Ma nuit au musée propose à un écrivain une expérience unique, seul dans un musée, la nuit. Après
Kamel Daoud,
Lydie Salvayre,
Adel Abdessemed avec
Christophe Ono-dit-Biot, Santiago Amigorena mais aussi Lénonor de Récondo, c'est
Enki Bilal qui a tenté et réussi l'expérience. Depuis,
Bernard Chambaz,
Leila Slimani,
Zoé Valdès et Jakuta Alikazovic ont pris le relais.
Immense auteur d'albums de bande dessinée mais aussi scénariste et cinéaste,
Enki Bilal nous avait présenté cette expérience en ouverture des Correspondances de Manosque 2020. J'avais laissé son livre dédicacé de côté et je m'y suis enfin plongé pour ressentir toute l'originalité d'un vécu, à l'intérieur du Musée Picasso, à Paris.
Au moment où cela se passe, le musée est en pleine thématique Guernica. Un simple lit de camp est installé pour permettre à
Enki Bilal de prendre un peu de repos mais ce lit se transforme vite en baignoire de Marat assassiné par Charlotte Corday : le Meurtre (1934).
Cette nuit, le nu est de rigueur : l'auteur est nu, Picasso, Dora Maar, Goya, les femmes et le bébé venant poser pour Guernica sont nus aussi.
Nu avec Picasso,
Enki Bilal, après avoir été happé par une main invisible, marche dans le noir, dans le silence et pense aux prisons franquistes. La première oeuvre qui prend vie devant lui, c'est La femme au vase (1933), bronze impressionnant de Picasso. Alors que l'odeur de la mine de plomb s'impose, odeur qu'il aime bien,
Enki Bilal voir
La femme qui pleure (1937). C'est Dora Maar, grande artiste, qui est là aussi, avec son appareil photo, et l'accompagne. Bien sûr, l'auteur de Bug dessine et illustre superbement ce petit livre. Il dessine même Hitler à la manière de Picasso, ce que ce dernier n'a jamais fait.
Enfin, avec l'arrivée d'Akilino et du Minotaure, c'est Guernica qui s'impose alors que Goya passe par là car
Pablo Picasso aurait été très inspiré par El tres de mayo (1808) pour son tableau dénonçant la meurtrière alliance entre Franco, Hitler et Mussolini. Si Goya ne connaît pas ces personnages de sinistre mémoire, Dora Maar intervient et lui glisse que c'est un peu comme Napoléon pour lui.
Entre temps,
Enki Bilal a dessiné Marx,
Lénine, Staline et Mao et parle d'autres dictateurs. le bruit des stukas s'amplifie, celui des bombes aussi. L'auteur s'identifie à un modèle devant tenir une pose impossible pour le peintre qui fait poser aussi ces trois femmes, ce bébé, le Minotaure, Akilino, pour un tableau voulant alerter le monde sur un désastre à venir encore plus terrible.
La tension est à son comble. Il faut sortir, se retrouver dans la rue, en jean, et terminer cet écrit très original, mêlant imaginaire, réalité, art, le dehors et le dedans des artistes.
Nu avec Picasso est une belle petite réussite pour Ma nuit au Musée (Stock), réussite bonifiée par les dessins signés
Enki Bilal, le tout motivant un retour devant les oeuvres ayant particulièrement impressionné l'auteur puisqu'elles ont repris vie devant lui.
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