Sophocle me terrorisait pour découvrir la mythique
Antigone: à l'idée de lire de la tragédie écrite avant la naissance de Monsieur Christ, je tremblais devant la difficulté de la tâche, convaincue de n'être jamais à la hauteur. Donc comme peut-être un certain nombre de non-lecteurs de
Sophocle (oh si quand même, on doit être un bon paquet), je ne connaissais qu'un vague résumé de l'histoire et de sa morale. Et
Jean Anouilh m'a rendu un fier service en récrivant une version moderne le siècle dernier. Enfin accessible et vulgarisée, je pris un réel plaisir à cette lecture.
Avant tout, cours de rattrapage et présentation rapide de
Antigone (version 2015)
Acte I :
Antigone, gamine de 20 ans, part de loin la petiote: née de la relation de Oedipe d'un côté (le gars qui a fauté avec sa maman, bouuuh pas bien) et de Jocaste d'un autre (la fameuse maman incestueuse qui est donc mère et grand-mère d'
Antigone du coup). Donc déjà, ils ne sont pas très clairs dans la famille, y a comme qui dirait du complexe dans l'air.
Arrive ensuite la fratrie: Ismène, la grande soeur qui ne pense qu'à sa petite personne et son confort, et Etéocle et Polynice, les deux frangins qui rêvent tous deux du trône de Thèbes après la mort de papa Oedipe (Oui papa était roi de Thèbes en plus de coucher avec sa daronne). Mais au lieu de discuter tranquille et trouver un deal autour d'un verre, ils ne trouvent rien de mieux que de se mettre dessus et s'entretuer. Même pas fichus d'avoir un vainqueur. Donc bim, plus de frères.
Acte II :
Tristesse, chagrin, douleur, deuil. Entre en scène, Tonton Créon, roi de Thèbes (et oui y avait plus de frères, faut suivre) qui prend les choses en main : on ne rendra les honneurs funéraires qu'au valeureux Etéocle, tant pis pour Polynice, le sale vaurien, qui lui, pourrira dans un coin. Pas cool le tonton parce qu'on sent que ça va encore créer des histoires ça. Et pour bien montrer qui c'est le chef, il en rajoute une couche: le premier qui se la ramène et s'amuse à contrecarrer ses directives, bim aussi, la mort. Autant le dire, ça ne rigole pas.
Acte III :
Antigone, 20 ans on l'a dit, et donc rebelle à la famille et à l'autorité, même pas peur du Tonton, se met alors en tête d'enterrer dignement son frère quitte à en payer le prix fort. Elle se frotte aux injonctions tontonales malgré les mises en garde de sa nounou, sa frangine et même de son mec, Hémon (fils de Tonton et donc cousin d'
Antigone car les coucheries ça reste en famille chez eux).
Et tout comme dans Titanic on sait déjà que le rafiot coule à la fin avant même d'avoir démarré l'histoire, ben ici pareil, on connaît l'issue avant même l'ouverture du livre (le prologue est là pour nous le rappeler en cas d'oubli): un vrai carnage là-dedans, bim bim bim tous dead, Tonton peut pleurer.
Jean Anouilh présente l'histoire mieux que ça, rassurez vous.
En réactualisant sa version et en l'installant au coeur de la seconde guerre mondiale, elle est pour lui un excellent prétexte pour mettre le doigt intelligemment et subtilement sur la résistance face à un pouvoir impérieux et des décisions parfois ineptes. On peut peut-être juste regretter que Créon, représentant du pouvoir, apparaisse presque trop humain, et pas assez proche de la réalité de ces chefs d'états sous l'Occupation, plus souvent insensibles, froids, égotiques et inébranlables.
Antigone illustre, quant à elle, à merveille la placide mais déterminée résistante, forte et combative, prête à jouer sa vie pour obtenir justice.
Véritable bijou d'un point de vue littéraire, historique et symbolique, cette oeuvre, très complète, est largement abordable par les plus jeunes.
Aucun doute :
Antigone reste un grand classique intemporel et incontournable.