La conscience de l'éphémère
Lucia Berlin dévoile le théâtre de sa vie dans les décors somptueux d'une nature intacte ou les quartiers mal famés et immondes au Mexique,au Chili,au fin fond de l'ouest américain ou à New-York...
Elle parsème ces histoires de mots d'espagnol,ce qui contribue à nous mettre dans l'ambiance et accentue le ressenti des choses.Nous sommes au milieu de scènes familiales d'un autre temps,la vie est rude ou à l'inverse luxueuse, mais la femme est invariablement celle qui porte le poids des traditions et des diktats.
D'une grande lucidité et en avance sur son temps,elle décortique les rapports hommes-femmes,le quotidien des classes sociales et en fait ressortir un mélange détonnant de beauté, de solitude,de fatalisme.
Nulle tristesse et nul apitoiement cependant. Des constats,des renoncements mais surtout des nouveaux départs,la force d'avancer envers et contre tout.
Forte,elle l'a été. Courageuse, intelligente, déterminée, malgré les ratages,l'alcool,la drogue, les enfants,les drames de l'existence : demain est un autre jour.
Son humour grinçant,son acuité verbale,sa liberté de ton m'ont vraiment séduite.
"Le courage de mes convictions ? Je n'arrive même pas à garder une impression au-delà de cinq minutes. C'est comme la radio à bord d'un pick-up. Je roule à fond de train...Waylon
Jennings,
Stevie Wonder...passe sur une grille antibétail et paf ! C'est un évangéliste de Clint ,Texas.Votre vie est un échec.Avec l'accent chuintant."
Certaines nouvelles m'ont particulièrement touchée comme " le gardien de mon frère ",où il est question d'un féminicide et de remords.
"Perdue au Louvre",une déambulation existentielle.
Elle avait raison quand elle écrivait " Lorsqu'on lit un roman,les événements et les personnages prennent une valeur allégorique et éternelle. "