froisse
Ma main lasse à jamais préviennent mon angoisse,
Car j’entends dans le lustre hypocrite qui dort
Le bruit d’une eau d’argent qui rit dans des fleurs d’or
Et la stillation des antiques fontaines
Où Narcisse buvait les lèvres sur les siennes
Par qui riait la source au buveur anxieux ;
Et je maudis ma bouche, et je maudis mes yeux
D’avoir vu la peau tiède et touché l’onde froide,
Et, quand mes doigts encor froncent l’étoffe roide,
J’entends, de mon passé bavard qui ne se tait,
…
p.28
INTRODUCTION :
« […] Prokosch (1906-1989) est un errant lucide. Il se refuse à être enchaîné par les lieux et par le temps. Il n'est pas gorgé de l'inévitable nostalgie des chercheurs d'infini. Il ne dédaigne pas les vignettes qui laissent à penser qu'une terrible beauté est en train de naître.
[…]
Si Prokosch pense que le monde a l'air de stagner, paradoxalement, il pense surtout (comme le magnifique Henri de Régnier[1864-1936]) que vivre avilit. Que le désir du beau, si cher à l'homme, fond comme neige au soleil à mesure que le temps passe. Alors, écrit-il, « le désir du beau devient une effrayante parodie, une espèce de rituel obscène, et finit par gâter précisément ce qui en nous est le plus proche de l'éternel. »
CHAPITRES :
0:00 - Titre
0:06 - Chant
1:07 - Ulysse brûlé par le soleil
3:22 - le boulevard
5:35 - Ode (V)
7:06 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE :
Frederic Prokosch, Ulysse brûlé par le soleil, traduit et présenté par Michel Bulteau, Paris, Orphée/La Différence, 2012.
IMAGE D'ILLUSTRATION :
https://www.ebay.com/itm/194547165187
BANDE SONORE ORIGINALE : le Chaos Entre 2 Chaises - Avant la Chute
Avant la Chute by Le Chaos Entre 2 Chaises is licensed under an Attribution 4.0 International License.
https://freemusicarchive.org/music/le-chaos-entre-2-chaises/reflets/avant-la-chute/
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