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EAN : 9782228905862
411 pages
Payot et Rivages (13/10/2010)
4.67/5   3 notes
Résumé :

À quelles conditions un ex-combattant peut-il être amené à renoncer à son ennemi, à comprendre les raisons de son ancien adversaire, à le considérer comme un égal, à entretenir des relations cordiales ou amicales et/ou à développer avec lui une nouvelle relation sur la base d?intérêts partagés ? La question de la réconciliation, qui n?en finit pas de travailler nos sociét... >Voir plus
Que lire après Le Pardon et la rancune. Algérie, France, Afrique du Sud 1954-1991Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Les ouvrages de politique comparée sont rares. Outre les difficultés qu'ils posent aux libraires qui ne savent pas où les ranger, ils peinent souvent à trouver leurs lecteurs que désoriente la confrontation de plusieurs aires géographiques, avec lesquelles ils n'entretiennent pas la même familiarité. Ils posent aussi de redoutables difficultés d'écriture : en amont lors d'enquêtes coûteuses sur plusieurs terrains d'études, en aval dans l'organisation toujours délicate du plan qui oscille entre les deux dangers du balancement pendulaire répétitif et de la synthèse trop réductionniste.
Avec le livre qu'elle consacre aux anciens combattants sud-africains, algériens et français de l'OAS, Laetitia Bucaille se sort admirablement de cet exercice périlleux. On sent que ce livre lui a coûté : ses enquêtes de terrain, en Afrique du sud, en Algérie et dans le sud de la France s'étirent de 2003 à 2009 et son livre n'a été mis sous presse que fin 2010. Mais le jeu en valait la chandelle.
Cette jeune sociologue reproduit la même méthode de travail utilisée dans sa thèse remarquable sur les chebab de l'Intifada, dirigée par Gilles Kepel (publiée aux Presses de Sciences Po en 1998 sous le titre « Gaza : la violence de la paix ») : la priorité donnée à l'enquête de terrain et à l'analyse du discours, le refus assumé d'une posture moraliste, le souci particulier de la voix des femmes … Quittant la Palestine qui aurait constitué un excellent terrain d'étude si la reprise des hostilités n'avait empêché qu'on y discute des voies de la réconciliation, Laetitia Bucaille prend le risque de s'aventurer sur un terrain qui ne lui était pas familier : l'Afrique du Sud où, de l'avis général, Blancs et Noirs ont réussi à fonder une démocratie multi-raciale. Elle compare leur situation à celle des anciens combattants du FLN et de l'OAS.
Ces deux terrains ont en commun de constituer tous deux des sorties de domination coloniale. Mais la comparaison s'arrête là – ce qui pose la question du choix éventuel d'autres terrains (Irlande ? Cambodge ? Nicaragua ? Irak ?). En Algérie, la guerre d'indépendance se solde par une séparation et nourrit la rancoeur. En Afrique du Sud au contraire, les combattants d'hier, obligés de vivre ensemble, n'ont d'autre choix que le pardon.
La priorité donnée à la réconciliation a conduit à modifier le sens de la guerre en Afrique du Sud, à minorer l'héroïsme guerrier des combattants de l'ANC et, symétriquement, la violence raciste des militaires et des policiers afrikaners. « L'élégance » sincère ou calculée de Nelson Mandela a donc eu des effets paradoxaux : certains vainqueurs noirs, incapables de s'insérer, sont des perdants de l'ordre nouveau tandis que certains vaincus blancs, ayant accepté de s'excuser de leurs crimes devant la Commission Vérité et Réconciliation, sont au contraire des gagnants.
Rien de tel en Algérie où la mythologisation du combat révolutionnaire est le socle du régime. L'ancien combattant est honoré, même si la légitimité de ce groupe social est mise en cause par son infiltration, réelle ou fantasmée, d'un grand nombre d'usurpateurs. Quant au combattant vaincu de l'OAS, il a bénéficié d'une amnistie généreuse et d'une réhabilitation de fait dans la société française.
Laetitia Bucaille montre que le temps écoulé ne joue pas en faveur de l'apaisement. La rancoeur des combattants FLN et OAS est toujours aussi forte. Au contraire, la politique généreuse de main tendue de Nelson Mandela a permis tout à la fois la réconciliation et l'oubli, même s'il ne faut pas minorer la distance toujours grande entre Noirs et Blancs.
