Gauguin aux Marquises

Cette biographie de Paul Gauguin déroule l'itinéraire kafkaien d'un artiste génial, visionnaire, perpétuellement décalé avec son temps, parfois même incompris de ses propres amis, dont le destin pictural est époustouflant, dont la vie ressemble plus à une dérive de galérien, qu'à la vie idyllique d'un tahitien entouré de vahinées.
Oublions nos fantasmes, les atolls qui font rêver on les trouve aux Tuamotu pas aux Marquises.

Le récit de laure Dominique Agniel est au plus près de Gauguin, de sa vie d'homme et d'artiste, son travail méticuleusement mené, analyse et enrichit son récit de multiples extraits de lettres ou de documents administratifs en tous genres. Ainsi les moindres déplacements de Paul sont notés, expliqués, des témoignages complètent ou motivent ces chemins de traverse.

Paul Gauguin moitié péruvien par son père, aura donc bien séjourné au Pérou et au Panama, d'où il espérait rejoindre Papetee, un premier fiasco, et ce sera le retour pour la France. Sa famille péruvienne ne s'intéresse plus à Flora Tristan sa grand mère ou à Aline sa mère, et la famille rentrera en France. où Flora fera parler d'elle, féministe avant l'heure.

Retour comme un avant goût des incessants retours en France, souvent perdants de Gauguin, à la recherche de sa famille danoise par sa femme, qu'il espère réconcilier ou à la recherche de reconnaissances pour ses peintures si étranges, si novatrices.

L'essentiel de l’œuvre de Gauguin est celle qu'il a peinte en Polynésie. laure Dominique Agniel y consacre une très large place.
Il faut néanmoins évoquer la période très heureuse de Gauguin en Bretagne à Pont-Aven puis au Pouldu. Grâce à cette effervescence picturale partagée avec de nombreux artistes, sa peinture s'est amplifiée, reconstruite, évoluant vers des pratiques nouvelles, s'est affirmée, entre Sérusier ou Emile bernard.
De même sa rencontre avec Van Gogh sera houleuse mais déterminante.

Son arrivée à Papetee va rebattre toutes les cartes de sa créativité.
Dans un premier temps, on peut parler de déception quand l'artiste voit se déliter la culture Maori.
Il n'y avait qu'un roi de moins.
« Avec lui disparaissait les derniers vestiges des habitudes et des grandeurs anciennes.
Avec lui, la tradition maori était morte.
C'était bien fini. La civilisation hélas ! Triomphait...
Le rêve qui m'amenait à Tahiti était cruellement démenti par le présent :
c'était le Tahiti d'autrefois que j'aimais. »
p59


Paul Gauguin a un siècle d'avance, ce qu'il peint, sculpte ne plait pas , il sera totalement incompris avant qu'un Matisse, un Derain ou un Picasso ne découvrent, l'immensité de son talent.
Puis Victor Segalen comprendra toute la dimension intellectuelle de son travail, de son dessein, sauver une culture , même seul et sans la totale adhésion des marquisiens.

Cruel fut son emprisonnement peu avant sa mort par une petite bande de fonctionnaires acariâtres et libidineux ; foutaises ces attaques délirantes, contre la nudité, pauvre pudibonderie dira Gauguin dans son livre testament, qui nous donne sa vision, dans Avant et Après.

Quel voyage en pays Maori, quand aujourd'hui les marquisiens sont à la recherche de leur coutumes, de leurs danses, et leurs chants!
Ironie de l'histoire c'est avec un certain le Cléac'h, évêque que ce travail de mémoire a commencé, réconciliant l'église et le passé Maori !
Que de chemins, d'océans, de nations traversés, où son œil s'est arrêté, bouleversé par les dessins et les sculptures primitives, reçues par lui comme l'expression sublime d'un peuple d'une originalité extrême ;
comme je suis fier de vivre ces découvertes avec mon petits fils originaire de l'archipel des Tuamotu ; et de parcourir des ouvrages qui illustrent ces cultures.
Un excellent livre, comme une synthèse de ce qu'il faut savoir pour faciliter notre découverte de ses multiples créations, pour pénétrer dans l'ensemble de l’œuvre de Paul Gauguin.