AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,01

sur 330 notes
5
29 avis
4
11 avis
3
5 avis
2
1 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
La ville de Blémont est libérée depuis peu et une partie de la cité est encore sous les gravats. Ainsi, nombreux ont été relogés chez l'habitant, plusieurs familles se partageant un même appartement. Une promiscuité source de nombreux problèmes.
Pour ne rien arranger, un collaborateur (Maxime Loin) est en cavale. L'ingénieur Archambaud, pris de pitié, le cache chez lui. Mais son appartement, outre sa femme et sa fille, est occupé également par les Gaigneux, des communistes militants, et le professeur Wattrin, un doux rêveur, veuf depuis peu sans être pour autant éploré (bien au contraire !).
Autour d'eux gravitent de nombreux personnages qui s'agitent, se bagarrent, se chicanent, se surveillent et se craignent. Car peu d'entre eux peuvent être fiers de leur attitude durant le conflit : entre une collaboration passive, le marché noir, les communistes arrivés en guerre sur le tard, les résistants de la dernière heure. Sans oublier les exactions durant la Libération que beaucoup souhaiteraient oublier.

Marcel Aymé dans ce roman se plait à illustrer toutes les bassesses et petites lâchetés des français sous l'Occupation. Monglat qui a fait fortune avec le marché noir et ne sait que faire de son argent, de peur que celui-ci révèle son trafic avec les allemands. Rochard, syndicaliste, qui veut tout bousculer pour cacher son inaction durant le conflit. Jourdan, marxiste issu de la bourgeoisie, qui ne rêve que du Grand soir pour cacher sa frustration de ne faire famille avec les communistes du cru. Sans oublier Léopold le cafetier, complice du marché noir, qui se retrouve au milieu de toutes ces intrigues alors qu'il ne rêve que de poésie et de vin blanc. Et tous ceux qui sont passé du Maréchal au Général sans se dégrader pour autant.
Un roman publié en 1948 et qui ne fut sûrement pas apprécié par tous à l'époque. Adapté avec réussite en 1990 par Claude Berri (avec l'inoubliable Gérard Depardieu dans le rôle du bistrotier). Une formidable réussite, une comédie cruelle et joyeuse pour une sombre vision de l'être humain.
Commenter  J’apprécie          90
Inquiété un temps à la Libération pour avoir publié quelques contes dans deux revues collaborationnistes, Marcel Aymé publie en 1948 Uranus. Beau pied de nez à tous les donneurs de leçon de morale patriotique, qui fleurissent pendant la période de l'épuration et des procès pour crime de haute trahison.
Dans la petite ville de Blémont balafrée et mutilée par les bombardements américains, les ennemis d'hier sont contraints de vivre sous le même toit dans les derniers immeubles qui tiennent debout. L'ingénieur Archambaud, jadis maréchaliste comme bon nombre de ses compatriotes, doit loger un membre du parti communiste dans son appartement. Tenaillé par le besoin de se racheter de sa lâcheté, il accepte d'héberger un collabo en cavale pour le soustraire à la vindicte populaire. le professeur Watrin, incorrigible humaniste, préfère observer les étoiles et les libellules plutôt que d'observer les luttes mesquines et les règlements de compte.
Au-dessus de la mêlée, Léopold, ancien champion de lutte devenu bistrotier, ignore superbement les rapports de force qui sont à l'oeuvre en ces années d'après-guerre, il rabroue aussi bien les résistants de la onzième heure, qui paradent avec leurs pistolets, que les collabos qui ont fait fortune et qui continuent de tirer les ficelles en graissant la patte aux notables du coin.
En dépit de leur veulerie et de leur mesquinerie, tous les personnages de ce roman conservent une part irréductible d'humanité. le roman de Marcel Aymé oscille entre la farce et la poésie, chaque page est un délice.
Commenter  J’apprécie          92
J'ai vraiment apprécié la plume de Marcel Aymé, que je connaissais déjà avec les contes du chat perché : deux volumes que j'avais dévorés lorsque j'étais tout petit et qui ont encore des échos agréables dans ma mémoire, parmi mes toutes premières lectures avec Vendredi ou la vie sauvage, l'île du docteur moreau et les Agatha Christie, le bon temps quoi !

