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EAN : 9782226240774
288 pages
Albin Michel (02/04/2012)
4.33/5   9 notes
Résumé :
Des siècles de traditions idéologiques ont enfermé l'islam, l'assimilant à la seule soumission à un Dieu dont les hommes ne seraient que les serviteurs - créatures supérieures aux autres, certes, mais dénuées de tout libre arbitre. Et si l'islam était au contraire la chance pour l'humain de naître à sa pleine souveraineté, en tant qu'héritier d'un véritable pouvoir divin ?

Si être musulman ne signifiait pas se soumettre éternellement mais au contrair... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Après le choc causé en France et ailleurs par les crimes horribles, la folie barbare et l'hystérie fanatique des terroristes islamistes, la consigne générale, claironnée par tous les leaders d'opinion et répétée à l'envi, est : « PAS D'AMALGAME ! » Surtout, ne pas tomber dans le piège, ne pas stigmatiser toute une communauté, ne pas cliver la nation, ne pas rajouter aux dissensions et aux ségrégations, ne pas céder aux fantasmes d'une guerre des civilisations… Oui, bien sûr, pas d'amalgame... Et pourtant… N'y a-t-il vraiment aucune responsabilité de l'islam, qui enfante en son sein de tels monstres ? N'y a-t-il pas à réinterroger cette religion, qui semble souvent faire meilleur ménage avec l'oppression et l'exclusion qu'avec la liberté et la tolérance ?

Abdennour Bidar, philosophe musulman (aujourd'hui chargé de mission auprès du Ministère de l'Education Nationale sur les questions de laïcité), n'hésite pas, pour sa part, à enfreindre la consigne unanime et à transgresser l'interdit. Il a publié en octobre dernier, dans l'hebdomadaire Marianne, une très belle et très courageuse « Lettre ouverte au monde musulman » (qu'on trouvera sur internet), dans laquelle il invite celui-ci à réfléchir aux bases et au noyau dur de son identité, à ses évolutions et adaptations au cours de l'histoire, à sa place et à son apport dans le monde moderne. Mais ce texte n'est que la manifestation, sur la scène et dans le débat publics, d'un travail philosophique de dix années mené par notre philosophe, pour promouvoir un islam de conviction personnelle plus que d'obligation sociale ou de tradition (qu'il choisit d'appeler « self-islam »), pour définir la contribution proprement musulmane à l'émergence d'un universel pour notre temps, et même pour penser un avenir qui soit à la fois accomplissement et dépassement des religions. L'islam sans soumission (publié en 2008) s'inscrit dans cet effort pour effectuer (à son tour) une sorte d'aggiornamento de la plus jeune des trois religions du Livre.

Cela commence par le constat et l'aveu que presque partout, géographiquement et historiquement, l'islam va de pair avec la soumission (voire la servitude) : au dogme, aux rites, au formalisme, à la tradition, aux autorités, aux hommes… L'auteur l'explique par l'affirmation intransigeante, dans la théologie musulmane, de la transcendance absolue (écrasante) de Dieu : il n'y a aucune espèce de rapport (au double sens de mesure et de relation ou contact) entre le Créateur et ses créatures, entre Dieu et les hommes. D'où la soumission ou la sujétion totale des seconds au premier… qui induit chez eux une soumission généralisée, y compris dans les relations qu'ils ont les uns avec les autres. Mais ce ne serait là, selon notre philosophe, que le résultat d'un dévoiement du Coran, consécutif à l'interprétation qui en fut faite du IXe au XIVe siècles (de notre ère) et qui s'est ensuite figée en orthodoxie. S'engageant donc dans tout un travail d'exégèse, il propose une relecture plus fidèle (selon lui) aux potentialités du texte sacré originel, et très certainement décapante et subversive.

Sans rentrer dans les détails, sa réinterprétation du Coran s'appuie essentiellement sur un mot et un fait. le mot est celui de « khalîf » dans le récit de la création de l'homme (Adam, l'homme générique) : « Je vais établir un khalîf sur la terre » (sourate II, versets 30-34). Khalîf ? Faut-il entendre « lieutenant », « ministre », « légat », « vicaire », « représentant », « vice-roi »… tous termes accrédités par la tradition et qui, désignant en fait un serviteur, renvoient à une logique de la soumission ? Ou bien faut-il traduire par « successeur », « remplaçant », « légataire », « héritier »… ce qui signifierait que l'homme devient, par la volonté de Dieu, dépositaire de la puissance (cognitive et créatrice) de Dieu ? A. Bidar s'engage à fond dans cette seconde voie, négligée jusque-là, en s'autorisant d'un fait (mythique) bien étrange, qu'on ne trouve mentionné que dans le Coran. Après avoir en effet créé l'homme de boue ou d'humus (comme dans la Bible), Dieu demande aux anges, pures créatures de lumière, de se prosterner devant lui en adoration… Fait paradoxal et scandaleux, évidemment, que l'auteur ne peut rationnellement intégrer qu'en multipliant, dans le texte sacré, les relectures et les ouvertures. Ce faisant, il ouvre toute une série de pistes, qui donnent un peu l'impression d'une fuite en avant et qui excèdent en tout cas le cadre de l'exégèse coranique, et probablement aussi les possibilités d'absorption (ou d'acceptation) de la culture musulmane.

