L'amour a toujours régi le monde.
Oui je sais, c'est une drôle d'entrée en matière pour évoquer le nouveau Anonyme où l'ultraviolence côtoie à chaque chapitre des conneries plus grosses que Sanchez.
Et pourtant voici quelques livres déjà que notre gras barman du Tapioca file le parfait amour avec Flake, l'adage "les contraires s'attirent" semblant avoir été inventé spécialement pour leur improbable couple.
Elvis, sosie de la célèbre rock star, continue à être entiché de la très libérée Jasmine, ancienne prostituée et seul transfuge restant du roman Psycho killer.
Rodeo Rex s'est quant à lui rapproché de Sally, policière nouvellement arrivée qui essaie de s'intégrer à notre petite bande de joyeux lurons.
Mais rassurez-vous, on est toujours beaucoup plus proches des feux de l'enfer que des feux de l'amour.
Souvenez-vous de J.D, le
Bourbon Kid pour les intimes : ll a à l'inverse perdu Beth, son amour d'enfance, dans l'excellent
Que le diable l'emporte.
Probablement mon roman préféré de la saga qui, outre toutes les bêtises habituelles de l'auteur, avait également réussi le tour de force de remettre en perspective tout l'univers fantastique créé par l'auteur.
Ainsi, le
Bourbon Kid n'est pas content du tout et même Scratch, le maître des enfers, n'est pas à l'abri de la vengeance impitoyable du Kid après son acte odieux.
Et la meilleure défense, c'est souvent l'attaque.
Santa Mondega commence donc exactement au moment où s'achevait
Que le diable l'emporte, avec une intrigue de cinq cent pages qui ne tient pourtant qu'en une phrase : Afin d'être le premier à se débarrasser de ses ennemis Scratch va faire alliance avec des créatures ou des criminels de choix et frapper le premier les amis de son ennemi juré jusqu'à l'esseuler totalement. Ainsi se joindront à lui des hordes de squelettes et de cannibales, les pires chasseurs de prime du pays ( un adepte du kung-fu, un autre de la hache, sans oublier les frères Bâtard ), la redoutable sorcière Trixie et enfin Barazima.
Rien à voir avec son homonyme russe sniper pendant la seconde guerre mondiale puisque ici il est question ni plus ni moins que de la grande faucheuse, la Mort incarnée armée d'une épée de feu annihilant tout sur son passage.
"La lame de la faucheuse détruisait tout ce qu'elle rencontrait, qu'il s'agisse d'un humain, d'un fantôme ou d'un ange."
La chasse peut alors commencer, et si elle sera bien évidemment bourrée d'action, d'humour, de tripes fumantes et de fausses pistes, je peux d'ores et déjà vous dire que que tous ne s'en sortiront pas indemnes et que rien n'est écrit à l'avance.
Et comme à chaque fois, j'ai pris mon pied.
Les personnages sont caricaturaux au possible, les situations sont totalement abracadabrantesques, l'apport intellectuel est proche de zéro ... Et pourtant j'en redemande comme à chaque fois.
Peut-être pour ces mêmes raisons justement. Anonyme ose tout, se permet tout, et avec son imagination débordante et son humour dévastateur le lecteur ne peut que se prendre au jeu de la surenchère dans le grand
n'importe quoi et rire aux larmes des mésaventures du diable et de ses soit disant proies, et ce même si des moments gores et surréalistes parsèment tout le roman.
"C'était agréable de déambuler dans la neige et le sang au milieu des dépouilles carbonisées des créatures du mal et des corps démembrés des habitants de la ville."
Bourré de références musicales ( méconnues pour ma part ), le roman donne aussi la part belle à la musique avec de nombreux sosies de chanteurs et chanteuses décédés, de Janis Joplin à Amy Winehouse.
Mais il est davantage encore graphique tant pullulent les allusions audiovisuelles nous permettant de visualiser ou d'interpréter certaines scènes :
- Moments cartoonesques quand des personnages font l'expérience - sans succès - de s'enfuir dans les airs.
