La famille Haddad est composée de Dibba la mère et Ahmad le père et leurs enfants, notamment Abbas qui s'est installé à Nancy avec sa femme professeur d'italien et ses deux enfants leur fils Yacine, militant actif au parti communiste, les deux filles ainées qui se sont mariées au Liban, Amal, la plus jeune des filles, veut faire des études et enfin le dernier enfant, trisomique.
Les parents ont été sommés de quitter leur maison et leurs terres dont ils ont été expulsés à la fin de la guerre des six jours, ce qui va leur laisser une blessure importante, le père étant obligé d'aller faire le ménage et nettoyer les toilettes pour faire vivre sa famille.
Illettrés tous les deux, Ahmad et Dibba veulent que leurs enfants fassent des études, s'ils en ont les moyens, quitte à trimer pour les aider.
On est en 1984, Amal est en première et va se trouver un travail pour aider la famille, dans une boutique tenue par un homme libidineux qui laisse traîner ses mains partout et la jeune fille est obligée de quitter le magasin. Elle fait la connaissance de Youssef, de confession maronite, dont elle commence à tomber amoureuse alors que leurs religions respectives ne voient pas cela d'un bon oeil. le Liban est en guerre, les rues ne sont pas sûres, les différentes parties ne se font pas de cadeaux, mais Amal s'accrocher et décroche son bac. Elle veut faire des études de médecine à Nancy où vit son frère Abbas et la famille est d'accord, malgré le déchirement, l'éloignement, mais
Marie-Rose sa belle-soeur promet de l'aider tandis qu'en échange elle s'occupera des enfants…
Yacine milite de plus en plus activement au parti communiste ce qui le met en danger, et un jour il disparaît, enlevé et torturé…
Malgré sa culpabilité et le sentiment de trahir les siens Amal s'envole vers la France vers une nouvelle vie.
L'auteure nous raconte la difficulté des filles, au Liban, les mariages arrangés et les violences conjugales, les communautés qui peuvent cohabiter mais ne pas s'unir entre elles ce qui ne va pas en s'arrangeant… Elle parle aussi très bien de la pauvreté des gens, de leur chaleur, et de leur générosité : ils n'ont pratiquement rien mais ils se débrouillent par exemple pour faire une diner pour célébrer Amal.
J'ai admiré le courage d'Amal qui part dans un pays dont elle connaît à peine la langue, dans une ville où il fait froid l'hiver et où la magie de la première chute de neige se heurte à la difficulté de tous les jours. Elle réussit à refaire une terminale et passer le bac en France et surtout à faire ses études de médecine avec les difficulté du concours, le numerus clausus, le bachotage, le chacun pour soi des étudiants… Chapeau mademoiselle !
Céline Bentz explique très bien la douleur de l'exil la difficulté de vivre au Liban à cette époque de guerre, avec les bombes, les mines qui estropient des enfants qui jouaient tranquillement, les méthodes utilisées par chaque camp pour terroriser l'autre, les enlèvements.
Cette lecture a fait remonter beaucoup de souvenirs en moi, je me souviens l'enlèvement de
Jean-Paul Kaufmann,
Michel Seurat et leurs deux autres compagnons, et de l'anxiété qui régnait en France à ce moment-là : tous les soirs aux infos, le JT commençait avec leurs photos et le présentateur disait cela fait tant de jours qu'ils ont été enlevés et on est toujours sans nouvelles ainsi que du combat de Joëlle Kaufmann pour qu'on ne les oublie pas.
J'ai beaucoup aimé ce roman, qui est en fait l'histoire de la mère de l'auteure, si j'ai bien compris, j'ai aimé voir Amal grandir, évoluer, ses relations avec sa famille… C'est tellement difficile de leur dire qu'elle est tombée amoureuse d'un chrétien, qu'elle doit se cacher.
L'écriture est belle, sensuelle, j'avais le coeur rempli par l'odeur des fruits, de la bananeraie, des épices, de la cuisine et de la mer….
Une image qui m'a bouleversée parmi d'autres : Ahmad emmène sa fille au souk pour organiser le repas et lui offre un luth car il sait qu'elle aime la musique, en dépit des privations que cela va entraîner pour la famille.
Je mettrais un petit bémol : la fin est brutale et on ne sait pas ce que devient réellement Amal, on le devine mais j'aurais aimé en savoir plus. Mais, pour un premier roman, c'est réussi et j'espère qu'on aura l'occasion de retrouver l'auteure bientôt.
Un grand merci à NetGalley et aux éditions Préludes qui m'ont permis de découvrir ce roman et son auteure qui rend un bel hommage au Liban.
Si le Liban dans ces années vous intéresse et notamment les otages français, je vous conseille le livre de
Marie Seurat, l'épouse du chercheur Michel «
les corbeaux d'Alep » où elle évoque tout ce qu'elle a pu faire pour trouver les traces de son mari, les trahisons…
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