Babelnautes, babeliens ou babeliotes, il nous arrive bien, à moment ou à un autre, de nous retrouver totalement à contre-courant par rapport aux appréciations positives et majoritaires attribuées à un ouvrage qui aura été plébiscité par un nombre important d'autres lecteurs. C'est mon cas aujourd'hui, avec
SMALL WORLD (sur 267 notes référencées sur le site, 207 se situent entre quatre et cinq étoiles!).
En plus, quoi ?? Prix de la critique littéraire française du premier roman étranger en 1998 (!) Classé par un prestigieux magazine français en 2011 parmi les 10 livres de la décennie écoulée à lire absolument(!) Pardieu ! Je fais quand-même fort, moi, en la matière!
Je découvre cet écrivain suisse d'expression alémanique, ancien publicitaire et journaliste, avec ce livre, SMALL WORD. N'était-ce une certaine «efficacité» à dissimuler pendant un moment, sous une mince couche de vernis, ce que je finirai tout de même par considérer comme des insuffisances de construction à mon sens impardonnables et des grosses ficelles tout à fait dispensables, j'aurais sans aucun doute abandonné cette lecture en cours de route. J'accorderais donc volontiers à l'auteur une certaine astuce, celle qui aura quand-même réussi à me faire aller jusqu'au bout.
Au début, c'est vrai, je m'étais dit : tiens, ça promet, le mec a l'air de faire le job, c'est fluide, on avance, on accroche aux enjeux de l'intrigue, aux personnages, l'auteur semble tenir bien le fil de son histoire, en plus sans vouloir à tout prix faire du «littéraire» ou insérer des fioritures superflues dans un récit réaliste, comme je les aime parfois chez certains anglo-saxons, ça raconte, c'est bien construit, il est des personnages intéressants, il y a un thème de fond, sensible et toujours d'actualité hélas, qui, certainement comme beaucoup d'autres lecteurs, m'intéresse moi aussi tout particulièrement, sujet à la fois profondément humain et si délicat à aborder : la maladie d'Alzheimer.
Arrivé à mi-parcours, mes attentes s'étaient déjà cependant pas mal érodées par ce qui m'avait paru relever d'une accumulation de plus en plus insidieuse de raccourcis, d'imprécisions, de caricatures au niveau des personnages (d'un côté, des très riches, insensibles, cyniques et manipulateurs, de l'autre, des moins riches, quand-même riches - enfin, on est bien en Suisse là, n'est-ce pas ? – mais à contrario, très généreux, désintéressés, très gentils...), et enfin par des retournements parfois aussi improbables que subites dans le développement de l'action et de l'intrigue: un sevrage alcoolique spectaculaire, miraculeux et quasi instantané, «grâce à l'amour», la description d'un tableau d'Alzheimer débutant juste après ce sevrage, dont l'évolution et la cohérence clinique m'ont paru aussi très largement expédiées, mises plutôt au service du tempo et soumises aux aléas d'une intrigue pseudo-hitchcockienne servie par une sombre histoire de secret de famille et d'usurpation d'identité, aux rouages inconsistants et très prévisibles, en tout cas pour moi, avant un dénouement aussi pathétique que capillotracté !
Pour avoir personnellement suivi de près une personne de mon entourage qui m'était très chère, atteinte de la maladie d'Alzheimer, j'avoue en plus avoir personnellement très mal vécu l'utilisation qui a été faite ici d'une pathologie dont, faut-il vraiment le rappeler, les traitements actuels ne peuvent toujours pas empêcher un progression malheureusement inéluctable, juste la ralentir dans le meilleur des cas, ni permettre la rémission des symptômes et des pertes cognitives déjà subies par les personnes malades. Ce ne sont pas tant les imprécisions et le manque de cohérence concernant la progression de la maladie se déclarant ici chez un personnage de 65 ans qui me font réagir de manière aussi épidermique, mais plutôt le fait que cette histoire ne porte en elle-même en fin de compte aucun regard particulier sur une maladie à laquelle elle semblait néanmoins accorder dans un premier temps une place importante, et qu'elle finit par assujettir aux besoins narratifs d'une intrigue sans aucun lien avec celle-ci, voire, pire encore à mon sens, à ceux d'un dénouement lui aussi aberrant, insupportable, sorte de happy-end tiré par les cheveux et alambiqué, où tout va mieux, on aura essayé une nouvelle molécule sur le malade, ou sont-ce peut-être les effets des piqûres d'insuline avec lesquelles quelqu'un aura essayé de l'assassiner (?), peu importe, les symptômes de la maladie régressent, les bons se marient enfin entre eux, les méchants périssent et deviennent (oh !) bienfaiteurs à titre posthume (!), une fondation de recherche médicale de la maladie portera même le nom de ces derniers à l'avenir !
Je ne comptais pas me prononcer ici, de manière plus étendue et catégorique, sur un auteur que je connais peu. En essayant cependant de me renseigner sur sa biographie avant de rédiger ce billet, je suis tombé par hasard sur un site web conçu et animé par
Martin Suter. Je m'abstiendrai et pour cause, vous verrez, de vous en indiquer le lien. Je vous dirai juste que ce site a reçu le prix Best of Swiss Web 2020, dans la catégorie «commerce numérique», car il s'agit, si vous ne l'avez pas encore compris, d'un site payant. Pour 50€ d'abonnement annuel, que vous avez également la possibilité d'offrir à un ami, l'auteur se chargeant en outre, dans ce cas, d'écrire de sa propre main, sur le chèque-cadeau, la dédicace que vous aurez personnellement choisie pour votre ami (!), il vous sera ensuite possible de suivre, par l'intermédiaire de rubriques diverses et en temps réel, la vie et l'activité de l'écrivain suisse à succès Par exemple, en ce moment, selon les mots de l'auteur lui-même lors d'une interview à propos de son site, vous aurez accès à «une suite, en live, d'un de mes best-sellers, «
Lila,Lila», une histoire d'amour sortie il y a 17 ans et qui ne s'était pas exactement terminée sur un happy end»...
Je n'ai pas d'autres commentaires à rajouter, et je vous laisse éventuellement tirer vos propres conclusions.