- Hommage aux films de série Z quand deux femmes nues courent dans un tunnel, poursuivies par une horde de zombies.
- Allusions directes aux films Jumeaux, Alien, Predator, L'avocat du diable.
On pense à plusieurs séries comme Lucifer, pas seulement en raison du personnage élégant de Scratch, bien plus méchant et ridicule que son alter ego télévisuel mais aussi avec les apparitions aussi brèves qu'inattendues de l'ange Gabriel ou de Dieu himself.
J'ai repensé à Dexter également ( qui aura une neuvième saison ! ). de la même façon qu'on s'attache à ce psychopathe incarné par Michael C. Hall, on adore le
Bourbon Kid, le plus célèbre des tueurs de masse, et son imprévisible violence. Aucune bâche ni dentelle avec lui, ce sont des têtes qui explosent, des membres arrachés, de la torture, mais des actes toujours
dirigés contre les criminels humains ou surnaturels les plus répugnants que la terre ait connu.
Etrangement, il n'est pas le personnage central de sa propre saga, différents protagonistes se partageant la vedette ( à commencer par Sanchez le sombre crétin et Jasmine qui ignore le sens du mot "pudeur" ),
ce qui rend les apparitions de cet homme charismatique, bougon et mystérieux toujours percutantes, dans tous les sens du terme.
Quant aux clins d'oeil littéraire il n'y en n'a qu'un qui m'a immédiatement sauté aux yeux.
Quand apparaît la silhouette encapuchonnée
de Barazima la première fois, la grande faucheuse, j'ai immédiatement pensé à La Mort présente dans toutes les annales du disque-monde de
Terry Pratchett.
CELLE QUI PARLE EN GRAS.
Et j'ai bien écrit "annales" et non "anal" comme l'auraient probablement fait quelques uns des personnages aussi stupides qu'héroïques et attachants de Santa Mondega.
Et c'est pour toutes ces raisons que le livre sans nom et toutes les suites qui ont suivi sont qualifiés d'Ovnis dans la littérature d'aujourd'hui. Impossible de les classer dans un genre particulier. Même parler de thriller fantastique humoristique serait trop réducteur. Tous ces éléments réunis peuvent paraître trop hétéroclites pour former un
ensemble cohérent, on passe sans transition d'une description détaillée d'une grosse commission dans les toilettes d'un hôpital à une course-poursuite, un pacte satanique, des cannibales faisant un festin à
un smartphone faisant office de vibromasseur.
Et si le tout forme bien une histoire qui a sa propre cohérence ( et même désormais une décalogie si on compte Psycho killer et la nouvelle le noël de Sanchez ), c'est juste pour rire.
Même les pires mutilations et mises à mort font sourire, d'autant qu'elles se passent rarement comme prévu.
Je ne crois pas qu'il y ait un seul autre auteur au monde où l'adjectif "bon enfant" me vienne en tête quand je lis des descriptions aussi brutales que sanglantes.
Quant à Sanchez, si idiot, lâche et prodigieusement agaçant par moments en répétant les mêmes travers de livre en livre, il a quand même réussi à me faire halluciner à plus d'une reprise par son machisme et son absence totale d'empathie. Apportant encore à lui seul beaucoup de bonne humeur avec l'obtention du poste de maire de la ville. Et qui d'autre pour se préoccuper davantage du Grochoco refusant de tomber du distributeur que de la sécurité d'un ami entre la vie et la mort ?
Santa Mondega, et les histoires du
Bourbon Kid, c'est tout ça à la fois.
Un cadre complètement barré, des personnages encore plus déjantés qui de plus parviennent à se mettre dans les situations les plus improbables ( et inédites ) qui soient.
On adhère ou pas.
Mais en tout cas ce qu'écrit Anonyme est unique en son genre et personnellement j'adore cette originalité et ce grain de folie.