C'est une série de nouvelles fantastiques où l'auteur imagine l'immortalité, s'interroge sur la mort et les doubles, les effets de miroir, l'existence d'un ou de plusieurs dieux, le labyrinthe, lieu où l'on se perd pour méditer mais aussi allégorie de la pensée, l'univers, le sens de la vie tout cela souvent inclus dans de courtes biographies.
« Juifs, chrétiens, musulmans confessent l'immortalité, mais la vénération qu'ils portent au premier âge prouve qu'ils n'ont foi qu'en lui, puisqu'ils destinent tous les autres, en nombre infini, à le récompenser ou à le punir. »
Il semble qu'en littérature le temps soit aboli et qu'avec la nouvelle «
l'Aleph », tout soit dans tout et réciproquement.
« Il précisa qu'un Aleph est l'un des points de l'espace qui contient tous les points. »
Des images obsédantes se font jour (« le Zahir ») et l'on perd le sens des « réalités » ou au contraire on perçoit l'univers dans son infini («
l'aleph ») et
le lecteur, comme l'auteur, est semblable à un dieu omniscient. Les références littéraires sont nombreuses, le propos est érudit, on n'oubliera pas que
Borges fut bibliothécaire, comme le Jorge de Burgos du « nom de la rose » qui est une allusion directe d'
Umberto Eco à l'auteur. On pense, à la lecture, aux textes érudits, philosophiques, poétiques et contemplatifs de
Quignard.
On voyage dans l'espace (Allemagne, Angleterre, Italie…) et dans le temps. On fait allusion à
Homère, aux auteurs latins et grecs, aux divers textes sacrés. Par exemple les lecteurs des Mille et une Nuits ont pu voir qu'un épisode de «
Sindbad le Marin » ressemblait fort à l'Odyssée.
« Il est étrange que celui-ci [
Homère] copie au XIIIe siècle, les aventures de Sindbad, d'un autre Ulysse, et qu'il découvre, au détour de plusieurs siècles, dans un royaume boréal et dans un langage barbare, les formes de son Illiade. »
Borges connaît très bien la poésie anglaise ancienne et notamment Tennyson :
"Tennyson a dit que si nous pouvions comprendre une seule fleur nous saurions qui nous sommes et ce qu'est le monde. Il a peut-être voulu dire qu'il n'y a aucun fait, si humble soit-il, qui n'implique l'histoire universelle et son enchaînement infini d'effets et de causes."
Difficile ensuite de parler des autres textes qui s'illuminent au présent de la lecture et font cogiter
le lecteur comme cette descente dans la cave où se trouve
l'Aleph qui ressemble tant à la descente de
Dante dans l'Enfer d'autant que le narrateur cherche à retrouver une Beatriz récemment disparue et dont il était amoureux. Il est guidé par le cousin de celle-ci qui écrit un poème général sur le monde. le livre regorge d'allusions de pensées à méditer, de références érudites.
Être ou n'être pas semble, à la lecture de l'ouvrage, une seule et même entité, comme un effet de miroir entre deux mondes et notre intelligence s'en trouve ainsi multipliée.
Ma première incursion dans
Borges et je me suis pris une grande claque. Je chercherai volontiers à en lire d'autres.