Dès que la vieille cloche de l'église du Masselot se met à sonner les hommes se rassemblent autour du clocher pour prendre une décision la concernant. Quelle décision ? Personne n'est d'accord. Elle ne vaut pas la peine que l'on s'intéresse à elle cette vieille cloche rouillée, sans battant, suspendue à des ruines de pierres et de broussailles, mais les habitants tremblent : chaque fois qu'elle s'agite, elle apporte le malheur, elle semble leur jeter un sort. Brutus et Mélanie en ont fait les frais, leur fils Marco a été tué sous leurs yeux par une balle perdue. Puis vint le tour de Jean Noirac avec la mort de sa femme, Marine, après que la Perceval a carillonné durant toute une semaine. du jour au lendemain, la fillette Marion Caut est prise d'un mal inconnu qui la cloue au lit...
Bien qu'il doute parfois, Brutus ne croit pas aux pouvoirs maléfiques de la cloche, il veut la faire taire, d'autres ne veulent pas, ils craignent qu'elle sévisse davantage, la Perceval est la cloche du diable. Quand elle se tait, le silence en oppresse quelques-uns.
À cause de la Perceval, les habitants du Masselot voient le mal partout. Chacun épie son voisin, se cache derrière des rideaux de verdure pour espionner et relève toutes sortes de mauvaises actions imaginées.
Le Drôle, fils de la Nerrine, né de père inconnu, est le seul personnage heureux de vivre. Il a douze ans, un raisonnement d'adulte, il chante toute la journée, sa magnifique voix fascine. Jean Noirac pleure lorsqu'il l'entend, tant son émotion le submerge. Les langues de vipère laissent planer à mots couverts leurs soupçons de paternité sur Brutus, l'homme et l'enfant se comprennent, s'entendent à merveille, ils ont la même force de caractère, le même esprit de décision. Pour Brutus, le Drôle ressemble à Marco.
Le livre est plein de poésie, de belles descriptions de la nature, de sentiments que ces paysans du bout du monde n'expriment pas mais que l'on devine. Au Masselot, il y fait froid, la nature est menaçante, les familles vivent repliées sur elles-mêmes, la vie se passe à besogner, le travail est exécuté entre médisances, petites joies discrètes, chagrins enfouis au plus profond de soi. Ces hommes sincères ont une âme, ils sont attachants par leur droiture, leurs fourberies, leur impulsivité, leurs émotions retenues ou explosives.
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Cet après-midi, tout est neuf au Masselot. Finalement le ciel se dégage, le soleil illumine les collines et grille les premiers foins coupés la veille. Les hirondelles tournent autour du clocher et réparent les nids de l'été dernier.
(p.88)
- File, je te dis, ou je te fous un coup de pied au cul ! explose Brutus.
Le Drôle sort, la tête basse. La pluie s'est transformée en un crachin pénétrant et froid. Il marche jusqu'au bois de hêtres en contrebas de sa maison. Ses pas sont lourds ; un sanglot lui noue la gorge.
(p.207)
Jules Janson ne bouge pas. Il a les lèvres humides, le regard perdu. Jeanne s'emporte :
- Mais qu'est-ce qui m'a fait un homme pareil ?
D'ordinaire il se rebiffe, crache sa hargne en flots de paroles méchantes. Ce matin, il se tait.
(p.107)
Comme il l'avait prévu, Brutus s'est mis en colère :
- Qu'est-ce que vous avez à tourner en rond ? Et pourquoi me regardez-vous comme ça ? C'est bien vous qui m'avez demandé de l'arrêter, cette cloche de rien du tout !
(p.108)
Le Drôle passe l'après-midi à chercher Brutus. Il suit la rivière sur plusieurs kilomètres. Il erre dans le bois, traverse des prés, des champs. Par moments, il appelle Brutus de sa voix claire, mais rien.
(p.240)
La dernière nuit de Pompéi - Gilbert Bordes