Mais, paradoxalement, le sort des anciens combattants est le plus enviable là où les blessures ouvertes par la guerre sont le plus mal cicatrisées. Dans les sociétés en pleine réconciliation, les anciens combattants, vainqueurs comme vaincus, peinent à trouver leur place : l'éviction du vocabulaire de la confrontation interdit aux premiers tout récit glorieux et autorise les seconds à réintégrer la communauté nationale. Rien de tel dans les sociétés où domine la rancoeur : tant que subsiste l'ennemi, l'ancien combattant conserve son rôle et sa raison de vivre. Ceux qui réfléchissent à la reconfiguration des sociétés tunisienne ou égyptienne au lendemain des « printemps arabes » auraient tout intérêt à s'en souvenir.
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Ce livre compare deux choix opérés par des nations issues de la décolonisation, l'Afrique du Sud pour le pardon, l'Algérie et la France, dans leurs rapports complexes, pour la rancune (ou rancoeur, selon les éditions). Ouvrage de sociologie comparative, illustré d'entretiens avec d'anciens combattants des deux bords : ANC /policiers et militaires du temps de l'apartheid, FLN/OAS (mais pas d'appelés du contingent, qu'il n'aurait pas été inintéressant d'entendre, mais le livre, déjà bien gros, ne pouvait pas être gonflé à l'infini). L'ouvrage m'a beaucoup apporté et beaucoup appris. Sur les ratés de la nation arc-en-ciel, où la politique d'intégration a visiblement laissés sur le bord du chemin les plus humbles des combattants de l'ANC comme sur les échecs de la politique inverse du gouvernement algérien, entraînant une pléthore des moudjahidin (le titre s'achète aujourd'hui, semble-t-il) et une perpétuation de la rente, étendue aux enfants et aux veuves, ce qui entraîne incurie, corruption et nationalisme exacerbé, avec maintien du mythe d'un soulèvement unanime du peuple algérien contre le colonisateur. Sur le combat dos au mur des anciens de l'OAS, pour obtenir des gouvernements français le maximum d'indemnisation et pour maintenir leur interprétation de la mémoire collective. Toutes choses que l'on n'ignore pas, mais qui vont mieux en étant exposées.
Plus subtilement, j'ai aussi trouvé dans ces interviews l'analyse très fine des rapports de ces hommes à la violence (comment justifient-ils d'avoir été des tueurs, des tortionnaires aussi, quand ils le reconnaissent), de la façon dont ils peuvent dire ou pas la torture subie, de ce qu'on a appelé les « histoires souterraines », les phénomènes d'amitié entre garçons des deux bords, protections, vies sauvées. Et enfin, quasi impossibilité et inutilité de la « repentance ».
Je ne peux que recommander vivement ce livre de 2010 à tous ceux qui, à l'occasion du cinquantième anniversaire de l'indépendance de l'Algérie l'année dernière, ont sincèrement essayé de comprendre la complexité des « représentations » qui se sont mises en place.
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Deux attitudes différentes face à la "décolonisation" : le pardon (Afrique du sud) et la rancune (Algérie). Une analyse comparative brillante des choix opérés par les deux états, des dérives, des avantages, de l'évolution dans le temps. L'analyse s'appuie aussi sur le témoignage des combattants de tous bords. On aurait aimé trouver aussi des appréciations de simples citouens, non engagés dans les conflits
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Très souvent qualifiée de "miracle", la transition négociée en Afrique du Sud a mis fin à l'affrontement entre le pouvoir en place et les mouvements de libération nationale en aboutissant à l'instauration d'un système politique radicalement nouveau. (...) Nelson Mandela a inlassablement recherché les voies de compromis ainsi que le consentement actif de ses anciens adversaires au contrat social naissant.
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Vidéo de Laetitia Bucaille
Benjamin Netanyahu a formé il y a peu le gouvernement le plus à droite de l'histoire d'Israël. Dès mardi dernier, le nouveau ministre de la sécurité nationale Itamar Ben Gvir a foulé un lieu saint de Jérusalem-Est pour y clamer la souveraineté israélienne.
Cet acte résolument provocateur marque-t-il le début d'un nouveau cycle d'affrontements entre isréaliens et palestiniens ?
Pour en parler, Guillaume Erner reçoit Steve Jourdin, historien et le correspondant de Radio France au Moyen-Orient, ainsi que la professeure de sociologie Laetitia Bucaille.
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