Il y a tellement de choses condensées dans ce livre alors que le style est simple et accessible. Les personnages se laissent découvrir avec intérêt même s'il ne faut pas trop s'attendre à s'attacher avec la plus-part, car en sondant leurs âmes, l'auteur nous laisse découvrir une face sombre, pernicieuse.

(Léopold, le géant buveur de vin blanc et apprenti poète est de loin le meilleur perso et le plus attendrissant, parce qu'il est entier ! )

Ce livre parle de la reconstruction difficile de la France d'après guerre mais aussi d'autres choses plus intemporelles, la philosophie des cruels de ce monde et de leurs suiveurs, ceux qui sont aveuglés par l'orgueil et sont prêts à tout, même à l'injustice, pour servir cet orgueil sous la forme d'une "noble cause. Les indécis, les hypocrites et les poètes qui vivent parmi eux avec plus ou moins de complaisance.

Ce livre raconte le périlleux micmac que causent les illusions prétentieuses de chacun, schéma qui semble exister depuis toujours chez l'homme.
Encore aujourd'hui, des actes incompréhensibles que chacun connait se perpétuent. On se permet de commettre des horreurs en usant d'une conception déformée et restreinte de l'humanité, ( Dans le but d'asseoir un pouvoir) et on voit des milliers de personnes suivre bêtement persuadés que ce sont leurs intérêts que l'on veut défendre, et oubliant que vivre bien ne peut se faire qu'avec les autres et non pas contre eux. On manipule les gens par la peur, le mensonge et la contrainte sans le moindre scrupule, comme si on n'avait encore rien appris de l'Histoire.

Un livre courageux et intéressant donc, qui fait réfléchir en pointant le doigt sur des choses existantes encore et toujours, même après 45 ... malheureusement !




Commenter  J’apprécie          90
Uranus, « astre sombre roulant aux marches de l'infini », raconte, avec un humour aussi grinçant que désabusé, la pesanteur meurtrière de la Libération, entre règlements de comptes et arrangements douteux avec le passé des uns et des autres.
Conte édifiant sur la nature humaine qui s'accommodait de la Collaboration et ses exactions pour la condamner ensuite aujourd'hui…en s'accommodant d'autres exactions. On dirait la morale finale de Tintin et les Picaros, tandis qu'une dictature s'est substituée à une autre. Ce qui, à bien y réfléchir, semble s'être aussi produit dans la bonne ville de Blémont, croulant autant sous les ruines causées par un bombardement que les consciences plus ou moins limpides de ses habitants, dont nous accompagnons les pérégrinations à travers un échantillon choisi : Gaigneux, Jourdan, la famille Archambaud, Monglat père & fils, l'inénarrable Léopold – amateur de vin blanc et d'Andromaque, de Racine ; personnage magistralement interprété jadis par Gérard Depardieu dans l'adaptation de Claude Berri –, etc.
On est là dans entre le ridicule et le sordide des bas-fonds de l'espèce humaine où l'un pressent, par exemple, « l'agrément qu'il peut y avoir à disposer d'une armature et d'un venin efficace pour servir ses exécrations ». Surgit parfois la philosophie de la résignation enthousiaste, à travers le professeur Watrin qui, frappé du bon sens, semble parler pour tous : « Nous sommes des lâches et des hypocrites, je ne songe pas à nier l'évidence, mais c'est ce qu'il faut être en ce moment. »
Car les repères ont changé une seconde fois, après une première : la défaite de 1940. Il faut s'adapter à l'air du temps, fût-il aussi fétide que le précédent. Et le même Watrin de déplorer : « Il me semble toujours que les gens me soupçonnent de ne pas haïr ce qui doit être haï, de ne pas adorer ce qui doit être adoré. » Ici, il faut être binaire, sinon on devient suspect, première marche de la culpabilité.
Quant à l'adoration, elle doit être communiste à l'heure présente, Marcel Aymé profitant de son roman pour en dresser un tableau très éloigné de l'idéal romantique dont Mai 68 nous abreuvera jusqu'à l'écoeurement.
Jourdan, le bourgeois repentant et rouge, en devient dès lors la caricature la plus criante, convaincu que « la délation, ignominieuse dans une société bourgeoise où elle fournit des victimes à l'oppression capitaliste, devient l'exercice de la plus élémentaire honnêteté lorsqu'elle est au service de la lutte prolétarienne. »
Inversement des valeurs et des méthodes, puisque l'on peut désormais crever les yeux d'un milicien en toute transparence, voire rosser un prisonnier de retour parce qu'il a trahi la cause. Mieux, « les cochons d'oiseaux qui gazouillent dans les branches du printemps sont les complices des bourgeois ». Jourdan encore d'affirmer : « Il nous faut un prolétariat en proie aux seuls sentiments de haine, de tristesse et d'ennui. »
Derrière ce théâtre tragi-comique, il y a pourtant une réalité : l'épuration fut, à bien des égards, la manifestation des pulsions les plus abjectes, dont la tonte des femmes ayant couché avec des Allemands ne fut pas la moindre des bassesses. Cela dit sans aucune nostalgie vichyste !
Un texte salutaire…

