AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Cécile Lombard (Éditeur scientifique)Agustina Bessa Luís (Préfacier, etc.)
EAN : 9782859408817
192 pages
Phébus (14/02/2003)
4.67/5   6 notes
Résumé :

Première traduction en français d'un roman portugais écrit il y a plus de quatre cents ans, qui enchanta Pessoa hier et que portent aujourd'hui aux nues José Saramago (prix Nobel de littérature) et Agustina Bessa-Luis. Une jeune fille en proie à la saudade, sentiment de solitude, de nostalgie et de tristesse " Heureuse " - ou de bonheur triste -. rêve sa vie à travers l'existence imaginaire de trois femmes dont on l... >Voir plus
Que lire après Mémoires d'une jeune fille tristeVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Mémoires d'une jeune fille triste

crivain et poète portugais du XVIe siècle, Bernardim Ribeiro n'a quasiment laissé aucune trace biographique. Seuls ses écrits demeurent, comme ce roman de chevalerie pour la première fois traduit en français et quelques recueils de vers. Pour le reste, les grands épisodes de sa vie sont au mieux imprécis, au pire inventés par les exégètes du XIXe siècle. Un temps exilé à Ferrare, en Italie, lieu de parution du livre, il serait mort fou à l'hôpital de Todos-os-Santos de Lisbonne. Peut-être une des clefs qui permet de mieux aborder Mémoires d'une jeune fille triste, où les hallucinations et les idées noires abondent.
De l'incomplétude à l'inconstance, Bernardim Ribeiro cultive en effet les maladies de l'âme qu'il transpose dans ses phrases aux multiples circonvolutions.
De son style il se justifie : "Des chagrins, on ne peut rien conter de façon ordonnée". L'une des premières allusions littéraires à la saudade, sentiment qui mélange nonchalance, tristesse et conscience du manque, trouve ici sa place. À la charnière du monde médiéval et De La Renaissance, l'auteur mêle dans son récit la tradition des aventures courtoises, où de preux chevaliers se disputent le coeur des dames, et la modernité de l'analyse psychologique. Ses personnages, qui portent tous des noms à clef -Lamentor, Binmarder anagramme de Bernardim- se livrent à une introspection sans fin, perturbée par des combats et quêtes diverses. Quiproquos, coups de théâtre et coups du sort rythment la narration, équilibrée entre l'action et les soliloques.
Conseiller avisé de son lecteur, Bernardim Ribeiro l'interpelle, directement ou par l'intermédiaire de ses personnages. Son livre ne convient pas aux "gens heureux", peut-être aux affligés, "mais il n'y en a plus depuis que la pitié existe dans le coeur des femmes". Ambigu, il encourage, faussement bien entendu, à passer sa route : "Il vous faut, monsieur, aller votre chemin; au moins ne prendrez-vous pas part à tant de malheur, car les souffrances des autres font également souffrir ceux qui en sont témoin". Un avertissement qui n'a visiblement pas découragé Fernando Pessoa ou José Saramago, conquis par l'ouvrage.