• En faisant de l'homme son héritier, Dieu choisit de disparaître et transfère sur lui toute sa puissance créatrice pour qu'il devienne dieu à son tour. Cette « passation de pouvoir » est comme une seconde étape dans la création continue de l'homme.
• Ce qui ne se conçoit qu'en termes historiques : l'homme, d'une part, se perfectionnant progressivement sous la conduite de Dieu et de la religion jusqu'au point où il va pouvoir se créer lui-même (« anthropologie dynamique ») ; Dieu, d'autre part, se développant lui-même à travers l'aventure humaine (« Dieu vivant et en devenir »).
• Les révélations successives (Ancien Testament des Juifs, Nouveau Testament des Chrétiens, Coran des Musulmans) marquent les étapes de ce processus historique et, plus précisément, « le Coran est le testament de Dieu » par lequel Celui-ci se retire ou démissionne et transmet définitivement Son héritage à l'homme.
• Dieu portant l'homme en son sein jusqu'à sa seconde naissance, Allâh est « Matrice » et Mère nourricière, plus que Père la Loi.
• La transcendance divine descend du ciel sur la terre, elle n'est plus dans un Au-delà métaphysique mais dans un En-avant historique. le Coran est le livre qui dit notre avenir (destination et moyens) jusqu'à « l'horizon de l'histoire ».
• Investie de la toute-puissance cognitive et créatrice de sa propre divinité, l'humanité va développer à l'infini (individuellement et collectivement) toutes les virtualités d'avoir, de savoir et de pouvoir qu'elle porte en elle, réaliser ainsi pleinement son khalifat sur terre, faire de l'univers son « Jardin », et même conquérir l'immortalité (sans qu'il soit très clair d'ailleurs, à lire notre philosophe, si celle-ci sera l'ultime victoire pratique d'une civilisation scientifique et technique parvenue à son faîte ou bien l'aboutissement logique et l'apothéose mystique d'une sublimation spirituelle).
• L'islam [ainsi revu et corrigé] est en fait religion de l'Homme (« Allâh pourrait être en réalité le nom de l'homme parvenu à la pleine conscience et jouissance de l'héritage de Dieu », p. 170), celle qui nous fait sortir de millénaires d'aliénation religieuse. Mais une « sortie de la religion » qui ne se ferait pas dans le désespoir et le désenchantement, comme celle (« ratée ») de l'Occident athée et matérialiste, mais au contraire dans l'optimisme et l'euphorie d'un avenir sans limite pour une humanité divinisée.

Dans son entreprise de restauration (pour actualiser et rationaliser sa religion), Abdennour Bidar semble souvent suivre, à son tour, des voies déjà tracées dans les autres monothéismes (Teilhard de Chardin, Bultman, théologiens dits de « la mort de Dieu », etc.)… au risque d'ailleurs de dissoudre ainsi la spécificité de l'islam — dont il veut pourtant exalter la contribution originale à une culture universelle pour notre temps. Mais il bute, à mon avis, sur la pierre d'achoppement de tous ceux qui parlent au nom de l'islam : à savoir, le statut qu'on y réserve à la révélation. le livre sacré en effet est-il reçu directement de Dieu, et comme tel intouchable ? Ou bien est-il témoignage humain (donc imparfait) sur une expérience humaine (donc limitée) du divin (c'est-à-dire sur ce qui en l'homme dépasse l'homme), comme le reconnaissent aujourd'hui la plupart des théologiens juifs et chrétiens ? « La révélation est tout entière d'essence humaine », écrit par exemple Karl Barth. Faute de franchir ce pas décisif, A. Bidar en est réduit à d'étranges contorsions intellectuelles… comme de faire cautionner par Allâh lui-même le mouvement de sortie de la religion dont l'islam lui semble porteur ! Mais même avec cette caution, on ne voit pas comment l'islam réel d'aujourd'hui pourrait se reconnaître dans pareille destitution du Dieu transcendant et dominateur, et dans cet humanisme libérateur. N'est-il pas paradoxal et révélateur qu'on en appelle, in fine, à l'Occident laïcisé pour l'y aider ?

