Je connaissais déjà ces deux auteurs séparément, notamment pour des ouvrages classés "jeunesse", et voilà que pour notre plus grand bonheur ils s'associent pour cette duologie, formée de "
Et je danse, aussi" suivi par "
Oh happy day". Alors certes ce premier opus est paru il y a déjà cinq ans, j'eusse pu le lire bien avant. En plus il figurait en bonne place dans la plupart des Cdi de lycée où j'ai "oeuvré" (bien qu'à mon sens il ne s'adresse pas vraiment à des ados, ni même à des jeunes adultes). Pourquoi l'avoir ignoré si longtemps, me demanderez-vous ? C'est totalement irrationnel, mais je pense que j'avais peur d'être déçue. Je savais qu'il s'agissait d'un roman épistolaire, mais sous forme de mails, et je me disais vaguement que ce serait de l'écriture bâclée, de moindre qualité en quelque sorte. Ah, préjugés, que d'occasions ratées en votre nom ! Mais puisque me voilà à vous adresser "ces petits signes noirs", c'est que j'ai finalement su passer outre mes résistances, et bien m'en a pris. Déjà ces mails pourraient parfaitement être de "vraies" lettres pour la plupart, ni abréviations ni écriture façon sms, mais de belles phrases bien tournées, un vocabulaire riche et mélodieux (oui, j'ai vraiment trouvé ces messages très musicaux, tant par le rythme des mots que par certaines références), un crescendo dans l'intensité de la relation entre
Pierre-Marie et Adeline, bref tout ce qu'on trouve dans un bel échange épistolaire "classique". Ma vision des deux personnages principaux a évolué tout au long de ma lecture, au début je voyais
Pierre-Marie comme l'écrivain prétentieux à qui son prix Goncourt a fait enfler les chevilles, et qui, bien que n'écrivant plus depuis des années continue à se sentir bien supérieur à ses humbles lecteurs. Quant à Adeline, elle me faisait un peu pitié à s'accrocher, à insister pour qu'il daigne jeter un regard à ce qu'elle lui avait envoyé. Mais j'ai très vite sympathisé avec chacun d'eux,
Pierre-Marie s'est humanisé, et Adeline m'a prouvé qu'elle avait quand même de la ressource, malgré sa fâcheuse tendance à s'auto-dénigrer ! Et quel humour ! Mes zygomatiques ont bien travaillé pendant ma lecture, et pourtant ils étaient plutôt en berne ces derniers temps !
Mais il ne faut pas s'y tromper, il n'y a pas que de la légèreté dans ces échanges, la vie de nos deux héros n'étant pas faite que d'aimables considérations sur leurs occupations et le paysage alentour. On y évoque également des pertes cruelles, des deuils, des séparations pas digérées et de grandes tristesses. D'ailleurs le point de départ de cette correspondance est justement lié à l'une de ces situations dramatiques, mais de demi-vérités en atermoiements, on n'en comprendra le fin mot que dans le dernier tiers du roman.
Les personnages secondaires, avec lesquels
Pierre-Marie échange également quelques messages, contribuent à donner un contexte, une épaisseur à l'histoire, c'est grâce à eux que l'on découvre certains éléments du passé (je pense notamment à Gloria, belle-fille de
Pierre-Marie), ou que l'on cerne mieux sa personnalité (les échanges avec Max et sa Josy, hilarants !) La seule qui ne m'a pas enthousiasmée, c'est Lisbeth, la saute-au-paf dont je n'ai pas compris l'utilité...
Par contre j'ai mieux compris au fur et à mesure que j'avançais dans le roman cette couverture qui me semblait plutôt étrange à première vue avec ce poussin, cette vieille radio, ce vélo et cette carte à jouer...tout fait sens après coup ! Et à peine tournée la dernière page, je me suis ruée sur "
Oh Happy day", où j'espère retrouver l'atmosphère délicieusement complice des échanges entre Adeline et
Pierre-Marie.