Mémoires d'une
jeune fille triste
Bernardim Ribeiro
Traduit du portugais
par Cécile Lombard
Phébus
180 pages, 11 e
Lien : http://www.lmda.net/din/tit_..
Commenter  J’apprécie          60
Alerte coup de coeur
Et pourtant, ce roman n'avait rien pour lui. Bernardim Ribeiro est un auteur énigmatique dont la vie a laissé très peu de traces pour alimenter notre curiosité vorace. Son seul ouvrage est tout autant énigmatique et a fait énormément glosé. Son roman comporte quelques incohérences ou phrases mystérieuses qui font imaginer pour certains experts à la perspective d'un sens caché.
Pour ma part, j'en suis restée au seul plaisir de la lecture pour découvrir que le roman se décompose en trois petites histoires reliées entre elles et qui se superposent. Chaque partie raconte à la mode troubadour l'histoire d'amour entre un chevalier et sa dame. Une histoire d'amour toujours contrariée mais passionnée. La providence ou le hasard vient toujours mettre son grain de sel pour pimenter ces aventures romantiques.
Mais ce n'est pas tant ces amours courtois qui m'ont ébloui mais surtout le style. Ecrire sur l'amour, quel beau sujet. Mais peu peuvent se targuer de l'écrire aussi bien. Je n'ai pas le talent poétique de Ribeiro pour vous convaincre de l'élégance, de la préciosité, de la sophistication avec lequel Ribeiro s'exprime. Tout le spectre du sentiment amoureux est décrypté, toutes les couleurs des émotions sont magnifiées par l'auteur, le prisme de l'amour est brillant et scintillant.
La phrase est joliment tournée, le mot est aussi beau qu'authentique, le verbe est follement éloquent et magnifiquement lyrique. La lecture est une musique chantée par un amoureux de l'amour qui berce vos oreilles et chatouillent vos sens délicieusement.
Je ne m'attendais à rien et ce fut un régal. Moi qui ne m'estimais pas du tout sensible au roman Troubadour, je suis tombée bien haut : dans les cimes de l'excellence littéraire !
Commenter  J’apprécie          00
Tout ce qui entoure la publication des Mémoires d'une jeune fille triste (Saudades, História de Menina e Moça en portugais) ainsi que le mystère entourant son auteur, Bernardim Ribeiro, vous a été raconté dans un billet remarquable d'Armando il y a quelque temps. Inutile donc que je le fasse à mon tour. Mais je me permettrai tout de même d'ajouter ces mots de Cécile Lombard, la traductrice, afin de bien situer l'auteur dans le contexte littéraire : « Car Bernardim Ribeiro, souvent appelé “le premier des romantiques” est aussi considéré comme ” le dernier des troubadours”. »

Nous sommes donc au XVIe siècle, dans un pays indéterminé qui pourrait bien être le Portugal à cause de certains détails. À une jeune fille sont racontées trois histoires. Celles de trois femmes dont les destins tragiques finissent par s'entremêler et auxquels elle s'identifie, ce qui alimente sa propre saudade, ce sentiment qui se vit mais qu'on a toujours du mal à décrire, tant les expressions pour définir celle-ci sont nombreuses.

Chevaliers, belles dames, amours tourmentées, il y a là tous les éléments propres au romantisme, ainsi que quelques poèmes, ce qui confère à ce roman une saveur qui n'est pas loin de celle des romans de Chrétien de Troyes auquel, d'ailleurs, la traductrice fait souvent référence.

Incontournable pour qui s'intéresse à la littérature portugaise, le roman de Bernardim Ribeiro est ici servi par une traduction remarquable. Et ce n'est pas parce que je l'ai lu dans sa langue d'origine que je permets d'affirmer ceci mais à cause des notes de Cécile Lombard qui viennent éclairer la lecture avec finesse et souci du détail alors qu'elle nous livre de plus les difficultés auxquelles elle a dû faire face.

Et pour vous donner le ton, ce court extrait qui termine le chapitre précédant « La chanson du berger » : Revenons donc au conte. Celui-ci achevé, nos tristesses feront de nous ce qu'elles voudront, car elles aussi demandent à être contées comme les joies.
Lien : http://lalitoutsimplement.co..
Commenter  J’apprécie          30

Citations et extraits (4) Ajouter une citation
S'il arrivait que ce livre tombe sous les yeux de gens heureux, qu'ils ne le lisent pas. Car, peut-être, s’il leur apparaît que leurs destins seront inconstants comme ceux racontés ici, leur plaisir en sera diminué. Ceci, où que je sois, me navrerait, parce qu'il suffisait grandement que je sois née pour mon malheur, sans faire encore celui des autres. Les affligés pourront le lire, mais il n'y en a plus, depuis que la pitié existe dans le cœur des femmes. Dans le cœur des femmes, oui, parce qu'il y a toujours eu dans celui des hommes du désamour. Mais je n'écris pas pour elles, car si grand est leur malheur qu'il ne peut être consolé par aucun autre, qui ne peut que les rendre plus tristes encore ; ce serait injuste que je veuille le leur faire lire, je leur demande plutôt instamment de fuir ce livre et toutes les causes de tristesse, car malgré tout, rares seront les jours où elles seront heureuses, car ainsi en a décidé la malchance avec laquelle elles naissent.
Ce livre n'est destiné qu'à un seul être. Mais de celui-ci je n'ai plus rien su, depuis que ses infortunes et les miennes l'ont emmené dans des pays lointains et étrangers où je sais bien que, mort ou vivant, la terre le possède sans qu'il y prenne plaisir, pour son malheur. Mon loyal ami, qui vous a emmené si loin de moi ?
Commenter  J’apprécie          30