Et ce n'est sans doute pas là le moindre mérite de ce livre brillant et généreux, que nous permettre, dans son audace comme dans ses faiblesses, de mesurer toute la distance qui demeure aujourd'hui entre l'islam, tel qu'il s'est historiquement et officiellement constitué, et les exigences de pensée, d'organisation et d'action du monde moderne.
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L'islam sans soumission de Abdennour Bidar, philosophe français de confession musulmanne, pourquoi une telle déclaration ? Le coran en l'un des versets fondamentaux stipule "Oui nous avons créé l'homme selon la plus parfaite des formes ". Perfection, mais soumission déclare l'auteur s'appuyant sur (II,138) "nous sommes ses serviteurs" et sur (II,139) "Il est notre Seigneur". Cette servitude par mimétisme ou par compensation crée une société soumise: le croyant au religieux, le pauvre au riche, l'étranger et le non-croyant au croyant, la femme à l'homme... Cette soumission serait la cause d'un obstacle, pour les sociétés islamiques, à l'adhésion à l'humanisme universel. En effet les musulmans ont créé leur propre charte des droits de l'Homme en indiquant l'égalité entre les Hommes mais en stipulant la soumission au Créateur. Ce livre est un essai philosophique et religieux (plus religieux à mon avis mais philosophique pour la construction logique), qui tente de sortir l'islam de cette soumission. "Peut-on donner à l'islam les ressources théologiques nécessaires pour remplacer la soumission, non pas par une insoumission dont la religion fait souvent la marque d'une suggestion du diable, mais par une liberté humaine qui s'exprimerait avec le consentement même de Dieu ?" Si effectivement cette soumission religieuse est la cause de la soummission et de la violence des êtres dans les sociétés islamiques, alors cet essai est précieux en vue d'une visée fraternelle universelle. Par une sorte d'exégèse du coran, l'auteur parvient à son objectif s'appuyant principalement sur le verset "Lorsque ton Seigneur dit aux anges: je vais établir un khalifat sur la terre...", khalifat non pas au sens traditionnel de "lieutenant" mais de "héritier". Cet essai, dans sa strucuration en vue du changement de sens et donc de paradigme, a le mérite d'une logique rigoureuse à l'instar d'un exposé philosophique. Ce changement de sens pour cesser la soumission, un héritier est libre et donc sans soumission est au service tout à la fois de la libération des musulmans de la tradition de soumission imposée par les religieux avec l'appui des hommes de pouvoir (dont les monarchies) et également en vue d'ancrer les pays islamiques dans le concert des pays démocratiques. Au regard de cet enjeu noble, l'auteur évitant une révolution, respectant le texte sacré du coran, cet essai, pour cette partie, me semble une oeuvre utile voire majeure.
En revanche, l'auteur étant philosophe, a voulu tirer, dans une seconde partie, toutes les conséquences de cet héritage de Dieu et nous livre une croyance dans un pouvoir illimité individuellement de chaque Homme et en une vie infinie sur notre terre. Cette partie n'apporte rien au regard de l'objectif, le titre du livre, au contraire elle est loin de la rigueur mise en oeuvre dans la première partie, elle ne peut que susciter des oppositions. Si l'auteur a besoin de traiter cette seconde partie pour les croyants musulmans, alors il aurait été plus approprié de le faire dans un ouvrage distinct. C'est bien dommage sans cette croyance de toute puissance de 'Homme, se limitant à l'héritage, nous pouvions tirer un bénéfice pour un humanisme universel. Sans quoi par ailleurs, cet essai non seulement serait utile mais serait un chef d'oeuvre, un tournant décisif. Gageons que cet essai ne sera pas rejeté intégralement pour cette bévue...
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Mêlant philosophie et théologie ancrées dans ses deux cultures et deux systèmes de pensée, les faisant interagir entre-elles, Abdennour Bidar cherche une autre voix pour l'islam et ses co-religionnaire. Une religion libératrice, profitable à tous, universelle, proposer une autre manière de vivre, peu importe les religions des uns et des autres.
Avec patience et pédagogie, il reprend les versets clés du Coran, et notamment la notion de "Khalife", traduit par "lieutenant" depuis des siècles. ALors que le sens même du mot est polyphonique, pouvant signifier "successeur", "héritier"... Toute la relecture de Bidar se fonde sur ce terme et cette idée de succession, soutenue par d'autres versets et par les deux autres Livres des religions monothéistes, qui préparaient eux aussi à la vision d'un homme successeur (avec l'Alliance juive et l'Incarnation chrétienne), ainsi que par des nombreux théologiens et philosophes des 3 religions.
C'est la force de cette démonstration : elle inscrit le Coran dans une continuité sociale et intellectuelle. Pour lui, le début de la sortie de la soumission peut être datée : les soulèvements du Printemps arabes en 2012 : Dieu/Yahvé/Allah se retire tout doucement, tout en donnant à l'homme ses facultés de création et de réflexion. L'homme n'est pas un second ni un esclave mais un héritier. C'est un coup de tonnerre théologique : sortir d'une orthodoxie vieille de plusieurs siècles, figée et figeante, pour partir à la découverte de sa foi et son immortalité (le but ultime selon Bidar).
il prouve que l'on peut sortir de la soumission à Dieu et à une religion sans tuer ni l'un ni l'autre. Qu'il est possible de conserver sa foi et d'en tirer quelque chose de plus, d'en irriguer le monde dans un but de paix et d'égalité.
Puisse t-il être entendu.
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Islam sans Islam ?!
L'imam Ahmed ibnou Taymiya (mort en 728 H.) : « L'islam c'est que le serviteur se soumette à Allah, pas à autre, comme cela est déduit de Sa parole "La ilaha ilAllah". Celui qui se soumet à Lui et à autre que lui est alors polythéiste, et celui qui ne se soumet pas à Lui est orgueilleux. Tous deux sont à l'opposé de l'islam. Tout comme le polythéisme remporte les chrétiens et ceux qui les égales parmi les égarés… » quand bien même ils se revendiqueraient de l'islam.