Commenter  J’apprécie          80
À Blémond, petite ville normande partiellement détruites par les bombardements anglo-américains, Archambault, ingénieur de profession, écoute sa fille Marie Anne jouer un air d'Edith Piaf au piano. Il est si fier de sa fille qu'il s'imagine que c'est du Chopin. Celle-ci s'est amourachée du fils Monglat issu d'une famille enrichie dans les trafics et le marché noir, mais résistante de la onzième heure. L'ingénieur a été contraint par la mairie d'héberger René et Maria Gagneux, couple d'ouvriers communistes et leurs quatre enfants. La cohabitation est déjà difficile, les deux femmes se disputant souvent au sujet de la cuisine. Et comme si cela ne suffisait pas, dans l'appartement déjà bien occupé, s'est ajouté un autre réfugié, Watrin, prof de maths sentencieux et un brin philosophe qui avait vu sa maison détruite dans un bombardement. C'est le temps de l'Epuration, de la chasse aux collabos. Il s'en trouve d'ailleurs un qu'Archambault, très imprudemment, autorise pour un temps à se cacher chez lui…
« Uranus » est un roman social se déroulant à une époque assez terrible, où les Français ne s'aiment plus, où l'on dénonce à tout-va, où les femmes sont tondues pour avoir eu une faiblesse avec un soldat allemand, où un milicien se retrouve sauvagement torturé en public, les yeux crevés par une petite frappe laquelle s'en prend ensuite à Léopold, brave cafetier du coin, ancien lutteur de foire et grande gueule, outrée de se retrouver, sans la moindre raison, derrière les barreaux. le lecteur devine dès le début que toute cette histoire ne pourra finir que par un drame. Les personnages sont fort bien campés, tous pleins d'humanité. Il n'y a pas vraiment de héros, rien que de petites gens avec leurs qualités et leurs défauts. Aymé montre parfaitement que dans les périodes difficiles, ce n'est pas le courage et encore moins l'altruisme qui règnent en maîtres, mais plutôt la lâcheté, les petits calculs, l'égoïsme et le conformisme moutonnier. Très agréable à lire (même et surtout à notre époque…) ne serait-ce que pour l'intérêt historique et pour le style inimitable de l'auteur, un des très grands de la littérature française du XXè siècle.
Lien : http://www.bernardviallet.fr
Commenter  J’apprécie          70
Quelle connaissance du genre humain…
Avec toutes ses faiblesses, ces turpitudes, ses mensonges et ses bassesses.
Mais aussi sa sincérité, ses élans de solidarité, sa tendresse…
Le tout rapporté avec humour Marcel Aymé. Ses personnages finissent tous par être presque, voire même réellement sympathiques, malgré leurs défauts.
Outre l'intérêt historique de cet ouvrage, il y a là un témoignage intemporel sur notre humanité. Un peu de blanc, un peu de noir, beaucoup de gris plus ou moins foncé.
Rajoutons le plaisir de lecture en pensant à l'incarnation des personnages par les acteurs du film de Berry des années 90; Noiret, Marielle, Depardieu, Luchini, Galabru, la distribution est prestigieuse et parfaitement accordée aux caractères.
Et n'oublions pas l'intérêt historique de l'ouvrage, un des premiers à s'attaquer au mythe d'une France toute résistante, voulu par De Gaulle pour réconcilier le pays.
Commenter  J’apprécie          60
Je crois bien que ce livre est le chef-d'oeuvre de Marcel Aymé. J'ai découvert une partie de la bibliographie de l'auteur, et je ne pense pas qu'il puisse réussir un coup d'éclat plus puissant que celui-ci, ou alors je serais ravi de le découvrir. Parce qu'il est fort, ce bougre. Diablement fort en plus !

