"Les premiers à arriver du Moyen-Orient étaient porteurs de papiers de l'Empire ottoman, et c'est la raison pour laquelle ils sont, de nos jours encore, appelés Turcs, de cette brave population turque qui, avec tant d'autres, a contribué à former, par amalgame, la population brésilienne ."
Raduan Murad, libanais chrétien,buveur de qualité,champion du baratin et de la bamboche, philosophe à ses heures , Jamil Bichara, syrien musulman de confession chiite, grand travailleur et "fougueux étalon particulièrement recherché par les dames de petite vertu ", et Ibrahim Jafet, veuf éploré,vieux roublard, bon vivant, joyeux fumiste,sous le joug de sa fille ainé qui le harasse pour le remettre dans le droit chemin, sont les trois turcs de notre histoire.
Porté par la plume hilarante, chargée de grivoiserie de Jorge Amado, on suit les pérégrinations de ces trois compères en but de combines pour une vie où le blé et le zizi-panpan sont les principaux ingrédients.
Des personnages truculents les accompagnent, Glorinha Cul d'Or, la danseuse de cabaret et dame de petite vertue à ses heures, Adma,la planche à repasser, fameuse fille aînée de Jafet,Samira, l'allumeuse, la diablesse, autre fille de Jafet, Adib , grand gaillard,sec,musclé et poilu, faisant penser à un dromadaire,serveur de bistrot.....
Ce court roman de 129 pages est une commande qui a été écrite lors des célébrations du cinquième centenaire de la découverte de l'Amérique. Vous le conseille fortement pour un bon moment de lecture par ces derniers jours de l'été.
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J'étais superficiellement informé de l'existence d'une minorité dite "turque" au Brésil, composée d'Arabes du Moyen-Orient (sujets ottomans, d'où leur dénomination), émigrés dans les forêts vierges du Nordeste et de Bahia au début du XXe siècle.
Ce "mini-roman" est le récit truculent, baroque, sensuel, remarquable de drôlerie et d'hyperboles de trois d'entre eux : le joueur et jouisseur professionnel Raduan - "professeur" et philosophe à ses heures -, Jamil qui, installé par son grand-oncle mollah sous la protection d'Allah, saura se préserver de la tentation de l'or et de la chair tissée par le Chitân et rester dans les bonnes grâces de Glorinha Cul d'Or et des autres charmantes de chez Madame Afonsina, et Ibrahim qui, veuf inconsolable de Salua la Souveraine, se retrouve bientôt impuissant entre la gestion de sa mercerie et la domination de quatre filles : trois volages et une harpie lanceuse de maléfices.
La quintessence de la prose d'Amado.
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Ce titre énigmatique annonce un bref récit, écrit dans une veine très picaresque. Nous sommes dans l'état de Bahia au Brésil, une région qui commence juste son développement, au début du XXème siècle. Une petite colonie d'Arabes (d'origine ottomane) habite dans un village. Depuis qu'il est devenu veuf, Ibrahim a perdu le goût de vivre. Il souffre de la tyrannie domestique de sa fille aînée, Adma, qui est toujours célibataire. Raduan, son partenaire de jeu, reçoit ses confidences et comprend qu'il est urgent de trouver à Adma un époux qui, en plus, pourrait reprendre en mains le magasin d'Ibrahim (qui périclite). A cette fin, Raduan se lance dans une négociation avec le jeune Jamil qui lui semble être un bon parti. Mais Adma est laide et acariâtre ! Jamil est-il prêt à se mettre la corde au cou ? En définitive, c'est Adib qui emportera la mise et domptera Adma, par « la carotte et le bâton ».
Toute cette histoire, racontée avec beaucoup d'humour et de fantaisie, est empreinte d'un joyeux cynisme et d'un "machisme" décomplexé. Tous les personnages, aussi bien masculins que féminins (Ah, Glorinha Cul d'Or !), sont très typés et hauts en couleur. Pendant cette brève lecture, j'ai passé un moment très attrayant.
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On n'a jamais su la teneur exacte de la conversation qui s'engagea en cette soirée itabunaise entre Raduan Murad et le jeune Adib Barud.Ils dialoguèrent sans témoin, et ne firent confidence à personne des thèmes abordés. Ce qui n'empêcha pas certaines personnes de rapporter mot pour mot le long entretien, sans oublier les intonations, les éclats de rire, la densité des silences. p. 63
Bien décidé à préserver sa liberté, il appréciait par-dessus tout le droit à demeurer maître de son temps, qu'il ne voulait pas gouverner en fonction des aiguilles d'une horloge.
Page 18
Quant à dire, comme le faisaient certains par jalousie, que c'était un adversaire déterminé du travail, qu'il l'avait en sainte horreur, comme c'est souvent le cas des gens instruits, c'est là, bien évidemment, pure injustice et malveillance.
S'il est vrai qu'en sa prime jeunesse, le professeur (ainsi l'appelait-on souvent par déférence) s'était refusé obstinément à entreprendre des activités peu en rapport avec ses capacités intellectuelles, il n'y avait pas de travailleur plus assidu et ponctuel que lui à une table de poker ou de tout autre jeux de hasard. De hasard ?
A en croire les historiens ibériques, tant espagnols que portugais, la découverte des Amériques par les Turcs,lesquels ne sont pas le moins turcs, mais arabes de bonne souche, a eu lieu très tardivement, à une époque relativement récente ; en tout cas, pas avant le siècle dernier.
(p. 56-57)
[Raduan] déplora qu’Adib ne s’intéressât qu’aux filles de planteurs et dédaignât les filles de commerçants. Dommage.
« Qui vous a dit ça, professeur ? Montrez-m’en une qui ne dis pas non, moi j’y cours, et tout de suite. (…)
- Même si la jeune fille n’était pas une de ces beautés, tu vois ce que je veux dire, même si elle était un peu tarte…
- Une femme qui a du fric, elle ne peut pas être si moche.
- Entièrement d’accord, mon gars. Je vois que tu as reçu une bonne éducation ».
Adriana Brandão auteur de "Les brésiliens à Paris, au fil des siècles et des arrondissements" vous parle d'un texte et d'un auteur important pour elle : "Dona Flor & ses deux maris" de Jorge Amado.