Le Seigneur des univers a dit dans Son Livre (selon le sens) : { Certes, la religion pour Allah, c'est l'Islam. } [All 'Imrane : 19]

L'imam Qatadā al Bassry (mort en 117) a dit : « C'est la religion d'Allah. L'islam : l'attestation qu'il n'y a de vrai dieu si ce n'est Allah, la reconnaissance publique de ce qui vient d'Allah, ce qu'Il a légiféré pour Lui-même, envoyé avec Ses Messagers et indiqué à Ses alliés. Il n'agréé rien d'autre et ne récompense que par cela. » (Tafsir At Tabari).

L'imam Ibn al Qayiam (mort en 751, soit en 1349 رحمه الله) a dit dans Tariq al hijratayne : « L'islam est l'unicité d'Allah (tawhid Allah), son adoration seul sans associé à Lui, la foi en Allah et en Son Messager, ainsi que le suivi de ce avec quoi il est venu. Celui donc qui n'a pas cela n'est pas mouslim ("musulman"). Et s'il n'est pas mécréant orgueilleux, alors il est mécréant ignorant. »
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"L'islam sans soumission. Pour un existentialisme musulman" d'Abdennour Bidar est tout sauf un livre d'actualité. Car le concept de self Islam, néologisme qu'il a crée, est au coeur de sa réflexion sur la liberté dans l'Islam. Mais l'actualité récente et tragique a rattrapé le livre. Il y a donc une double urgence : le lire et le mettre en débat. Mais qu'y a-t-il de si impertinent à lire Abdennour Bidar ?

C'est que l'auteur nous entraîne à la découverte du Coran, loin du tourbillon médiatique et des diatribes des pseudo-religieux. C'est salutaire. le philosophe, qui a repris récemment l'émission "Cultures d'Islam", est catégorique : si l'exégèse coranique fixe très tôt le sens de la sourate de la Vache et de son fameux verset "Je vais établir sur la terre un vicaire (en arabe "Khalifa")" en faisant de l'envoyé de Dieu uniquement son serviteur, cette version de l'interprétation coranique est loin d'en épuiser tout le sens. En effet, "khalifa" désigne aussi le successeur, c'est-à-dire que cela autorise de placer l'homme et Dieu sur le même plan. Dans ces conditions, l'homme soumis à Dieu et l'homme faisant les volontés de Dieu sur terre, ne sont plus que des fictions.

C'est au prix de cette relecture eclairée qu'un exsitentialisme musulman peut voir le jour et permettre la conciliation de la liberté et du texte sacré.

