C'est chiant
Alcools.
Apollinaire a fait de la merde
« Ta mère fit un pet foireux
Et tu naquis de sa colique »
de la poésie.
Apollinaire
a révolutionné la poésie en trouvant la beauté
là où elle n'était pas,
partant du principe,
qu'on ne risquait pas de la trouver,
là où on ne la cherchait pas.
Il a fait du commun ou du vulgaire
de la matière poétique,
s'attardant dans « Zone »
le poème liminaire,
aux noms de rues,
s'accrochant aux réverbères,
aux luminaires et aux enseignes
Précurseur du surréalisme,
Il serait aujourd'hui un professionnel
du marketing et, comme une professionnelle,
il aurait toujours le mot juste
pour vendre ce qu'on trouve dans les journaux,
avec une formule qui ferait vendre
comme de la poésie qui pourtant,
ne devrait rien vendre, ne devrait pas se vendre.
Apollinaire a expérimenté et il a commis des
calligrammes
et de la pornographie
Mais
Alcools, c'est surtout le recueil de la modernité
comme on dirait dans les classes.
Car il ouvre la voie aux surréalistes et aux publicistes
qui voient de la poésie partout, dans la tour Eiffel,
comme dans les poubelles de Paris.
Mais
Apollinaire est un révolutionnaire,
je vous l'accorde, surtout que je m'y connais en
Alcools
moi qui commande des Communards,
ou je n'y connais rien.
Cependant, je m'incline devant
Apollinaire
Quand je constate qu'il est moderne
tout en invoquant le Moyen-Âge,
Qu'il convoque dans ses poésies la Lorelei,
Merlin, et le Christ.
Qu'il proclame haut et fort que la religion est moderne.
Comme quoi, c'est un visionnaire,
Apollinaire,
Il est à deux doigts d'entrer dans une église,
mais il a honte de le faire ou peut-être qu'il a peur,
de s'enflammer comme Notre-Dame, s'il ose.
Il reste toujours à deux doigts en tout cas
de nous parler d'alcool, et de chair fraîche,
jamais d'eau fraîche, car il préfère l'eau-de-vie
et l'eau morte de la Seine sous le pont,
Il se déchaîne dans « Palais » qu'il dédie
à
Max Jacob, où le palais est à la fois
un lieu irréel, fantasmatique, étrange et familier,
où il fait bon vivre de manger les chairs mortes.
Le poème orgiaque répulse, dégoûte,
génère la nausée, et dois-je le répéter :
l'
Alcools est à consommer avec modération,
surtout lorqu'on est sujets aux in(di)gestions
ou à la goutte, la maladie de ceux qui n'en boivent
pas qu'une, de goutte. Et on se méfie
des colchiques vénéneux du poète,
plus réputés que la colique d'
Apollinaire.
Et on se demande si depuis la poésie nécrophile
de
Baudelaire, si depuis « la Charogne »,
la poésie se doit forcément d'être scatophile,
mais il est vrai que ça fait partie du cycle poétique
comme du cycle de la vie, de s'approprier
le sang et la merde et d'en faire des sécrétions poétiques,
et après tout, c'est plus que moderne,
c'est plus que d'actualité à l'ère des néoféministes
de découvrir chez
Apollinaire un morceau choisi
qui ne déplairait pas, j'en suis sûre, aux femmes extrémistes :
« Le soleil ce jour-là s'étalait comme un ventre
Maternel qui saignait lentement sur le ciel
La lumière est ma mère ô lumière sanglante
Les nuages coulaient comme un flux menstruel »