De
Georges Bernanos je ne connaissais que " Le
journal d'un curé de campagne " ainsi que "
Sous le soleil de Satan " et encore, plus grâce au film de Maurice Pialat, et j'ai lu le roman "
Pas pleurer " de
Lydie Salvayre, et plus récemment "
Péreira prétend " d'
Antonio Tabucchi, dans lesquels il est question de ce " cri de colère " littéraire publié en 1937 qui est devenu mythique et dont la lecture m'est apparue indispensable. On comprend pourquoi ce chef d'oeuvre a tant marqué ces auteurs, autant d'ailleurs que
Michel del Castillo qui a signé la préface de cette édition " Points ". En 1936,
Georges Bernanos, écrivain de droite, qui se revendique fervent catholique, réside avec sa famille sur l'île de Majorque au moment où débute la guerre civile espagnole. Il est alors témoin des massacres de masse perpétrés par les phalangistes et les milices franquistes, avec la bénédiction de l'épiscopat espagnol sans que le Saint-Siège ne s'y oppose. Il n'accepte pas que l'église dans lequel il place sa foi, soit complice de ces tueries, surtout lorsqu'elles touchent des pauvres et des paysans, qui n'ont pas pris les armes, mais sont potentiellement, aux yeux des fascistes, des communistes où sympathisants des républicains. Il se lance alors dans la rédaction de ce pamphlet dans lequel il exhorte les gens de droite à ne jamais tomber dans l'extrême et dans le nationalisme. Il dénonce en termes directs la connivence entre l'église catholique et la répression franquiste, il lui reproche l'utilisation du terme " Croisade " pour justifier ces exactions. Dans ces 300 pages il en consacre assez peu à décrire les horreurs dont il est témoin, mais elles sont si fortes, si précises, qu'elles vont à l'époque, marquer les consciences. Il reproche aux évêques espagnols leur proximité avec la royauté, avec les riches, avec la droite, puis l'extrême droite de Franco, au détriment des pauvres, des humbles, contrairement aux paroles du Christ. Au delà du manque de compassion envers les défavorisés, il montre que l'humiliation est le pire des affronts. Il dénonce également la passivité de la droite et des catholiques de France face à la répression franquiste. Au delà de ces dénonciations il appelle à la tolérance et à la liberté d'opinions politique et religieuse. Il analyse la situation de l'Europe, et son analyse est prémonitoire, car il démontre que le fléau qui s'abat sur l'Espagne en 1936, va s'étendre sur l'Europe entière. Il a parfaitement compris les intentions nationalistes, racistes, notamment vis à vis du peuple juif, de Hitler et de Mussolini, ainsi que leurs velléités belliqueuses et expansionnistes, sans oublier le rôle de Staline. Il prédit, que pour envahir la France, l'Allemagne nazie devra avoir le soutien d'une personnalité iconique dans le pays, bien sûr il ne cite pas Pétain, dont au moment de la rédaction de son brûlot, il ignore le rôle futur. Il explicite la mise en place de la terreur par les dictatures, qui conduit aux massacres lorsque les dictateurs décident " d'en finir " avec leurs bêtes noires. Beaucoup de ses écrits de 1936, auraient dû donner à réfléchir aux hommes politiques qui lui ont succédé et lui succèdent encore. Il appuie ses pensées d'une multitude de références politiques et religieuses très argumentées qui rendent le texte ardu, mais au combien passionnant. Imagine-t-on un écrivain engagé, voire un homme politique, déclarer avec autant de véhémence que ceux de son parti, de sa religion se sont trompés et que ce qu'ils ont fait où couvert est inadmissible. Ce livre n'est pas de ceux que l'on lit avec plaisir, mais qu'il faut avoir lu pour comprendre la première moitié du XX ème siècle. C'est en cela qu'il atteint le mythe littéraire.