Lorsqu'on parle de Seconde Guerre Mondiale, souvent le manichéisme prend le dessus sur toute réflexion, mais aussi sur la réalité toujours bien plus nuancée qu'on ne l'imagine, dans nos vies confortables. Et Marcel Aymé, avec sa plume acérée habituelle, son humour grince-dent et son talent de narrateur de satyre sociale va nous jouer une comédie de moeurs bien senties, aux réflexions poétiques et acides, le tout dans une histoire où la morale est mise à mal par tout les moyens. Rien que ça !

Marcel Aymé n'est pas de ceux qui encense gratuitement ou ne critique sans raison. Il appuie son sujet sur ce qu'il a vécu, ce qu'il a ressenti, et ça se ressent. Rien ne sera vraiment juste et bon dans ce livre, tout est question de nuance et de points de vue. La fin de la guerre, c'est la dénonciation des collabos, la réalité de ce qui fut fait, mais aussi le temps des luttes ouvrières, des procédés malhonnêtes pour une juste cause ... Tout sera passé au prisme des personnages, qui naviguent entre les côtés sombre et lumineux de la morale. Héberger un collabo, nourrir des sentiments pour une adolescente, dénoncer pour éviter un scandale qui toucherait beaucoup trop, mettre à mort gratuitement ... C'est une plongée dans une société fermée (le thème apparait souvent sous la plume de l'auteur) où tout sera une question de personnages. Et ces personnages sont diablement bien représentés : du patron de café avide de savoir, de l'ouvrier révolté mais en même temps pris de sentiments, de collabos en fuite mais jamais repentis, de professeur qui navigue dans les étoiles ... C'est un mélange de personnages intéressants, car chacun aura sa propre façon de voir le monde et la société d'après-guerre, durant l'épuration. Les questions de justice, de moralité ou bonté se mélangent ici. Les limites deviennent floues entre les bonnes actions et les mauvaises, et le final autour de ce cas Léopold est à l'image de tout le récit : complexe, intriguant et peu clair. C'est au lecteur de savoir quoi penser de tout cela, Marcel Aymé évitant plutôt habilement la critique d'un bord politique ou d'une façon de penser.

