Printemps

Pa Kin (ou Ba Jin selon une transcription plus récente) (1904-2005) dont le destin a été intimement lié aux évènements qui ont bouleversé la Chine du XXème siècle, est une des figures les plus emblématiques de la littérature chinoise de sa génération, au même titre qu'un Lao She.

"Printemps" constitue le second volet de sa trilogie "Torrent" considérée comme son oeuvre majeure.

Ce roman s'inscrit donc dans la continuité de Famille" puisque nous retrouvons les mêmes personnages...l'année suivante. Nous ne suivons pas Juehin (Eveil de l'intelligence) (*) dans sa nouvelle vie mais restons au sein de la même famille. Les cousins et cousines des troisième, quatrième et cinquième branches, les personnages féminins appartenant à cette jeune génération, en dehors de Qin-Cithare que nous connaissons déjà, sont projetés ici dans la lumière et prennent plus de consistance. le vieux patriarche despotique a quitté la scène cédant désormais son pouvoir et son autorité au troisième oncle Keming (Maîtrise de la lumière, l'avocat). Tout change ...et rien ne change.

Rien ne change en ce sens que la machine à broyer que constitue ce "modèle" social poursuit implacablement ses ravages: de nouvelles tragédies arrivent, d'autres se profilent à l'horizon, des filles doivent se soumettre à la seule volonté des pères ne jurant que par l'étiquette, les convenances et l'image sociale, au mépris de leur bonheur, voire de leur vie; quant aux fils, les plus faibles d'entre eux n'ont pas toujours un sort plus enviable...

Pourtant la décadence du système amorcée précédemment se poursuit: en arrière-fond, le contexte menace la pérennité des revenus fonciers sur lesquels ces familles ont assis leur opulence, leur mode de vie plus ou moins oisif. Mais surtout, l'image respectable de la famille se fissure de plus en plus sous nos yeux révélant au grand jour turpitudes et mesquineries sous le vernis des apparences vertueuses. Nous assistons à des spectacles de plus en plus affligeants: scènes de ménage dégénérant en véritables querelles de chiffonniers données en spectacle devant les domestiques, servante s'en prenant au maître d'une autre branche...dégénérescence que ne parvient plus à contrôler le nouveau chef de famille.

En contrepoint de tout cela, souffle et s'amplifie un vent nouveau sur une partie de la jeunesse, exaltée par les idées de liberté que véhiculent la littérature occidentale et la révolution russe, une jeunesse qui ose se rebeller, finira par faire bouger les lignes, et considère désormais que "le printemps (lui) appartient."

Je dirais que finalement, ce second volet ne nous apporte pas grand-chose par rapport au premier. Dépouillé de ce qui faisait l'intérêt de ce dernier, à savoir la découverte et l'analyse du fonctionnement de cette microsociété, il nous reste une chronique parfois fastidieuse de la vie de ces adolescents partagée entre jeux et gamineries futiles et conversations où se mêlent tristesse, frustration, désespoir, résignation mais aussi colère, indignation et révolte. Il faut attendre plus de la moitié du livre pour que l'intérêt du lecteur soit vraiment réveillé par les déboires de Hui et à nouveau des informations intéressantes sur les rituels des mariages anciens, notamment la cérémonie d' échange des présents dans laquelle la présence de la future mariée n'était même pas requise. Edifiant!