Une lecture émouvante... L'amour, la complicité précieuse entre un père et un fils... et la passion absolue pour les deux, de "raconter des histoires"... dans tous les sens du terme, du positif au plus ambigu;dans la vie de tous les jours....et bien sûr , le noble et prestigieux rôle de l'Ecrivain...
Après avoir prêté à un proche les deux livres sur le Mali d'Erik Orsenna,"Madame Bâ" et "Mali ô Mali" (que j'ai lus tout récemment avec enthousiasme),ce proche m'a fait la gentille surprise de m'offrir son dernier "roman", à forte résonance autobiographique, "L'Origine de nos amours"...
Un livre tour à tour, léger ,drôle, émouvant, profond sur les liens très forts entre Erik et son père. Il est également question de l'écriture, de son parcours d'écrivain, des histoires de famille, de ses parents, des origines cubaines des ancêtres, du choix de son "nom de littérature" [lié à Julien Gracq], et au centre de cette mosaïque personnelle et littéraire, le grand sujet de discussion entre le père et le fils : l'origine de nos amours ?!, Pourquoi cette malchance réciproque des amours ratés, manqués, mis en échec;
que cela soit pour le père comme pour le fils, ce qui enclenche le récit familial du père sur les ancêtres pour expliquer comme une sorte de fatalité, de "malédiction familiale"...qui pèse sur eux, et leurs relations aux femmes ...
Hormis l'origine de nos amours, il y a les mots, la littérature, le plaisir quasi maladif de raconter des histoires, encore et encore...Erik Orsenna narre parallèlement ses rencontres amicales, littéraires et son affection et admiration pour Julien Gracq...
Un "roman personnel", attachant, pétri de gaieté, de facéties, mais aussi de nostalgie, d'émotions d'enfance, de jeunesse, d'attachement filial exceptionnel... Sans omettre l'art de raconter des histoires, mensonges, vérités mêlées, incontournables !!
"-Pour un romancier, le mensonge est une obligation, non ? Ce serait la vérité la faute professionnelle. "(p. 212)
Je reste fascinée par la multiplicité des univers, des atmosphères que l'écrivain parvient à transcrire, faire partager à ses lecteurs !!!
Un vrai joli livre qui emporte, bouleverse, chavire, fait sourire !!
"Pourquoi ce père avait-il tellement besoin d'histoires ? Tellement besoin de les entendre ? Tellement besoin de les raconter ?
D'ordinaire, les hommes sont plutôt taiseux. Ils croient, les imbéciles, qu'ils n'ont pas de temps à perdre avec les "il était une fois". Et que dire, c'est s'épancher, et que les mots personnels sont comme les larmes: juste bonnes pour les femmes.
Pourquoi chez lui, cette passion du récit ?
L'héritage familial avait sa part. Lorsqu'on descend, comme vous savez, de tellement d'ancêtres latino-américains, on porte dans ses gènes le chromosome du narratif". (p. 238)
Commenter  J’apprécie         390
Avec sa malice habituelle, Erik Orsenna tisse un récit qui cavale, pétarade, ébouriffe.
Lire la critique sur le site : LesEchos
Un récit rocambolesque et un éloge de la fiction.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Cela dit, je vérifiais, une fois de plus , le cauchemar de vivre dans une famille dotée d'un écrivain: ce genre de prédateur se nourrit de tout, et surtout de glauque, de l'inavouable, il recycle, à sa guise, il empire ou enjolive car c'est lui qui raconte. Il faudrait bien que je finisse un jour par accepter cette désagréable évidence: je n'avais jamais eu et jamais je n'aurai le monopole de l'amour de mon père. (p. 251)
- Le gène des amours impossibles, il existe ?
(...)
-S'il vous plaît, Françoise, encore une minute. J'ai appris que pour déclencher une maladie, il faut le plus souvent que se combinent plusieurs gènes. Pour notre cas, ce serait le gène de la passion des voyages allié au gène de la curiosité allié au gène de la timidité surmonté par le gène du culot...
