Qui dit mauvaises pensées chez Lou, jeune auteur angoissée, dit phobies d'impulsion, cette peur de passer à l'acte, de tuer l'autre, qui en psychologie reste le plus souvent au stade de névrose.
Une Lou, donc, que l'on dit "tendre" mais qui se sent mauvaise aux mauvaises pensées vis à vis du père (référent et absent à la fois) ou de M. (soignée par la même psy) se confiant à sa thérapeute " élégante", "jolie et douce", idéalisée. Une Lou qui porte le symptome de sa famille.
"J'ai peur de devenir un assassin".
Long monologue-confession, remontée dans l'enfance et les souvenirs d'Algérie, épluchage des couches successives jusqu'au pépin central(le moi dans l'autre, les "romans dans le roman","les phobies dans les phobies"), démultiplication de ses propres facettes dans le miroir imposé par les différentes figures féminines de l'entourage et surtout de la mère dont elle reste dans le désir.
Les mauvaises pensées (prix Renaudot 2005) semble expulsé et non écrit. Débit très rapide d'une Lou narcissique qui joue du je, plus que de raison.
J'avais chroniqué
Poing mort, très poétique mais trop psychotique (le personnage bien sûr) à mon goût. J'ai par contre apprécié la capacité de
Nina Bouraoui d'écrire dans des styles différents. Ici, le lecteur, positionné en voyeur, assiste à une séance sur le divan, dans laquelle la patiente vide son sac de violence contenue pour retrouver sa propre identité, d'où l'intéret psychologique.
Sont abordés également les fragiles limites du réel et l'imaginaire, l'écriture en tant que "sexualité" et "exposition de l'intimité"; le livre enfanté dans le transfert par rapport au thérapeute, "les livres buvards" de la famille,les livres "forteresse" érigée autour de la mère, la perte de l'écriture qui s'en vient parfois sans avertir et dont le vide se comble dans la lecture, la "haute jouissance" des mots.
Bref, un livre éclairant dans lequel chaque manieur de mots peut piocher son bonheur.
Nina Bouraoui, née de père Algérien, enrichie de deux cultures opposées, est l'auteur de nombreux romans dont
La voyeuse interdite( qui a été couronné par le prix Livre Inter 1991).