Je vous dirai ce que je crois qu'il reste à faire à un jeune homme de nos jours.
Oublier cette foire d'empoigne où nous avons tous vécu,
rentrer chez lui se marier, s'il trouve une bonne fille, avoir des enfants
- et servir à sa place, ou perfectionner son métier s'il en a un.
C'est déjà toute une aventure.
Autrefois c'était ça, une vie d'homme.
Avant que les Français se soient mis à faire de la politique et à prendre théâtralement la vie.
Ceux qui vous diront que la jeunesse a besoin d'un idéal sont des imbéciles.
Elle en a un qui est elle
et la merveilleuse diversité de la vie
- de la vie privée, la seule vraie.
LE FACTIONNAIRE :
Vive le Roi !
LE SERGENT entre :
Trop tard.
La voiture de Sa Majesté Louis XVIII fonce sur la porte de La Villette, vers les Flandres.
LE FACTIONNAIRE
Alors, vive l'Empereur !
Vous savez, sergent, en France on a l'habitude.
SERGENT :
Trop tôt.
La voiture de S. M. l'Empereur débouche à peine rue Saint-Honoré,
dans le même concours délirant de peuple qui acclamait la famille royale,
il y a six mois.
LE FACTIONNAIRE :
Alors, vive la République !
Moi je m'en fous !
Papa a tout servi.
On ne peut pas demander à des êtres humains de rester eux-mêmes,
dans l'ordure des prisons.
Toutes les prisons débordent d'innocence.
Ce sont ceux qui y empilent leurs semblables, pour de vaines idées,
qui sont les seuls coupables.
Tout ça, c'est la faute de Louis XIV.
A force de vous faire attendre à Versailles
dans l'espoir de la bonne place et de la grosse pension,
il a énervé la noblesse.
Il y avait des hommes en France, avant.
Un peu turbulents.
Mais avec une tête ou deux par an on s'en tirait.
Et puis, un jour, il n'y a plus rien eu du tout,
que des danseurs de corde.
(...) je ne puis pas être le Roi de la petite poignée d'hommes qui m'a été fidèle
- à moi ou à leur haine - je n'ai jamais voulu le démêler exactement.
Je ne suis pas le Roi des gens de Londres.
Je suis le Roi des millions d'hommes qui, bon gré mal gré,
sont demeurés et qui ont dû composer, comme ils ont pu,
avec ce qui leur tombait dessus.
Le voici, le deuxième épisode de notre série Dans Les Pages avec le grand romancier et journaliste Sorj Chalandon.
Merci à lui d'être venu nous parler de ses livres préférés, de G. Simenon, de F. Aubenas, De W.B. Yeats, d'Anouilh et de J. Vallès.
Tous les livres sont disponibles à la librairie et "l'enragé", le dernier roman de Sorj Chalandon est édité @editionsgrasset7893!
Bon épisode !
Arthur Scanu à la réalisation au montage et à la prise de son et Antoine Daviaud au mastering