Publié en 1833 dans la série "Scènes de la vie de province" de la Comédie humaine,
le médecin de campagne raconte l'histoire du Docteur Benassis, un médecin de campagne oeuvrant dans un petit village du Dauphiné et du commandant Génestas qui vient résider chez lui pour soi-disant soigner de vieilles blessures. Les deux hommes ont chacun un secret qui ne sera dévoilé qu'à la fin du récit.
Benassis, devenu maire du village, y a apporté la prospérité en appliquant des théories novatrices.
Le Médecin de campagne est le seul ouvrage de la Comédie Humaine qui traite de la vie à la campagne, aucun des personnages du livre ne réapparaîtront dans les autres romans et
nouvelles qui la composent.
Le roman explore les thèmes de la médecine, de la vie rurale et des relations humaines, avec une forte dose de paternalisme, de réalisme et d'observation sociologique. En particulier :
Les guerres napoléoniennes :
Balzac vénère Napoléon et on retrouve l'empereur partout dans son oeuvre. Il a d'ailleurs écrit : « Ce qu'il a commencé par l'épée, je l'achèverai par la plume »
Dans le 3ième chapitre du Médecin de campagne,
Balzac, fait raconter, au cours d'une veillée, par un vieux soldat l'ascension et la chute de Napoléon. C'est savoureux.
La politique :
Balzac ne cherche pas à raconter l'histoire de Benassis et de Génestas. Il se sert d'une trame simpliste pour discourir et affirmer ses convictions politiques très conservatrices.
1. La religion est le ciment du peuple: les sentiments d'un peuple sont ses croyances (utilité politique et nécessité morale)
2. L'instruction et le patriotisme : pour civiliser un coin de terre il faut de l'instruction de la probité du patriotisme
3. Apologie du système patriarcal : l'autorité du père est illimitée, on ne discute pas sa parole.
4. le développement des jeunes états commerciaux : « le travail a produit l'argent, et l'argent, en donnant la tranquillité, a rendu la santé, l'abondance et la joie. »
5. le protectionnisme : « La vraie politique d'un pays doit tendre à l'affranchir de tout tribut envers l'étranger »
Ce qui est étrange, c'est que, malgré ses idées ultraconservatrices,
Balzac ne s'empêche pas d'évoquer la nécessité d'une justice sociale au travers des propos de Benassis qui fustige les oisifs dont la vie est un « vol social » et qui crée un fonds de réserve pour l'éducation des enfants et la construction d'un hospice pour les vieillards. Il écrit même que « maintenant, pour étayer la société, nous n'avons plus que l'égoïsme. Les individus croient en eux. L'avenir, c'est l'homme social »
Il paraît que
le médecin de campagne a été écrit au moment où
Balzac s'écartait du républicanisme pour s'orienter vers le conservatisme.
Aussi, on ne peut s'empêcher de sourire à certains propos comme : « la vie à la campagne tue beaucoup d'idées, mais elle affaiblit les vices et développe les vertus » ou lorsque au cours d'un repas où le curé est invité, Génestas est frappé par la figure du prêtre qui lui semble «l'expression d'une beauté morale dont les séductions étaient irrésistibles » … et ça se termine par : « sa vue inspirait le respect et le désir vague d'entrer dans son intimité » À l'aulne de ce que l'on sait sur les pratiques sexuelles de certains religieux, c'est assez comique à lire.
En résumé, j'avoue, j'ai eu plus de plaisir à lire
Balzac maintenant que lorsque j'étais pré adolescente (lecture obligée à l'école). Malgré le style ampoulé et, comme le dit une de mes amies, des personnages « une idée sur deux pattes », il est intellectuellement stimulant de se replonger dans la littérature du 19ième siècle, de confronter les époques, de retrouver un vocabulaire tombé en désuétude et de savourer un romantisme passé date.
PS on a le droit de sauter des passages.