-Arrêtez, s'il vous plaît, arrêtez. Je croirais entendre votre père. Encore plus obstiné donc encore plus fou. (p. 248)
Mon père est un héros.
Personne ne m’arrachera du cœur cette conviction. D’accord, il ne fut pas résistant. D’accord, il ne fit sauter aucun train. D’accord, il s’est engagé un peu tard, alors que le Second Conflit Mondial venait de finir. Mais il avait signé le formulaire avant Hiroshima, avant Nagasaki. Qui pouvait prévoir le double champignon atomique ?
Il a donc failli devenir un soldat de grande valeur. Première preuve de sa nature de héros.
Passons à sa seconde gloire.
Soyons francs : il n’a pas évité seul la conflagration qui faillit plus tard éclater entre les États-Unis et la Russie soviétique, entre le « Monde libre » comme on disait encore et les « lendemains qui chantent », comme on n’osait déjà plus dire. Mais un jeune homme qui, en 1949, décide de reprendre une petite usine d’aimants, cet homme-là est, à l’évidence, un militant de la paix, un apôtre du Rapprochement général, un ennemi convaincu de la Guerre à toutes les températures, chaude ou froide.
Les aimants produits par cette minuscule usine servaient à fabriquer des jouets. Je vais vous expliquer. Soit une figurine de skieur. Vous lui collez sous les chaussures un morceau de métal. Vous le placez sur une étendue blanche parsemée de portes de slalom. Sous la piste se trouve l’aimant. Il vous suffit de le bouger pour entraîner le skieur. De même avec des modèles réduits de voitures ou de motos.
Mon père aurait-il consacré toutes ses forces aux aimants s’ils n’avaient contribué à égayer la jeunesse tout en lui apprenant que le mouvement, c’est la vie ?
Militaire, pacifiste, pédagogue, je vous avais prévenu : mon père fut un héros. (p. 25)
Julien Gracq avait raison: je pensais à cette étrange agitation de l'âme dont nous faisons si grand cas et ce que nous avons appelée -les sentiments-. Je pensais à nos sentiments à nous, humains. Pourquoi ne seraient-ils pas gouvernés par les mêmes mouvements que ceux de notre planète ? Pourquoi la géologie ne dicterait-elle pas sa loi à la psychologie ? Les femmes que j'avais aimées jusqu'à présent s'étaient éloignées peu à peu. Nous avions dérivé, comme les continents, comme l'Amérique s'éloigne de l'Afrique. (p. 188)
Les portes ont des complicités particulières avec les écrivains. Elles savent quand nous voulons du calme. Elles résistent à l'intrusion , elles égarent les clefs, elles se bloquent. Et lorsqu'elles sont bien forcées de céder à la poussée de l'importun, elles grincent. Au moins pour avertir. (p.14)
C à vous https://bit.ly/CaVousReplay
C à vous la suite https://bit.ly/ReplayCaVousLaSuite
— Abonnez-vous à la chaîne YouTube de #CàVous ! https://bit.ly/2wPCDDa —
Et retrouvez-nous sur :
| Notre site : https://www.france.tv/france-5/c-a-vous/
| Facebook : https://www.facebook.com/cavousf5/
| Twitter : https://twitter.com/CavousF5
| Instagram : https://www.instagram.com/c_a_vous/
Au programme :
• Objectif Terre :
L'urgence climatique au coeur des réflexions de nos invités, Erik Orsenna, Marion Cotillard, Alain Juppé, Thomas Pesquet ou encore Julian Bugier.
• Vivre deux cultures :
Quand l'historien Benjamin Stora ou le réalisateur Alexandre Arcady nous ont confié leurs souvenirs d'Algérie, l'exil forcé, le déracinement et leur nouvelle vie en France, à laquelle Enrico Macias n'en finit pas de faire des déclarations d'amour.
+ Lire la suite