Mais là où j'ai trouvé que ce roman arrivait à s'élever au-dessus du lot, c'est qu'en plus de tout ceci, il y a les passages poétiques de Léopold qui découvre et goute à Racine, où les divagations de l'instituteur sur Uranus. C'est très beau, presque trop dans le contexte très réaliste et froid du roman, mais en même temps cela ajoute une touche d'optimisme à un récit qui est déjà bien lourd dans son ensemble. Comme si l'homme n'avait que l'art et la divagation pour s'échapper de cette réalité sordide, jusqu'au stade où ils refusent même d'avoir le moindre impact sur celle-ci. Ou qu'elle se rappelle à eux de façon brutale.
Marcel Aymé réussit là une critique efficace de la société d'après-guerre, mais surtout du genre humain. A la lecture, je n'hésiterais pas à le qualifier de misanthrope, et pourtant il sait également faire quelques petites incartades du côté de la poésie et de la beauté, qui rajoutent à l'ensemble. Il est difficile de savoir quoi penser de tout ceci, mais je crois que justement, le but est de nous donner à penser sans proposer de réponses. Et là-dessus, l'auteur à superbement bien réussi !
Commenter  J’apprécie          60
Paru en 1948 au lendemain de la guerre ce roman est une bouteille de vitriol jetée à la face de la France et des Français .
Attaque féroce contre les résistants de la dernière heure , les collabos bien sûr , le parti communiste et aussi et je dirais surtout contre ceux qui se sont tus et ont fermé les yeux que ce soit pendant l'occupation ou lors de l'épuration qui suivi celle ci .Au travers d'une galerie de personnages où même le plus sympathique n'est pas "blanc" et n'attire pas l'empathie du lecteur Marcel Aymé décrit les craintes, les perplexités et les réactions devant les événements qui animent les habitants de cette ville ravagée avec un humour sarcastique qui n'enlève rien à l'étonnante exactitude d'observation de la condition humaine .
Ni héros ni salaud mais des êtres troubles qui se débattent avec leurs consciences .
L'écriture est âpre et touffue mais malgré cela ce livre se lit très facilement tant la langue est belle et les personnages forts .
Un livre dur et qui n'a pas perdu de sa virulence 70 ans après sa parution .
Commenter  J’apprécie          60
Pourquoi Uranus ? Parce que le professeur à l'humeur invariablement délicieuse, doux, bucolique explique ainsi sa surprenante et enviable disposition d'esprit : Toutes les nuits il rêve et ilrêve qu'il vit sur Uranus, une planète hostile, froide ou il est seul dans un désert gris, sans espoir et sans joie. alors le matin au réveil, il est émerveillé de la terre et de ses bienfaits.
Commenter  J’apprécie          60
Un roman dans lequel Marcel Aymé nous livre un conte philosophique historique. L'intrigue sert la réflexion et nous interroge sur l'après-guerre, dans cette France scindée en deux, celle des collaborateurs et des résistants, celle des vainqueurs et des matamores, celle des patriotes et des ennemis. Et surtout celle de tous ceux qui ont attendu que ça se passe...
« Cette vague d'hypocrisie, qu'il croyait voir déferler sur la France, prenait maintenant à ses yeux des proportions grandioses. »
Troisième volet d'une trilogie consacrée à la Deuxième Guerre Mondiale (avant-guerre, Occupation et ici Libération et épuration, époques que l'auteur a bien connues, lui qui fut même un temps mal vu après avoir publié dans des revues collaborationnistes tels que Gringoire ou Je suis partout), ce livre nous questionne sur le bien-fondé de nos choix, de nos actions ou de nos passivités, tout en finesse, sans aucun manichéisme, mais en toute impitoyable lucidité. Par le biais de situations cocasses, ridicules, follement dangereuses, paradoxales.
Dans ce récit truculent, avec l'humour percutant et ravageur et la grande acuité d'observation qu'on lui connaît, Marcel Aymé campe avec tendresse, mais sans illusions des personnages qui doutent, tâtonnent, essaient, cherchent à se racheter, s'arrangeant comme ils peuvent avec leur conscience, se réinventant tant bien que mal un futur... Profondément humains.
Désabusé, mais serein, féroce, mais indulgent, il fait le bilan désenchanté de cette période sombre et ambivalente de notre histoire dont les plaies sont encore à vif (écrit en 1948) et renvoie finalement tout le monde dos à dos, avec toutefois une affection particulière pour celui qui s'efforce de se dégager de l'influence mortifère d'Uranus pour décider d'aimer cette vie qui ne lui a pas été ôtée, à tout prix. Tout un symbole...
« Il pensait à tous ces hypocrites, au nombre desquels il se comptait lui-même, et que rien n'obligeait à taire leurs convictions ni à feindre d'en avoir d'autres. »
La drôlerie dévastatrice d'Aymé ne nuit pas à la gravité du sujet, bien au contraire, et le comique – irrésistible – sert un propos qui nous laisse ébranlés, perplexes et émus.
« Désoeuvré, il tourna autour de la table, puis réfléchit à une disposition des meubles qui eût laissé plus d'espace pour se mouvoir. Par exemple, on pouvait mettre la commode sur la desserte et le bonheur-du-jour sur le secrétaire. »
Du grand Marcel Aymé, avec beaucoup d'échos dans les traumatismes, inquiétudes, clivages, fractures et montées des intolérances actuels. À lire ou relire sans plus tarder.
Lien : https://sharingteaching.blog..
Commenter  J’apprécie          50




Lecteurs (773) Voir plus



Quiz Voir plus

Marcel Aymé

En quelle année est né Marcel Aymé?

1880
1897
1902
1910

10 questions
60 lecteurs ont répondu
Thème : Marcel AyméCréer un quiz sur ce livre

{* *}