Abdennour Bidar invite donc les musulmans et les non-musulmans à se saisir de cette question et à retrouver l'esprit du texte coranique, qui ne fait pas de la soumission aveugle l'alpha et l'oméga de la pensée musulmane.


A lire de toute urgence !
- See more at: http://www.bibliotheques71.fr/content/lislam-sans-soumission-un-paradoxe#sthash.u9ktPjWq.dpuf
Lien : http://www.bibliotheques71.f..
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critiques presse (1)
NonFiction
05 décembre 2012
Une tentative de réinterprétation du Coran pour permettre aux musulmans qui le souhaitent d’oser choisir ce qu’est pour eux l’islam.
Lire la critique sur le site : NonFiction
Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
"Oui, nous avons créé l'homme selon la plus parfaite des formes." Lorsqu'on lit ce verset du Coran, il semble à première vue que l'islam donne à l'homme une place éminente dans l'univers. L'expression de "plus parfaite des formes" résonne en effet comme un éloge des facultés propres de la nature humaine, son intelligence, son imagination, sa volonté, etc. Ce sont elles qui s'installent logiquement au sommet de la création divine et font de lui la meilleure des créatures de Dieu.
Mais derrière cette valorisation apparente se cachent en réalité de redoutables problèmes, dont l'humanisme islamique peine à sortir pour produire l'éloge de la grandeur de l'homme que ce verset semblait promettre. Car la meilleure des créatures, si parfaite soit-elle et quelle que soit sa supériorité vis-à-vis des autres êtres créés, n'est jamais qu'une création condamnée en tant que telle à servir son Créateur, c'est-à-dire soumise à l'intelligence et à la volonté d'un Etre infiniment plus puissant qu'elle-même.
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Est-il maintenant si impensable d'interpréter la proclamation "Je vais établir un khalîf sur la terre" comme synonyme de la décision de Dieu de prendre l'homme comme son successeur? Il se pourrait ainsi que le Coran nous fasse assister [...] à une véritable scène de passation de pouvoir, à un transfert de souveraineté de Dieu vers l'homme...
Pensons ici, comme mise en image parfaite de cette description coranique, à la fresque peinte par Michel-Ange sous la voûte de la Chapelle Sixtine : Adam et Dieu face à face dans une situation de symétrie corporelle suggérant leur égalité, leurs index tendus l'un vers l'autre comme pour se toucher et se désigner mutuellement, et comme si la main de Dieu, effectivement, venait ici transmettre à celle d'Adam l'énergie d'une puissance plénière sur l'univers.
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Comme l'avait bien vu René Girard autrefois, le sacré assouvit ainsi la violence inscrite dans la nature humaine en lui trouvant une "victime émissaire " que son rituel ou son ordre aura pour fonction de sacrifier: c'est ainsi qu'en terre d'islam, cette violence naturelle en l'homme a trouvé dans le système culturel de la religion un double assouvissement, "masochiste" dans la servitude théologique que tous subissent, "sadique" dans celle qui est infligée par les puissants, souvent "au nom de Dieu ", à tous les autres - femme, le sujet du pouvoir autoritaire, le croyant obéissant aux religieux.
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Notons que cette différence considérable entre judaïsme et christianisme d'une part et islam d'autre part a eu deux conséquences décisives dans les processus de constitution respectifs de ces univers spirituels :
1- La valorisation suprême de la vie morale. Dès lors, en effet, que l'image de Dieu est déposée en l'homme, que Dieu habite en lui, porter secours à l'autre humain a valeur de prière à l'Autre divin, dont l'altérité devient tout de suite dialectique d'une proximité et même d'une identité avec l'être humain... "Opprimer le faible, c'est outrager son Créateur ; c'est l'honorer que d'être bon pour les malheureux "...
2- La richesse du thème de la vie intérieure et de l'introspection dans le judaïsme et le christianisme et sa pauvreté relative dans l'islam, malgré la littérature et l'expérience ascétique et mystique sur le sujet... Par comparaison, lorsque l'image de Dieu réside en l'homme, cela ouvre la voie à une dialectique excessivement riche entre l'intérieur et le supérieur: aller vers lui, c'est revenir vers soi, et inversement...
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Plusieurs motifs s'enchevêtrent pour expliquer l'incapacité de l'islam à se saisir de cette idée d'héritage. Et il semble que nous tenions là la raison fondamentale pour laquelle l'islam a été une civilisation qui s'est "éteinte " si vite, après s'être répandue de façon si foudroyante et si universelle, pour entrer ensuite dans une période de glaciation - morale, philosophique, spirituelle - qui dure depuis le XIII ième siècle.
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