Loin des acrobaties verbales de Hourra L'Oural et des pirouettes surréalistes chez lui ,un peu artificielles , tandis que les bottes allemandes frappent le pavé,
Aragon retrouve ici sa voix profonde de chantre populaire -et pas populiste- venue de son amour de la liberté et du pays qui l'incarnait, la France républicaine -pas l'Etat français de Pétain et Laval- : il écrit le Musée Grévin en 1943, sous le manteau, aux Editions de Minuit. Lui, et aussi tant d'autres,
Paulhan, Vercors,
Eluard...risqueront leur vie pour ces simples vers...
Un recueil beau, courageux, essentiel : la poésie est aussi une résistance, le "dur désir de durer" aurait dit
Eluard..Celui de nommer surtout, pour faire connaître et pour conjurer. Comme dans ce poème-ci, par exemple. Ecrit en 1943:
C'est une absurdité que de mettre des rimes
A ce que chacun sait silencieusement
Mais serait-ce donner des ailes à leurs crimes
Que de dire en vers français les bagnes allemands
Moi si j'en veux parler c'est afin que la haine
Ait le tambour des sons pour scander ses leçons
Aux confins de Pologne existe une géhenne
Dont le nom siffle et souffle une affreuse chanson
Auschwitz Auschwitz ô syllabes sanglantes
Ici l'on vit ici l'on meurt à petit feu
On appelle cela l'exécution lente
Une part de nos coeurs y périt peu à peu