Voici Binmarder gardeur de vaches, car rien n’est impossible au grand amour. Il vécut longtemps ainsi, passant de mauvais jours et des nuits pires encore, parce que Lamentor, au tout début de son installation, ne fit d’abord construire que des abris, et le grand nombre d’ouvriers venus pour les travaux, s’ajoutant à l’affairement général qui régnait dans la maison et aux injonctions de Lamentor, faisait obstacle à la liberté qu’avaient les femmes de sortir. C’est pourquoi Aonia pendant longtemps ne parut pas, pour que Binmarder pût au moins ressentir ce plaisir que la seule vue procure à ceux à qui le reste fait défaut. Pourtant déjà, tous les gens de la maison le connaissaient.
Ils l’appelaient le berger à la flûte, parce qu’il l’avait toujours avec lui, car il l’avait choisie comme remède à sa douleur, après avoir abandonné son nom. Aussi c’est ainsi que, souvent, tantôt sur la berge de cette rivière, tantôt par les hautes futaies qui ajoutent, comme vous le voyez, au charme de cette vallée, il allait jouant de la flûte et chantant des paroles de berger, car c’était le seul plaisir qui le consolait un peu de son mal, pour épancher son cœur si occupé de pénibles pensées.

Commenter  J’apprécie          10
- Il me semblait, ma fille, que votre mère vous avait laissée à moi pour me consoler un peu de la douleur qui toujours m’accompagne. A présent me voilà contraint à une nouvelle douleur, alors qu’il n’est pas en moi de nouvelle place où je puisse la recevoir.
Et, comme à ces mots les larmes coulaient déjà sur sa barbe respectable, elles provoquèrent celles d’Arima. Mais il se détourna, se reprit, en chevalier qu’il était, et séchant vite ses yeux, il lui dit pour la consoler, voyant ses larmes à elle couler aussi :
- Ne pleurez pas, ma fille, car ainsi vous vous navrez le cœur. Tant de larmes ne conviennent pas à votre beauté, que, même ainsi, sans pleurer, vous ne pourriez retenir aussi longtemps qu’elle ne s’en aille avant que vous l’ayez souhaité, car le bon temps ne s’attarde pour personne. Allez à la cour, où on ne pratique que des plaisirs, vrais ou feints. Laissez à votre père les peines, puisque pour elles il est né, car vous, vous avez dû naître pour autre chose, si la beauté ne vous a pas été donnée en vain.
Commenter  J’apprécie          10
Le peu de temps que j'ai vécu, j'ai appris qu'il n'y a pas de tristesse chez les hommes. Seules les femmes sont tristes: car les tristesses, lorsqu'elles ont vu que les hommes allaient d'un coté et de l'autre (puisque souvent ce qu'affecte un continuel changement soit se disperse, soit se perd) et que leurs nombreuses occupations leur prenaient tout leur temps, se sont tournées vers les pauvres femmes, parce que les changements les fatiguaient, ou parce qu'elles ne savaient pas oú se réfugier. (...) Ainsi nous souffrons deux maux: un que nous supportons, et l'autre qui n'était pas fait pour nous.
Commenter  J’apprécie          10

Dans la catégorie : Littérature portugaiseVoir plus
>Littérature (Belles-lettres)>Littérature espagnole et portugaise>Littérature portugaise (227)
autres livres classés : littérature portugaiseVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus

Autres livres de Bernardim Ribeiro (1) Voir plus

Lecteurs (14) Voir plus



Quiz Voir plus

L'Ecole des Femmes, Quiz

En quelle année à été écrite L'Ecole des Femmes?

1660
1662
1670
1673

7 questions
290 lecteurs ont répondu
Thème : L'École des femmes de MolièreCréer un quiz sur ce livre

{* *}